Quand on fait le malin, on en tire peu de bien

On peut être favorable à une réforme du système fiscal, incluant plus de progressivité, et considérer que le gouvernement actuel est ridicule.

“75%, 75%, je n’aime pas les riches, même s’ils sont sympas, blablabla.”. Voici résumé la politique fiscale progressiste du gouvernement Ayrault à ce jour. Ah, non, bien sûr, j’oublie l’essentiel, le Conseil constitutionnel n’est pas d’accord avec. Un repère de libéraux droitiers, sûrement des hommes et tout et tout, avec comme seul espoir le retour de Sarko ? Ah, ce serait facile et préparerait bien une campagne populiste de 2017. Sauf que rien de tout cela n’est vrai.

Dans la fiscalité, il y a deux niveaux. Les grandes lignes (les taux moyens, les volumes de recettes globaux, etc.) et le cambouis (qui paie combien, comment, pour être sûr que les objectifs des types en amont soient atteints). Il y a de gens qui par goût, talent ou hasard, font des grandes lignes leur boulot. Et il y a ceux qui font du cambouis leur gagne-pain. Seul un abruti peut penser que les uns valent plus que les autres. Chacun mérite un respect égal. Au PS, en 2012, ni les premiers, ni les seconds ne sont des gens recommandables. Le mec qui a sorti 75% était un malade ou un politicien. En tant que politicien, bravo. En tant que gouvernant, un pitre. Quand les pays les plus progressistes (i.e. dangereusement à gauche) affichent des taux marginaux maximum inférieurs à 60%, il faut être un artiste pour annoncer 75%. L’artiste contrarié mais réaliste se corrige de lui-même et annonce alors que le 75% sera temporaire. Une solution intéressante : elle permet de mettre sous le tapis la vraie réforme du système fiscal (qui arrange les riches) et de ne pas désespérer Billancourt. Non, mais sans rire… à Billancourt, il n’y a plus que des riches et le conseil constitutionnel vient de le rappeler à qui en doutait encore. Car, si les grands stratèges sont audacieux et électoralistes au parti socialiste, la branche ouvrière est d’une nullité absolue. Le conseil constitutionnel a censuré la surtaxation temporaire parce que, figurez-vous, d’après ce que rapporte Libération :

“la taxation incriminée était «assise sur les revenus de chaque personne physique» alors que l’impôt sur le revenu est prélevé «par foyer».”

Non, vous ne rêvez pas, traduit en un exemple simple, cela donne la chose suivante :

“Avec cette taxation, un ménage, dont chaque membre percevrait un revenu de 900000 euros, se trouverait exempté, tandis qu’un autre, dont un seul membre gagnerait 1,2 million d’euros et l’autre rien, devrait l’acquitter”

Oui, on croit rêver. Des types supposés fiscalistes ont réussi ce tour de force, rendant inévitable la censure d’une mesure politicienne exagérée, préalablement sauvée du discrédit par une manipulation de temporalité en dernière minute (que seuls un Depardieu titubant et des footeux… titubants n’ont pas accepté de valider avec soulagement, en attendant de relancer leurs sbires lobbyistes). Comment en est-on arrivé là ? Je ne vois que deux explications : l’incompétence tragique de la gauche millésime Hollande 2012 ou des infiltrés sarkosystes à Bercy. La seconde solution est ridicule, évidemment. En somme, c’est l’incompétence technique la plus ridicule qui, sur un dossier politiquement complexe, a abouti à un fiasco complet.

Toutes ces années d’école avec un grand É pour pareille insuffisance. Toutes ces années de politique pour s’entourer de derniers de la classe finalement avérés. Bien joué les gars. Ça donne envie de mieux payer les footballeurs de L1.

PS : gens de la cellule riposte ou je ne sais quoi de l’UMP, révolutionnaires du Parti de Gauche, si vous relayez ça, n’oubliez pas ce PS. Je juge le gouvernement de la France (et sans complexes, sur ce coup). Bref, pas de récup.

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6 Commentaires

  1. Je sais bien qu’il ne faut pas chercher des explications de malveillance la ou l’incompetence suffit..mais quand meme des fois…

    Surtout quand on dit ensuite qu’il va falloir des mois pour corriger un simple detail.
    http://www.latribune.fr/actualit...

    A ce niveau la je pense plutôt a un sabotage afin de faire oublier la mesure, l’électeur ayant de toute façon la mémoire d’un poisson rouge.

    Car il y a bien une chose pour laquelle nos politiciens sont parfaitement compétents, c’est pour faire oublier leur mensonge/promesse/turpitudes diverses. Et malheureusement, c’est le propre des "democraties" (soit disant) a regime electif.

  2. La censure du conseil constitutionnel masque le débat de fond : à partir de quel pourcentage un taux d’imposition devient confiscatoire, donc immoral et/ou néfaste économiquement?

  3. >à partir de quel pourcentage un taux d’imposition devient confiscatoire

    Faux probleme. Le debat de fond, c’est a partir de quelle remuneration on admet que la concurrence est distordue. Ces remunerations ne sont ni plus ni moins que l’expression d’un monopole.

  4. Je ne vois pas trop le rapport avec le monopole (" situation dans laquelle un offreur se trouve détenir une position d’exclusivité sur un produit ou un service")
    Personne n’est obligé d’acheter du Vuitton / d’aller voir Astérix, pour enrichir Arnault / Depardieu

    Je pose la question du taux d’imposition en termes :
    – de moralité: Quelle est la part de hasard dans la réussite financière vs la part de mérite individuel? plus la part de hasard est importante, plus elle justifie des taux d’imposition progressifs élevés
    – d’efficacité économique : a partir de quel taux, les recettes fiscales décroissent ? (effet desincitatif, exil fiscal)

  5. >Personne n’est obligé d’acheter du Vuitton
    L’etat protege le design Vuitton qui en a donc l’exclusivite.

    > d’aller voir Astérix
    Le matraquage publicitaire par monopolisation des canaux medias grace a l’argent. Par des compgnies a qui on laisse le monopole de diffusion (loi de copyright encor une fois) Sans parler de la diffusion en salle avec monopolisation des ecrans.

    Quand a la liberte du consommateur, elle est somme toute assez faible quand l’essentiel des moyens de production sont hors de son controle justement.

  6. Si la taxe exceptionnelle sur les revenus d’activité est effectivement censurée pour les raisons présentées dans ce billet (considérant 73 de la décision du ConCon), il convient de relever que le Conseil n’élude pas totalement la question du seuil du taux confiscatoire, mais sur un autre volet du PLF (considérant 19) :
    "Considérant que, d’autre part, le taux marginal maximal d’imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies est porté (…) à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013 ; que ce nouveau niveau d’imposition fait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’il est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques".
    On peut donc penser que la censure de la mesure phare se fait, par souci d’éviter la polémique, sur la faute technique grossière de non prise en compte du foyer fiscal mais, à lire le cons. 19, il est plausible que, en l’absence de cette faute, le ConCon aurait malgré tout censuré la "taxe à 75%" en raison de son caractère confiscatoire.
    Je ne sais pas si le fait qu’il s’agisse de retraites a une influence, mais il semble bien que 75% soit jugé comme confiscatoire.

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