On va croire qu’on s’acharne…

Dans le Monde, daté de demain, extrait d’article de Paul Jorion, concernant la hausse du prix du pétrole l’année dernière :

Qui croira que les marchés s’étaient convaincus que la demande l’emportait sur l’offre, alors que le monde plongeait dans la récession ? N’y aurait-il pas plutôt un rapport avec le fait que 80 % du volume sur le marché à terme du pétrole était le fait de spéculateurs ?

Qui le croira? Moi! Mais je ne suis pas le seul. Voici Krugman, expliquant l’année dernière pourquoi la hausse du prix du pétrole n’était pas une bulle menée par la spéculation, mais liée à l’évolution de l’offre et de la demande. Quelques approfondissements à lire ici.. Voici James Hamilton, spécialiste du sujet, qui s’il montre très bien le rôle qu’ont pu jouer des phénomènes spéculatifs dans ladite hausse (développements supplémentaires ici), rappelle que ceux-ci sont mineurs, que les prix pétroliers sont pour l’essentiels déterminés par les fondamentaux, l’offre et la demande.

Il y a donc le choix. Soit se fonder sur l’analyse d’un spécialiste du secteur, et d’un économiste qui a travaillé son sujet, qui concluent que les fondamentaux, à cette période, expliquaient l’essentiel des fluctuations des prix du pétrole (et qui prévoyaient même que les prix élevés du moment n’allaient pas forcément durer) par les conditions de l’offre et de la demande; soit considérer que parce que “80% du volume sur les marchés à terme est le fait de spéculateurs” la hausse de l’an dernier était une bulle entretenue par la spéculation. Le choix n’est pas si difficile à faire.

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Alexandre Delaigue

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15 Commentaires

  1. C’est sûr qu’en se rangeant du côté de Krugman (qui n’est pas lauréat des Ig Nobel cette année mais simple conférencier) on fixe d’emblée assez haut le débat… Et comment une banale tension offre/demande aurait-elle pu provoquer une telle flambée ?

  2. Est-on certain que la consommation de pétrole, même dans un pays à l’économie à peu près libre comme la France varie en fonction du prix du pétrole ?

  3. @ Aerobar: Il y a des liens dans le post (les trucs en bleu clair): suffit de cliquer dessus, fermer sa gueule et essayer de comprendre

  4. Je ne suis pas sûr de bien comprendre. La hausse des prix a eu lieue sans qu’il y ait jamais pénurie. L’AIE table, pour 2050, sur un prix du baril situé entre 30 et 60 $ (au G8 du Japon, en 2008). Parler d’un mécanisme de marché normal, à propos du pétrole, où l’OPEP laisse tout sauf une situation normale de libre-marché, me paraît franchement discutable. Mais bon, je ne suis ni économiste, ni expert, ni journaliste. Quelques éléments supplémentaires d’explication pour le néophyte ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    L’essentiel est dans les liens. Arrêt d’un certain nombre de puits, prospection faible dans les années précédentes, forte demande chinoise.

  5. Certes certes, mais ces articles datent de mi 2008 et n’expliquent pas que dès septembre 2008, les prix du brut qui avaient mis 4 ans pour passer de 30 à 150$/bbl, ont baissé en quatre mois de 150 à 30$/bbl pour ensuite remonter à 60-70$/bbl. La consommation mondiale a "seulement" baissé de 1%.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ils font mieux : ils le prévoient.

  6. Je pense qu’il ne faut pas confondre la spéculation sur les matières premières avec celle sur le pétrole. Le pétrole avait ses raisons (d’ailleurs, elles sont encore valables, d’où la hausse continue du baril avant même la reprise économique,et donc avant que les spéculateurs aient recupéré leurs liquidités).
    Le problème est plus compliqué à trancher sur les matières premières alimentaires et minérales.

  7. Je pense que vous vous trompez : cette affaire est fort bien documentée. Regardez : les commentateurs de votre billet ne s’y trompent pas eux.

    L’article de Krugman auquel vous renvoyez date de juin… 2008, d’avant même le pic du prix du pétrole. Il explique la flambée en termes de « oil peak », voyez ce qu’il en est advenu. Je signerais encore volontiers les billets que j’ai écrits sur le sujet durant l’été dernier – les allégations de Mike Masters furent amplement corroborées – je doute que Krugman accepte d’encore signer le sien !

    Krugman écrit : « Well, a futures contract is a bet about the future price. It has no, zero, nada direct effect on the spot price.” Lors des auditions qui eurent lieu à l’automne aux Etats-Unis, les négociants vinrent dire : « Nous alignons le prix du spot sur celui des contrats à terme ». Krugman est un professeur d’université.

  8. S’accrocher à un article de Krugman écrit au sommet de la bulle, c’est manquer vraiment de clairvoyance !
    Krugman s’est planté royalement, comme tous les "experts" qui prétendent savoir ce qui se passe avec le pétrole. Il l’a reconnu lui-même sur son propre blog, en accusant explicitement les spéculateurs d’être à l’origine de la bulle. Inutile donc de s’accrocher à des pseudos théories démenties depuis longtemps par la réalité !
    Krugman : krugman.blogs.nytimes.com…
    “Oil speculation is back in the news. Last year I was skeptical about claims that speculation was central to the price rise, because what I considered the essential signature of a speculative price rise — physical withholding of oil from the market, in the form of high inventories — just wasn’t showing.
    This time, however, oil inventories are bulging, with huge amounts held in offshore tankers as well as in conventional storage. So this time there’s no question: speculation has been driving prices up.“

  9. @minTAX:
    Krugman n’a pas changé d’avis.
    Il dit que la spéculation n’a joué pas de rôle en 2008 (pas de stocks à cette époque) mais qu’en revanche elle en joue un actuellement (stocks croissants en 2009).

    (Il y a une différence entre prétendre que la spéculation n’a pas d’influence sur les prix à un moment donné et dire qu’elle n’en a jamais.)

  10. @fred,
    Et pourquoi donc la spéculation qui joue un rôle maintenant à 70$/baril ne pourrait pas en jouer pas lorsque le baril était à 147$ ? C’est pas logique votre raisonnement manichéen!

    D’ailleurs, si on regarde l’indicateur du stock utilisé par Krugman pour prétendre expliquer le prix du pétrole, dans le détail et non juste en se contentant de formules creuses comme "gros stock inexistant", "stock débordant" (inventories are bulging), on s’aperçoit que sa logique primaire ne tient pas la route.
    En effet, le stock lors du sommet de la bulle en été 2008 est le même que celui 6 mois plus tôt. Et il est à peine 5% plus bas que maintenant. Bref, en 2008 ou maintenant, les stocks sont tout à fait dans la fourchette des variations normales depuis des années (autour de 30 jours de conso) donc on est très très loin du stock zéro pour justifier un passage du simple au double du prix du baril, cf http://www.eia.doe.gov/emeu/inte... (lignes World oil balance).
    Il est d’autant plus absurde de nier le rôle de la spéculation alors que la bulle avait touché tous les commodities dont les fluctuations de stocks sont sans importance sur le prix puisque produits en flux tendus (acier, charbon, cuivre, métaux rares…).

    Bref, si un investisseur devait se fier à l’indicateur simpliste de Krugman (le niveau de stock) pour expliquer le prix du pétrole et arbitrer ses achats, il y laisse sa chemise. Et il y laissera sa chemise s’il continue à écouter ce genre "d’expert". Mais les conseilleurs ne sont pas les payeurs et les gens qui placent leur argent eux, savent très bien qui écouter.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Etrange que personne ne commente James Hamilton. C’est bien la peine de mettre des liens, tiens…

  11. "Etrange que personne ne commente James Hamilton. C’est bien la peine de mettre des liens, tiens…"
    ———————-
    @Alexandre,
    Mais votre lien sur Hamilton est également périmé ! Votre bon professeur laissait entendre que la hausse prix du baril s’expliquait par le principe de Hotelling ("If you believe, as I do, that the Hotelling principle has now become a factor contributing to oil prices") et que les prix (stratosphériques) des contrats à termes du pétrole étaient justifiés par les fondamentaux, notamment par l’incapacité de l’Arabie Saoudite à jouer son rôle de swing producer (une vieille lune perpétrée depuis au moins l’an 2000 par un des escrocs de la confrérie peak-oiliste Matt Simmons et répétée tellement souvent que ça finit par devenir Vérité pour le professeur qui pourtant ne croit pas au peak-oil !).

    En gros, il laissait entendre, dans une parlance propre aux intellectuels dans leur bulle (sans jeu de mot) et tellement alambiquée que ça ferait honneur à Greenspan, que les zinzins avaient sûrement de bonnes raisons de prendre des futures à 125$/baril car c’est basé sur les fondamentaux (là où il a raison d’insister, c’est que des niveaux de futures aussi stratosphériques ne peuvent qu’inciter les achats au prix de spot, ce qui booste celui-ci au delà du prix basé sur les fondamentaux, mais ça, c’est pas vraiment un scoop vu l’énormité et la soudaineté du volume de liquidité injecté dans le marché dérivé des matières premières).

    Même peine, même punition qu’avec Krugman : 3 mois après son article, le prix du baril entamait déjà largement sa descente à la cave. Imaginez la tronche des investisseurs qui avaient cru aux bons conseils du cher Professeur au moment de dénouer leurs positions qui avaient déjà perdu 50% de leurs valeurs. Et ils ne peuvent même pas s’attendre à ce que ce genre d’expert de salon fasse amende honorable, les conseilleurs, surtout ceux bourrés de diplômes et de titres prestigieux mais qui n’ont sans doute jamais mis les pieds sur un floor ne sont jamais les payeurs et ils sont déjà passé à autre chose pour essayer de faire oublier le fiasco de leur théorie.
    Et c’est ces conseilleurs, qui ont été éclaboussés jusqu’aux oreilles par l’éclatement de la bulle que vous voudriez qu’on croit pour ce qui touche au prix du pétrole, allons, soyez sérieux.
    Vous devriez dire adieu définitivement aux explications simplistes sur cette question et entendre d’autres sons de cloche parfois, par ex. chez Lynch, Grope, Economides, Yergin… Ou investir réellement de l’argent dans les produits dérivés du pétrole. Au moins, ça vous obligera à vous renseigner sérieusement et à réaliser que ceux qui prétendent savoir où va le prix du baril sont de fieffés menteurs.

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