Donnons leur du fric !

L’une des polémiques du moment (je mets cet article en lien, car j’aime bien le titre), ce sont les primes en nature au présentéisme chez les élèves.

 

Des raisons d’être pour :
– Le coût peut-être inférieur au gain. Un élève qui échoue une année ou sort du système scolaire sans diplôme coûte bien plus cher que quelques places au stade Vélodrome. Surcoûts scolaires, perte de recettes fiscales ultérieures et coût social (délinquance, dépression, etc.).
– D’autres pays trouvent ça cool (je veux dire, apparemment, ça peut fonctionner).

Des raisons d’être contre :
– La valeur sociale de l’éducation ne se résume pas à un diplôme. On ne peut pas à la fois fustiger l’avidité des traders et des managers de FT et tout matérialiser. C’est une béquille défendable dans l’immédiat qui pourrait se casser plus tard. NB : Il ne s’agit pas d’un argument moral.
– Les incitations sont-elles bonnes ? Viser la présence a-t-il un effet sur l’effort et la réussite ? Si des raisons réglementaires et pseudo morales dictent probablement de ne pas donner du cash, ne serait-ce pas une meilleure idée ?

On peut ajouter d’autres arguments, décliner ceux-là et pointer les cas spécifiques.
Ah, sinon, oui, il risque d’y avoir des demandes d’arriérés par tous ceux qui sont assidus depuis toujours.

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13 Commentaires

  1. Ca me fait penser au livre "Stratégies absurdes", en particulier le passage sur le fait de payer ses enfants pour réaliser des tâches ménagères.

  2. Oui, n’est-ce pas non plus une manière de légitimer l’absentéisme : "je sèche mais j’en paye le prix en renonçant à mes places au Vélodrome, donc j’ai le droit de sécher"

    Réponse de Stéphane Ménia
    Le truc, c’est que c’est collectif. Donc, même celui qui n’en a rien à secouer de la récompense est soumis à la pression du groupe. On peut s’interroger aussi sur ce mécanisme.

  3. Et pourquoi ne pas plutôt récompenser les bons résultats (le vieux système des bons points) ? Parce qu’on peut très bien venir en classe et ne rien y faire.
    N’empêche que Nicolas Hulot à qui on demandait hier son avis sur le sujet a raison : c’est surtout un constat d’échec, car cela veut dire qu’on n’a pas réussi à motiver ou intéresser les élèves autrement. En plus, cela fait de l’argent une valeur ultime…

  4. Ce système est très "soviétique" dans sa conception de la performance. S’il ne récompense que la mesure des élèves en cours, le résultat sera de n’obtenir que la présence des élèves en cours. Les résultats ne devraient pas changer dans la mesure ou un élève présent en cours peut très bien y aller pour dormir. Au final, c’est comme l’usine de chaussure qui ne fabrique que des chaussures gauches.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Ce n’est pas soviétique, mais utilitariste. Vous trouverez cela dans de nombreuses boîtes capitalistes.

  5. Et si, avec ce système, l’absentéisme augmentait ?

    Dans Freakonomics, l’auteur parle d’une crèche où le nombre de parents en retard pour récupérer leur progéniture a augmenté suite à l’instauration d’un système d’amendes. Et n’a pas rebaissé ensuite.

    La raison, c’est que si on met un prix sur un comportement, on peut éliminer du même coup d’autres raisons "morales" ou "sociales" d’avoir ou de ne pas avoir ce comportement.

    Actuellement, l’absentéiste a sur la conscience le regard plein de reproche des adultes (parents, profs), et le fait de savoir qu’il affecte négativement son avenir (statistiquement et sur le long terme).

    Mettons un prix sur la présence. Peut-être que certains mauvais élèves vont revenir.
    D’autres se diront que même à ce prix-là, ça ne vaut pas le coup de s’emmerder toute l’année. Surtout s’ils font des activités plus lucratives, genre vendre du sh..
    Et puis, il y aura tous les élèves assidus qui se diront qu’avoir un peu de temps libre quand on veut, ça vaut bien le coup de perdre quelques centaines d’euros.

    Payer les élèves, ça serait pas une fausse bonne idée ?

  6. De nombreux parents conditionnent déjà l’argent de poche ou les services divers aux résultats scolaires. Voire, conditionnent la mobilisation du capital familial pour la création d’un emploi à la subornation effective au projet éducatif familial.

    La question intéressante sera de savoir si l’incitation proposée par l’institution pèsera face aux diverses autres since people face tradeoffs.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Si votre argument est de dire que c’est inutile pour les enfants du 16ième (à Paris), je vous suis complètement.

  7. Votre première raison d’être pour est terriblement hypothétique.
    Imaginons ainsi que ceux qui ne viennent pas au cours aujourd’hui, sans doute parce que ça ne les intéresse pas, viennent demain pour l’argent et chahutent. Ils risquent de donner aux autres des idées de chahut, voire simplement d’empêcher l’enseignant de donner cours. Le taux d’échec pourrait non seulement se maintenir, mais même augmenter.

    Réponse de Stéphane Ménia
    “Votre première raison d’être pour est terriblement hypothétique.” Oui, certes. C’est d’ailleurs pour cela que je donne des raisons d’être contre, dont la seconde. Hypothétique aussi.

  8. Ce qui m’interroge, c’est la possibilité dans les classes difficiles de se retrouver avec un ou quelques élèves en position de hold-up vis-à-vis du reste de la classe. Le théorème de Coase faisant le reste, je ne serais pas étonné qu’on se rende compte que certains utilisent cette incitation pour extraire des paiements de leurs camarades qui valorisent plus qu’eux la récompense.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Que veux-tu dire ? Qu’il sera possible de sécher à la marge sans que cela ne pénalise l’ensemble ? Ou qu’il est idiot de payer pour des gens qui seraient venus quand même ?

  9. si il y a bien un domaine ou le long terme est de mise, c’est bien l’éducation. les enfants vont en classe pour avoir "un bon job" plus tard. en tout cas totalement opposé a l’esprit ‘court terme’ qui domine notre société (et qui cause des crash économique). je pense donc qu’il faut garder l’esprit ‘long terme’ des études afin que les élèves capitalise sur eux même au lieu de viser un gain monétaire a court terme

    Réponse de Stéphane Ménia
    Notez que les deux ne sont pas incompatibles si vous supposez que le bon job vient des examens réussis. La vraie question est de savoir jusqu’à quel point un examen réussi est suffisant pour réussir sur le marché du travail (et être heureux dans la vie, plus largement). Au fond, on pose la même question que lorsqu’il est question de rémunérer les enseignants au mérite. Cela a-t-il un sens ? Jusqu’à quel point cela permet-il d’atteindre les objectifs d’un système scolaire ? Là où les divergences sont immenses, c’est justement sur les objectifs à lui attribuer.

  10. En tous cas, cela tente d’éliminer tout free rider: le passager clandestin pénalise la classe dans son ensemble et ne pourra pas bénéficier des "prix" sans avoir été présent(pièces sonnantes ou match de foot, la deuxième incitation pouvant ne pas en être une pour ceux et celles qui n’aiment pas le foot!). Toutefois, cette carotte conserve l’aspect moral à savoir le regard du groupe et la pression mis sur l’absenteiste.
    Toutefois, reste à savoir comment sera mesuré l’absentéisme: plaçons nous au début de la mise en place du système, un élève est absent, que se passe t il alors? Peut il se racheter?toute la classe a perdu sa cagnotte? Si cela se passe en "one shot" (une absence= pas de cagnotte) alors le système semble caduc: aucune amélioration n’est possible, la pression du groupe ne pouvant se porter que sur le fautif, pas sur celui (potentiel tous) qui pourrait être absent.
    j’aurais préféré que la cagnotte soit une amélioration des conditions de travail des gamins, plus de moyens, des journées culturelles à l’opéra…. Bref utiliser des sous que n’ont pas ces établissements pour des activités qui manquent cruellement (le foot n’améliore pas le capital au sens bourdivin des gamins).

    Réponse de Stéphane Ménia
    S’agit-il d’une question morale ? C’est plus un élément socio-économique. En revanche, vous avez tout à fait raison sur les questions de détail du système. Une absence = fin de la cagnotte, c’est le meilleur moyen de tuer l’incitation. Trop d’absences et maintien de la cagnotte, c’est pareil en sens inverse. La question est de trouver le point où poser le curseur. Pour la troisième remarque, ben disons que c’est pas vous qu’on cherche à inciter 😉

  11. @Stéphane : non, je veux dire qu’on va donner à la petite frappe locale le pouvoir de dire « donnez-moi tous 100 €, sinon je sèche et la classe n’a pas le prix à la fin de l’année. ». Théoriquement, il est en position d’extraire tout le surplus de l’opération.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Hum, indeed. Question intéressante.

  12. Personellement, ce qui m’a frappé c’est que le débat sur le fait que les expériences contrôlées soient moralement acceptables un peu été évoqué entre économistes. Or ceci est une expérience contrôlée (Une évaluation de programme scolaire dans l’académie de Créteil évaluée par l’EEP, on le la fait pas à un doctorant de l’EEP, c’est un coup du J-PAL Europe, d’ailleurs: http://www.touteduc.fr/index.php... Bref, le débat dans les journaux ne porte pas du tout là dessus. Donc en fait cet aspect n’à pas l’air de préoccuper le grand public ou les journalistes (à moins que ces derniers n’aient pas compris, ce qui est aussi crédible)

  13. Stéphane: il y a un autre facteur : les élèves choisissant de ne pas aller en cours répondent certainement à des incitations pré-existantes.

    Par exemple, pour certains : aller voir sa grand-mère au bled : pour d’autres : aider son père, sa mère à ceci ou cela (garder des enfants ?), pour celui-ci : devenir champion de monde de World of Warcraft, etc.

    D’où la question posée : que vaut une incitation infime face aux incitations existantes ("people face tradeoffs") ?

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