La lettre perdue

Monsieur le Président, vous me fîtes une lettre, que je lirais sûrement, si j’en avais le temps. Mais, surtout, surtout, si je la recevais, con !

Eh ouai, toujours pas reçu la lettre du Président aux éducateurs. Bon, c’est pô grave, puisque le site du Ministère met gentiment le document à disposition et que j’ai une connexion Internet[1].
Nicolas Sarkozy m’y dit ceci :

Mon cher SM, j’aime beaucoup ce que vous faites, avec votre ami Alexandre. Voudriez vous rejoindre mon gouvernement ? Dans l’école que j’appelle de mes voeux où la priorité sera accordée à la qualité sur la quantité, où il y aura moins d’heures de cours, où les moyens seront mieux employés parce que l’autonomie permettra de les gérer davantage selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux.”

Nos fidèles lecteurs ne seront pas surpris de lire que j’adhère à ce principe.

En l’état actuel des choses, un étudiant de 1ère année de BTS comptable, avec deux langues vivantes, fait des semaines à 34 heures de cours. S’il y a bien un fait stylisé que l’on peut accepter à mon avis, c’est la décroissance de la productivité marginale du travail. Quand vous suivez 34 heures de cours dans une semaine, la 34ème est dramatiquement moins productive que la 15ème. Lassitude, fatigue, dire qu’elle ne sert à rien est presque exact. En revanche, les moyens mobilisés pour assurer l’heure de cours sont constants.
On pourra justement objecter que si un objectif de formation ne peut être atteint qu’au prix de cette baisse de rendement des dernières heures, on ne peut hélas rien faire d’autre que l’accepter. C’est là qu’interviennent deux compléments à la réduction du nombre d’heures. Le premier est la remise au goût du jour du travail personnel (à la maison). Quand des élèves passent plus de 30 heures en cours, on a du mal ensuite à demander autant de travaux personnels qu’on le voudrait. [2] Libérer des heures de cours permettrait de revenir sur cette fatalité et élever la productivité moyenne des heures travaillées[3]. Le second est de cibler les élèves qui ont besoin d’être plus encadrés que les autres. Pour eux, le système actuel est théoriquement bon. Peu productifs quand ils étudient hors du cadre scolaire, une présence plus longue à l’école est utile. Le hic, c’est qu’actuellement, les heures de cours ne sont pas construites autour de leurs difficultés spécifiques, mais autour des difficultés moyennes de la classe. On doit pouvoir faire mieux, non ? Et, en effet, Nicolas Sarkozy propose quelque chose qui ressemble à cela, par le biais de ses études encadrées. On peut être intéressé par le paquet proposé.

Notre Président ajoute que : “Il s’agit d’être plus efficace, non de rationner”. Il devance ainsi l’interrogation que j’ai déjà formulée sur le sens de la rationalisation des moyens de l’éducation nationale revendiquée par la droite depuis 2002. J’attends de voir comment se concrétisera cette volonté.

Notes

[1] Si je l’ai lue en entier ? Sincèrement, non. J’attends la version papier.

[2] C qui est évidemment regrettable, tant ce travail personnel est porteur de développement intellectuel.

[3] Notons que le volume de connaissances à acquérir est supposé rester identique.

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4 Commentaires

  1. Il me semble qu’on devrait analyser le processus par lequel les semaines des élèves se remplissent. J’ai un peu l’impression que c’est exactement ce qui ne marche pas dans l’école : les programmes sont sous l’oeil de lobbys ayant chacun son sujet de prédilection (qui les lettres, qui l’éducation à la citoyenneté, qui le sport). Lorsqu’on dégage du temps, très vite, on se retrouve avec l’opportunité de créer une nouvelle obligation pour satisfaire quelqu’un. Je me demande s’il est possible d’aller à l’encontre de cette logique, et si oui, avec quel mécanisme.

  2. @econoclaste-alexandre

    La meilleure façon de faire évoluer le système est de donner une plus grande autonomie aux responsables d’établissement et en particulier une flexibilité sur le contenu du programme.

    Couplé à une communication convenable et aux choix des parents pour l’établissement de leurs enfants cela entraînera une régulation naturelle par les lois du marché.

    Vous imaginez bien que “donner plus de libertés” ne nous pose globalement pas de problèmes. En revanche, quand on regarde les pratiques internationales qui donnent plutôt de bons résultats, on voit bien qu’au moins jusqu’au supérieur, il y a un référentiel national. Après, il n’est pas forcément très contraignant. Bon, cela dit, vous êtes à côté de la plaque concernant ce post. J’en ai un peu marre des gens qui font des commentaires pour dire ce qu’ils ont à dire. Qu’ils ouvrent des blogs, bordel…

  3. Travailler plus pour gagner plus, bordel ! Nous balancer de la "décroissance de la productivité marginale du travail", pour justifier qu’il faudrait réduire la quantitée de travail des élèves pour avoir plus de résutats, argh, tu imagine avoir le moindre atome de succès avec cela auprès du président ?

  4. "Il s’agit d’être plus efficace, non de rationner"

    Il est quand même un peu curieux d’entendre un président parler de rationalisation de la dépense d’éduc à des enseignants quand on sait que, depuis la dernière décentralisation, ce sont les collectivités territoriales qui définissent les secteurs de recrutement des établissements scolaires, et donc, leurs effectifs (modulo dérogations de carte scolaire), et donc, le nombre d’élèves par classe des établissements, ainsi que le nombre de cours à dispenser dans l’établissement dans le domaine de compétence où l’enseignant est le plus performant, critères qui sont les premiers leviers d’action sur le retour sur investissemnt du salaire donné à un prof, et par là-même, clé d’une éventuelle augmentation simultanée du salaire des enseignants, de leur satisfaction au travail ET des résultats du système éducatif.

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