Pourquoi éconoclaste pourrait s’arrêter un jour ?

Courrier des lecteurs…

Bonjour,

Chaque fois que j’accède à votre site je suis inquiet .. en effet je me connecte (pas très souvent) pour y puiser des articles et surtout des notes de lecture de livre, qu’ensuite j’achète et même parfois je lis (dernier en date “undercover economist)! Ce qui me fait peur c’est que comme, apparemment, vous ne tirez aucun revenu de cette activité, un jour (les lois du marchés peut être ?) vous pourriez arrêter … Donc la question (d’économie) est : Comment pérenniser une activité, bénévole et très utile ? En tout cas merci et continuez le plus longtemps possible.

Cordialement.

Cher lecteur,
Voici une question qui se pose. Quelques éléments de réponse circonstanciés. On peut pérenniser une telle activité :
– si c’est un loisir. Ce qui suppose qu’elle entre dans la fonction d’utilité, aux côtés d’autres occupations, comme consommer ou s’occuper de ses enfants, quand on en a. Ce qui implique donc que l’on soit satisfait d’y consacrer du temps. Voilà pourquoi cela pourrait s’arrêter un jour. Un changement de préférences ou une variété accrue de loisirs possibles. La rareté nous guette toujours. Personnellement, j’ai déjà quasiment arrêté de regarder la télévision assis dans mon canapé. Que ce soit le temps où l’argent, il faut allouer les ressources rares.
– si c’est un investissement. Ce qui suppose que l’on escompte en retirer un rendement. De ce point de vue, on peut envisager deux possibilités : transformer l’activité en une activité marchande ou l’utiliser comme effet de signal et être payé pour faire la même chose dans un autre cadre (l’activité non lucrative peut précéder ou non l’activité rémunérée). Dans cette optique, arrêter signifie que l’on a atteint la rentabilité souhaitée ou renoncé à l’atteindre.

Voici les enjeux exposés de façon très sommaire. Vous pouvez par exemple rattacher à l’utilité du loisir des motifs altruistes ou tout à fait égocentriques, voire narcissiques et en discuter pendant des heures. Ce qui est bien avec le réductionnisme de l’économie, c’est qu’il nous évite parfois de gaspiller des octets.

Parlons de nous, à l’aune de ces deux critères. Nous avons commencé fin 1999, avec comme unique moteur le loisir. Mais quel étrange loisir que de rédiger des notes de lecture sur des livres économiques, direz vous… C’est qu’il y a aussi une composante investissement, indirecte, dans notre démarche. Par rapport à notre travail quotidien, maintenir ce site nous permet de prendre du recul et de travailler aux marges. Rien de révolutionnaire pour des enseignants. C’est assez courant dans le métier. Dans notre cas, il faut vous faire un aveu : c’est le meilleur moyen que nous ayions trouvé pour lutter contre notre paresse. Dans mon cas spécifique, c’est pire que cela : mon employeur ne me fait pas enseigner l’économie, mais la gestion sous presque toutes ses formes. Or, il n’est pas question que je passe ma vie intellectuelle au milieu des écritures comptables, calculs de coûts et autres bilans fonctionnels, qui m’amusent un moment, mais pas plus. Bref, si c’est le plaisir qui nous guide, nous sommes heureux de lier loisir et amélioration de nos compétences. Nous ne rendrons jamais ce site marchand (tu m’étonnes, qui paierait en plus ?). Et le moins qu’on puisse dire, c’est que nous ne croulons pas sous les propositions de travail rémunéré. Ce n’est ni un regret (ah,quand même, on est des brutes mais personne ne sait utiliser notre talent), ni une posture idéologique (ah, non, éconoclaste ne doit surtout pas nous rapporter un centime). Nous prenons les choses comme elles viennent. Pour une raison simple : quels que soient nos objectifs, le jour où nous nous poserons des questions, le site deviendra mauvais. Et ça, ce n’est bon ni pour le plaisir, ni pour les affaires. Un élément important est l’horizon temporel qu’on se donne. Nous n’hésitons pas à laisser le site en jachère pendant certaines périodes. Et cela, nous ne pouvons le faire que parce que notre travail est bénévole. C’est très confortable et cela assure largement la pérennité de l’ensemble. Le temps joue pour nous. Admettez que c’est un énorme privilège.
Une précision : notre site n’est pas un blog. C’est un site accueillant un blog. Je ne ferai pas la longue liste des caractéristiques d’un blog. Par nature, le blog est plus actif que le reste du site. Mais il me semble important que certains ne plaquent pas plus que de raison la grille d’analyse standard des blogs sur notre production. Un récent commentateur a parlé d’ “autopromotion” concernant Alexandre. Ce monsieur est bien aimable, mais les lecteurs historiques rigoleront bien, en se souvenant de l’époque où nous publiions dans une discrétion complète des pages et des pages, en nous congratulant mutuellement pour le caractère héroïque de ces heures de frappe de questions-réponses, de recherche de liens et de lectures moisies commentées malgré tout[1]. En fait, si Alexandre publie sans anonymat, c’est simplement parce que “c’est plus simple et plus clair”. Que la qualité de ses textes éclaire aujourd’hui son patronyme n’est pas une raison pour lui attribuer de tels desseins. Je sais que ce billet risque de recevoir des commentaires ironiques, mettant en cause le meilleur des mondes que je semble présenter. Que peut-on faire ? De toute façon, même le plus anodin des billets reçoit des commentaires tordus. C’est ainsi.

Pour conclure, nous arrêterons ce site quand nous n’y prendrons plus de plaisir. Plaisir égoïste, plaisir partagé, plaisir utile (ça, c’est vous qui l’évaluez). Quand l’équilibre ne se fera plus, tout s’arrêtera. En fait, c’est assez simple, non ?

Notes

[1] “Bravo !” est un commentaire que nous nous sommes souvent adressé. Ce qui signifie “Bel effort !”.

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10 Commentaires

  1. En tous les cas, bonne continuation. Et je dirais même plus "belle réussite". Je comprends parfaitement la composante "investissement indirect" (que d’aucuns appelleraient la composante égoïste, ce qui n’est bien entendu pas une critique)que je partage, toute proportion gardée, dans ma propre démarche de juriste.

    Elle existe forcément. Mais comme je l’expliquais, elle n’est pas travaillée per se et elle est encore peu effective… Et, attention, on n’est a priori pas prêts d’arrêter. Je ne vous cache pas cependant que je m’interroge régulièrement sur l’intérêt de continuer le blog. Au moins au même rythme.

  2. Oops! Je suis désolé. J’ai manifestement froissé involontairement votre susceptibilité. Mon commentaire amusé sur la composante "autopromotion" de blogs tenus à visage découvert visait les protagonistes de la discussion interblogues dont rendait compte votre billet. Lesdits protagonistes, Mankiw et alii, sont quasiment tous des universitaires auteurs de manuels de 1ère année, ou d’ouvrages plutôt grand public, ou engagés dans une carrière politique, ou les trois. Je vous présente toutes mes excuses pour ce malentendu et je tiens à préciser que j’apprécie beaucoup vos résumés synthétiques, clairs et …. nombreux, de questions fort diverses, pour la production et mise à disposition desquels je vous présente mes remerciements les plus vifs et vous exprime toute ma gratitude.

    En fait, je ne savais pas trop comment interpréter votre intervention. J’ai choisi de retenir l’option négative, au cas où.

  3. Vous prenez un plaisir visble et sain à rédiger et animer ce blog.. et nous à le lire [peut-être même un peu plus grand], pour le bien de tous, donc : continuez !

    Merci pour votre soutien. Mais n’oubliez pas ue le blog n’est qu’un des aspects…

  4. Je tiens à préciser que le jour où votre blog s’arrêtera, j’en serai fort triste.

    En écrivant cela, j’ai bien conscience :
    1> D’augmenter un peu votre fonction d’utilité : Participer, même légèrement, à mon bonheur vous fait engranger des points de karma qui vous permettront d’être réincarné en physicien.
    2> D’augmenter vos coûts de transactions, si vous décidez d’arrêter ce blog grâce à la perte des mêmes points de karma avec le risque de devenir sociologue.
    3> Et ce faisant de participer modestement à la continuité de votre action.

    Cela n’empêche pas que ma première phrasé était sincère 🙂

    Ah, mais je dois vous rappeler que la blague doit être lue à l’envers du sens de l’évidence : être réincarné en sociologue, c’est une promotion, car la sociologie de qualité est plus dure que l’économie de qualité…

  5. Puisque de plaisir il est question, sachez aussi que c’est un plaisir pour une Cachanaise-Cachiante de constater que cette vénérable institution n’a pas produit que des gens blasés mais qu’il en sort aussi (et surtout ?) des personnes passionnées ayant envie de partager leur savoir et leur enthousiasme économiques, même pas ébranlés par la pratique de la gestion !

    Oh, si, ébranlé, quand même… Quand on vous a déjà confié un cours de fiscalité, comment en sortir totalement indemne ? 🙂

  6. C’est quand même très sous-optimal tout çà… Un petit bouton "donate" permettrait de se rapprocher d’un optimum parétien, non ?

    Oh, non, ça, non.

    Je saisis l’occasion pour poser quelques questions taboues sur éconoclaste :

    Je sélectionne celles auxquelles je veux bien répondre. Les autres n’ont vraiment pas d’intérêt ou je ne sais pas y répondre.

    2. Reverra t-on un jour s’afficher en live les statistiques de la dette publique (et oui, lorsque éconoclaste était jeune, bleu et fou, il y avait çà aussi) ?

    C’est pas prévu. Cela a eu son temps…

    3. AD est-il plus libéral que SM ?

    AD est plus libéral que Pascal Salin et Golodrak réunis. Alors que puis-je faire contre lui ?

    5. Tanstaafl ?

    Effectivement. Et pourtant, on cherche encore à en trouver… 🙂

    (Je n’exige pas de réponses bien entendu !)

    Manquerait plus que ça…

  7. J’adore votre site. Faites ce que vous voulez : de la politique, du fric, de l’auto-promotion. Je m’en fous. Même avec un post de qualité par mois, vous seriez nettement au dessus de la moyenne des blogs…

    Ben ouai. D’ailleurs, on nous a remarqués et honorés

  8. Arrête ton char, vous faites comme Tom Clancy, vous avez une tétrachiée de larbins à Bangalore, tous avec PhD d’économie, qui vous écrivent des articles pour 1ct de l’heure. Fumiers !

    P’tain, tu mates pas le débat toi ?

  9. Epidémie ? Mimétisme ?
    bsalanie.blogs.com/econom…
    Et puisque Ségolène l’a remis au goût du jour : "Nous rentrerons dans la carrière, quand nos ainés n’y seront plus…"

    Euh ! J’ai pas dit qu’on arrêtait ! Bon, à part ça, je vois pas le rapport avec Royal. Mon petit, elle a perdu, il faut passer à autre chose…

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