Sur le billet d’Alexandre consacré aux suicides. Je trouvais le message global pertinent. Mais quelque chose me chiffonnait. FT n’est pas une boîte où l’on se suicide plus nous dit-il. L’article de Rue89 cité est bien. Mais sa conclusion n’est pas qu’on se suicide autant chez FT qu’ailleurs. Elle est qu’on n’en sait rien. Car “ailleurs”, c’est quoi ? Il est vain de parler du taux de suicide en France, puisque structurellement, l’échantillon n”a rien à voir. A défaut de mieux, on peut toujours se dire que ce n’est pas pire que globalement, donc. C’est insuffisant. Encore une fois, on manque de données.
Une lecture que je crois percevoir chez certains commentateurs du billet est que, au fond, oui, il faut arrêter avec ça, on emmerde les suicidés, les boîtes, les gens en général, pour un truc qui est incompréhensible et ne sert qu’à vendre du papier. Une forme de discours qui suppose que le suicide est plus qu’une alternative. C’est une liberté, un déterminisme ou je ne sais quoi encore.
Comme je le suggérais dans un précédent billet, la question du suicide en entreprise n’est qu’une des manifestations d’un problème plus large de santé au travail. Cela ne mérite pas un traitement médiatique hystérique. Mais est-ce que cela justifie une forme de raisonnement à la “c’est comme ça et puis voilà.” ? Oui, on peut craindre des discours crétins, des usines à gaz, des lois et règlements absurdes. Doit-on pour autant enterrer le dossier pour éviter de créer des commissions ?
EDIT : Vous pouvez jeter un coup d’oeil chez François et Joël pour des compléments.
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C’est bien là qu’on vous reconnaît tous les deux:ne pas rester à la surface des choses, garder son esprit critique quand modes, vagues et courants sont assourdissants.Dans cette grave question des suicides au travail, ni sentimentalisme,ni hystérie, ni confusion : on regarde les chiffres de plus près, on ose des comparaisons, on observe que le drame personnel d’un suicide dépasse par sa complexité les possibilités d’un gros titre ; ni réserve,ni enfermement dans cette complexité : la focalisation médiatique,avec ses approximations, est une opportunité ,une chance de révélation, de mobilisation qu’il ne faut pas mépriser : tant pis si l’inventaire donne le tournis (le sida, les maladies orphelines, les prisons, le malaise des cadres, le chômage, le suicide au travail,l’alcoolisme des jeunes…)et peut rendre cynique,ces maux-là valent bien un coup de zoom,qui peut déboucher sur une loi trop rapide(mais on se lâche pour la galerie, on se retiendra sur les décrets d’application…),sur des prises de conscience, sur des analyses approfondies.La contamination aussi peut avoir un effet de soupape : et moi ! et moi ! voir le titre d’un hebdomadaire local:"Le suicide des viticulteurs : on en parle enfin !". Des choses vont sortir. Du boulot pour les ministres, pour les journalistes,pour les chercheurs,pour les blogueurs,pour nous…
Voulez-vous dire qu’il existe une réalité commune que vous nommez travail qu’il vaudrait d’étudier ?
J’avais plutôt le sentiment que tout l’objet du perpétuel réformisme depuis 1973 était de parvenir à individualiser les processus de contribution sociale. A part peut-être dans les dinosaures de l’ère pré-giscardienne
Bonjour,
J’ai eu je crois exactement la même réaction que toi au billet d’Alexandre. Ses arguments sont tous justes, mais je craignais un peu la conclusion implicite que j’en voyais ressortir :"n’en parlons pas". La question de la santé au travail est importante et mérite d’être traitée avec attention (et pas seulement par des effets de manche comme on l’a vu pendant cette affaire FT). Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, notamment dans la gestion du stress qui est probablement le maux le plus répandu en entreprise.
Content en tout cas d’être revenu vous lire :o).
Réponse de Stéphane Ménia
Content de te recroiser dans le coin !
Oui, ou le suicide des planteurs de coton en Inde, qui a fait l’objet d’une véritable recherche suite aux accusations de GreenPeace et de l’ineffable Prince Charles. Mais si j’ai bien compris les billets d’Alexandre et de Hugues, c’était la récup qu’ils dénonçaient.
Une remarque annexe : à défaut d’une réaction de l’institution, le corps social lui-même réagit : apparemment, de manière visible.
http://www.silicon.fr/fr/news/20...
Oserais-je dire : et c’est tant mieux ?