La nuit, il n’y a personne

Trois sociétés d’autoroute vont être privatisées par le gouvernement.

Il faut dire que compte tenu des projets récents concoctés par Gilles de Robien avant qu’il ne parte déminer le terrain éducatif laissé en vilain état par son prédécesseur, la nouvelle a de quoi surprendre.

Passons outre le fait que les instruments de régulation des sociétés concessionnaires peuvent exister et que la crainte de l’édito du Monde de voir les prix augmenter, quoique justifiée dans le contexte chiraco-bretono-villepino-sarkozyen (je veux dire le n’importe quoi du moment que les caisses se remplissent et que je suis élu en 2007), sont théoriquement discutables. La mise en concession selon un cahier des charges imposé au concessionnaire pourrait modérer les éventuelles hausses de prix. Toute théorique soit-elle, cette lecture des services universels existe quand même. Mais admettons. Il reste qu’il est bien étonnant de constater qu’alors qu’une source de revenus destinés à être réinvestis dans l’infrastructure publique avait été trouvée (avec au passage l’éventuel soutien à d’autres modes de transport que la route), on la transfère à des opérateurs privés. Sans présumer des compétences réelles de l’Etat en matière de gestion des réseaux autoroutiers, j’avoue ne pas voir la priorité à privatiser ces entreprises. Bien sûr, le ministre des transports, s’est insurgé, comme le rapporte encore le Monde : “Lundi 25 juillet, le ministre des transports, Dominique Perben, a réagi aux propos de M. Bayrou en assurant que l’AFITF bénéficiera de “ressources pérennes” . Il a précisé que, malgré la disparition des dividendes des sociétés d’autoroutes, l’agence disposera d’un budget de 1,5 milliard d’euros pour 2006, contre 1,1 milliard initialement prévu. “Ce que je veux absolument éviter, c’est l’arrêt des chantiers, c’est le ralentissement des réalisations d’infrastructures” , a ajouté M. Perben”. Bon, moi, me rangeant de plus en plus à la doctrine pasquaà¯enne concernant les promesses qui n’engagent que ceux qui les “croaillent”, j’attends de voir. Et surtout de voir d’où sort le fric.

Alors, on va me répondre que la privatisation va apporter d’énormes sommes à l’Etat. Oui, peut-être. Ou peut-être pas. Je veux dire que la somme des profits actualisés de ces entreprises ne sera peut être pas égale au produit de la vente. Après tout, les marchés seront-ils prêts à valoriser de la sorte des entreprises dont on sait, ou suppose, que le propriétaire doit absolument les liquider pour des raisons budgétaires ? Je me tourne vers les spécialistes sur ce point. Cocasse de noter aussi, comme le relève l’édito du Monde, que Bruxelles n’impose nullement la privatisation (un suspect habituel out.

Bref, en admettant que le produit de la cession soit conséquent, il reste un problème : où vont aller les fonds ? Probablement pas, ou seulement pour partie, au financement des infrastructures de transport (ce qui était prévu dans le “plan A”). Or, par les temps qui courent, je ne peux m’empêcher de penser qu’il est bien dommage de soustraire de la sorte des fonds publics à un secteur qui d’Adam Smith à Robert Barro, en passant par Marshall (voire Keynes), a toujours fait l’unanimité quant à son utilité. Non pas qu’il n’y ait pas d’autres dépenses publiques vers lesquelles ces sommes pourraient être utilement allouées, mais on sait ce qu’on a… surtout avec le quatuor gouvernemental déjà évoqué ci-dessus.

Enfin… si ça peut consoler ceux qui ne sautent pas de joie à l’annonce de ces cessions, petite anecdote qu’une amie m’a rapportée. Réseau ASF samedi soir dernier, aire de Lançon de Provence (Bouches du Rhône), vers 2h du matin. Autoroute correctement fréquentée, sans plus (fin de journée de départ en vacances). Au passage au péage automatique, le ticket est illisible. Appel à l’interphone de mon amie : “Mon ticket ne passe pas”. Réponse de l’employé : “Frottez le”. Ca ne marche pas. L’employé lui indique alors qu’elle va devoir reculer pour passer à une cabine à péage humain. La première est à 4 ou 5 cabines de là . Oui, vous avez compris : reculer et parcourir en travers de la voie une quinzaine de mètres. Avec évidemment une queue correcte à la cabine à rejoindre, ce qui signifie s’arrêter en travers, le temps qu’une voiture vous laisse passer. Explication de l’employée à la cabine “Oui, la nuit, il n’y a personne pour aller vous dépanner directement”. Pas “ce soir, il n’y a personne”. Non, non. “La nuit, il n’y a personne”. Pour info, pendant son passage, elle a compté au moins deux voitures dans son cas, à des caisses automatiques différentes.

Ceci se passe dans une entreprise publique, dans la France des radars de Sarkozy. Une chance qu’une patrouille de gendarmes de passage ne l’ait pas verbalisée. Peut-être que des consignes d’économie de gasoil chez les forces de l’ordre lui ont sauvé la mise…

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4 Commentaires

  1. Cela fait plusieurs fois que j’en entends parler… Même si c’est le cas, c’est très probablement la pose et l’entretien des radars qui fait l’objet d’un contrat avec un prestataire privé. Les amendes passent par la justice de toute façon…

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