Réforme du pacte de stabilité : retour à la raison ou laxisme à venir ?

La réforme du pacte de stabilité semble en voie d’être adoptée. “Le texte proposé prévoit que le déficit d’un pays ne soit pas déclaré “excessif”, même s’il dépasse la limite des 3 % du PIB, s’il consent un effort important en matière de recherche et de développement et de réformes structurelles (retraites). Les autorités européennes garderaient donc le droit d’apprécier la “qualité” des dépenses publiques des pays, qui pourraient toutefois faire valoir d'”autres facteurs” pour bénéficier de la mansuétude de leurs partenaires européens.” (Le Monde en ligne, 20/03/05). D’un point de vue optimiste, on dira que c’est une bonne nouvelle. Pour deux raisons : d’une part, le texte envisagé met donc fin au dogme des 3% qui n’aura jamais réussi à être justifié correctement (ce qui ne surprendra pas…). D’autre part, il met quelque peu en cohérence le fonctionnement courant de l’UE et l’agenda de Lisbonne, dont les objectifs en matière de croissance semblaient difficile à atteindre, compte tenu de l’état actuel de la croissance et des finances publiques dans de nombreux pays européens. On libérerait ainsi certaines dépenses publiques productives à terme (enmatière de recherche par exemple) Une lecture moins optimiste verra tout d’abord l’accord comme une décision prise dans l’urgence politique et avalisant une réalité déstabilisante dans la configuration institutionnelle actuelle : France et Allemagne sont hors des clous et pas forcément de manière “passagère”. En modifiant le pacte, on calmerait le jeu pour éviter une crise politique latente. On peut aussi juger sévèrement le nouveau dispositif, tel qu’il est envisagé a priori, car la mention d’une évaluation de la “qualité” des déficits et l’évocation d’ “autres facteurs” susceptibles d’être pris en compte laisse la porte ouverte à tout et n’importe quoi. Sur le fond, envisager une gestion plus discrétionnaire des budgets dans la zone euro n’a pas de quoi faire bondir. Mais on revient nécessairement à la question : quels dispositifs institutionnels pour garantir que les budgets seront bien orientés ? Le projet d’accord contient un garde-fou basique : “Les Etats membres devront réduire leurs déficits en période de “vaches grasses” mais auront plus de temps pour corriger le tir en période de contraction et l’endettement se verra accorder plus d’importance, sans objectifs contraignants. Une simple période de stagnation permettra aussi à un pays d’invoquer des “circonstances exceptionnelles”, actuellement définies comme une récession de 2 % du PIB, afin d’échapper à toutes les sanctions prévues par le pacte de stabilité.”. En d’autres termes, le principe est qu’un pays sera autorisé à faire jouer les stabilisateurs automatiques hors de la limite de 3%. C’est intéressant, mais est-ce suffisant ?Si l’accord s’établit en ces termes, chaque pays restera donc néanmoins devant ses responsabilités. Car, après tout, qu’est-ce qui empêchera un gouvernement de gérer pitoyablement ses finances publiques et remettre encore en cause les termes de l’arrangement européen ? On repense alors à la proposition de Wiplosz concernant les comités budgétaires nationaux. Tout ceci relève encore de la spéculation, puisque rien n’est encore couché sur papier. Faut-il repenser à l’épisode de l’élargissement des bandes de fluctuations du SME en 1993 ? A titre personnel, je ne peux m’en empêcher. Si les conséquences des nouvelles dispositions sont du même ordre, autant que la comparaison puisse tenir, alors l’UE et la France ne s’en porteront pas plus mal.

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