Pas que l’économie dans la vie

Il n’y a pas que l’économie dans la vie. Quelques livres lus ces temps-ci dans d’autres matières.

En commandant The female brain, de Louann Brizendine, je me sentais un peu dans la peau du sergent-tirailleur Highway dans Le maître de guerre, qui cherche vainement à comprendre la psyche du sexe opposé en se plongeant dans la lecture effrenée de magazines féminins. Je craignais un peu aussi – malgré des critiques de presse élogieuse – de tomber dans une de ces innombrables collections de clichés sur les différences entre hommes et femmes. tout au contraire, il s’agit d’une synthèse remarquable de divers travaux médicaux, et en neurosciences, sur les spécificités féminines, centrée sur l’évolution hormonale tout au long de la vie et ses conséquences. Un livre à mettre entre toutes les mains, chacun y trouvera des informations étonnantes et très bien expliquées. Une réussite dans un genre très piégé, cela mérite d’être signalé.

The trouble with Physics est consacré à l’avancement des travaux en physique théorique des 20 dernières années, autour de la “théorie des cordes“. L’auteur y montre, d’une façon assez convaincante (même si le sujet est franchement ésotérique) que cette théorie “unificatrice” de la physique est une impasse, car elle ne pourra jamais être infirmée ou confirmée. Après cette partie technique un tantinet aride, le livre se poursuit par une réflexion sur la sociologie des sciences et l’épistémologie, pour comprendre comment la physique, après trois siècles de progrès fulgurants, a pu se bloquer dans une telle impasse théorique dans laquelle se sont engouffrés tous les chercheurs. Je ne peux pas cacher un peu de schadenfreude en lisant cette partie. Après tout, les économistes ont depuis longtemps une grande “physics envy” – un complexe vis à vis de la physique, dont ils ont cherché à singer la mathématisation et la scientificité, sans grands résultats si ce n’est une réputation tenace de discipline à la fois non scientifique et prétentieuse. Si les difficultés des physiciens pouvaient conduire les économistes à cesser de s’imaginer en physiciens; si elles pouvaient conduire les physiciens à un peu plus de modestie épistémologique, toutes les sciences en profiteraient.

The Ancestor’sTale, de Richard Dawkins, est un superbe livre. L’auteur y décrit, en remontant dans le temps, l’histoire intégrale des espèces; l’ensemble est agrémenté de réflexions régulières sur l’évolution, la façon dont elle s’effectue, et diverses leçons que l’on peut en tirer. Je suis un vieux fan de Dawkins, tout particulièrement du gène égoiste et de l’horloger aveugle; ce livre-là est vraiment magistral.

Enfin, Waterloo, d’Alessandro Barbero. Il existe énormément de livres sur Waterloo, souvent assez décevants. Les livres français sombrent le plus souvent dans la bonapartolâtrie la plus éhontée, et sont d’une mauvaise foi sans bornes; les livres anglais sont dressés à la gloire de Wellington, d’une façon particulièrement excessive. Il paraît que les livres d’historiens allemands sont du même acabit, expliquant que c’est Blücher (ou son second Gneisenau) qui a tout fait. Il fallait un italien pour décrire cette bataille d’une façon à la fois précise et dépassionnée. L’auteur y fait preuve d’une grande clarté, livre un cours de stratégie et de tactique à l’époque Napoléonienne, et explique le déroulement de la bataille d’une façon à la fois plaisante et instructive.

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Alexandre Delaigue

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11 Commentaires

  1. Je suis moi aussi un fan de longue date de Dawkins, mais ces derniers temps, il s’est un peu enfermé dans la lutte contre l’intelligent design. surement important et utile, mais moi interessant

  2. En lisant votre premier paragraphe, je me suis demandé si vous classiez dans la catégorie "innombrables collections de clichés sur les différences entre hommes et femmes" le (fameux ?) bouquin "les femmes viennent de venus et les hommes viennent de mars". Ce bouquin coche a priori toutes les cases des critères du genre, que je n’affectionne pas plus que vous pense je. Cependant, je l’ai trouvé presque fascinant, a ma grande surprise. Bref l’avis des éconoclastes sur ce bouquin m’auraient intéréssé, à titre anecdotique.

  3. Heu ?

    C’est au contraire la même chose, non ? Dawkins le pourfendeur de la religion et de l’ID. Il s’engouffre derriere Denett, qui est en fait presque son élève. Mais il est va plus loin : Denett dit encore des choses intéressantes sur l’évolution, alors que Dawkins, si passionant sur le concept des mèmes, ne fait maintenant plus que bouffer du curé. Enfin, du télévangéliste. Il essaie, mais il n’est pas tres bon dans ce role, je trouve.

  4. Dawkins !! Dawkins !! Dawkins !! Dawkins !!
    Le "Gène égoïste", un livre vraiment exceptionnel !
    Les "quatrièmes de couverture" à l’anglo-saxonne avec des commentaires du style "après avoir lu ce livre vous ne serez plus le même", m’énervent prodigieusement, mais là c’est mérité, ce livre offre vraiment une nouvelle vision du monde. Remarquable.

  5. ten sd event : pas lu celui-là (feuilleté chez des amis par contre). Le genre "différences hommes-femmes" est assez vaste; celui-là me donnait l’impression néanmoins de reposer sur beaucoup de conjectures difficilement démontrables(c’est souvent le problème de la sociobiologie). Mais je n’emploierai pas les qualificatifs de Matthieu.

    Yogi : perception du monde, peut-être pas. Disons que ce livre permet de comprendre vraiment ce qu’est l’évolution, un domaine rempli d’erreurs (que l’on commet souvent soi-même). Et c’est déjà beaucoup.

  6. En tant que physicien, je peux vous assurer que la physique théorique ne se limite heureusement pas aux supercordes, très loin de là. Il y a encore de nombreux problèmes non résolus : par exemple en physique statistique hors équilibre, en physique non-linéaire … et beaucoup de physiciens s’intéressent justement aux problèmes théoriques posés par la biologie (évolution comprise). Les supercordes semblent tout occulter car elles plaisent beaucoup au grand public (particulièrement aux US) : il faut dire que l’idée d’une "théorie du tout" a certaines tonalités mystiques, d’autant qu’en l’absence de confirmation expérimentale, toutes les spéculations sont possible. Pour conclure, les supercordes, ce n’est pas n’importe quoi non plus, , peut-être seront-elles confirmées expérimentalement un jour malgré tout et en attendant, cela intéresse beaucoup les matheux.

  7. A mon sens "Le Gène Egoïste" dépasse largement le simple sujet de l’évolution et montre comment des mécanismes extrêmement simples (réplication/sélection) peuvent engendrer des phénomènes extrêmement complexes, qui peuvent paraître poursuivre un objectif et être le fruit d’une volonté.

    Outre donner une grille de lecture pour la Vie elle-même, cette approche me semble fructueuse pour explorer une foule de phénomènes de tous ordres y compris sociologiques, économiques, etc …

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