Eloge d’Elie Cohen

Un peu de poésie, une pointe d’hommage, un soupçon de lyrisme, sur fond de crise. (Et non, j’ai rien bu ou fumé)

Je parlais aujourd’hui avec un ami de crise financière (on s’ennuyait). Il me dit “J’aime bien l’analyse d’Elie Cohen”. Je réfléchis. Je n’ai pas trop entendu Elie Cohen ces derniers jours. Mais, comme une révélation, je me rends compte qu’à chaque fois, c’était propre. Normal, me dis-je, la finance, il connaît, quand même, contrairement à xxxx qu’on voit tout le temps ou yyyyy, qu’on entend tout le temps et qui, visiblement n’entrave rien (ou encore moins que moi, ce qui est grave). Et puis, je réfléchis un peu et je m’aperçois de bien plus “grave” : je ne me souviens pas d’avoir entendu Elie Cohen parler avec assurance de choses que visiblement il ne connaissait pas ou peu. Finance, régulation, politique industrielle et de la concurrence sont l’essentiel de ses interventions médiatiques – ou de celles dont je me souviens. A moins que je ne me trompe et sois coupable d’un biais de perception [1].?
Pourquoi je vous parle de ça ? Parce qu’encore une fois, ce que je lis dans cet article de Telos me semble très bon pour la discussion. A mettre sur le même plan que l’article de Rodrik : énonciation limpide et fulgurante d’une foule de réflexions, après une maturation qu’on imagine sacrément bordélique, elle. Inexplicable. Les miracles du cerveau. Allez, je vais au lit.

Notes

[1] Et, de grâce, épargnez-moi le “moi, une fois, je l’ai entendu dire patati patata” ou “de toute façon, Cohen est un blablabla”, voire un truc qui se résumerait à “Je ne suis pas d’accord avec lui, donc c’est un beurk beurk beurk””.

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13 Commentaires

  1. "Et, de grâce, épargnez-moi le "moi, une fois, je l’ai entendu dire patati patata" ou "de toute façon, Cohen est un blablabla", voire un truc qui se résumerait à "Je ne suis pas d’accord avec lui, donc c’est un beurk beurk beurk""."

    pour les personnes aux capacités cognitives restreintes, celà signifie: évitez tout commentaires contraire à la pensée des auteurs de ce blogs.

    Et encore un commentaire qui va passer à la trappe.
    (j’suis un collectionneur!)

    encore que… après tout je suis d’accord avec ce billet…

    Réponse de Stéphane Ménia
    “pour les personnes aux capacités cognitives restreintes”. Vous parlez de vous à la 3ième du pluriel ? Tant qu’il y aura des commentaires comme celui-ci, il y aura des notes de bas de page comme celle-là. Je n’ai pas été épargné.

  2. Moi une fois (pas qu’une même) je l’ai entendu dire: l’ouverture à la concurrence et la fin du tarif régulé vont faire flamber le prix de l’électricité; la rente nucléaire dont tout le monde supporte les risques va finir dans les poches d’intérêts privés. Et alors ? c’est formidable, c’est le marché, LA VERITE DES PRIX (orgasme) !
    Elie le bienheureux

  3. Oui, ça fait un moment que je lis les billets et écoute les interviews d’Elie Cohen. Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu ou entendu des erreurs choquantes. Un exemple un peu ancien qui me revient est Arcelor Mittal. Vous avez raison de le signaler, car c’est assez rare, surtout pour une personalité (un peu) médiatique. Son "Nouvel âge du capitalisme" ne casse pas des briques, mais au moins il ne nous assène pas des solutions élaborées au coin du zinc…

    Pour Rodrik, c’est beaucoup plus mitigé… (cf. ici econoclaste.org.free.fr/d… ). Un exemple, il écrit "La crise n’aurait donc pas pris ses proportions actuelles si toutes sortes d’institutions financières ne s’étaient pas endettées jusqu’au cou dans la course aux dividendes."

    Une phrase comme ça porte en elle un jugement normatif (il ne faudrait pas que les institutions financières puissent utiliser de tels effets de levier) en l’absence de tout raisonnement économique (qu’est-ce qui, sur le marché, augmente ou au contraire limite l’effet de levier choisi par les acteurs?). Bon je sais c’est un billet, pas une publi… Mais quand la conclusion de l’article est "We will likely never know." je me dis que ce type ne sait pas se poser des questions.

  4. Je suis d’accord. Depuis le CPE, et le jour où il avait invectivé une de mes amies sur le plateau de C dans l’air, je ne l’aimais plus. Depuis il est remonté dans mon estime alors que pendant tout un temps je le mettais à peu près sur le même plan que Jacques Marseille. Il est souvent bon de faire passer la raison au dessus de l’affectif 😉

  5. Je viens de lire l’article de Telos. S’il est remonté dans mon estime, Elie Cohen c’est quand même pas ma tasse de thé… Contredire Max Weber de la sorte, il est bien présomptueux. [Mode 2nd degré off]

  6. Elie Cohen est parfaitement le genre de type que je déteste : il suffit de lire sa prose pour être pris dans un vertigineux complexe d’infériorité. C’est pour ça que je l’adore.

    (Ok, je sors, je vais prendre ma pilule :-).

  7. Tombeau d’Elie Cohen (et de Nicolas Baverez et Jacques Attali) :
    http://www.monde-diplomatique.fr... (aperçu)

    Réponse de Stéphane Ménia
    Hélas, ce n’est qu’un aperçu, donc je ne sais pas ce qui est reproché à Elie Cohen. Bon, ensuite, l’enterrement de Cohen proclamé par Lordon, on en fait ce qu’on en veut. Ca dépasse l’analyse économique et sa vulgarisation.

  8. Le monde diplomatique continue à s’effondrer dans mon estime (je ne croyais pas qu’il pouvait descendre encore). Le début de l’article combine les deux erreurs les plus courantes des anti-capitalistes : croire que les économistes orthodoxes prônent une absence d’intervention de l’Etat et un capitalisme sauvage et croire que tous les maux de la Terre sont dûs au capitalisme tout en refusant d’en voir les bénéfices.

    Si on remarque également les confusions entre libéralisme, idéologie du marché tout puissant, "postulat" d’autorégulation des marchés (quand on voit la complexité des démonstrations dans les modèles d’équilibre général, je trouve ça un peu fort de parler de "postulat"), bref on sombre dans l’abysse de la non-reflexion.

    Surtout que finalement, c’est l’auteur lui-même qui est enfermé dans un dogme antilibéral. Il a beau jeu de critiquer les autres.

  9. Moi je suis assez fan d’Elie Cohen, je l’ai eu comme prof il y a un certain temps et je suis heureux, (mais pas étonné) qu’Econoclaste ne tire pas sur lui gratuitement, comme nombre de blogs. Il est tout de même un des rares économistes qui mèle à la fois compétence et clarté, même dans des émissions grand public. (Comme le nobel P.Krugman aux états-unis d’ailleurs, même si on ne peut pas comparer leur poids académique… ) Son documentaire sur les crises financière (passé sur arte en juin) était de ce point de vue vraiment remarquable… Evidemment comme on ne voit que lui à la télévision(c’est un "bon client" comme on dit) et qu’il est parfois un peu donneur de leçon (c’est un prof), cela en énerve certain. Mais ceux qui ne le voient qu’à la télé oublient ses interessants travaux sur les politiques publiques, les politiques industrielles, la régulation etc… qui sont assez pointus… C’est en plus un des rares représentant d’une pensée économique sociale-démocrate moderne, (plus subtil que les simplications anticapitaliste primaire, et ultralibéraux de bases). Il a toujours été un partisant de la régulation par l’état, et rétif à l’étatisme primaire (y compris de droite). Quand au monde diplomatique, franchement, niveau économie, ça fait longtemps que ça ne vaut plus rien.

  10. "niveau économie, ça fait longtemps que ça ne vaut plus rien."

    Je suis curieux des autres niveaux où cette publication vaut encore quelque chose. Ah oui, je crois que le Diplo est contre la guerre et la torture.

  11. @alex : je suis d’accord, le monde diplo ça ne vaut plus grand chose sur rien, cependant je crois qu’en éco c’est pire. Au sens où le capitalisme y est mis sur le même plan que la guerre et la torture, justement…

  12. Je me souviens d’une émission "C dans l’air" en 2006 où Elie Cohen faisait l’éloge du credit hypothécaire revolving aux USA, auquel il attribuait la vertu de stimuler la croissance. Belle croissance, en effet…

  13. @gouaille : personne ne peut nier que le crédit hypothécaire a stimulé la croissance américaine entre 2002 et 2007. Bon évidemment cela n’était pas soutenable… Elie Cohen a sans doute été fasciné -comme tout le monde – par l’idée "géniale" de la titrisation, qui répondait croyait-on à l’époque, à un "objectif social" (accès à la propriété des bas revenus) – d’autre part il ne faut pas confondre crédit hypothécaire (même revolving) et suprimes, predatory loans & cie, enfin la titrisation existe depuis les années 70 rappelons le, et était un truc très sur lorsqu’elle concernait des MBS adossés à des crédits sûrs (prime garantis par fannie et freddy). C’est très recemment ( mettons 2005) qu’on s’est mis à faire n’importe quoi…
    Elie Cohen n’en était pas moins un de ceux qui dénonçaient la non soutenabilité de la dette privée et publique américaine, les dangers des produits dérivés, l’absence de régulation aux US, etc, avant la crise. Je l’ai entendu dans un de ses cours (à l’école de journalisme de Sc-Po) il y a deux ans (j’ai vérifié la date dans mes notes), alors que la crise venait à peine de commencer, annoncer que tout ceci se terminerait pas des nationalisations massives. Ce n’était pas trop mal vu…

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