Deux lectures

Via Olivier Bouba-Olga, une critique très argumentée de la société de défiance, de Cahuc et Algan. L’auteur y explique que l’emploi de termes à la définition floue – confiance, absence de confiance, défiance – et une méthodologie discutable vident la démonstration de Cahuc et Algan de toute substance; il n’en reste finalement qu’une défense des modèles nordiques. Espérons que les auteurs y répondront.

Pierre Maura commente le bilan démographique de la France en 2008, et constate que cette année, l’espérance de vie à la naissance n’a pas augmenté; en cause, une mortalité infantile qui stagne (mais vu le document de l’insee, l’espérance de vie à d’autres âges que zéro semble stagner aussi). L’occasion de rappeler que les prévisions, même dans le domaine démographique, c’est compliqué et que les argumentations tenant pour certaine la hausse régulière de l’espérance de vie jusqu’en 2050 pour justifier l’élévation de l’âge de départ à la retraite. Deux remarques à ce sujet :

– Le fait que les évolutions de l’espérance de vie soient difficiles à prévoir est un argument supplémentaire favorable à une réforme des retraites dans le sens Piketty-Bozio (voir les nombreux posts sur ce sujet chez Ecopublix), puisque le mécanisme des comptes notionnels est très souple, et permet de s’adapter beaucoup plus facilement aux évolutions de l’espérance de vie que le système actuel;

– Un aspect que je n’ai que rarement vu dans les débats sur les retraites est le suivant : et si retarder l’âge de la retraite pouvait avoir pour effet d’accroître l’espérance de vie? Ce n’est probablement pas le cas pour les activités pénibles, mais il est tout à fait possible que continuer de travailler puisse avoir un effet bénéfique sur la santé; c’est du moins l’un des arguments avancés par l’auteur de ce livre, découvert au hasard d’un podcast. Je n’ai pas eu l’occasion de creuser la chose, mais c’est l’occasion de se souvenir que l’accroissement de la proportion des personnes âgées dans la population ne se limite pas à la question de l’équilibre comptable des systèmes de retraite; c’est aussi une interrogation sur l’évolution de la société et du déroulement de la vie des gens dans l’avenir. Des questions probablement bien plus importantes que celle des retraites, mais bien moins souvent étudiées.

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Alexandre Delaigue

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6 Commentaires

  1. Partir en retraite ne signifie pas nécessairement d’arrêter toute activité. C’est d’ailleurs rarement le cas en pratique, étant donné le nombre croissant d’activités assurés par les retraités au profit de leurs enfants (garde d’enfants, bricolage, finances, etc.)

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ben oui, mais justement : un âge obligatoire signifie que certaines activités deviennent impossibles.

  2. Sur le lien entre la poursuite d’activité et l’espérance de vie, il y a un article intéressant de Snyder et Evans, NBER 2002 (http://www.nber.org/papers/w9197... Ils utilisent le fait qu’une réforme du système de retraite américain (Social Security Notch) a réduit les retraites des salariés nés après le 1er janvier 1917 et pas ceux nés juste avant. Les salariés avec une retraite plus forte ont une mortalité plus forte: l’explication avancée par les auteurs est que les salariés qui ont vu leur retraite baisser ont compensé en maintenant plus longtemps leur activité et ainsi augmenté leur espérance de vie…
    Mais bien sûr on peut aussi se maintenir en faisant des activités bénévoles, du bricolage, en allant à la messe (c’est une des explications avancées pour l’espérance de vie plus forte des individus pratiquant), en faisant un blog…

  3. Entre un retraité qui d’actif un jour passe le lendemain à inactif avachi dans un canapé devant la télé en sirotant diverses boissons alcoolisées et un autre qui a préparé sa retraite en se programmant des activités diverses (culturelles, sportives assoc etc ) ben y a pas photo : on devine lequel des 2 durera plus longtemps …

    Il y a des gens (j’en connais) qui considèrent que retraite = inactivité = fin. En fait chaque cas est différent. Un cadre n’envisagera pas la retraite de la même façon qu’un ouvrier du bâtiment , un artisan à son compte non plus etc . Un ouvrier du bâtiment aura sans doute tendance à arrêter le plus tôt possible, tandis qu’un artisan/commerçant à son compte (et dont l’activité marche bien) choisira plutôt de continuer son activité bien au-delà de 65 ans.

    Le système devrait permettre une retraite à la carte en prenant en compte la pénibilté d’un certain nombre de métiers (l’espérance de vie par métiers est connue je pense)

  4. J’avais commenté un billet d’écopublix qui présentait les comptes notionnels de retraite. En réponse, j’avais commis un billet sur la neutralité actuarielle (lemodesteblogdecimon.blog… qui me semble poser des questions un peu trop rapidement écartées.

    En particulier, le concept de neutralité actuarielle n’a de sens que pour une table et un taux donnés. La question serait donc de préciser qui paie si table et taux évaluent défavorablement, et qui perçoit les excédents s’ils évoluent favorablement.

    En effet, fixer une table et un taux se fait a priori, et de manière arbitraire : on est à peu près certain que ce qui se réalisera sera différent. La question est : que fait-on de l’écart entre prévision et réalisation (ce qui influe, d’ailleurs, la manière dont on fait la prévision) ?

  5. Très intéressant ce papier d’Eloi Laurent. Je me rappelle avoir été fasciné par le papier de Cahuc et Algan tout en ayant le sentiment diffus qu’il peignait un peu trop large.

    En pointant la différence entre défiance et absence de confiance (aveugle), EL met le doigt sur ce qui me gênait. La défiance est un bug mais la prudence et une certaine dose de scepticisme sont des features.

    Je ne pense pas que toute la thèse de Cahuc et Algan s’effondre pour autant. Mais ça va sans doute les inciter à raffiner leur propos.

    Par ailleurs, il serait intéressant d’élargir le questionnaire du WVS pour inclure les notions d’optimisme, espoir, justice (fairness), mérite…

  6. Une petite anecdote : les annonces nécrologiques de la boîte où je travaille me passent systématiquement sous les yeux, et j’ai cru remarquer que les gens survivaient assez peu à leur mise à la retraite, et encore moins pour ceux qui avaient une forte identification à leur boulot (je sais, ce n’est pas scientifique, mais ça semble réel). Alors, un conseil : si vous partez en retraite, fondez votre sarlu et continuez à travailler dans votre spécialité, et pas nécessairement la consultance, d’ailleurs.

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