De la dillution des moyens en ZEP

Economie et Statistiques publient un article de Roland Benabou, Francis Kramarz et Corinne Prost sur l’évaluation du dispositif de Zones d’Educations Prioritaires (ZEP), dont on peut lire un résumé ici.

 

Il vient confirmer ce qui se dit régulièrement à ce sujet, notamment sur la dillution des moyens entre établissements. Si au total, les moyens sont non négligeables, ils sont trop dispersés pour induire des résultats spectaculaires. Un point m’avait échappé dans cette histoire : ce sont les primes aux enseignants (1 000 € par tête par an) qui coûtent le plus cher (au passage, la dépêche de l’AFP évoque des “bonus de carrière” qui, eux, ne coûtent en réalité pas un rond à l’Etat, puisqu’il s’agit de bonifications de points utilisables dans le système de mutations des enseignants pour ceux qui restent au moins 3 ans dans un établissement ZEP. En un mot, ça permet de dégager plus vite vers l’académie de ses rêves). Ce qui est dramatique dans cette histoire, c’est que c’est sûrement vrai. A 1 000€ par prof, la note s’alourdit vite. Mais le plus terrible, c’est que les enseignants ne voient pas cela. Je veux dire par là que c’est notoirement ridicule compt tenu des difficultés de travail dans ces établissements. Dans une salle de profs de ZEP, (oui, oui j’en ai fréquenté une passé un temps – court, heureusement, quoique les profs y sont globalement bien plus sympas -, “zone sensible” même, ce qui est classé “pire”), l’évocation de la prime fait sourire ou soupirer. D’ailleurs, on ne l’évoque généralement pas. Et pour cause : grosso modo, un prof qui ferait une heure supplémentaire par semaine dans n’importe quel autre lycée, gagnerait autant en plus. Inutile de préciser que n’importe quel enseignant normalement constitué préfère enseigner une heure de plus à Louis Legrand que de toucher la prime en ZEP.
Il y a donc bien un problème non pas sur le principe des ZEP, mais sur les modalités d’application. Ce dispositif ne crée aucune incitation financière (en réalité, la véritable incitation réside dans les bonifications de barème de mutation), c’est tout juste une ridicule compensation, que certains enseignants prennent comme un gadget politicien. De ce point de vue, d’ailleurs, ils n’ont pas tort. Cette prime est régulièrement évoquée dans les journaux, sans presque jamais préciser le montant (qui ferait sourire la plupart des gens, tant il y a décalage entre sa fréquence d’évocation et son montant). En d’autres termes, au jour d’aujourd’hui, il serait probablement plus intéressant pour un établissement et ses enseignants de supprimer ladite prime et d’allouer les moyens à des supports pédagogiques et socio-culturels en tout genre. Comment ?! Je veux sucrer la prime ZEP ? Non, non, là n’est pas vraiment la question. Mais si on reprenait tout depuis le début, derrière un voile d’ignorance (je veux dire par là que les profs – jeunes – ne savent pas d’avance s’ils seront affectés en ZEP), tout le monde ou presque concluerait que ce n’est pas les 100 € de prime mensuelle qui aident les profs de ces lycées à faire leur boulot. Et qu’il vaut mieux des moyens en plus (je ne parle pas de moyens humains, car à budget constant par établissement, on ne créerait guère de postes avec ces moyens recyclés). Tiens, ne serait-ce qu’une salle de sièste pour les enseignants (franchement, certains jours…) ou des armes de poing pour mâter certaines classes (franchement… certains jours !!!).
Je partage en tout cas l’avis de ceux qui pensent qu’il faut garder le bébé et jeter l’eau du bain des ZEP. C’est hélas à ce stade que commencent les difficultés.

2 Commentaires

  1. Peut etre faudrait il concentrer plus de moyens dans moins d’endroits? (beaucoup d’argent pour peu plutot que peu pour beaucoup ce qui dilue l’effet de l’intervention). En tout cas, d’après les travaux d’Heckman, mieux vaudrait dépenser plus pour aider les enfants en très bas ages (jusqu’à 6 ans je crois), qu’au niveau du collège/secondaire. Les rendements sont plus importants, et il semble qu’après ca coute plus cher et se soit un peu tard.

  2. Bien sûr que les profs sont – en partie – "mus par l’argent", tout comme les boulangers, les agriculteurs ou les cadres sups.
    Il n’y a qu’à observer les batailles qui se livrent autour des heures sups et autres gratifications (prof principal, etc…) pour s’en convaincre.
    Mais justement les primes offertes pour enseigner en ZEP sont bien trop faibles pour avoir un réel impact. Rationnellement, mieux vaux être dans un établissement tranquille avec quelques heures sups qu’en ZEP.
    … C’est du moins ce que semble se dire la grande majorité des profs, et on ne peut l’en blamer.

    PS : Dommage que les commentaires soient fermés sur la note sur le coût privé de l’éducation (même si j’ai bien compris pourquoi). J’aurais bien réagi sur, entre autres, les "élèves-fonctionnaires".

Commentaires fermés.