Commentaire sur une vaticination

Hugues a publié un texte où il s’en prend à ceux qui ne sont pas hadopistes. Deux mots sur le sujet (et oui, j’ai ressorti la vieille pancarte DADVSI en tout jeunisme).

 

Hugues écrit :

“en deux mots, j’ai tendance à penser que ce n’est pas parce qu’il est techniquement facile de voler quelque chose que le vol devient légitime. Oui, Internet oblige à repenser la manière dont les biens réductibles à des données informatiques seront désormais distribués. Non, décider que les artistes et créateurs dont le travail est pillé sur le Web n’ont qu’à trouver d’autres moyens de gagner leur croûte n’est pas raisonnable.”

Derrière cette défense de la propriété intellectuelle, il y a un postulat : le régime de propriété intellectuelle est de droit divin. Or, non, la propriété intellectuelle n’a pas été créée au septième jour quand Dieu s’emmerdait après une semaine bien remplie. Le droit d’auteur a été créé pour trouver un équilibre entre, d’un côté, un état naturel des oeuvres de l’esprit, les rendant naturellement non excluables – et donc non coûteuses à reproduire – quand elles se présentent sous certaines formes et, de l’autre, l’idée que Hugues défend (et à laquelle j’adhère) que si vous voulez des créateurs, il faut bien leur filer à bouffer. Cette protection est une convention sociale. Elle crée une rente dont on espère qu’elle produira des oeuvres en nombre et en qualité. Mais si la convention devient contreproductive (entendre : si la rente ne vaut plus socialement le coup, notamment parce que la technologie rend la diffusion plus simple), alors on peut songer à déplacer le curseur. Rien à voir avec un raisonnement de freedom warrior.

D’autre part, Hugues nous dit qu’il n’est pas raisonnable de dire aux créateurs de gagner leur croûte autrement (qu’en vendant des galettes). Il y a comme un problème avec cela, c’est qu’ils le font déjà (je pense aux musiciens et aux concerts). Comme nous le résumons dans un joli livre protégé par le droit d’auteur (et que vous pouvez photocopier parce que de toute façon, si vous êtes nombreux à le faire, il se vendra mieux), il y a des tas de voies pour penser autrement la rémunération, sans que cela ne soit une spoliation. Et le droit d’auteur en fait partie, aux côtés d’autres modes de rémunération. Encore rien à voir avec un freedom fight.

Donc, je veux bien que l’on ne soit pas d’accord avec l’argument facile qui consiste pour de petits resquilleurs à fasciser toute démarche qui s’oppose à une diffusion plus libre de certaines oeuvres, mais il ne faut pas confondre ces opportunistes qui téléchargent de la daube (et téléchargeraient des morceaux de musique de cloches de vaches si c’était trendy) avec ceux qui s’interrogent sur ce qu’est la propriété intellectuelle et s’opposent à ceux qui en font une institution figée et vulgairement instrumentalisée au profit de quelques-uns.

Et comme Hugues, j’ai bien aimé Harvey Milk (mieux même, y avait pas de pouffe bouffeuse de fromage à côté de moi). Sean Penn est très bien.

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34 Commentaires

  1. C’est amusant, j’étais au rassemblement devant l’assemblée nationale de jeudi et la question du piratage était plutôt posée par les MJS venus en masse poser pour les photographes (une demi heure de figuration puis plus grand’chose…).

    Non, ce qui est fondamentalement gênant dans cette loi, c’est la présomption de culpabilité et les problèmes évidents d’interopérabilité. Je vois mal un mouchard du gouvernement tourner sur BSD ou Linux.

    Au delà de ces considérations, la viabilité technique d’Hadopi est très discutable. Le système d’identification par IP ne peut pas être fiable, l’envoi de mail est plus qu’hasardeux.

    Alors pour moi qui n’écoute pas beaucoup de musique et qui n’est pas très cinéphile, je suis inquiet en tant que citoyen, pas en tant que pirate (que je ne suis pas). Je ne tente pas de fasciser toute démarche s’opposant à une diffusion plus libre des oeuvres mais je trouve, en l’occurence, que cette loi est un peu fasciste (faisons l’économie de la nuance et de la mesure puisque nous sommes sur ce terrain). Pour résumer, je ne souhaite pas repenser la notion de propriété intellectuelle ou me lancer dans je ne sais quelle entrprise fumeuse et révolutionnaire. Je souhaite simplement qu’on me laisse tranquille avec mes logiciels libres, qu’on me laisse les utiliser et qu’accessoirement, on ne me considère pas comme un citoyen de seconde zone pour cela. Avec Hadopi, nous allons dans un sens tout opposé et je suis loin d’être le seul à m’en inquiéter. Donc oui c’est bien un freedom fight et ce n’est pas vraiment le piratage qui est en question mais plutôt la méthode employée.

    Citons Riester lorsqu’on lui parle d’interopérabilité : "Je n’y suis pas favorable. Il faut laisser au consommateur sa totale liberté de choix en fonction de son système d’exploitation. L’interopérabilité n’est pas nécessaire pour les consommateurs et elle est trop contraignante pour les éditeurs de logiciels."

    M’enfin, après tout, puisque la majorité n’utilise pas son ordinateur comme moi, je dois faire le mauvais choix non? Halala, je peux être idiot parfois…

  2. Je pensais qu’un régime de propriété intellectuelle privée était nécessaire pour éviter la tragédie des communs, sans laquelle le progrès humain cesserait ?

  3. Deux arguments contre la loi Création et Internet :

    1. Un petit calcul rapide pour comparer l’état actuel du marché et la licence globale (avec les pieds) : 80% des internautes qui téléchargent se disent près à passer tout de suite à une offre à 20 euros par moi pour le même service (tout, tout de suite, tout le temps). En Europe on trouve 23 millions d’internautes qui téléchargent, soit 5 milliards d’euros par an à gagner en passant à la licence global. Le calcul peut être entâché d’incertitude mais l’idée est là : l’argent déclaré volé n’a pas disparu, il est juste ailleurs, et il attend qu’on vienne le prendre.
    Ceci vient globalement du fait que le téléchargement, soit la copie sans coût, est plus un progrès technique qu’une malédiction..

    2. Que va-t-il se passer lorsque la loi création et internet sera appliquée ? Les journaux spécialisés en parlent déjà, tout ceux qui s’y intéressent savent comment se prémunir : il existe des réseau peer-to-peer chiffrés et anonymes (freenet, mute, etc.) qui intéressaient jusque là essentiellement les activités très hors-la-loi. On trouve donc sur ces réseaux un grand nombre de sites pédophiles et néonazis par exemple. Comme le téléchargement ne va vraisemblablement pas s’arrêter, ces réseaux vont devenir plus populaires et on verra se cotoyer les ptis jeunes qui téléchargent avec les ordures du net.

    lui

  4. Je propose de disqualifier tout discours similaire à celui évoqué, puisqu’il ne s’agit pas de vol, mais de contrefaçon.
    En espérant qu’une personne utilisant les bons termes juridiques sera plus à l’aise pour comprendre ce qu’est le téléchargement, illégal ou pas, via P2P ou pas.

  5. Il y a presque sept ans, le musicien David Bowie (pas un inconnu, c’est vrai) répondait des choses pas inintéressantes au New York Times (query.nytimes.com/gst/ful… ) : "I don’t even know why I would want to be on a label in a few years, because I don’t think it’s going to work by labels and by distribution systems in the same way". "The absolute transformation of everything that we ever thought about music will take place within 10 years, and nothing is going to be able to stop it. I see absolutely no point in pretending that it’s not going to happen. I’m fully confident that copyright, for instance, will no longer exist in 10 years, and authorship and intellectual property is in for such a bashing." "Music itself is going to become like running water or electricity". "So it’s like, just take advantage of these last few years because none of this is ever going to happen again. You’d better be prepared for doing a lot of touring because that’s really the only unique situation that’s going to be left. It’s terribly exciting. But on the other hand it doesn’t matter if you think it’s exciting or not; it’s what’s going to happen."

  6. Penses-tu que c’est être un équlibre que de reverser 0.04 auX créateurS d’UN titre musical quand celui-ci est vendu 099€ ? Les majors se prennent une commissions encore plus grande que sur les CDs Qui vole qui ? A quel titre, il doivent toucher moins ? Mieux encore, cette loi qui se veut pour la création ne parle jamais d’une meilleure rémunération des artistes, a part faire l’amalgame expliquant que moins de piratage signifie plus de ventes. C’est le même raisonnement que la K7 Audio, qui était censé tuer les artistes. Par moment, je me demande ce que vous protégez Voulez-vous vraiment un média contrôlé comme la télé dans lequel on nous montre que ce que certains veulent bien nous montrer ? On voit le résultats, et qu’il est beau !

  7. @Passant: La plupart des spécialistes font remonter le droit d’auteur tel que nous le connaissons à la Révolution française (le concept est évidemment plus ancien, surtout si on ne s’attache qu’au volet patrimonial; cf le "Statute of Anne" de 1710 qui est souvent cité comme l’origine du copyright http://www.copyrighthistory.com/... )

    Donc, la réponse à votre question semble être : pas absolument nécessaire (à moins de considérer que le progrès humain n’a commencé qu’en 1710… ou qu’il n’a pas commencé du tout 😉 )

    Si vous voulez un peu plus de lecture sur le sujet j’ai ça pour vous:
    -> http://www.cairn.info/article.ph...

    -> http://www.freescape.eu.org/bibl...

    -> sur la différence droit d’auteur/copyright droit-internet-2001.univ-…

    J’ai pour ma part acheté (et lu) le très bel ouvrage de nos hôtes, je ne le photocopierai donc pas – Mais la question intéressante, c’est ce qu’en penserait votre éditeur? Et celui de votre ami M. Attali ? attaligratuit.wordpress.c…

  8. C’est vrai que Penn est excellent acteur et il porte le film mais alors qu’est-ce que c’est lent… J’avoue que je me suis un peu emmerdé…

  9. Des lois précisant des formes de propriété intellectuelle, avec les responsabilités, les possibilités qui vont avec, les rentes qui sont dégagées, les usages qui sont ouverts sont nécessaires.

    Ceci dit, je ne pense pas que les "tragédies des communs" soit adapté, puisque justement ici la contrefaçon des oeuvres n’épuise pas la ressource initiale.

    Par ailleurs, la notion de propriété intellectuelle a vocation à s’adapter à de nouveaux contextes sociaux et économiques, c’est bien pour cela que de nos jours les lois sont faites par les hommes et plus par les dieux :=)

  10. La tragédie des communs est un concept théorique qui est très souvent évité dans la vie sociale réelle, comme l’a bien montré Matt Ridley (The Origin of Virtue).

  11. @vains dieux :
    Au sujet du site "Attali gratuit", il faudrait préciser que c’est ce qu’on peut appeler un "buzz" qui va faire polémique !
    En tout cas, on trouve dans la rubrique " A propos" de belles perles :
    "président de PlaNtage Finance (à l’origine de la crise financière), organisation internationale à but lucratif, rassemblant l’ensemble des institutions de surfinance du monde."
    "Je suis chroniqueur à Cassecroute-L’Express et auteur de cinquante livres, traduits dans plus de vingt langues sans piercings et diffusés à plus six millions d’exemplaires dans le monde entier et sur Jupiter: des essais (traitant de sujets variés allant de l’économie mathématique à la musique en passant par le surf nudiste), des romans, des contes pour enfants, des biographies et des pièces de théâtre."
    Le blog annonce 33000 visites!
    En attente d’une réponse de Jacques…

  12. 1. La propriété intellectuelle est née des progrès des techniques de reproduction et de diffusion et elle a coincidé avec une très forte accélération du développement scientifique, culturel et économique de l’humanité. Il faudrait expliquer en quoi un nouveau progrès dans les techniques de reproduction et de diffusion la rend obsolète au lieu d’en renforcer l’importance.

    2. On peut imaginer plein de façons de rémunérer les artistes, comme on peut imaginer plein de façons de rémunérer les profs ou les économistes. Ce qui est une spoliation, ce n’est pas de les imaginer, c’est de les leur imposer. Tout le monde semble s’efforcer d’oublier que la réponse légitime face à une offre qui nous déplaît est de ne pas acheter, pas de se servir sans payer.

    3. Normalement, les évolutions technologiques auraient dû entraîner l’éclosion d’une myriade de nouveaux acteurs. Mais la violation généralisée du copyright a entraîné une désertification de l’amont de la chaîne de production musicale. On trouve plein de nouveaux sites proposant de parasiter plus ou moins habilement les productions des autres. Mais si vous cherchez quelqu’un pour rendre des services de production (support artistique et investissement financier), vous êtes à poil.

    4. Moi aussi j’ai beaucoup aimé Harvey Milk. En revanche, je me suis dit que le dernier Banlieue 13 devait être une grosse merde. Alors je ne suis pas allé le voir… et il ne m’a pas traversé l’esprit de le télécharger illégalement.

    5. Tout ce qui précède ne m’empêche pas de penser que Hadopi n’est pas la bonne solution. Mais je refuse de considérer qu’il n’y a pas de problème.

  13. "Mais la violation généralisée du copyright a entraîné une désertification de l’amont de la chaîne de production musicale."

    ça ne me semble absolument pas évident au vu tant du nombre d’albums différents produits que du succès des sites de production musicale communautaire.

  14. @ lui : faudra nous expliquer comment vous arrivez à 5 milliards… avec votre raisonnement on trouve 0,8 * 23 000 000 * 20 = 368 millions…

  15. @Paul : 20 euros par mois, à comparer avec 5 milliards par an. Si vous remultipliez vos 368 millions par 12, on est moins loin du compte.

  16. @ Paul

    lui parlait d’un abonnement mensuel, il faut donc multiplier votre résultat par 12, ce qui nous amène à 4,5 milliards.

    Je suis malgré tout très sceptique face à ce genre d’affirmations. Quand il s’agit de répondre à des questionnaires, c’est facile d’affirmer que oui, bien sûr, on serait prêt à payer s’il y avait une licence globale ; ça ne coûte rien et c’est bon pour l’égo. Mais le jour où il faudra passer à la caisse et payer avec du vrai argent, et pas des bons sentiments, je doute que 80% des internautes qui téléchargent se mettent payer sans sourciler.

  17. Grrr. Tu parles de moi, mais mon commentaire refuse de passer et j’ai perdu toutes les incises rigolotes que je venais d’improviser. Pas grave, je résume :

    En gros, je ne conteste pas que la technologie ne rende pas la distribution plus simple et moins coûteuse. Je conteste le discours finalement hypocritement ultralibéral de ceux qui prétendent que le marché se débrouillera bien pour faire naître un modèle économique viable – et tout ça sous couvert d’altermondialisme généreux et de diffusion sans entraves de la culture.

    C’est d’ailleurs un peu comme pour les gens qui contestent l’idée d’une politique de gestion de l’immigration et considèrent que toute barrière à l’entrée est immorale puisque les choses s’organiseront d’une manière ou d’une autre. Un peu de sens pratique, ça serait bien dans le débat avec les anti-hadopiens…

  18. De fait, tout ce débat est rendu difficilement intelligible par le fait que les défenseurs du libre téléchargement, sociologiquement plutôt à gauche, défendent leur cause en employant un discours idéologique gauchisant. En réalité ils ne défendent pas une idéologie mais leur intérêt, et ils soutiennent de fait le point de vue libéral qu’ils conchient dans d’autres domaines.

  19. @Hugues : vous vous rendez compte que votre commentaire est à côté de la plaque ? Ce que Stéphane vous reproche, ce sont de choses :
    – d’une part considérer le droit patrimonial des auteurs comme allant de soi (alors que ce n’est qu’une des formes d’arrangement social pour les inciter à produire)
    – d’autre part la pétition de principe voulant que le téléchargement diminue fortement les rémunérations des auteurs, ce que les études empiriques échouent lamentablement à démontrer (voir papers.ssrn.com/sol3/pape… pour une revue de littérature)
    À partir de là, est-ce manquer de sens pratique que de dire qu’on essaye à grands frais de résoudre un problème qui sans doute n’existe pas ?

  20. "les défenseurs du libre téléchargement, sociologiquement plutôt à gauche, défendent leur cause en employant un discours idéologique gauchisant."

    Parce qu’il existerait des arguments exempts d’idéologie en faveur de cette thèse ? Des arguments susceptibles de soutenir la contradiction, comme, par exemple, des travaux économiques ?

    Mais diantre, qu’on les convoque à cette table !

  21. Oui Hugues, c’est effectivement un peu comme le "contrôle" de l’immigration.

    Ce ne sont pas des lois, du flicage, des pratiques "liberticides" qui vont régler ces questions . Créer des injustices pas très graves (un bon père de famille privé du net pendant 3 mois parce qu’il s’est fait pirater sa clé WEP) ou plus gênantes (un bon père se jetant par la fenêtre faute des bons papiers) plus vraisemblablement.

    Comment notre administration pourra t’elle être capable de trier l’immigré utile de la masse des autres. Comment nos députés seront-ils capables de faire naître un modèle économique viable? Quelle probabilité sans déconner ? Autant laisser faire et voire ce qui émergera, simple question d’efficacité. Pourquoi en ces domaines l’ordre imposé devrait il être supérieur à l’ordre spontané ?

    Et j’accepte parfaitement de me faire traiter de gauchisant ultralibéral sur ces questions 😉

  22. @Gautier: quel dommage, ça n’existe pas l’École des Ponts et Chaussettes ? 😉
    Cela n’aurait pas manqué de panache de la part d’Attali de donner ainsi gratuitement ses ouvrages, bravant les mauvaises langues qui n’auraient pas manqué de dire que ça ne valait guère plus… Et par ailleurs, quelle belle occasion de mettre ses actes en accord avec ses propos!

    @liberal: plutôt d’accord avec ce que vous dites, mais le point 3 est très discutable… j’aurai plutôt tendance à dire que les évolutions technologiques risquaient de mettre en difficulté, plus que les artistes, les intermédiaires traditionnels, et que les intéressés se sont défendu en freinant les évolutions, suscitant le développement des échanges illégaux. Les deux mouvements sont possibles et déclenchent le cercle vicieux.
    Quant à votre point 5, personne de sérieux ne dit qu’il n’y a pas de problème; Mais proposer encore une loi stupide n’est pas de nature à le régler, je crois que vous le dites vous même, non ?

    @Hugues: trop gros, le coup de l’appel au sens pratique venant d’un pro-hadopi, ça passera pas 🙂

  23. @Liberal, au sujet de votre point 1 et sa phrase "Il faudrait expliquer en quoi un nouveau progrès dans les techniques de reproduction et de diffusion la rend obsolète au lieu d’en renforcer l’importance" : Attention ! comme le rappelait l’économiste Nicolas Curien (du Cnam) en mai 2004 à un colloque sur le piratage, le droit de propriété littéraire et artistique vise à créer une "excluabilité" LÉGALE des oeuvres (musicales, cinématographiques, audiovisuelles, littéraires, etc.) alors que le progrès technique permet précisément de les rendre non excluables, et les mesures de protection technique de type DRM visent à créer une "excluabilité" TECHNIQUE des mêmes oeuvres. Comme Curien l’expliquait, la non-rivalité en consommation "est une réalité technique objective, qu’il convient de distinguer de la notion "d’excluabilité" […], qui est un construit social, visant à restaurer artificiellement de la rivalité là où le progrès technique tend à l’abolir." Autrement dit, il s’agit de rendre excluables légalement et/ou techniquement des oeuvres qui, étant donné l’état des techniques en 2009, sont non excluables en soi. Et cette phrase de Curien peut être rapprochée du premier tiret du commentaire de Mathieu P. ultérieur au vôtre.

  24. Je viens de découvrir, grâce à l’excellent forum de ce site 🙂 , le site de l’université de tous les savoirs.

    C’est en voguant sur cette énorme base de références aux grès d’intérêts divers, et en m’apercevant que le téléchargement des vidéos de toutes les conférences sont téléchargeables gratuitement que je me suis posé la question suivante : Pourquoi ces conférences , d’imminents chercheurs pour la plupart (je vous invite à voir celle du physicien David Ruelle sur le chaos), qui doivent demander une importante logistique et bien sûr une grand travail de recherche et de préparation, pourquoi sont-elles en libre accès ( au sens de téléchargeables gratuitement), a contrario d’autres « produits culturels » ?

    Je ne doute pas qu’on puisse apporter une réponse à cet exemple, notamment que les conférenciers sont le plus souvent des chercheurs rémunérés par la collectivité qui ne font que présenter le travail de leurs recherches pour lesquelles ils sont payer, mais n’est-ce pas une démonstration que la diffusion de la culture, applicable à plus grande échelle, peut se faire gratuitement ?

    Au sujet des « biens culturels » que sont les films et musiques (on pourrait aussi y ajouter les livres, mais c’est moins sujet à polémique), les éditeurs et producteurs semblent n’apporter qu’un service d’information et de diffusion de l’existence de ces biens culturels. Or internet propose aujourd’hui ce même service gratuitement !

    Si une loi était nécessaire en ce moment, elle devrait s’intéresser plutôt au monopôle que détient Google sur la diffusion des livres numérisés (verrouillé par des accords avec les associations protégeant les droits d’auteurs) et les risques qui vont avec.

    Finalement, comme la plus part des avis que j’ai pu lire, je pense que les lois comme HADOPI cherchent à réparer des défaillances conjoncturelles (le profit des majors… je stigmatise 🙂 ) alors qu’il faudrait réfléchir à l’évolution de la structure de la diffusion culturel avec les nouveaux moyens technologiques.

  25. "Pourquoi ces conférences , d’imminents chercheurs pour la plupart (je vous invite à voir celle du physicien David Ruelle sur le chaos), qui doivent demander une importante logistique et bien sûr une grand travail de recherche et de préparation, pourquoi sont-elles en libre accès ?"

    Cette question est effectivement intéressante.

    La réponse qu’on y apporte généralement est fort simple : parce que personne ne paierait pour l’avoir. Et, à l’évidence, ce n’est pas le cas pour toutes les z’oeuvres de l’esprit, ce qui justifie qu’on commercialise celles qui peuvent l’être, car ce sont sans doute celles qui ont le plus de valeur si les gensses les achètent et que personne ne les aurait si ceux qui peuvent les créer ne pouvaient rien gagner à les créer (tragédie des communs).

  26. @passant

    Je ne suis pas certain du tout que personne ne payerait pour voir une conférence scientifique et/ou de vulgarisation !

    De fait il existe nombre de congrès tout à fait payant et pas trop prix coûtant ! 🙂

    Il n’est pas plus exact que de croire que l’accès au savoir scientifique pur et brutal est accessible gratuitement … C’est souvent vrai lorsqu’il date de quelques mois, mais de grosses revues comme Cell ou Nature gardent les papiers payant pour l’éternité. Là aussi il existe plusieurs tentatives de rendre libre la diffusion du savoir, la plus notable étant PLoS (http://www.plos.org/about/princi...

    Certes internet a totalement révolutionné notre accès aux données, en trois clics de souris, mais les vieux journaux font de la résistance, ne veulent pas perdre leur rente. Petit à petit des abonnements par site et/ou par institutions ont permis de diminuer les coûts. Mais là aussi un vaste "piratage" s’est organisé : on s’échange bien sûr les codes d’un bout à l’autre du monde… Est-ce MAL, faut il créer une loi empêchant le méchant scientifique de maniper pendant 3 mois en cas de récidive ?

    Il est effectivement intéressant de comprendre pourquoi les scientifiques ne commercialisent pas directement le savoir qu’ils tentent de produire (enfin en oubliant l’existence des brevets…). Tout d’abord ce savoir est un bien extrêmement volatil et compétitif (probabilité forte pour qu’un collègue montre quelque chose d’équivalent dans un avenir proche). Non seulement le marché serait trop étroit, mais nous avons besoin d’accéder aux données des autres pour nos propres travaux. Plus la diffusion des autres est libre plus nos propres travaux avancent rapidement : on est dans un vaste processus collaboratif. Tout le monde serait perdant dans un modèle payant.

    Le modèle économique qui s’est établi nous incite donc à favoriser une diffusion la plus massive (eg dans une revue de réputation) possible de nos propres travaux. En effet nos grants dépendent en bonne partie de l’impact qu’ont eu nos travaux précédents…

    Y a des effets pervers ( un nombre de journaux à prétention scientifique hallucinant, contenant une somme de bêtise et de bullshit sans nom ) mais la production scientifique se porte très bien, merci.

  27. Personne ne paierait pour y aller ? Pas si sûr. Il y aurait certes moins de monde pour aller voir Ruelle que Gad Elmaleh, mais les conférenciers "pointus" donnent aussi des conférences payantes dans d’autres cadres. Je reste très sceptique concernant le tragédie des communs, sauf pour ce qui est de l’halieutique où elle est effectivement tragique.

  28. Ce n’est pas tant des créateurs non musicaux que se préoccupe cette loi DADVSI , mais une fois de plus la SACEM et les producteurs de films font la loi en France . Tout est toujours fait pour faire entrer du fric dans les caisses des musiciens du Top 50 via la SACEM et pour les autres créateurs, les non musicaux, c’est la galère . On prélève même aux créateurs non musicaux une taxe sur les CD et DVD vierges qu’ils achètent pour sauvegarder leur travail et diffuser leurs créations, taxe dont le bénéfice ira à la SACEM qui ne les connait pas, pour être reversée principalement aux créateurs de musique les plus riches, ceux du Top 50. Rien n’ira aux créateurs non musicaux obligés de payer cette taxe pour pouvoir travailler.
    Bref, par cette taxe injuste sur les CD et DVD vierges, la loi française permet à la SACEM de racketter les créateurs non musicaux qui sauvegardent leur travail, pour enrichir les créateurs de musique et les producteurs de films.
    Pourquoi cette discrimination écoeurante entre les créateurs et la légalisation d’un racket opéré sur les uns au bénéfice des autres ?

  29. D’éminents chercheurs mettent gratuitement en ligne des chapitres entiers de leurs recherches et mentionnent le titre de leur ouvrage et le nom de l’éditeur au bas de la page pour ceux qui veulent se procurer l’ouvrage complet et l’avoir sous la main . Cette pratique généreuse et intelligente du chapitre ou du résumé gratuit est du pain béni pour les étudiants désargentés qui ont un devoir à rendre sur le sujet . Les salariés comme moi, intéressés par ce chapitre gratuit, achèteront le livre ou le téléchargement de l’ouvrage entier, paieront le billet d’entrée à la conférence de ce chercheur dès que possible . Me méfiant des publicités accrocheuses à la télé, à la radio et dans la presse pour des ouvrages, romans etc … qui s’avèrent en général décevants, ce sont ces chapitres entiers qui me donnent une idée de l’ouvrage . C’est la même chose pour la musique et les films .
    La rapacité dont ces nouvelles lois répressives font preuve finit par tuer l’intérêt pour la création. Si l’on interdit l’échange par Internet, va-t-on bientôt interdire l’échange de CD entre copains, les prêts par l’intermédiaire de la bibliothèque – vidéothèque etc …
    Qui disait que le véritable artiste est désintéressé ? Ses concerts avec à la fin la vente de ses CDs , ses conférences avec la vente de ses ouvrages sont bien assez . Pourquoi veulent-ils devenir milliardaires en tuant tout ce qu’Internet avait de sympathique et de généreux ?
    La rapacité de certains fait perdre tout l’intérêt d’Internet, qui pouvait être un merveilleux outil d’échanges . Ce ne sera plus, bientôt, qu’un champ de ruines .
    Celui qui se fait supprimer Internet par le juge redécouvrira donc d’autres sources d’intérêt et ne fera plus vivre son fournisseur d’accès par son abonnement.
    Une loi initiée par des rapaces qui scient la branche sur laquelle ils sont assis .

  30. De la même manière, je suis outré que les producteurs aient choisi entre eux, de manière privée, de découper le monde en zones et qu’ils sont parvenus à ce que cette entente soit avalisée par certains gouvernements qui criminalisent la détention de DVD de zone inférieure ou de lecteurs déplombés – et, à ma connaissance, c’est le cas en France.

  31. J’essayais juste de reformuler le peu que j’avais pu comprendre d’une réponse théorique à la question.

    A titre personnel, je n’imagine pas voir un jour de mobilisation exigeant la mise à disposition du public de tous les cours et autres formidables travaux réalisés chaque jour par les centaines de milliers d’enseignants payés avec des fonds publics d’une ampleur comparable à celle exigeant la même disponibilité pour tout ce que le Vivendi Universal et la Warner parviennent à produire. Même uniquement au sein du milieu étudiant.

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