Vile provocation

Supposez que vous vous trouviez derrière le voile d’ignorance Rawlsien, devant faire des choix d’existence en ignorant totalement votre place dans le monde. Vous êtes placé face au choix suivant :

Vous pouvez vivre, selon le cas, dans deux pays. Dans le premier pays, au cours de votre première année après la naissance, vous avez plus de 10% de chances de mourir. Si ce n’est pas vous, ce sera votre mère, qui court des risques considérables en vous donnant le jour. Si vous franchissez cette première année, ce n’est pas fini pour autant : entre la naissance et l’âge de 5 ans, vous avez plus d’une chance sur 5 de mourir. De façon générale, en moyenne, vous vivrez 47 ans. Vos conditions de vie seront misérables : vous avez 80% de chances de vivre avec moins d’un dollar par jour, sans le moindre espoir de progrès au long de votre vie. Votre pays sera le cinquième plus pauvre du monde. Si vous êtes un garçon, il y a une chance sur deux pour que vous appreniez à lire; beaucoup moins si vous êtes une fille. Vous ne pourrez faire confiance à aucune forme de justice, ou de secours public : bien au contraire, vous devrez sans cesse apprendre à vivre malgré les autorités, et le harcèlement qu’elles vous feront subir. Chaque année, vous vivrez dans la peur : peur de mourir, de voir mourir vos enfants, qu’une saison plus mauvaise que la précédente vous condamne à une misère encore plus intolérable que celle que vous subissez.

Dans le second pays, vos chances de survie à la naissance sont bien supérieures : votre mortalité pendant la première année de vie sera de 0.3%. Entre 0 et 5 ans, ce risque est à peine augmenté, atteignant 0.35%. En moyenne, vous vivrez jusqu’à un âge supérieur à 80 ans. en moyenne toujours, vos conditions de vie seront plus favorables que celles de 98% de l’humanité. Garçon ou fille, vous recevrez une éducation, très probablement supérieure. Vos risques de mort violente seront dérisoires; vous bénéficierez d’un système judiciaire et policier honnête, d’un Etat de droit, et même d’une confortable protection sociale si vous avez des difficultés. Alors, oui, la vie ne sera pas rose tous les jours. Vos petits camarades, à l’école, se moqueront peut-être de votre couleur de peau, différente de la leur. Vous aurez à subir des programmes télévisés stupides, des impôts élevés, bref, tout l’ennui de l’homme post-moderne. Et vous vous sentirez déplacé, peut-être sans racines, parce que vous n’aurez pas été élevé par vos parents biologiques.

La question est simple : dans quel pays préférez-vous vivre? Facile, me direz-vous. Il n’y a même pas à se poser la question, ni même à faire l’hypothèse d’un voile d’ignorance. Le second pays est, de tous points de vue, préférable. Vous l’avez peut-être compris à ce stade, le premier pays est le Tchad, le second pays est la France.

Et cela pose une question intéressante : quel est exactement le crime commis par l’association au nom ridicule qui défraie la chronique? En quoi, exactement, le fait que les enfants promis à l’adoption soient tchadiens et non pas réfugiés du Darfour change quoi que ce soit à la donne? Cela ne respecte pas la loi tchadienne? Mais le président tchadien lui-même ne respecte pas la loi tchadienne, et détourne à son profit les maigres ressources de son pays. Ce même président, qui déclare sans rire s’inquiéter de ce que les enfants concernés par l’opération soient “remis à des pédophiles ou des trafiquants d’organes”, oublie soigneusement de préciser que lesdits enfants ont infiniment plus de risques de mourir prématurément, de subir des mutilations et sévices sexuels, en restant dans le pays qu’il dirige qu’en faisant l’objet d’une vente à des occidentaux désireux de les adopter. Contrairement à une légende tenace, les gens désireux d’obtenir des enfants pour avoir avec eux des rapports sexuels ou pour les assassiner constituent une infime minorité des habitants des pays riches…

Oui, vous avez bien lu : en faisant l’objet d’une vente. Peut-être que l’association en question a payé des adultes tchadiens pour “obtenir” des enfants. L’idée nous répugne? Mais qu’est-ce qui est le plus répugnant, exactement? Ce genre de commerce, ou les conditions de vie de ceux qui ne peuvent pas en bénéficier? Qu’est-ce qui est “illégal et inacceptable”, exactement? Ce genre de commerce, ou son interdiction par des dirigeants ineptes et corrompus? Et pourquoi la presse française, unanime comme souvent dès qu’il s’agit de devenir la voix du Quai d’Orsay, met-elle des guillemets à l’adjectif “humanitaire” en parlant de cette opération? Si cela n’est pas une action humanitaire, qu’est-ce qui l’est, exactement? Ce n’est pas humanitaire parce que cela ne respecte pas les lois soudanaises ou tchadiennes? Mais comment peut-on, sans rire, prononcer ce genre de phrase?

Les membres de cette association sont très probablement des branquignoles, parfaitement ignorants des réalités locales, naïfs et idéalistes : quiconque a pu fréquenter un tant soit peu le monde de l’humanitaire sait que ce genre de défaut y est assez largement représenté. Risquer pour cela d’être condamné aux travaux forcés au Tchad, avec l’accord implicite des autorités de son pays, c’est un tantinet disproportionné.

Comme son titre l’indique, ce billet a une vocation provocatrice; simplement l’occasion de rappeler qui, dans la misère que connaissent des pays comme le Tchad ou le Soudan, sont ceux qu’il faut vraiment montrer du doigt, et qui ne méritent ni respect, ni déférence.

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Alexandre Delaigue

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39 Commentaires

  1. Et si un adoptant de Neuilly exfiltre un ou deux enfants du 93…

    Force est de constater, que les enfants auront plus de chances de faire HEC ou Science-po, plus de chances de rouler avec chauffeur ou de pratiquer le golf.

  2. ce billet n’est en rien provocateur: quiconque a vécu dans un pays sous-développé sait parfaitement à quoi s’en tenir…Il est dommage que les "journalistes" occidentaux accrédite ne serait ce qu’un semblant d’existence d’un état de Droit …Cela n’est qu’une fiction et surtout sous la chappe d’un des plus ignobles et rétrograde obscurantisme religieux…

  3. J’espère (je suis un grand naïf) que l’attitude du gouvernement français vise à faire baisser la rançon. Le marché de l’otage est à la hausse dans la région depuis la signature du contrat lybien.

  4. Si l’on suit votre brillant raisonnement, Bernard Arnault peut aller faire ses courses dans n’importe quelle maternité de France : il offrira aux enfants qu’il adoptera de plus grandes chances de richesse et (corrélativement, si l’on vous suit toujours), de bonheur, que s’ils restent avec leurs bouseux de parents.

    Hélas pour Bernard Arnault, il existe dans toute société quelques règles sociales qui ne découlent pas directement de l’économie : par exemple vous ne pouvez pas voler votre voisin, même si vous le dédommagez au centuple. De même vous ne pouvez pas adopter qui vous voulez, les enfants ne sont pas des boîtes de conserve au supermarché. Même au Tchad, surtout au Tchad l’existence de ces règles sociales est essentielle pour éviter le chaos.

    Dans le cas présent, il faut ajouter que les orphelins du Darfour ne sont peut-être pas des orphelins. Adopter des non-orphelins par erreur, c’est ce qui peut arriver quand on s’affranchit de toute règle.

    Ceci dit, à vous lire, il est dans l’intérêt des enfants d’être adoptés même s’ils ont des parents. Après tout, il suffit de payer grassement leurs mères pour leur 9 mois de grossesse, elles n’ont qu’à recommencer.

    Car il est parfaitement évident que Bernard Arnault n’a qu’un rêve dans sa vie, c’est de faire son marché dans les maternités, et heureusement qu’il y a des lois pour l’en empêcher! Les “règles sociales” qui au Tchad permettent d’éviter le chaos sont elles aussi le rayon de soleil de ma journée.

  5. "La question est simple : dans quel pays préférez-vous vivre?"

    Oui la question est simple, mais justement celle que l’on ne pose pas au premier concerné par la "transaction", l’enfant.
    Préfères tu vivre chez des parents adoptifs occidentaux ou bien dans ta famille d’origine ? A supposer que ces enfants soient orphelins, et entendant la famille au sens africain du terme. Etre incapable de répondre ne signifie pas ne pas avoir de droits.
    Alors oui, le demandeur (la femme stérile) paye, mais qui encaisse ? Puisque le droit naturel fixe les limites de ma liberté à mes actions et à mon prore paquet de viande, il serait juste que la somme soit placée et remise à l’enfant adopté à sa majorité. Une fois que les adoptants auront assouvi leurs besoins parentaux, le majeur pourra jouir d’un capital.
    Il me semble illégal et illégitime que l’argent soit remis aux parents vendeurs et à des intermédiaires.

  6. je vous adore quand vous parlez économie, alors par pitié continuez…
    non pas que vous ne souleviez pas une question intéressante, mais parce qu’il vous manque manifestement les outils pour y répondre.
    merci d’avance et bonne continuation

    Vous avez tort sur un point : il y a là un authentique problème économique. Quant aux outils qui manquent, n’hésitez pas à en faire part…

  7. Désolé, mais ces branquignols comme vous dites, avec tout le mépris qu’ils affichent pour les ONG "mainstream", risquent d’avoir rendu le travail de celles-ci beaucoup plus difficile pendant pas mal de temps. D’autre part, depuis avril 2007, l’AdZ fait une campagne assourdissante sur les enfants du Darfour, pas ceux du Tchad, du Kivu ou de Sierra Leone. En termes d’économie, il y a tromperie sur la marchandise.

    Que Déby soit ce qu’il est n’empêche pas, justement, que ces enfants ne sont pas une marchandise.

    C’est exact : ces enfants ne sont pas une marchandise – et c’est dommage pour eux. S’ils étaient des marchandises, ils auraient une valeur, ce qui changerait de leur situation actuelle, ou ils sont appropriés de fait par un gouvernement, et dans laquelle ils n’ont aucune valeur. Pleurer sur la “marchandisation” est une façon commode d’éviter de s’interroger sur les alternatives à ladite marchandisation.

  8. Petite parenthèse féministe pour all : dans un couple (et d’ailleurs il n’y a pas que des couples qui adoptent), la stérilité n’est pas toujours le fait de la femme.

    Sinon j’aurais tendance à être d’accord sur le fond du billet. Et à rappeler aux commentateurs indignés que la provocation est manifeste et assumée, et, comme telle, doit être prise en compte par le lecteur doué d’un peu de recul…
    Pour la comparaison avec Bernard Arnault et les maternités de France, il me semble qu’elle est encore plus outrancière que le billet originel, qui admet (presque explicitement) l’existence d’un seuil de subsistance en-dessous duquel tout bonheur est impossible, seuil heureusement atteint par la quasi-totalité des entreprises françaises. L’argent/la richesse ne fait certes pas le bonheur, mais on ne peut nier qu’il en faut quand même un minimum minimorum…

  9. Moi, j’adore la vilenie, alors par pitié, continuez. Ceci étant, faire passer une fillette musulmane du Darfour sous le voile de l’ignorance, c’est lui infliger une triple peine… Ok, je sors : rendez-vous dans le Bar à Jojo du forum.

  10. Ce billet n’est pas censé être une analyse profonde, c’est un coup de gueule prenant le contre-pied du discours médiatique qui met l’accent uniquement sur l’immoralité du trafic d’enfant et jamais sur l’immoralité de laisser des enfants croupir (quand ils survivent) dans un pays pauvre et dicatorial, dont le président instrumentalise l’affaire pour obtenir une rançon.

  11. Je suis circonspect.
    J’aime le ton, la construction, etc. Mais je n’arrive pas à être convaincu.
    C’est mal?

    Pas du tout. La provocation vise à susciter l’interrogation, pas à apporter des réponses aisées.

  12. @Emmeline : je confirme (et je sais de quoi je parle) : chez les couples adoptants pour raison d’infertilité, on estime à environ 50/50 les infertilités M et F. Il est évidemment difficile d’avoir un chiffre précis, mais c’est un ordre de grandeur.

  13. J’aime les billets qui changent de ce qu’on entend ailleurs…

    La description des pays me rappelle un jeu éducatif, dont le nom m’échappe pour le moment, où l’on doit vivre la vie d’un enfant né dans un autre pays du monde… En jouant plusieurs fois, on "vit" dans des pays différents, et on se rend bien compte que certaines zones sont plus avantageuses que d’autres.

  14. @Emmeline
    Et vous le situez où, votre seuil de richesse minimal pour atteindre le bonheur ? A la moitié du RMI ? A la richesse moyenne au XVIIIème sicèle, bien inférieure ? A celle des habitants de la Rome antique ?

    La prospérité économique apporte des avantages objectifs, c’est incontestable. En conclure qu’il existe des normes elles aussi objectives, indépendantes du temps, qui fixeraient le niveau de l’acceptable ou du minimum minimorum, c’est tomber dans une certaine naïveté.

    Puissent vos lointains descendants, qui regarderont votre mode de vie comme le dernier des bagnes, vous écouter sans rire.

    Vous avez tort de rire, car ce seuil existe, et est mesuré, et est remarquablement universel. En dessous de 15000 dollars par an, la hausse de la richesse élève le bonheur, et ce, partout.

  15. Moi je le trouve très bien votre billet. Je ne comprends même pas très bien en quoi, ou par rapport à quoi il est provocateur. Evidemment on peut lui reprocher de ne pas contenir l’intégralité du dicible sur la totalité des sujets existants, mais c’est un reproche fréquent.

    On a parfois l’impression que l’alpha et l’omega de l’analyse en France consiste à rechercher qui est le méchant. Là, c’est bête, on n’a pas affaire à des méchants, on a affaire à des gentils benêts. Alors on sait pas où les caser.

    J’espère qu’on nous expliquera après les subtilités diplomatiques de l’histoire, parce que ça m’intéresse autrement plus que le détail des aventures de Cécilia chez Mouammar. Pour renier publiquement ses propres ressortissants, même un peu crétins, il faut des raisons solides.

  16. AD, avez-vous je vous prie des références pour ce seuil de 15 000 $ ?

    @ Scipios : c’est gentil de vouloir m’apprendre l’histoire du passé et du futur (au passage, les lointains descendants des Romains ne regardaient certes pas la Pax Romana comme un bagne, et le mythe de l’Age d’or ne date pas d’hier, mais passons…). Dans l’ignorance des études en question, j’aurais pu fixer un seuil minimal, objectif, indépendant du temps et non monétaire : le seuil où votre estomac ne vous fait pas souffrir toute la journée. Il n’est certainement pas dit qu’il soit atteint par la majorité des enfants tchadiens.

    C’est cité notamment dans Layard : “happiness, lessons from a new science”, et c’est un résultat fréquent de la littérature sur l’économie du bonheur.

  17. Certes, des études montrent qu’à partir d’un certain seuil de revenu, l’accroissement de richesse a une influence faible voire nulle sur le niveau de bonheur perçu. Seuil qui n’est d’ailleurs pas uniformément estimé comme étant égal à 15000 dollars :
    http://www.savoirs.essonne.fr/do...

    Mais ces études portent sur la perception des individus, pas sur la réalité objective. Et en aucun cas elles n’indiquent qu’en deça du seuil de 15000 euros il serait impossible d’être heureux.

    Je continue donc à rire de bon coeur.

  18. @Emmeline : Sauver un enfant menacé de famine ou de mort est un acte dont on ne peut constester la légitimité.

    Pour autant ce n’est pas une raison pour légaliser un "droit d’enlèvement" qui autoriserait les riches à récupérer les enfants miséreux.

    Car il y a généralement plusieurs manières de sauver les gens, dont une consiste à aider leur famille. C’est pour cela que si vous tombez dans la misère en France, vous bénéficierez du RMI et d’aides sociales et que ce n’est que dans des cas assez extrèmes qu’on placera vos enfants à la DDASS, acte qui obérerait vos chances de bonheur tout autant que celles de vos enfants.

    Que voulez-vous, il y a dans le développement social, affectif et pyschologique des gens des facteurs qui ne sont pas purement économiques… le monde n’est pas parfait.

  19. Alexandre, merci. Merci pour balancer ce qui me fait un peu gerber dans notre attitude actuelle (du moins celle de notre gouvernement et de nos medias) face a cette terrible aventure, derive symptomatique de l’humanitaire mis a toutes les sauces. Il en pense quoi, le mari de Chistine ? Hein ? Quand on appelle au droit d’ingerence, on aboutit a ca: des baroudeurs de la debrouille. Le seul point de vue a peine reconfortant est que Rama Yade cherche a taper tres fort histoire de negocier a la baisse. Et encore. Ca donne furieusement a reflechir.

    Et Scipios, oui, certains parents, en France, abandonnent leurs enfants. Pour plein de raisons, dont celles de ne pouvoir les elever decemment. Certes tout le monde n’est pas B.Arnault. Mais d’autres sont Jonnhy Halliday, qui prefere le Vietnam. Voila. Ou Madonna, d’ailleurs. On attend leurs incarcerations, voire la reprobabtion de nos dirigeants. PPDA aussi, pour le coup…. Ah tiens, PPDA… Lui ne s’est pas fait gauler, c’est ca la difference ??

  20. Derrière cette « vile provocation », je crois que vous pointez ce qui sépare les autres médias des blogs (cf le Pourquoi les médias sont-ils biaisés? (econoclaste.org.free.fr/d… ) : la contradiction.

    Vous pouvez prendre la position que vous souhaitez. Si vous voulez rester crédible, vous êtes obligé de la soutenir face à vos contradicteurs. Et ce faisant, vous contribuez à l’accroissement des connaissances de l’ensemble des participants.

    En passant, quand mettrez vous un lien sur votre forum dans la page d’accueil ?

  21. il y a-t-il un droit de propriété sur les enfants?

    Evidemment non. Mais c’est le paradoxe de l’histoire : les enfants en question seraient peut-être mieux lotis s’il y en avait un…

  22. Je dois être c**, où est-elle la provocation ?

    N’auriez-vous pas une petite chronique sur le bouquin de Layard (le prix du bonheur, il me semble) et une grande frite ?

    Voila la note de lecture de Layard. Pour la grande frite, voyez avec roger

  23. Difficile, pour ma part, de me faire une opinion tranchée sur le sujet. D’une part, une troupe de sauveurs de l’Humanité qui bafoue les lois internationales (voir le reportage vidéo du journaliste de Capa, où l’on entend un des gars dire "les lois internationales, mais quelles lois intenrationales?" avec un petit sourire en coin) sans se préoccuper de savoir si ces gosses qui ont, certes une espérance de vie très limitée, ont des parents. Car, et je pose cette question en toute objectivité, de quel droit ces gens peuvent-ils arracher à leurs parents ces enfants ?
    D’un autre côté, pour avoir passé un peu de temps en Afrique, en Guinée plus particulièrement, la misère quotidienne donne la gerbe, tous les jours en se levant. Qu’ont fait ces enfants pour mériter ce qui leur arrive ? Etre né dans un pays ou la misère est endémique, où le président comme les élites écrasent les libertés, les droits et l’accès aux besoins de base quotidiens en toute conscience et avec le même sourire en coin que le gars interviewé de l’Arche de Zoé.

    Alors voilà, en tant qu’économiste, impossible de trancher. En tant que citoyen, je trouve cela compliqué aussi. Pourquoi ces 103 enfants là (je ne me souviens plus exactement du chiffre)? Pourquoi pas plus ? Pourquoi les arracher à leur terre (il semble qu’ils soient tchadiens et non soudanais réfugiés ou déplacés)?

    Pour une fois, je n’ai pas de point de vue tranché sur la chose.

    Quant à la question de sachmo, je pense qu’elle est au coeur du problème : existe-t-il un droit de propriété sur les enfants ? Si oui, peut-on dans une économie de propriétaires échanger ce droit contre un autre ? …

  24. ah ! et je voudrais ajouter que s’il est provocateur ce billet, l’est surtout pour les gens qui ne se posent pas un peu pour réfléchir à la question. Ceux qui avalent des couleuvres le soir à 20h00…

    Pour les autres, je rejoins mes petits camarades, il ne s’agit pas de provocation mais d’un billet qui doit nous faire réfléchir, au-delà du débat de comptoir, sur les critères moraux et éthiques d’une théorie de la justice et de ses modalités d’exécution.

  25. Lisez, ou relisez, Claude Lévi-Strauss (race et histoire, par exemple) ou Michel Leiris.

    Retournons votre point de vue : Si un africain venait un jour sonner à votre porte en vous disant : « Ecoutez mon vieux, je viens vous acheter vos enfants parce que spirituellement vous êtes à des années lumière de notre culture, et que je veux que tous les enfants du monde apprennent à respecter les autres enfants, les autres adultes, mais aussi l’eau qu’ils boivent, l’air qu’ils respirent, les forêts, les montagnes, les animaux, bref la planète entière. Or votre façon de vivre serait à mourir de rire si vous ne mettiez en danger toute la civilisation actuelle.
    Acceptez donc, mon brave, cet or, c’est la meilleure chose que vous puissiez faire si vous aimez vos enfants »…………Comment réagiriez-vous ?
    Mon avis n’a aucune importance. Mais si par hasard j’étais d’accord, la dernière chose que je voudrais, c’est qu’une crapule corrompue qui dirige mon pays, ou un niais d’occidental pétri de certitudes, puisse décider à ma place.

    Vous le voyez, être ultra compétent en économie n’empêche pas de dire des conneries quand on déborde de son cadre de compétence………

    Un commentaire précédent le disait, on vous aime quand vous parlez de ce que vous connaissez, l’économie, et vous le faites très bien, s’il vous plait continuez comme cela, mais n’abordez pas de sujet qui vont bien au-delà de la sphère économico politique, il s’agit ici en fait d’anthropologie. Je précise ici que je n’ai aucune compétence avérée dans ce domaine, mais visiblement vous non plus……
    J’avoue, en anthropologie, je n’y connais pas grand-chose. Mais cela me rassure de constater que d’autres en savent encore moins que moi.

    Je vous le redis, Alexandre, je ne vous connais pas, mais j’apprécie beaucoup vos commentaires comme la plupart des gens qui visitent votre blog.

    Et de grâce, relisez les auteurs cités plus haut, ils vous diront combien il est faux de croire que la civilisation occidentale est la forme la plus aboutie de la nature humaine, que si de votre point de vue, les africains sont des êtres incapables de faire évoluer leur espérance de vie, c’est peut-être aussi parce qu’ils sont écrasés par cette civilisation occidentale qui les dépouillent de tout, qui les exploitent, et qui maintenant veut même leur retirer le droit d’avoir des enfants. Je rappelle simplement que cette formidable civilisation occidentale est celle qui a inventé la télévision, fantastique vecteur d’abrutissement des foules, la pollution à un niveau tel que l’avenir de nos propres enfants semble à moyen terme menacé ou encore………..le droit d’ingérence dans les affaires intérieures des pays africains.
    C’est d’ailleurs pour cette raison que le gouvernement français a été obligé de mettre en place une loi pour empêcher ses ressortissant d’aller s’installer au Tchad : sans cela, ce seraient des millions qui fuiraient un tel enfer.

    Mais là encore, nous abordons des sujets qui nous dépassent.

  26. On peut reprocher à Alexandre de voir le monde d’un point de vue trop strictement financier et à travers un prisme très occidental.

    Mais ce sont des défauts mineurs à côté du monceau de contre-vérités et de tartes à la crème qu’Eric Elle réussit à aligner en quelques lignes.

    Rappelons que Levi-Strauss n’a jamais écrit que toutes les civilisations sont sur un pied d’égalité (relisez Tristes tropiques ou Anthropologie structurale). Rappelons que la pauvreté de l’Afrique ne saurait être imputée au seul pillage de l’Occident (si l’Occident n’était pas là, l’Afrique se serait développée toute seule et aurait réinventé le moteur à explosion ?). Rappelons que nos pays sont moins pollués qu’il y a 20 ans et qu’ils le doivent au progrès technique et au développement économique (voyez la Russie). Rappelons que même avec une élévation de la température moyenne du monde de 5°C, l’espérance de vie en Occident restera largement supérieure à celle du siècle dernier (sans même parler des civilisations qu’Eric Elle semble affectionner). Rappelons enfin que la télévision est aussi un fantastique média qui informe dans le monde des millions d’analphabètes.

    Quelle triste bouillie intellectuelle nous avez-vous servie là ?

  27. Laissez CLS tranquille : aucune étude de civilisation n’a jamais conclu aux bienfaits de la corruption des hautes sphères d’un gouvernement ou du mauvais fonctionnement d’un système judiciaire ! Lisez Ballandier…

    Provoc’ réussie, Alexandre.

  28. oui justement .. on peut reprocher à Alexandre d’analyse la question d’un angle purement économique, alors qu’elle traite de personnes…

    c’est vrai aussi que quand Crysler annonce 12000 suppressions d’emplois c’est une décison économique …

    c’est vrai aussi que quand les copains de JW deécident de faire la guerre en Iraq ils font leur comptes calculette à la main… et pas pour compter les victimes…

    ce ne sont que des questions économiques…qui ont la fâcheuse tendence à déborder de leur champs initial et pourrir la vie de certains.

    Quant à la vision anthropologique d’eric Elle franchement , regardez un gamin de 5 ans dans les yeux et dites lui de continuer à crever de faim parce que ainsi il ne souffrira pas de la déchirure de l’enfant adopté… ou pire … parce que comme ça il sauvera la culture de ses ancetres…

    bonjours les gloubiboulga d’intellos!!!

  29. Pour en rajouter une couche : vous fîtes récemment l’éloge de Gapminder, et à juste titre. Et le bilan de M. Déby n’est pas flatteur. Avec cet outil, on remarque que le Tchad, entre 1975 et 1990 (arrivé de M. Déby) s’améliorait en ce qui concerne l’espérance de vie et la mortalité infantile, mais que depuis, la première a reculé et la seconde stagné…

  30. Sans vouloir défendre en quoique ce soit Mr Deby il convient de pas
    oublier le SIDA dans les pbs d’espérance de vie en Afrique en général et a
    Tchad en particulier.

    Au moins ce pays ne pratique pas (à ma connaissance) de révisionnisme sur la
    question et participe au développement de politique de santé sur ce sujet(la
    question de leur éventuelle efficacité étant une autre question).
    http://www.pnls-tchad.org/arv_gr...

  31. Il faut différencier bonheur des conditions matérielles ce dont on est incapable dans nos sociétés de consommation de nos jours où bonheur résonne avec bonnes conditions de vie…
    Sans vouloir te véxer Pierre même si on ne dispose pas des outils nécessaires à une bonne analyse économique, les idées sont malgré tout présentes et c’est le principal dans ce genr de blog. Toutefois n’hésites pas à nous en fournir pour notre culture personnelle.
    Je suis plus ou moins issu d’un pays émergent où la vie n’est pas rose tous les jours mais croyez moi que le bonheur y reste présent malgré tout sinon pourquoi ces gens se donneraient tant de peine à survivre?

  32. S’il y en a qui lisent encore ce billet je pense qu’il est intéressant de rappeler que l’enfance est une notion assez récente et qu’il n’était pas grand chose de plus qu’un petie animal pendant longtemps(cf Philippe Aries "L’invention de l’enfance"). J’avoue ne pas savoir si cette thèse a été confirmée ou infirmée par des études plus récentes. Cependant il me semble que c’est une chose à avoir en tête lorsque l’on parle de sujets éthiques touchant aux enfants.

  33. Une des choses positives de cette histoire c’est qu’elle permet de mettre en lumière le business lié à l’Humanitaire ! J’écoute Rony Brauman, en ce moment sur France 5, et on sent que les grosses ONG ont des parts de marché à défendre aux quatre coins de la planète…

  34. De toute façon, tout le monde continuera de parler en lieu et place des intéressés…
    Mais on peut aller plus loin dans la provoc: pourquoi adopter des enfants? Le péril est encore plus grand pour les quadragénaires, bien plus proche de leur terme. Dans l’urgence, adoptons des vieillards Tchadiens!

  35. merci à samantdi http://www.samantdi.net/dotclear...
    2007/11/07/1004-prends-moi de m’avoir signalé votre billet. Il fait partie du
    Blog avec un grand B, celui qui apporte qqch 😉

    Maintenant, si je crois avoir compris le propos du billet, je n’ai pas compris la
    fin "ceux qu’il faut vraiment montrer du doigt, et qui ne méritent ni respect,
    ni déférence."

    Je n’en vois aucun dans votre histoire. Et si – par impossible – vous pensiez à
    un haut magistrat, à un haut fonctionnaire ou à un chef d’Etat d’un pays
    hyperpauvre, très fragile, très conflictuel, marginalisé dans le monde – je
    vous invite à faire le même genre de test que celui du billet. Entre son poste
    dans le pays où il l’exerce, et le poste homologue en France. Pour voir QUI
    accepterait son job, celui du type "qui ne mérite ni respect, ni déférence".

    Ou à relire l’histoire de France : vous y trouverez vingt souverains, cent hauts
    magistrats, mille hauts fonctionnaires et magistrats corrompus, sanguinaires,
    fous, destructeurs, et dont on proclame la grandeur dans nos écoles et sur
    les plaques de nos rues.

    Faut-il le dire (sans doute) : je préfère les démocrates. Mais puisqu’on parle
    du Tchad, et de son Président avec tous les hauts et les bas de son règne,
    – une petite question : aimez-vous les guerres civiles ? et les guerres tout
    court ?
    – une source d’info : fr.wikipedia.org/wiki/Tch… Comptez les années
    de guerre avant et après l’accession au pouvoir de l’actuel président.

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