Je vois au 20 heures (19’00”) que les agriculteurs se suicident largement plus que les autres catégories socio-professionnelles. 38% de plus d’après l’INSEE, reprise par France 2 (je ne parviens pas à retrouver l’étude de référece sur le site de l’INSEE). Et je me demande si on peut partiellement imputer ce coût social à la PAC. Drôle d’idée ? Si on part du principe que la PAC maintient artificiellement des exploitations, toujours au bord de la faillite, alors on peut s’interroger. Je ne prends pas la chose à la légère. Je sais que d’autres facteurs jouent et mon propos n’est pas de dire que la PAC est responsable de tous les suicides de paysans, ni même que sur un cas isolé elle peut être le seul déterminant. On peut même imaginer que la PAC sauve des vies, en soutentant le revenu de ceux qui, sans cela, auraient craqué. Mais quelle est la part de ceux qui seraient allés dans cette galère (l’agriculture) sans l’existence de la PAC ?
Avis éclairés bienvenus.
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Au canada il n’y a pas de PAC et il y a moins de suicides chez les agriculteurs que dans le reste de la population,sauf au Quebec ou c’est peu pres pareil,je ne suis pas Mme Parisot donc je ne conclue rien….voir ce lien
http://www.phac-aspc.gc.ca/publi...
L’hypothèse est assez facile à vérifier dans la mesure où plus de 50% des agriculteurs ne bénéficient pas de la PAC.
Durkheim serait content. Il faudrait avoir des stats un peu plus précises sur la taille des exploitations dont les paysans se suicident, et l’importance des subventions dont ils bénéficient. Mais je ne crois pas que ta limite "ni même que sur un cas isolé elle peut être le seul déterminant" ait lieu d’être : ce n’est pas la PAC qui est facteur de suicide, mais la ruralité/paysannerie permise par la PAC (c’est bien ce que tu dis, mais du coup la question ne se pose pas vraiment. La PAC est responsable, mais pas coupable). Qui a parlé de la fin des paysans?.. 😉
Ca me rappelle mon sujet d’oral de Capes : "quelle ruralité en France aujourd’hui?". Si j’avais eu la donnée suicide, j’aurais fait péter le 17/20.
Pour les enquêtes, la DREES a fait un rapport apparemment assez complet ici :
http://www.sante.gouv.fr/drees/e...
Intéressant cet exemple canadien. On pourrait peut-être tirer des choses de l’expérience naturelle néo-zélandaise également. Mais quel rapport avec Mme Parisot? 😉
Ce n’était pas les policiers qui détenaient ce triste record?
Baudelot et Establet ont repris l’enquête de Durkheim et ont fait un travail assez important sur le suicide aujourd’hui. On doit pouvoir y trouver ce genre d’infos, mais je l’ai pas lu, désolé.
Ceci dit, on peut imaginer des corrélations cachées: les agriculteurs seraient souvent solitaires (non par caractère, mais parce que tout le monde est parti) et auraient peu de distractions (oui, ça fait très cliché ce que je dis, mais enfin…).
Ben voilà pourquoi il en faut moins. On sauvera des vies. Je plaisante à pein. C’est bien cette idée que j’avais en tête.
Par ailleurs, il faut probablement se méfier de la catégorie qui amalgame des gens dont les modes de vie n’ont rien à voir (entre des propriétaires de chateau, de grand producteurs de céréales, des éleveurs de chèvre, etc.) il serait bon de pouvoir ventiler un peu tout ça afin de vérifier, par exemple, que le taux de suicide (très dépendant de l’âge: chez les hommes, le veuvage est un facteur de suicide important – alors que chez les femmes non… ) ne soit pas lié au fait que cette CSP soit vieillissante. Ceci dit, toutes ces remarques n’invalident pas l’analyse proposée, mais j’avoues être assez dubitatif…
Mais, moi aussi…
Je sais que vous n’aimez pas beaucoup les sociologues, mais à cause de vous Durkheim vient de faire un saut périlleux dans sa tombe…
Pourquoi n’aimerais-je pas les sociologues ? Je ne crois pas avoir souvent dit du mal de la sociologie. Tout au plus, je me suis foutu de la gueule d’un type qui analysait comme un rigolo la mise à feu des voitures en banlieue, dans un vieux post. J’ai même fait appel aux sociologues lors de la crise du CPE, trouvant leur silence assourdissant. En vain, d’ailleurs. Et pourquoi ai-je réveillé Durkheim ? Si ma question est sociologiquement stupide, ce que je veux bien croire, il faut l’expliquer en deux mots.
VilCoyote: l’imprévisibilité et le poids des puissances publiques dans le secteur agricole leur donne le statut de l’éléphant dans le magasin de primeurs. On a pas tout à fait tort de dire que les paysans sont parfois des fonctionnaires européens (plus de 50% de leurs revenus provenant d’aides publiques), mais on ne s’intéresse que bien plus rarement à l’impact de cet état de fait sur le secteur agricole lui-même.
Par exemple, imagine-t-on à quel point le fait d’ignorer d’une année sur l’autre et même pour l’année en cours, et parfois, jusqu’au mois de novembre quelles conditions exactes seront consenties pour les aides à la cessation d’activités trouble l’organisation du monde paysan ? Par exemple, on ignorait encore en septembre de cette année s’il serait possible et à quelles conditions d’arracher des vignes et recevoir une aide.
Cette habitude détestable des pouvoirs publics de chercher à maximiser l’effet d’affichage d’une mesure en chicanant de sorte à ce que ceux qui auraient pu bénéficier de la mesure ne soient pas correctement informés à temps de sorte à diminuer le coût de l’aide est certes politiquement habile, mais son coût est directement supporté par les personnes "aidées".
Ce n’est donc pas forcément la PAC elle-même qui pose des questions, mais la manière dont elle est mise en oeuvre par les puissances publiques. Vous seriez surpris de vous constater que nombre de professionnels de l’agriculture seraient ravis de voir tous ces dispositifs gérés par de simples entreprises du secteur concurrentiel.
@SM:"Si ma question est sociologiquement stupide, ce que je veux bien croire, il faut l’expliquer en deux mots" -> on m’a appris à l’école qu’aucune question n’était stupide…;-)
On vous a menti. Mais c’était pour votre bien.
En rapport à la sociologie: si on réflchie en terme grossier (idéal type de l’agriculteur-exploitant, de monde rural, etc…), la PAC sauve indubitablement des vies, puisqu’elle maintient une activité et donc du sens, un sentiment de reconnaissance pour l’agriculteur exploitant, malgré son isolement, qui est lui facteur de suicide selon Durkheim.
Je vois mal en quoi la PAC, plutôt source de frustrations pour beaucoup d’agriculteurs, est un signe de reconnaissance pour l’exploitant. Ensuite, le choix n’est pas entre être isolé à la campagne ou être isolé et subventionné à la campagne, il est entre être subventionné à la campagne comme agriculteur et être en ville ou à la campagne, mais pas agriculteur.
En pur analyse économique: Il est vrai que là on toucherais au politiquement incorrecte et que les hypothèse de base seraient très dur à déterminer dans un recherche de la meilleur valeur : la mort au la "morne vie"? S-)…
J’ai rien compris…
Le "Vous n’aimez pas les sociologues" c’était pour faire une blague débile, rien de plus… La seule remarque sérieuse que je peux faire c’est que ceete logique du choix (être subventionné à la campagne vs. pauvre en ville) ne tiendrait pas devant un durkheimien : la non-intégration sociale est en soi un facteur suicidogène, elle précède les choix qu’on peut faire. La politique qui a vraiment eu un rôle vérifié, pour cette intégration, c’est la stratégie des remembrements des années 1950 qui a révolutionné la socialité agricole et accéléré l’exode rural. C’est à peu près cette époque d’ailleurs que les chiffres se renversent : avant les années 40-50 les urbains se suicidaient plus, après ce sont les ruraux. Ton raisonnement sera plus sociologique au sens strict si tu regardes les effets de la PAC sur les structures sociales (paysages, relations marchandes…) que sur les incitations.
Bah, ma foi, vous auriez du commencer par écrire cela, ça nous aurait fait gagner du temps. Je ne conteste pas l’effet structurel, même si je ne vois pas comme éliminer totalement les subventions dans les choix individuels. Après, les incitations ne peuvent être qu’un des éléments ici, et la PAC un facteur probablement très indirect. Mais qu’on soit économiste ou sociologue, il faut y répondre. Et pas seulement en invoquant des théories. Pour un économiste, on est ici typiquement dans le cas du Freakonomics. Faut de l’empirique costaud.
Il existe trois facteurs aggravants pour le suicide : être un homme, être célibataire, et avoir plus de cinquante ans. Or ces trois critères correspondent au profil-type du chef d’exploitation agricole en France. CQFD. Réponse de géographe.
Le taux de suicide est-il identique chez les hommes célibataires de plus de 50 ans dans les autres professions ?
Pour tester l’hypothèse (notamment celle de l’effet d’autres variables comme l’indique bruno) je suis allé chercher les statistiques. Plusieurs constats :
– plein d’articles expliquent que "d’après l’insee, les agriculteurs sont la csp qui se suicide le plus" mais expliquent en même temps que des statistiques de suicide par csp ne sont pas publiées.
– quelques sites avec des données. L’OMS :
http://www.who.int/mental_health...
Un document sur les pays de loire :
http://www.santepaysdelaloire.co...
Ce document recoupe l’idée ci-dessus, expliquant le suicide des agriculteurs par l’âge, le sexe, la ruralité et le statut matrimonial. Mais il ajoute l’instabilité économique comme facteur, instabilité plus forte pour les agriculteurs. Ce dernier document, certes anecdotique, va en tout cas dans le sens d’une instabilité économique provoquant une surmortalité indirectement due à la PAC :
amapreseau-mp.org/index.p…
En bref, l’hypothèse ne paraît nullement farfelue. Il faudrait y ajouter la causalité agriculture->célibat.