J’ai utilisé, pour les besoins d’un cours, le document suivant de l’OCDE sur l’évolution des inégalités. Je vous fais profiter du petit topo suivant (qui porte sur les pays de l’OCDE dans leur ensemble, des singularités existent).
L’essentiel de la variation des inégalités est due aux variations des revenus du travail. Les causes possibles de cette hausse des inégalités sont :
1. L’ouverture internationale, qui favorise la demande de travail qualifié. Son impact serait néanmoins limité selon l’OCDE.
2. Le progrès technique biaisé (qui va de pair avec la mondialisation). Son impact est significatif.
3. Les réformes des marchés du travail. La déréglementation des marchés a un impact positif sur l’emploi global et la demande de travail non qualifié, mais accroît encore plus la demande de travail qualifié et creuse donc les inégalités de salaires. La baisse de la protection de l’emploi, la hausse modérée des salaires minimum, la moindre générosité des allocations chômage et la baisse des taux de syndicalisation ont également pesé sur les salaires des moins qualifiés.
4. Le temps de travail. La hausse de la proportion d’employés à temps partiel (passée de 11% fin 1990 à 16% fin 2000) accroît les inégalités de salaires. La baisse du temps de travail a été davantage marquée chez les bas salaires, ce qui accroît mécaniquement la hausse des inégalités de salaires.
5. L’évolution de la structure des ménages. On constate davantage de ménages célibataires et homogames (qui appartiennent à la même catégorie de revenus), ce qui accroît les inégalités entre ménages. Mais l’impact est plus faible que celui lié aux inégalités de salaires individuels.
6. Les inégalités de revenu du capital ont joué un rôle dans la hausse des inégalités, mais bien inférieur à celui des revenus du travail. Néanmoins, avec la reconstitution de patrimoines importants, cet effet pourrait être plus marqué dans le futur.
7. La perte d’efficacité des dispositifs de redistribution. La redistribution réduit encore de 25% les écarts de revenus dans l’OCDE, mais cet effet a baissé de moitié. La baisse de la progressivité de l’imposition sur le revenu, la faible redistribution liée aux cotisations sociales et le fait que les prestations ne profitent pas assez aux plus pauvres (certaines ont même diminué, comme les allocations chômage) expliquent cette évolution.
8. En revanche, la hausse du niveau moyen d’éducation a modéré la hausse des inégalités en accroissant l’offre de travail qualifié.
Évolution du revenu disponible (1985-2008)
Évolution de l’indice de Gini
Pour ceux qui veulent se reporter à la source complète, c’est ici.
- Sur le passeport vaccinal - 18 mai 2021
- Laissez le temps de travail en paix - 19 mai 2020
- Élinor Ostrom, le Covid-19 et le déconfinement - 16 mai 2020
- Ne tuons pas l’enseignement à distance. Optimisons-le - 15 mai 2020
- Quelques commentaires sur les évaluations à l’arrache des systèmes de santé en pleine épidémie - 9 mai 2020
- Du bon usage du supposé dilemme santé vs économie - 9 mai 2020
- Le problème avec la courbe. Édition Covid-19 - 4 mai 2020
- Reprise d’activité - 21 avril 2020
- Problème corrigé sur les notes de lecture - 6 février 2020
- éconoclaste a 20 ans. Épisode 2. Passeurs dans les années 2000 - 27 décembre 2019
merci très intéressant
idem
Une question : existe-t-il des études longitudinales sur les inégalités ? Ca n’a pas l’air de courir les rues.
La plupart du temps on fait des comparaisons telle que (1er décile)/(10ème décile) aujourd’hui, comparé à hier. On conclut que "le revenu des 10 % de ménages les plus riches a progressé plus vite que celui des 10 % les plus pauvres". Mais, en réalité, ce n’est pas l’évolution du revenu des ménages que l’on examine, mais l’évolution du revenu moyen d’un décile. Or, les ménages qui sont dans un décile changent au cours du temps.
Que sont devenus les gens qui étaient dans le 10ème décile il y a 10 ans ?
Une question : existe-t-il des études longitudinales sur les inégalités ? Ca n’a pas l’air de courir les rues.
La plupart du temps on fait des comparaisons telle que (1er décile)/(10ème décile) aujourd’hui, comparé à hier. On conclut que "le revenu des 10 % de ménages les plus riches a progressé plus vite que celui des 10 % les plus pauvres". Mais, en réalité, ce n’est pas l’évolution du revenu des ménages que l’on examine, mais l’évolution du revenu moyen d’un décile. Or, les ménages qui sont dans un décile changent au cours du temps.
Que sont devenus les gens qui étaient dans le 10ème décile il y a 10 ans ?
Réponse de Stéphane Ménia
Goux et Maurin présentent ce genre de données dans leur dernier ouvrage.
@Gu Si Fang
Ce rapport du CBO traite aborde ce point. http://www.cbo.gov/publication/4...
@ Xavier
Le rapport semble parler uniquement de distribution, concentration des revenus, part des revenus de marché, indice de Gini, etc. L’annexe B sur les méthodes de mesure des inégalités parle aussi de Gini etc. Je ne trouve pas de passage qui évoque l’évolution dans le temps des revenus individuels. Vous pouvez m’indiquer le passage ?
@ Stéphane
Chez Maurin & Goux je trouve ce passage, mais il y en a quand même peu sur le sujet que j’évoque :
"En raisonnant de manière indistincte sur l’ensemble de la population, on s’expose à diagnostiquer une hausse des probabilités individuelles de déclassement quand il n’y a simplement, dans la société, qu’une hausse de la part des personnes issues des classes supérieures et des classes moyennes."
Réponse de Stéphane Ménia
Ce n’est pas la totalité du livre. Mais il y a une analyse assez développée en termes de transition d’une classe à l’autre au cours du temps. A bien y regarder, c’est même le coeur de leur analyse, puisqu’ils définissent la classe moyenne comme étant au centre et caractérisée par une possibilité importante pour ses membres de basculer vers le haut ou le bas.
Oui, je m’apprêtais à poster cet addendum avec des passages qui parlent des trajectoires individuelles :
Dès lors que la mobilité individuelle dans l’échelle des revenus courants est importante (et elle l’est, particulièrement dans le privé et chez les non-salariés), de fortes différences de revenu courant ne correspondent en réalité qu’à de faibles inégalités de revenu permanent et, par conséquent, qu’à de faibles différences de niveau de vie entre les familles.
Le fait que l’on ne puisse pas parler d’un déclin de la qualité des emplois occupés par les salariés intermédiaires ne signifie pas que ces salariés, en tant qu’individus, ne subissent pas de plus en plus des trajectoires personnelles descendantes. La classe moyenne est -elle peuplée de «déclassés», les « promus » se faisant progressivement plus rares?
Pour les classes sociales envisagées comme groupe, c’est l’immobilité qui domine. Pour les individus, au sein des groupes sociaux, c’est l’inverse: un flux ininterrompu d’avancées et de reculs, de promotions et de déclassements individuels.
Aussi curieux que cela puisse paraître, on sait aujourd’hui peu de chose sur ces phénomènes, sur la fréquence et la nature des déclassements et des promotions individuelles, sur la façon dont ils se distribuent entre les groupes sociaux et au cours du temps.
@Gu Si Fang
Le sujet est abordé Box1, page 20, au cinquième paragraphe. Cela résume l’analyse de revenus sur plusieurs années, plutot qu’une, et conclut que selon cette mesure les inégalités sont moins grandes mais seulement de peu. Deux papiers sont cités en référence mais je ne les ai pas lus.