Je viens d’appendre aujourd’hui la mort de Mark Blaug. Oh, non, ce n’est pas un scoop, puisque c’est arrivé il y a plus d’un an. J’ai un peu honte. Non, c’est presqu’un scandale, en fait. C’est par le biais d’un tweet de Diane Coyle que j’ai compris. C’était pas compliqué, il donnait un lien vers un article intitulé “Twenty Five Methodological Issues in Memory of Mark Blaug” (qui a l’air pas mal du tout, d’ailleurs). On est des gros nuls.
Car Mark Blaug, c’est énorme. Spécialiste d’histoire de la pensée économique et de méthodologie économique, Blaug était probablement l’un des économistes les plus respectés et l’un des moins connus aussi. Respecté parce que reconnu pour son travail impressionnant d’intelligence et d’érudition, parce que discret comme y sont contraints les historiens de la pensée (par la force des choses) et, j’imagine aussi, parce que grand pédagogue.
Pour ce que j’en sais (les spécialistes pourront me corriger le cas échéant ; ah, non, ils ne pourront pas… les commentaires sont désactivés, n’hésitez pas à envoyer un mail, je publierai), la contribution fondamentale de Blaug a été de créer un pont entre l’économie d’hier et celle d’aujourd’hui en réinterprétant autant que possible les théories des anciens avec les perspectives méthodologiques des modernes. Un travail fondamentalement ingrat quand il s’agit de briller en société, mais ô combien vénérable quand on se place dans une perspective méthodologique. Ainsi, nombreux ont dû être les étudiants qui, ouvrant son classique “La pensée économique” ont dû croire que ce type était fou. Que penser d’autre quand on lit “A mon fils, David Ricardo” (qui appellerait son fils David Ricardo ?) ? Je n’ai jamais cru cela, ayant eu la chance avant d’ouvrir son ouvrage, de tomber sur un prof qui nous expliquât à l’époque que le fils de Mark Blaug ne s’appelait pas David Ricardo, mais que la dédicace de l’ouvrage (dont le titre original est Economic Theory in Retrospect, bravo les traducteurs…) était un concentré d’humour résumant la philosophie du bouquin.
Blaug, c’est un apport énorme à la méthodologie économique, une synthèse des lectures qu’on peut faire de l’économie à l’aune de la philosophie des sciences. Un incontournable pour ceux qui veulent prendre du recul sur le sujet. Le tout étant d’une limpidité qui force le respect quand on sait qu’on ne lit pas ce genre de choses comme une BD (je crois que j’ai compris, c’est pour vous dire…).
Avec un an de retard, l’économiste en moi est triste et voit une page se tourner car Blaug a vraiment été ma lecture complémentaire indispensable durant mes années d’études. Mais les écrits restent et même s’ils datent un peu maintenant, lire La méthodologie économique ou La pensée économique vous rendra plus intelligent. Je vous y incite donc.
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