La rationalité économique n’est pas là où on le croit

Ce matin, lors d’un cours consacré à l’économie du développement, suite à des digressions successives, vient à être abordée la question de l’intérêt des OGM pour l’Afrique. Beaucoup de positions très tranchées sont émises, jusqu’à ce qu’un de mes élèves, originaire du Burkina Faso, explique :

” Chez nous, il y a quelques années, les agriculteurs ont commencé à planter du coton OGM. Puis, au cours des années ultérieures, le prix du coton non-OGM a beaucoup augmenté, alors beaucoup d’entre eux ont tout simplement réduit ou abandonné la production de coton OGM pour produire du coton biologique, parce que c’était plus rentable”.

Tout bêtement. L’homme africain n’est peut-être pas entré dans l’histoire, mais il est capable d’aborder des sujets avec une sagesse économique dont pourraient s’inspirer bien de nos politiques. Accessoirement, voici quelques faits sur l’Afrique, via Marshall Jevons. Accessoirement aussi, cette année, mes deux étudiants les plus solides en mathématiques sont Béninois. Parfois, je me demande qui, en réalité, vit en dehors de l’histoire.

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Alexandre Delaigue

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15 Commentaires

  1. Joli billet Alexandre.

    Ayant fréquenté beaucoup d’africains, soit lors de mon DEA d’Economie du Développement, soit lors de mon séjour en Afrique, j’ai été bluffé par la sagesse qui se dégage des individualités. La rationalité et le cartésianisme ne sont pas, n’en déplaise à certains, une marque de fabrique purement occidentale !

  2. Moi aussi, tous les ans, mes étudiants les plus à l’aise en maths ont eu leur bac dans des pays africains. Alors que pendant ce temps là des purs produits de l’EdNat, bac S en poche, sont incapables de piger la théorie du consommateur et le lagrangien…

  3. Première loi de Bové : On trouvera toujours difficilement plus économiquement rationnel (statistiquement) qu’un paysan. La rationalité du paysan implique la rationalité de ses proches. La rationalité de ses proches implique celle de son village ou des communautés dans lesquelles la paysannerie joue un rôle non-anecdotique.

    Seconde loi de Bové : On trouvera toujours trace dans l’histoire de l’opposition des paysans aux politiques économiques stupides les concernant. Parlez-en donc à Lénine.

    Troisième loi de Bové : Les paysans sont sans doute l’un des composants de toute société humaine viable concevable même à notre époque.

  4. Oui.

    Je me permettrait une (grosse) restriction sur l’article mis en lien de T. Heams dans libé. Rebond qui commence par confondre le discours de Dakar avec le "déterminisme de la pédophilie". Non pas que celui existe ou soit en voie de démonstration.

    Le discours de Dakar est à profil raciste car il enfile des préjugès pénibles sur "l’homme africain" dans son ensemble en tant que méta-entité structurante de son âme (enfin je ne sais si Guino est au courant). Associer des corrélations génotypes/phénotypes (y compris des phénotypes comportementaux) c’est plus compliqué : on ne connait le résultat à l’avance, ça concerne un individu donné et pas l’ensemble de "l’homme africain". Et surtout nous ne sommes pas prionnier de notre déterminisme génétique à mains égards : le débat sur l’inée et l’acquis étant caduque (l’un et l’autre se cause, se renvoie la balle…).

    Mais taper sur Gaino ne fait pas de mal.

  5. Au passage, enchanté de savoir que vous avez deux Béninois forts en maths parmi vos étudiants. Ce pays est un Etat d’Afrique francophone disposant d’une université avec filière mathématique honorable, fait d’autant plus appréciable que le pays est petit. J’ignore si cela y influence la qualité de l’enseignement secondaire des maths.
    J’ai pu me rendre un tout petit peu compte comme il est difficile d’être étudiant en Afrique, avec peu de moyens, perturbations à répétitions, années blanches, faible valorisation sociale des études théoriques face à "faire de la politique" ou "des affaires". Tous mes voeux de succès à vos étudiants.

  6. Pour avoir fait un peu de développement agricole, je pense que les paysans sont sacrément bons en économie parce que plus que tout autre, ils connaissent depuis la nuit des temps le principe d’investir (ici semer) pour engranger les bénéfices après (ici récolter). La seule difficulté, la plupart du temps, est leur manque d’accès au crédit pour pouvoir investir initialement…

  7. N’est-ce le propre d’une société à dominante libérale que de chercher à
    catégoriser le plus possible les gens, histoire de pouvoir leur faire correspondre
    des marchés ?

    Guano n’est pas paradigme, mais il est bien le "produit de sa corrélation
    phénotype/génotype".
    Ce qu’on pourrait aller jusqu’à appeler "conscience de classe".

  8. Glaçant.

    Tu as l’air sincèrement étonné de découvrir qu’un Africain puisse être brillant.

    Parmi les 2 exemples que tu donnes pour illustrer ce prodige, le premier est un raisonnement tellement élémentaire que n’importe qui se sentirait profondément blessé d’être félicité pour ça. Vous vous rendez compte? Il y a des Africains capables de comprendre tous seuls qu’il vaut mieux produire le coton qui vaut cher que celui qui vaut pas cher.

    Il est des louanges qui font plus mal que les insultes.
    Pitié… On ne vous a jamais appris à lire les billets avant de les commenter? Allez, puisqu’il faut mettre les points sur les i, puisque même le premier degré ne passe pas : cet exemple montre que ce que vous appelez un “raisonnement élémentaire” est tenu par l’Africain, pas par celui qui lui donne des leçons et qui n’est même pas capable, sur le même sujet,  de tenir le même raisonnement. Que la raison n’est donc pas du côté de celui qui donne des leçons. C’est mieux comme ça? Ou il faut aussi une version avec des images à colorier?

  9. Ce n’est pas pour troller, mais pour compléter ce qu’écrit Charles sur le Bénin. Ce pays fait des efforts significatifs pour s’aligner sur les standards européens en matière d’enseignement supérieur. Parfois même, il surajuste (sic), voir ceci : http://www.sonangnon.net/actuali...
    Pour ceux qui auraient la flemme de tout lire : "Des 2.997 étudiants de la 1ère année [d’économie], seuls 79 ont pu tirer leur épingle du jeu, soit un taux de 2,63% de réussite."

  10. Les administrations agricoles françaises vous expliqueront invariablement que produire biologique est très complexe, donc, coûteux et périlleux. Ce n’est d’ailleurs pas faux, notament du fait de la densité de population en France ou de la coexistence avec des activités dont le voisinage déqualifie le territoire comme inapte aux cultures biologiques, mais ce ne sont pas toujours les arguments invoqués.

    Bizarrement, c’est donc en pratique uniquement en Afrique ou dans les pays en voie de developpement que l’industrialisation de l’agriculture bio a une chance de parvenir à maturité, c’est à dire, être compétitive avec l’agriculture chimique intensive des pays industrialisés. Ce qui mènera d’ailleurs tôt ou tard rapidement à un usage autre qu’agricole des sols des pays "riches" (l’impasse des bio-carburants n’étant plus à priori à démontrer).

    Dans le contexte de ce raisonnement, noter l’effort tardif (pour ne pas dire désespéré) de la Commission Européenne pour faire passer une directive de protection des sols. Il est en effet bien temps : c’est un fait méconnu, mais la production agricole européenne s’écoule parfois mal à l’étranger du fait de la présence à des niveaux tout à fait détectable de carbones fossibles, hydrocarbures lourds, imbrûlés, oxydes métalliques, souffrés, et autres joyeusetés dans les produits. Bien que rien n’établisse l’existence d’éventuelles relations entre quelques conséquences en matière de santé et la présence de ces résidus indésirables de l’activité sociale ordinaire, mettez-vous à la place de l’acheteur mondialisé : s’il doit, pour un même prix, choisir entre une tonne de blé avec zéro résidus polluants garantis et une tonne de blé avec zéro virgule un résidus polluants, laquelle choisira-t-il ?

  11. @Blagueur de service, vous etes sur que vous ne confondez pas le discours de Bové avec celui de Pétain : la terre, elle ne ment pas !

    @alexandre, Sur le fond, je vous suis tout à fait. L’énorme tord des écologistes et des alter-mondialiste, c’est de vouloir construire une échelle de priorité différente de celle des marchés. Alors que les marchés intègrent naturellement les préoccupations écologiques du moment que celle-ci ne sont plus ultra minoritaire.

    L’afrique, au moins la partie qui n’est pas ravagée par la guerre, à un bel avenir devant elle. Je pense sincèrement que l’Inde ou la chine des années 2020 – 2030 seront en afrique.

  12. eh ben………vous en faites des efforts pour faire oublier le billet du 30 octobre dernier !
    On sent que l’africain n’est pas encore votre égal, mais ça vient doucement……..

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