Sur le travail qui donne envie de mourir, intéressant entretien dans Libération.
Ce passage, au sujet du travail dans les centrales nucléaires, a retenu mon attention :
” Pour les sous-traitants, le sentiment d’impuissance est doublé d’une instabilité professionnelle. En 1992, j’avais rencontré Patrick, un intérimaire. A l’époque il allait bien, mais la pression due à sa situation d’intérimaire le taraudait. En effet, pour respecter les limites individuelles d’exposition aux radiations ionisantes, EDF fait se succéder, sur les postes exposés, des travailleurs recrutés par le biais de la sous-traitance et de l’intérim. C’est la «gestion de l’emploi par la dose». Les travailleurs doivent porter des dosimètres qui enregistrent la dose de rayonnement à laquelle ils sont soumis et transmettent l’information par informatique à EDF. Quand le travailleur atteint la dose maximale autorisée, l’accès à la centrale lui est fermé. Pour un CDD ou un intérimaire, la mission est finie d’office. Il ne travaillera que plusieurs mois plus tard quand il aura remis à zéro son «crédit d’irradiation». EDF reporte ainsi la responsabilité de la gestion des risques de radiation sur les salariés eux-mêmes, ce qui les fragilise. Deux ans plus tard, je suis revenu sur le site où Patrick travaillait. J’ai appris qu’il s’était suicidé, à 32 ans. Son décès n’a pas été reconnu maladie professionnelle. Il avait atteint une nouvelle fois sa «dose» et, donc, a perdu son contrat. Il s’est tiré une balle dans la tête le jour où son agence d’intérim lui a refusé une avance financière.”
C’est vraiment une imbrication des logiques socio-techniques que j’ai du mal à comprendre, pour ne pas dire du mal à tolérer. Un cas d’école de désordre du travail.
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Diable, l’interview est inquiétant en effet. Je ne pense pas qu’il y ait besoin de suicides pour qu’on se pose sérieusement la question de l’organisation du travail dans ces centrales (enfin nous n’avons qu’une version).
Totalement opposé en revanche à la notion de "responsabilité de l’employeur" dans le suicide. Ca me paraît extrêmement dangereux. Il peut y avoir – il y a même forcément – tout un faisceau d’autres causalités extérieures à l’entreprise pour expliquer chacun de ces suicides. Ce mouvement de responsabilisation des employeurs est très préoccupant. Il me fait penser un peu à la montée des périls à la fin de l’Empire Romain, poussant les petits sous la protection des grands (c’était aussi, si je me souviens bien, sous l’effet d’un appauvrissement monétaire dû au dualisme de la monnaie). Les salariés abdiquent une part de leur responsabilité (fondement de la dignité humaine) pour en confier une part au patron. Brrr.
Un cas d’école ?
Du tout !
De la bonne gestion, cynique et mortifère, celle précisément qui oriente l’économie vers une pratique quasi criminelle.
Reportez vous à ce remarquable bouquin d’un journaliste allemand dont j’ai oublié le nom " Tête de turc ", ou au travail de Denis Robert sur Clearstream etc, etc.
Quand je dis qu’il s’agit d’un cas d’école, je veux dire par là que toutes les caractéristiques du problème défini sont réunies en un seul cas, de façon tout à fait évidente, voire caricaturale. C’est bien un cas d’école. Bon, sinon, je ne vois pas le rapport avec Clearstream. Je dois être un peu trop scolaire.
Je crains que votre commentaire ne soit un peu éloigné du sujet traité et ne conduise à des réactions d’humeur de la part d’autres lecteurs. Pour la sérénité des discussions, je préfère ne pas le publier.
Si EDF était une entreprise privée, il serait possible de s’adresser à l’inspection du travail et de la faire intervenir aussi promptement qu’elle intervient pour contrôler les agriculteurs ou les femmes revenant de congés maternité et ne retrouvant pas leur emploi. Si EDF était un acteur du secteur concurrentiel, nul doute que les syndicats de travailleurs auraient pu jouer leur rôle.
Mais cela n’est pas possible dans une entreprise d’état.
Hélas, nul n’est plus horrible patron que ce capitaliste que sait être l’Etat sûr de lui, imposant à autrui des règles qui ne le concernent pas et ne cherche surtout pas à savoir comment la Reichbahn le sert. Témoin cette SNCF de 1942 qui peine encore à reconnaitre aujourd’hui avoir maximisé son profit en transportant dans des wagons à bestiaux des passagers facturés au tarif ordinaire des voyageurs à l’occuppant.
Nombreux sont ceux à ne pas s’y tromper : être à la fois industriel et public permet de s’affranchir de tant de contraintes plus lourdes à gérer pour les industriels ordinaires. Qui donc aujourd’hui se souvient dans quelles conditions exactes le réseau téléphonique aura été déployé en France entre le " 22 à Asnières" et le cri de triomphe de Giscard, avant que, 20 ans après, l’industriel d’état ne soit en grande fanfare privatisé ?
Ouh le beau troll… Je publie pour la beauté du geste. Mais de grâce, les autres, réfléchissez avant de répondre !
La sociéte Française est corporatiste; je pense que vous l’avez même mis en avant pour dire que les réformes étaient impossibles. Le corporatisme protège les insiders et exclu les autres. EDF est corporatiste.
Oui. D’accord. EDF est corporatiste. Et ?
Sur les réformes, pour être précis, je n’ai jamais dit qu’elles étaient impossibles.
Pour préciser un des commentaires, "Tête de Turc" est de Gunter Grass, si ma mémoire est juste. Je ne l’ai pas lu mais il me semble que l’auteur se faisait passer pour Turc ou d’origine turque pour décrire leurs conditions de travail.
"Tête de Turc" est de Gunter Wallraff, pas Grass.
Mais c’est vrai qu’ils arborent tous deux de fières et belles bacchantes.
Voilà voilà…
Le sujet initial s’éloigne à vue d’œil là, non ?
Ah, vous avez remarqué vous aussi ?
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un cas de désordre du travail en particulier : voir par exemple un cas de désordre tout court : les associations engagées signalent ne jamais avoir obtenu l’engagement de poursuites malgré de nombreux éléments attestant de pratiques contraires à l’état du droit destiné à la protection des personnes :
http://www.liberation.fr/actuali...
"Des lois existent, mais Me Guillaume Traynard dénonce une «carence des autorités de poursuite», celles qui décident qu’une plainte est ou non recevable."
Vous devez avoir raison. Je dois avoir tort. Bonne journée.