Quand un microéconomiste donne son point de vue sur les cycles, ça donne des choses inattendues : un vilain méchant de Chicago qui écrit qu’une récession a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages et parle des gens. Ah, tiens, son compère Richard Posner n’est pas d’accord.
Xavier Timbeau nous le disait la semaine dernière, sur un ton très solennel et dramatique : il faut se bouger les fesses sur la politique budgétaire. Il avait piqué ça à Krugman, qui l’avait dit un peu avant (et moi je suis tombé dessus par le biais de David Mourey).
Pendant ce temps là, on chambre.
Et nous sommes les stars de Ouest France (ce qui n’est pas rien… En plus, la chronique voit très juste dans nos intentions).
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M’sieur, le Pr Becker y fait rien que m’embêter! Il attaque un homme de paille et triche sur les définitions : http://www.becker-posner-blog.co...
Richard Posner commence ainsi son billet:
The costs of a depression in lost output, reduced incomes, and anxiety almost certainly exceed the benefits, and can have disastrous long-run consequences–had it not been for the Great Depression, it is unlikely that Hitler would have become chancellor of Germany. But that is not to deny that there can be some benefits, as our current depression illustrates.
Selon vous, il n’est pas d’accord avec Gary Becker ?
Il ne faut pas confondre l’affirmation selon laquelle une crise peut avoir certains effets positifs avec l’affirmation selon laquelle une crise a globalement des effets positifs.
A noter que parmi les effets positifs envisagés par Posner se trouve … l’augmentation de l’interventionisme étatique. Là, je pense en effet qu’il y a probablement un désaccord avec Gary Becker, mais pas sur le point que vous mettez en avant.
It is far harder to measure precisely the effects of serious recessions on individual welfare and happiness. Surveys of reported happiness find that workers who become unemployed are less happy than they were, and persons whose incomes have fallen reported a decline in their happiness, at least initially. Divorce rates and even suicide rates also tend to rise during major recessions, as does crime, discrimination against minorities and immigrants, and pressure toward greater protectionism.
je ne suis pas économiste et ce genre de paragraphe me sidère complètement.
il y aurait des doutes sur ce genre d’effet ?
y a t il aussi des économistes qui cherchent des mesures pour vérifier si un tsunami à vraiment un effet négatif sur le moral des personnes affectés par exemple ?
ou est ce que je devrais lire qu’on n’avait pas pris en compte ces variables parcequ’elles sont difficile à quantifier ?
dans les deux cas, ça donne une image détestable des économistes.
Un peu comme les éducateurs du 19 ième siècle qui discutaient doctement des bénéfices et des inconvinient des chatiments corporels appliqués aux enfants pour un bon enseignent de l’amour parental.
quelquesoit l’intention initiale de l’auteur, il en ressort quelquechose de barbare pour un non économiste.
stephane : l’idée contre-intuitive à intégrer pour comprendre le constat surprenant à première vue que vous faites est que les économistes n’estiment pas avoir vocation à déterminer si le mode idéalisé dans les discours les plus courants d’insertion sociale (travail stable à plein temps bien payé, vie de famille épanouie, pavillon en pleine propriété, voiture, ADSL) est celui qui permet le meilleur épanouissement pour chacun.
C’est à priori davantage une question pour les sociologues : est-on plus heureux avec un emploi fixe à temps plein et gagner plein d’argent ou en ayant plein de temps libre pour étudier l’économie ou jardiner et avoir beaucoup moins d’argent. L’air de rien, c’était la véritable question sous-jacente à la réflexion sur les 35h (le première, celle de De Robien, pas celle de Jospin, qui est postérieure et consistait à les imposer à tous)
Passant, j’entend bien ce que vous dites, mais là il est mention de "serious recession", "become unemployed", "income fall" , "divorce & suicide".
Est il nécessaire d’être sociologue pour savoir que n’importe qui, serait mécontent (pour le moins) que ça lui arrive ?
je ne sais pas dans quel monde "non idéalisé" ce genre d’évènements peuvent devenir des sources de bonheur.
Il reste l’adage, "ce qui ne me tue pas me rend plus fort" mais il n’est pas merveilleux du point de vue de ceux qui sont tués…
Quand Laocoon lance son javelot sur le cheval de Troie, il provoque la chute de Troie, puisque, dévoré par les serpents pour son mariage illicite, on le croira puni pour son geste. Bref, personne ne l’écoutera, ni Cassandre.
Comment ça, rien à voir ?
Si. On n’écoute les prédictions que quand on est d’accord avec, ou quand c’est Jacques Attali.
Comment se fait-il que Ouest-France n’évoque pas votre rêve secret de conquérir le monde ?
Réponse de Stéphane Ménia
Désolé, j’ai pas compris.
stephane: Ha…ok. Bon, désolé… Sinon, je crois vaguement me souvenir d’une statistique disant que dans certaines catégories d’âge (ceux qui étaient jeunes au mauvais moment, notamment), 40 à 60% des français avaient connu au moins une période de chômage. L’inactivité forcée, nommée ou non chômage, le temps partiel variable et subi, les alibis foireux tels que le statut subi d’indépendant, freelance ou de consultant, me semblent être de plus en plus fréquents dans la société. Si c’était si catastrophique que ça, je pense que ça se serait déjà du.
Certes, cela serait peut-être grave s’il s’agissait de faire goûter la réalité de la récession à ceux qui ne l’ont jamais goûtée, et c’est peut-être ici le cas, la récession s’annonçant pour toucher des secteurs jusqu’alors plutôt abrités (finance, banque, assurance, immobilier, grandes entreprises financiarisées, education, santé).
Car, une croissance globale, élevée ou non, se traduit souvent par des récessions locales (sectorielles, géographiques, générationnelles) simultanément présentes à des croissances locales. L’intégration des marchés européens en un marché commun a causé des récessions locales terribles mais a, nous assurent les comptables, été plus bénéficiaire à la société que ce qu’elle ne lui a coûté, bien que le prix payé par ceux incapables d’échapper à la récession choisie, voulue, et conséquence d’une politique explicite a sans doute été terrible pour eux. Et donc, même en période de croissance, des récessions locales existent, créant leur cortège de malheurs auxquels, jusqu’à présent, la société a survécu.
Et ce n’est pas parce que, d’un point de vue comptable, l’importance conjoncturelle des récessions locales dépassera certainement, monétairement parlant, l’importance des croissances locales, que cela sera pour autant significativement plus grave.