Chômage et population active : deux graphiques.

Bonne année à tous.

Dans les commentaires d’un post sur ceteris paribus consacré à l’interprétation de la récente baisse du chômage, un intervenant suggère que des phénomènes démographiques – la diminution de la population active due à l’entrée à la retraite des baby-boomers – sont à l’oeuvre. C’est, comme le constate Verel, une explication courante en France du chômage; il y a trop de gens qui veulent travailler et pas assez de travail, il y a donc du chômage. Sans vouloir trop développer le sujet, voici deux graphiques que je présente habituellement en cours aux élèves pour montrer que l’idée selon laquelle le chômage est dû à une population active trop forte est fausse.

Ce premier graphique décrit, entre 1950 et 2000, l’évolution du niveau de l’emploi (employment) et de la population active (labor force) aux Etats-Unis.

La tendance qui s’en dégage est sans équivoque : emploi et population évoluent en parallèle. Le chômage (qui correspond à l’écart entre les deux courbes) s’écarte parfois temporairement de la population active, mais ce n’est pas parce que celle-ci se met à accélérer; de même, on ne voit pas que l’emploi la “rattrape” lorsque la croissance de la population active ralentit. L’emploi s’éloigne parfois de la population active, mais c’est pour des raisons conjoncturelles, et c’est un phénomène temporaire.

On pourrait dire que cette tendance est valide aux USA; qu’en est-il ailleurs? C’est la même chose. Le graphique suivant montre, dans divers pays développés, le taux de croissance moyen de l’emploi et la croissance de la population. Là aussi, le résultat est sans équivoque : les pays dans lesquels l’emploi augmente le plus sont ceux dans lesquels la population augmente le plus, et inversement.

On peut en tirer rapidement quelques conclusions :

– l’idée selon laquelle la hausse de la population accroît le chômage est un sophisme de composition, qui consiste à penser que ce qui est valide pour une sous-partie de l’économie vaut pour l’économie dans son ensemble. Au niveau d’une économie dans son ensemble, tout ce qui est produit est consommé, ce qui signifie qu’augmenter la population des producteurs augmente en même temps celle des consommateurs.

– pourquoi, dans ce cas, le chômage est-il élevé? Pour d’autres raisons qui peuvent se résumer facilement : les structures du marché du travail font qu’employer certaines personnes coûte plus cher que ce qu’employer ces personnes peut rapporter; du coup, les employeurs renoncent à les embaucher. Dans le même temps, pour certaines personnes, le gain obtenu en travaillant est inférieur (ou trop faiblement supérieur) à ce qu’on obtient en ne travaillant pas, donc ils renoncent à chercher un emploi. Faire ce diagnostic n’est pas très difficile (encore que l’examen des discours et des politiques de l’emploi en France indique que seule une infime minorité le fait : la cause du chômage en France n’est pas à chercher plus loin). Trouver ensuite des solutions au problème n’est pas simple, dans la mesure ou les deux problèmes sont partiellement contradictoires (le second exigerait que la rémunération du travail augmente pour élever l’emploi; le premier qu’elle diminue pour le même objectif) et que les solutions potentielles sont très coûteuses et d’effet uniquement de long terme.

– de la même façon qu’on n’a pas résolu le problème du chômage en France à l’aide de dispositifs visant à dissuader les gens de travailler (préretraites, primes aux conjoints qui restent à la maison, restriction de l’immigration…), il n’y a strictement aucune raison de penser que la réduction de la population active qui s’annonce avec l’entrée à la retraite des baby-boomers va d’une quelconque façon résoudre le problème du chômage.

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Alexandre Delaigue

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