Je suis bien d’accord avec Arthur : j’en ai plus que ras le bol de cette créature médiatique qu’est “l’homme qui a prédit la crise“. Prédire l’avenir est l’une de nos activités les plus courantes (ce matin, en choisissant vos vêtements pour la journée, vous avez prévu l’avenir, et évité d’enfiler un maillot de bains). En matière économique surtout, il y a sans arrêt, en permanence, des prévisions de divers types : des prévisions apocalyptiques, des prévisions chiffrées, des prévisions contradictoires. Rien n’est plus facile a posteriori que d’aller picorer dans la masse des prévisions pour aller chercher quelqu’un dont la prévision de l’époque ressemble vaguement à la réalité; rien n’est plus facile que de multiplier les prévisions imprécises et d’ensuite aller chercher celle qui, par chance, est tombée juste.
Une montre arrêtée donne l’heure juste deux fois par jour; si vous mettez un très grand nombre de chimpanzés devant une machine à écrire, il est possible que par hasard, l’un d’entre eux écrive l’Illiade; est-ce une raison pour penser qu’il est capable d’écrire l’Odyssée ensuite? Pourtant, c’est très exactement ce que la machine médiatique à fabriquer des prophètes fait. D’un côté, on se moque des prévisions économiques, toujours fausses; de l’autre, on place régulièrement sous les feux de la rampe tel ou tel individu qui a “prévu la crise” en attendant qu’il nous fasse bénéficier de sa boule de cristal. Il peut ensuite raconter toutes les âneries qu’il voudra, ce n’est pas grave: c’est un grand prophète.
Et pourtant, nous avons besoins d’experts capables de faire des prévisions de bonne qualité. Le problème, c’est d’une part, trop souvent, les experts réels ne se soumettent à aucune discipline; résultat, ils sont au bout du compte à peine meilleurs qu’une prévision au hasard, et souvent, beaucoup moins. C’est ce que montre l’un des meilleurs ouvrages de la dernière décennie, Expert Political Judgment, de P. Tetlock. Et d’autre part, les gens qui les écoutent ne font que rarement l’effort qui leur permettrait de différencier les bons des fumistes.
Comment s’améliorer? En faisant des prévisions, mais de manière crédible. C’est ce que fait Tetlock actuellement, qui a lancé le good judgment project : l’objectif est d’améliorer la prévision. Des personnes (j’en fais partie…) doivent effectuer des prévisions régulières, et les améliorer au fur et à mesure. Ils bénéficient pour cela d’un entraînement, et les prévisions sont régulièrement évaluées. Un exercice très instructif, qui permet de savoir en quoi consiste une bonne prévision testable.
– une bonne prévision doit être énoncée précisément. Ce qui implique une date, un évènement bien décrit, explicite. “L’immobilier va monter à Paris”, par exemple, a un peu de précision mais pas assez : quand? Entre quelle période et quelle période? Quel est l’indicateur statistique des prix immobiliers parisiens qui est censé baisser? Par contre, “Sarkozy sera-t-il élu en 2012” est une question à laquelle il est possible d’apporter une réponse claire.
– Une probabilité. S’imaginer que l’on peut prévoir les évènements à coup sûr est ridicule. Assigner une probabilité à un évènement est une façon de présenter une information. Et contrairement à ce que l’on dit parfois, assigner une probabilité n’est pas une façon de se couvrir et de dire quoi qu’il arrive qu’on a eu raison. Pour prendre un exemple assez évident, supposez que l’on cherche à prévoir le résultat du lancer d’un dé : répondre qu’un chiffre a une chance sur six d’être obtenu, c’est donner la meilleure réponse possible. si je fais plusieurs prévisions avec une probabilité de 20%, et qu’effectivement 20% des évènements prévus avec cette probabilité se réalisent, c’est la meilleure performance possible.
L’autre capacité est celle de savoir intégrer de nouvelles informations dans une probabilité. Pour prendre un exemple, supposons que l’on cherche à savoir si Sarkozy sera réélu en 2012. Supposons qu’il y a 10 candidats : une réponse pourrait consister à dire qu’il a une chance sur 10, comme chacun des autres candidats, mais ce serait absurde. Il faut utiliser d’autres informations et savoir les intégrer. cela peut reposer sur les intentions de vote; sur la conjoncture économique (et donc, sur d’autres prévisions); sur l’historique des élections avec d’autres variables. Sur les sites de paris; C’est cette capacité qui constitue l’expertise.
Un exemple de ce qu’il ne faut pas faire : Attali qui prévoit que l’euro n’existera plus d’ici noel avec une probabilité de 50%. reprenons ses termes exacts:
«Est-ce que l’euro existera toujours à Noël ?» Il y a plus d’une chance sur deux pour que la monnaie unique ne soit plus là ou du moins qu’elle soit en train de se défaire.
“plus d’une chance sur deux” est assez imprécis (et surtout, ridiculement élevé pour une prévision précise, ne fût-ce que pour des raisons pratiques). Mais surtout, la définition de l’évènement est très floue. “la monnaie unique n’est plus là” passe encore; “ou est en train de se défaire” n’a aucun sens précis, et permet toutes les interprétations. Si un journaliste un peu moins paresseux que les autres prend la peine, en janvier, de lui soumettre son pronostic alarmiste, il a tous les moyens rhétoriques possibles de s’en sortir.
Cette façon de procéder pourrait concerner les agences de notation, par exemple. Les notes actuelles sont censées refléter le risque de défaut mais le font de manière très imprécise, et très peu incrémentale (la baisse de note). Une façon bien meilleure de procéder pourrait consister à exprimer la probabilité pour l’investisseur d’être remboursé, entre 0 et 100%. Non seulement ce serait bien plus transparent, réduirait le côté dramatique de la note, mais cela surtout permettrait de tester réellement l’expertise des agences. Si effectivement les actifs dont la probabilité de défaut annoncée est de 2% sont remboursés dans 98% des cas, on pourrait reconnaître qu’elles savent faire leur métier.
Si de même, les prévisions économiques étaient fournies avec des probabilités de scénarios, ou des marges d’erreur, on saurait mieux à quoi s’en tenir, et on pourrait évaluer la qualité du prévisionniste.
Dans mon dernier post, je me suis astreint à l’exercice. Pas pour passer pour un gourou : simplement pour m’améliorer et accepter de me soumettre au verdict précis des lecteurs du blog. Je préfère me planter et comprendre pourquoi, que prétendre à des capacités que je n’ai pas. Si seulement tous les pseudo-prophètes voulaient bien se soumettre au même exercice, tout le monde aurait à y gagner.
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Complètement d’accord avec vous.
Par ailleurs, on observera que les statistiques permettent d’en dire beaucoup sur de l’information. Par exemple, en supposant que l’on modélise l’ensemble des votants par des variables de loi binomiale au second tour de la présidentielle. Sans faire un cours de math, comprenez que si vous savez que chacun des votants à une chance sur trois de voter S au second tour, cela n’exclut pas à priori la possibilité qu’il soit élu. Ainsi, interpréter les probabilités permet de construire des tests et des intervalles de confiance très intéressants lorsqu’on extrapole.
Bref, donner des valeurs probabilistes donne beaucoup d’information (singulier, c’est fait exprès). Donner un intervalle de probabilité me semblerait aussi intéressant.
En effet, dans votre précédent post, vous auriez pu dire : "j’estime la probabilité entre 12 et 13%". Certes, c’est moins précis, mais la largeur de l’intervalle nous donne le niveau de confiance que vous avez dans la valeur. En effet, "entre 12 et 13" est très différent de "entre 10 et 15".
Désolé pour l’interlude mathématique, mais je pense qu’il donne du sens aux chiffres quand les chiffres donnent du sens aux mots.
Bonjour,
je suis d’accord avec le fond de l’article. D’une part sur les faux prophètes (on en trouve toujours qui annoncent "je l’avais prédit") et d’autre part sur le manque de rigueur sur les prévisions. Effectivement, les agences de notations gagneraient à donner des chiffres comme "risque d’impayé sous 10 ans évalué à 1%" plutôt que de vagues "risques spéculatifs/modérés" etc.
Cependant, est-ce vraiment plus pertinent de donner une estimation, par exemple le 10%/90% du post précédent, réalisée un peu au doigt mouillé (même si expliquée et détaillée), plutôt que dire "c’est peu probable" ?
On gagne effectivement en clarté du propos (le "peu probable" peut signifier pour quelqu’un "moins de 10%", pour un autre "moins de 2%" par exemple), mais cela peut donner une fausse impression de précision.
Je ne comprends pas votre utilisation des probabilités. On ne peut utiliser la théorie des probabilités que pour des évènements qui sont répétables. Par exemple, en jouant au dé plusieurs fois, on peut estimer le poids de l’événement "le 3 sort" par rapport aux autres évènements possibles. Or nous ne pouvons pas dans le monde économique remettre les compteurs à zéro et redémarrer l’histoire. Donc dire qu’un évènement économique (comme le départ d’un pays) a 20% de chance de se produire n’a pas pour moi de sens autre que relatif.
Réponse de Alexandre Delaigue
Ce qui se répète ce ne sont pas les évènements, ce sont les prévisions. Si je fais 100 prévisions à 80% de chances de réalisation et que 90% des évènements se réalisent, vous pouvez dire que je sous-estime.
Je ne comprend pas l’intérêt des statistiques chiffrées, car il est très difficile à posteriori de tester des statistiques faites à priori. Autant les problèmes de l’Euro pouvaient être anticipés, antant je ne m’avancerai pas à attribuer la probabilité qu’un observateur de l’an 1995 aurait du mettre sur la fin de l’Euro selon les années. Comment vérifiera-t-on que vos analyses sont meilleures que celles d’un autre, la loi des grands nombres ne s’appliquant justement que si vous faites un grand nombre de prédictions ?
Un analyste doit expliquer, mais chiffrer trop me semble un délire de dirigeant voulant se justifier pour éviter d’avoir à faire des choix. Je fais personellement plus confiance à la compréhension des phénomènes et à la sagesse des foules (taux du marché/paris des bookmakers) pour le futur qu’aux notes des agences de notation 😉
Je suis d’accord avec le fond de l’article, mais je me pose des questions: de telles estimations n’existent -t-elles pas déjà (je pense aux prévisions de croissance des taux d’intérêts sur 10 ans de Bloomberg par exemple) mais réservées par essence aux professionnels?
D’autre part il est indéniable que les notes décernées par les agences de notation influent considérablement elles-mêmes et quasi immédiatement sur les capacités de remboursement des emprunteurs. Quid alors de la possibilité de faire des prédictions stables face à un tel effet de prophétie auto-réalisatrice?
A propos de prévisions économiques et géopolitiques, quelle est votre opinion sur la qualité des bulletins d’anticipation du LEAP 2020 ? J’ai recemment eu acces a deux anciens numeros, l’un d’il y a un an et un autre d’il y a 6 mois, et j’ai été impressionné par les prévisions a relativement court terme (quelques mois) qui se sont effectivement réalisées, notamment les révolutions arabes et la crise des dettes souveraines de cet été. En meme temps, je sais que ce think-thank prédit la chute et l’éclatement des Etats-Unis, prévu initialement pour fin 2009 et repoussé d’un an chaque année depuis.
@AD: le problème en répétant les prédictions sur des évènements est qu’on ne connait pas la probabilité réelle sous jacente (90% dans votre exemple) d’un évènement qui n’est observable qu’une seule fois par nature.
Faire des probabilités sur des fréquences n’a pas de sens comme il a été remarqué. Mais heureusement, cela n’a aucune importance ici puisque vos probabilités ne sont pas des fréquences. 🙂
en.wikipedia.org/wiki/Pro…
La réalité est qu’il y’a des croyances a priori subjectives sur la probabilité d’un évènement (disons une sagesse populaire moyenne qui donne 90% de chances à l’euro de survivre à l’année 2012) et un expert qui a ses croyances propres (disons 95%). Plus l’expert fait mieux que les a priori (dans l’exemple si l’euro survit au final), plus il est crédible.
Il n’y a au final pas de "bon" ou "mauvais" expert mais une croyance subjective (représentée par une probabilité) dans la crédibilité de l’expert. Qui d’ailleurs peut être un singe chanceux.
On pourrait même s’amuser à calculer des probabilités d’évènements futurs en mélangeant les prévisions de tous les experts pondérées par leur crédibilité. C’est sans doute ce que font les marchés sans le savoir.
Excellente initiative.
Au passage, cela répond à une question que je me posais (paresseusement) : quel sens donner aux probabilités que des personnes ou institutions peuvent assigner à un événement qu’ils prévoient ? Cette probabilité prend sens, effectivement, si la personne en question effectue régulièrement des prévisions.
Nul doute que si l’éclatement n’a lieu qu’après la deadline prédite par Attali, il aura envie de montrer que le processus était en réalité déjà amorcé avant cette deadline.
Néammoins, on peut plaider pour sa défense:
Si le pronostic de l’euro ne fait pas complètement consensus, il y a par contre une (in)prédiction qui est partagée apparemment par tout le monde, c’est que personne ne croit pouvoir prédire si l’éclatement serait brutal et rapide, ou progressif et ordonné.
Autrement dit, supposons que l’un d’entre nous acquiert la conviction absolue que la décision de lacher l’euro va être prise immédiatement, pour autant il envisagera forcément que le processus pourrait n’être pas terminé à Noel.
Donc, il devra dire quelque chose comme "ou en train de se défaire".
Bon, on me dira que Attali aurait pu être aussi factuel et ponctuel qu’AD, en prédisant "un pays aura annoncé son départ de l’euro".
Sauf que, l’annonce risque d’être faite bien après la décision, alors que c’est déjà bien en route, pour toutes les raisons techniques que l’on imagine. La prédiction d’AD est à plus d’un an, il y a de la marge pour que l’éventuel retard de l’annonce ne la mettes quand même pas en dehors du délai prédit. Attali n’a, matériellement, pas cette marge.
La probabilité qu’un chimpanzé écrive une phrase de 50 caractères intelligible est déjà extrêmement faible, alors un texte donné de la longueur de l’Iliade, c’est en fait impossible,
Sinon, je rejoins jb sur le problème des prévisions auto réalisatrices, : si un gourou ou un institut (ou une agence de notation) est reconnu comme performant dans ses prévisions, cela influe notablement sur le résultat
Enfin, les entreprises ont traité ces questions depuis longtemps
1er exemple : face à une incertitude sur la consommation d’un objet, on fait des stocks, dont le niveau dépend justement de la marge de variation et des probabilités d’occurrence d’un écart donné
2ème exemple ; face à la grande imprévisibilité des besoins en une compétence donnée, je forme les salariés pour qu’ils soient polyvalents
En fait, la difficulté est que les prévisionnistes économistes sont peu tournés vers l’action (ce n’est pas leur travail de fait) et donc n’imaginent pas assez les solutions opérationnelles du type évoquées ci dessus, alors qu’il faudrait se demander quel est l’impact de la mise en œuvre de telles solutions
exemple, si je développe la polyvalence, je vais devoir la payer, comment cela fait il bouger tout mon système de classification et demain ma masse salariale?
En fait, on nous présente une solution comme devant régler les problèmes actuels (par exemple introduction des changes variables à la place des fixes, sans vraiment anticiper les conséquences du nouveau système
Merci de nous rappeler la définition de l’empirisme. Et je n’hésite pas, au passage, de qualifier Jorion de charlatan.
J’ajouterais qu’une bonne prévision implique une indépendance vis-à-vis de celle-ci.
Un biais classique est de surestimer la probabilité d’un évènement qu’on souhaite.
De nombreuses études pointent le fait que les "experts" de tous domaines ne prévoient pas mieux que n’importe qui d’autre.
Quelqu’un sait-il pourquoi, malgré tout, on continue à faire appel à eux? (sur les plateaux télé, pour gérer notre argent…)
simple paresse intellectuelle? côté rassurant de personnes qui assènent des certitudes? jouer à se faire peur?
Très accessoirement, dans «"L’immobilier va monter à Paris", (…) Quel est l’indicateur statistique des prix immobiliers parisiens qui est censé baisser?», MONTER/BAISSER, pourquoi pas, mais c’est un peu bizarre.
Je vois que beaucoup d’entre nous ont du mal avec le fait d’attribuer une probabilité à un évènement unique.
Pourtant, si vous cherchez à vous assurer pour votre traversée de l’atlantique en kayak (au cas où votre kayak serait détérioré) je vous assure que votre assureur va faire des calculs de probabilité. A mon avis, vous ne tenterez l’aventure qu’une seule fois.
Non seulement évaluer un risque unique a du sens, mais c’est nécessaire. Quant a savoir si c’était pertinent? L’assureur ne verra qu’une chose : vous lui avez coûté ou pas des sous. Est-ce à dire qu’il aurait du évaluer le risque à 0%? Ou a 100%?
Il faut en déduire qu’une variable aléatoire (par exemple une probabilité binaire d’évènement appelée loi binomiale) est très différente de sa réalisation.
J’en profite pour soutenir la remarque d’Alexandre Delaigue : "Ce qui se répète ce ne sont pas les évènements, ce sont les prévisions. Si je fais 100 prévisions à 80% de chances de réalisation et que 90% des évènements se réalisent, vous pouvez dire que je sous-estime."
Il me semble que l’économie est devenue que de la finance qui implique de parier sur l’avenir. On pourrait définir l’activité financière comme le pari sur un revenu futur contre un investissement présent. Donc la finance, extrapolation de l’économie réelle c’est justement de la vision et l’anticipation.
L’erreur c’est de penser qu’il y a une Loi objective qui préside à l’anticipation. Il y a en réalité une multitude de câbles présents qui nous relient au futur ; géopolitique, histoire, droit international, mathématiques, macro … Je pense que la globalisation financière a complexifié la finance, donc l’économie pour transformer la pratique de l’économie d’une discipline de spécialiste en une matière pluri disciplinaire, donc d’autant plus intéressante.
Comme un certain nombre de commentateurs, j’ai du mal à voir comment les probabilités peuvent bien s’appliquer aux évènements rares et irrépétibles, comme la fin de l’euro par exemple.
Dire qu’on peut regarder sur l’ensemble des prévisions faites par une personne ne me semble pas correct. Toutes les prévisions ne se valent pas. Vous pouvez faire un grand nombre de prédictions sur la somme que vous allez dépenser en victuailles au supermarché la semaine prochaine (52 par an). C’est quand même difficile d’agréger ça à une prédiction sur la fin de l’euro, situation qui ne se répétera pas si l’évènement se produit. Même dans un domaine comme l’économie, il est quand même assez difficile de réaliser ça. Mais enfin, il est peut-être quand même possible de bâtir une métrique fiable.
Le système que vous proposez me semble par contre particulièrement adapté à des évènements récurrents, comme les annonces de croissance du PIB, d’inflation.
Et si on comparait les écarts entre les prévisions faites et la réalité advenue: je ne sais si certains avaient prévu mais beaucoup de spécialistes n’avaient pas vu venir le risque. Pour quelles raisons n’a t’on pas vu venir l’orage: l’effet moutonier? la formation ? (des milliers d’économiste US formés aux mêmes théories), l’effet du lampadaire, la dépendance entre les intérêts financiers ou politique et les universités? la confusion des genres? Peut-être que cette première analyse permettrait de corriger l’attitude intellectuelle des experts chargés d’éclairer le court et le moyenh terme.
@Proteos :
Pour dire les choses différemment, on voit tous les jour des informations du genre "Il semble vraisemblable que …" ou "Il est désormais certain que tel agent va effectuer telle action"…
Mettre des chiffres à la place, c’est dire "A 60%, …" ou bien "A 95% tel agent va effectuer telle action".
Mais peut être auriez vous traduit le vraisemblable par 40%? Ou par 80%? C’est une interprétation non? Donner des chiffres donne donc une valeur plus précise.
Et elle l’est! Si je dis : "la BCE va baisser son taux, fiabilité 50%" je veux dire la chose suivante. Si vous me proposer de parier 10euros que la banque centrale va augmenter son taux. Si je perds, je perd 10, si je gagne, je gagne 12. Dans ce cas, je joue. Par tenu (pas pour de vrai :)).
On comprend donc qu’une probabilité est une estimation du risque comme le font les assureurs, les parieurs etc… Elle est donc assez précise puisque ces gens s’en sortent globalement bien.
Est-ce que cette représentation donne du sens aux chiffres à vos yeux?
Quelques commentaires sur un article intéressant:
– on critique beaucoup les prévisions mais le public n’a pas accès à toutes les prévisions disponibles. Certains modèles prévoient assez bien le PIB à 6 mois par exemple mais on n’entend peu leurs résultats soit pour des raisons de confidentialité soit pour des raisons de manque de commnunication.
– la probabilité de récession (ou d’expansion) ou les turning-points est la partie la plus intéressante et la plus difficile. Il est tellement plus facile de faire des prévisions dans un environnement calme et stable. Certaines techniques permettent de calculer de telle proba en fonction de l’information économique au jour le jour avec des horizons intéressants.
– parfois les prévisions ont des effets auto-réalisateurs ce qui empêchent de dire trop tôt les mauvaises nouvelles…
– parfois personne ne veut entendre les mauvaises nouvelles, ou il y a un oubli immédiat… Par exemple, on présente presque comme une surprise les évolutions récentes du taux de chômage. Quant à l’avenir…
– il est impossible que quelqu’un ou une institution soit toujours le meilleur ou toujours juste. Parfois il faut savoir regarder la distribution des différentes prévisions.
– dernier point: les journalistes ne veulent pas (et ne comprennent pas) les intervalles de confiance, les probas, … Ils veulent un chiffre et une date pour la France, c’est tout! Ils synthétisent même quand on essaie de leur donner des intervalles, la balance des risques autour du chiffre…
(Hors sujet : please un p’tit billet pédagogique sur le retour du "Made in France"… D’avance, merci.)
Je suis tout a fait Pierre Dac-cord: La prévision est un art difficile. Surtout en ce qui concerne l’avenir.
Quant a Attali, il utilise la vieille ruse des médecins du temps jadis qui, chaque fois qu’on leur demandait quel serait le sexe de l’enfant a naître, répondaient systematiquement: Une fille.
Si l’euro s’effondre, il l’avait prévu, sinon, tout le monde sera tellement content que sa "prédiction" sera sans importance.
"Ce qui se répète ce ne sont pas les évènements, ce sont les prévisions. Si je fais 100 prévisions à 80% de chances de réalisation et que 90% des évènements se réalisent, vous pouvez dire que je sous-estime."
Faisons des prévisions :
– Demain, je mangerai (100%)
– Au 1er janvier 2012, Sarkozy sera toujours président (100%)
– Au 25 décembre 2011 à 12h GMT, 1 euro vaudra plus que 1 dollar (100%)
– Le PIB/hab de l’Ethiopie sera moins élevé que celui de la France en 2015.
– A mon 1er lancer de dé, je ferai un chiffre impair (50%)
– A mon 2ème lancer de dé, je ferai un chiffre impair (50%)
– …
– A mon 10000ème lancer de dé, je ferai un chiffre impair (50%)
=> Au final il y a de bonnes chances que je sois un pronostiqueur hors pair, et donc on pourra se fier à moi pour vous donner le taux de croissance en France en 2024.
Quelques chose me dit qu’il faut aussi donner un critère de qualité aux prévisions : il est facile de faire des prévisions correctes quand tout le monde pense la meme chose, il faudrait que ce soit payant pour moi si je dis le contraire de tout le monde et que j’ai raison ..
En complément du billet, dont je partage à 99% le contenu, j’ajouterai que la prévision (économique) n’est pas qu’un pur exercice intellectuel. Elle a son utilité (si ! si !), en particulier en matière de politique économique et de stratégie d’investissements financiers. Dans ce contexte, on ne peut se contenter de simples probabilités, il faut bien des affirmations un peu fortes, d’où ce côté "gourou" des économistes de marché : s’ils étalaient leurs doutes, ils seraient vite renvoyés à leurs chères études. L’arrogance (réelle ou supposée)des prévisionnistes est donc d’une certaine manière consubstantielle à leurs activités …
Près de 90% des gens ont du mal à comprendre les statistiques.
theconversation.edu.au/ev…
Bonjour à tous,
Post en coup de vent, pas eu le temps de lire tous les précédent donc je m’excuse par avance si la proposition a déjà été faite. Mon idée est celle d’un petit observatoire ("a survey" comme disent les voisins) des prévisions médiatiques (ou pas). En mode 2.0 bien sûr. Concrètement, on met à disposition de la communauté un petit outil permettant à tout un chacun de recencer les prévision entendues ça et là (date, auteur, contenu). La communauté évalue le caractère réellement prédictif de la prévision (en gros sa falsifiabilité comme disait ce cher Karl). Et le moment venu, on évalue collectivement la "distance" entre la prévision et les faits. On assorti tout ça d’un petit classement de la perspicacité qui permettrait de commencer à distinguer un peu les charlots des gens sérieux. Ca ne deviendra vraiment intéressant qu’après quelques mois et même quelques années mais ça pourrait devenir une vraie référence.
On pourrait commencer par cette semaine. D’un côté Delamarche sur BFM qui nous dit CAC à 2000 point en 2012, crédit crunch et faillite d’au moins une grande banque française. De l’autre sur France Culture, l’optimiste Lionel Zinsou du fond d’investissement PAI de BNPP qui nous dit qu’on a touché le fond et que le pire est passé (on n’a pas déjà entendu ça ?). On prend rendez-vous urbi et orbi.
Qu’en pensez-vous ?
Prévisions :
Avec toutes ces injections, rachats ouverts ou subreptices de dettes souveraines, quantitative easings, allons nous avoir de l’inflation?
Si oui, où, quand, combien?