Une entreprise propose encore à ses salariés un reclassement de misère.
“Besançon (AP) – Une entreprise basée à Exincourt (Doubs), spécialisée dans la construction d’échelles et d’escabeaux, vient de proposer à plusieurs de ses salariés un reclassement en Hongrie suite à une baisse significative du chiffre d’affaires, a-t-on appris mercredi auprès d’un employé sous couvert d’anonymat.
Les dirigeants de l’usine Thedis, qui compte 35 ouvriers, ont reçu, lundi, cinq salariés dans le cadre d’une procédure pour licenciement économique. Il leur a été proposé de continuer leur activité professionnelle dans la ville hongroise de Szekesfehervar, où l’enseigne Thélis possède un autre site de taille équivalente.
En cas de refus, les responsables leur ont déclaré qu’ils seraient licenciés, a-t-on appris de même source.”
Ca devient une sale habitude. J’ai déjà exprimé mon écoeurement au sujet de ce genre de pratiques, qu’aucune logique économique ne vient soutenir de manière probante (comme je le redis plus bas). Mais à première vue, on ne peut plus parler de cas isolés (à noter : j’ai lu que Lycos France niait avoir fait une offre de ce genre, comme c’était annoncé dans la presse il y a quelques temps).
Pour les uns, ce serait le capitalisme mondialisé le responsable. Pour les autres, une administration qui pousse les entreprises à ce genre de pratiques, contraints qu’elles sont à remplir toutes les cases des formulaires.
La première thèse est stupide. Que les licenciements soient la conséquence d’une concurrence accrue blablablablabla… ok, je peux le concevoir sans difficultés. Les licenciements sont d’ailleurs rarement la conséquence d’une concurrence réduite (du moins tant qu’elle le reste)… Quoi qu’il en soit, rien, dans le capitalisme mondialisé n’oblige à proposer à un salarié français de partir bosser en Hongrie, alors que même le RMI lui donnera plus ici (et c’est tant mieux !). Si ce n’est le mépris ou le goût de l’humiliation.
La seconde thèse est plus plausible. Elle représentre une forme de contournement de la législation sur les plans sociaux, tout à fait envisageable. Elle induit néanmoins dans l’hémisphère de mon cerveau qui gère les sentiments moraux, la question suivante : si c’est un effet pervers des dispositifs de licenciement économique qui conduisent à ces pratiques, regrettées mais incontournables pour les entreprises, pourquoi lis-je encore ceci, comme dans les cas précédents : “La direction de l’entreprise Thedis a refusé de faire tout commentaire mercredi” ? Ne serait-ce pas simple de dire en interne ou en externe qu’on joue seulement le jeu de la paperasse et que la proposition, fort déplacée au demeurant, n’a pas à être prise pour argent comptant ?
Peut-être que ça ne ferait pas sérieux. Ah ? Parce que là , ça fait sérieux ? Peut-être que ce serait ouvrir la porte à des revendications du type “Si vous n’aimez pas cela, ne le faites pas et remplacez la proposition en question par quelque chose de plus acceptable”. Dans ce cas, il faut avoir les tripes de répondre que ce n’est pas dans l’intérêt de l’entreprise, compte tenu des droits que la loi lui donne. Ah… Mais c’est que la loi est mauvaise s’empressera-t-on de remarquer. Immanquablement, on pensera que si la loi est mauvaise, il faut la changer. Et ça, c’est ennuyeux pour les entreprises, bienheureuses de trouver un artifice pour s’en sortir comme elles le souhaitent. Bref, mes spéculations m’amènent à supputer que si on ne communique pas là dessus, c’est qu’on a tout intérêt à ne pas incriminer des textes mal foutus aux entournures. Las… Si par hasard c’était cela, serais-je le seul à y songer ? Oui, oui, sûrement, je suis un esprit tellement supérieur, qu’on l’imaginera sans peine. Tous ces cancrelats spécialisés en droit du travail n’y auront pas songé une seule seconde, c’est évident. Et dans le lot, comme de bien entendu, aucun ne le médiatisera (logique, si vous avez suivi jusqu’ici, dans mon extrême clairvoyance et mon immense connaissance du sujet, je suis le seul à le savoir…). Conclusion : si c’est pour “garder le secret”, les dirigeants de ces boîtes sont vraiment des abrutis de première.
Mais, mais… au fond, peut-être que si le verdict est similaire dans sa conclusion, le cheminement est différent pour y arriver. En effet, revoyons le texte cité et ajoutons la fin de la phrase : “La direction de l’entreprise Thedis a refusé de faire tout commentaire mercredi mais son administrateur, Luc Vuillemenot, cité par le quotidien régional “L’Est Républicain” explique qu’on ne peut “rien contre les 35 heures, contre 20 ans de socialisme et la globalisation du marché”. AP” Monsieur Vuillemenot, enfin… 35 heures + 20 ans de socialisme + globalisation => propositions de reclassement en Hongrie. Vous héritez du prix du non sequitur du mois décerné, en mon nom, par éconoclaste. Peut-être aussi du prix de l’administrateur du mois, décerné par le MEDEF…
Je ne demande donc qu’une chose : qu’on m’explique.
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La réponse est pourtant simple : l’article L 321-4 du code de travail oblige, entre autres, dans le cadre d’un plan social, pardon, d’un "plan de sauvegarde de l’emploi", l’employeur à proposer aux salariés un reclassement interne, ce que Thedis, constructeur d’échelles et d’échafaudages filiale de l’allemand Tenexa, ne peut pas ne pas faire, les emplois disponibles fussent-ils dans l’usine hongroise de la société. Dans le cas contraire, elle court le risque d’une invalidation, risque qui n’a rien de virtuel : la Cour d’appel a ainsi refusé le plan concernant les salariés lillois du cigarettier franco-espagnol Altadis, au motif que l’entreprise aurait dû leur proposer des postes disponibles à Valence.
S’agit-il alors d’un moyen de contourner ses obligations réglementaires ? C’est possible ; mais je m’étonne qu’un spécialiste de la macro n’ait pas remarqué que toutes ces affaires que les journaux télévisés aiment tant servir à leur public ne concernent, comme ici, que de très petites entreprises, comptant moins de 100 salariés, et dont on peut difficilement, si l’on fait preuve d’un peu d’honnêteté, attendre qu’elles mettent en oeuvre dans un tel cas les ressources des, justement, Altadis.
C’est le genre d’explication auquel je pensais en effet… Avec une volonté du dirigeant de s’offrir un petit coup publicitaire (voir ses remarques à la fin de la depeche).
Denys : tout ce que vous dites est juste. Mais ne répond pas à une des questions principales que je me pose : pourquoi passer pour le vilain quand on peut éviter de l’être par un peu de communication, tout en préservant sa viabilité économique ?
Alexandre : si tu parles de coup publicitaire, tu es prêt à dire avec moi que c’est un connard (parmi d’autres) ?
peut-être mais cela ne change pas grand chose. Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, etc, etc. On peut fort bien imaginer aussi qu’il s’agisse d’une pure obligation administrative (proposer un reclassement dans les filiales à l’étranger, même de façon absurde) puis d’un journaliste en mal de copie en juillet qui veut raconter un histoire qui fait vendre, et passe un coup de fil au dirigeant, lequel lui tient un discours finalement assez banal.
Pourquoi passer pour un vilain ? Parce que, dans une très petite entreprise qui essaye de s’en sortir en fabricant ce produit de haute technologie qu’est l’escabeau en métal, où le site web est bricolé sur FrontPage Express par le fils du patron, où, sans doute, la secrétaire fait office de DRH à temps partiel et tient toutes ses connaissances en droit du travail des manuels Lefebvre, on fait ce qu’on peut.
Si l’on ne parle pas à la presse, c’est qu’on n’en ressent pas la nécessité, et à mon avis, on n’a pas tort : si j’ai bien compris, cette information, qui a généré un sujet au JT de France 2 à 13 heures, vient d’AP, et si AP la diffuse, c’est parce qu’elle a des clients, notamment les chaînes de télévision qui ont trouvé là une nouvelle histoire édifiante à raconter, avec patron-voyou et salariés éplorés, et dont on peut imaginer le traitement qu’elles réservent à ceux qui viendraient contredire leur belle histoire.
Plus généralement, le fonctionnement des très petites entreprises échappe largement aux catégories habituelles, comme on peut le voir avec l’affaire Tegam-Guillermito qui a beaucoup intrigué, et généré une masse de commentaires à faire blêmir un économiste, chez Eolas : maitre.eolas.free.fr/jour…
Kitetoa : http://www.kitetoa.com/Pages/Tex...
chez d’autres, et, accessoirement, chez moi : http://www.sig-11.org/articles/g...
"Parce que, dans une très petite entreprise qui essaye de s’en sortir en fabricant ce produit de haute technologie qu’est l’escabeau en métal, où le site web est bricolé sur FrontPage Express par le fils du patron, où, sans doute, la secrétaire fait office de DRH à temps partiel et tient toutes ses connaissances en droit du travail des manuels Lefebvre, on fait ce qu’on peut."
Ne me parlez pas de taille humaine ou équivalent, c’est justement une attitude en rapport que j’attends des entreprises en question.
Qu’est-ce que ça coûte aux dirigeants de réunir les salariés, voire de faire passer une note interne en expliquant que la proposition de reclassement est une obligation, qu’ils n’ont pas d’autre choix pour entrer dans les cases du plan social et qu’ils ne souhaitent pas qu’elle soit comprise comme un manque de respect ?
A la place, on a les remarques débiles d’un administrateur qui ne réalise pas les conneries qu’il compile en un discours prémâché et absurde. Celui du JT.
Je ne conteste nullement les conditions d’exploitation compliquées de ce genre de boîtes. Je m’étonne qu’on puisse manquer à ce point de tact. Ce que la taille n’explique aucunement.
qu’on ne peut "rien contre les 35 heures, contre 20 ans de socialisme et la globalisation du marché"
Une phrase pareille, ça vous situe déjà le gaillard.
Si le gars n’a rien expliqué à ses salariés, c’est un peu nul en effet. Mais il est très vraisemblable qu’il l’a fait. Ensuite, s’il n’explique rien aux journalistes (s’il ne l’a pas fait, ce qui n’est pas prouvé), c’est que les chefs d’entreprise ont peur des journalistes. Souvent avec raison. Ils connaissent tous dans leur entourage tel ou tel dont les propos ont été déformés ou inversés, et ils ne veulent pas vivre la même mésaventure.
Le coup de l’obligation administrative est connu de tous, et un journaliste qui ferait son boulot devrait le savoir. Les effets médiatiques à deux balles qui en ont été tirés relèvent de la malhonnêteté pure et simple, et de la faute professionnelle.