Dans une tribune chez Libération, Florent Latrive (*) avance l’idée que dans la chasse aux “pirates” du téléchargement, la principale victime pourrait finalement bien être les auteurs, mais pas par le biais qu’on pourrait imaginer.
(*) Florent Latrive est “par ailleurs” journaliste chez Libération.
La fin de l’article me semble particulièrement intéressante, dans le sens où elle rappelle une évidence qui n’aura pas échappé à ceux qui fréquentent le net depuis un moment, ou tout simplement à ceux qui qui connaissent le jeu du chat et de la souris :
“Aujourd’hui, les politiques de répression et de verrouillage poursuivies ne visent qu’à mettre à l’abri de l’innovation, justement, ces intermédiaires maisons de disques, vendeurs de galettes empêtrés dans la dématérialisation rapide des oeuvres. Le plus absurde étant qu’elles ne mènent à aucun résultat. Toutes les études récentes montrent le peu d’impact des campagnes «antipirates» sur les usages. Le peer-to-peer se porte toujours bien et, quand l’internaute le délaisse par crainte de finir au tribunal, il reporte ses échanges sur des canaux plus discrets, du courrier électronique aux réseaux «privés». A une loi toujours plus décalée vis-à-vis des pratiques, le public répond par des usages toujours plus opaques, rendant toute régulation autoritaire chaque jour plus illusoire. [C’est moi qui souligne]”.
Oui. Et contrairement à ce qui pouvait se passer il y a un peu moins de dix ans, le grand public est maintenant informé de tous ces usages à un rythme et sur un espace bien plus important qu’avant.
“La seule conséquence palpable de cette offensive est l’apparition dans le public d’un discours de contestation radicale du droit d’auteur, vu à tort comme l’obstacle majeur au déploiement des nouveaux modes de distribution et d’échange des oeuvres. C’est bien la faute de politiques aveugles menées par des gouvernements qui tentent de faire croire qu’ils défendent la loi et l’auteur, là où ils servent les intérêts des acteurs industriels de la culture. Tendance dangereuse : la génération numérique prend l’habitude de la désobéissance culturelle massive. Avec le risque de rendre tout futur discours d’appel à un respect de la loi inaudible, même si le législateur revenait à plus de raison. Pour sauver le droit d’auteur contre ses faux amis, il y a donc urgence à cesser de considérer le public comme un ramassis de pillards.”
Exact. Anecdote : dans le cadre d’un oral d’examen où un candidat présentait une analyse du marché des balladeurs MP3, le candidat a défini le peer to peer à mon jury comme étant grosso modo “un moyen de télécharger des films et des MP3 illégalement”. Autant vous dire que :
1 – il n’a pas fait ça pour simplifier et se faire comprendre de vieux cons ringards (sinon, face à mon scepticisme, il aurait probablement précisé) ; il imaginait vraiment que c’était ça et uniquement ça le P2P.
2 – il n’est pas le seul à voir les choses comme ça.
3 – il n’a pas eu l’air très ému de nous dire qu’il en usait abondamment.
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