Vite fait, en passant

La LICRA me fait rire.

John Galliano a donc fait le bad boy bourré… Il est accusé d’avoir tenu des propos antisémites. Dior l’a suspendu au nom de la “tolérance zéro”. Le CRIF et la LICRA saluent cette décision. Si le CRIF fait plutôt dans la sobriété, la LICRA a opté pour le solennel, à la limite du lyrisme, puisqu’elle “tient à saluer cette décision emprunte d’éthique et de fermeté, un message de tolérance zéro face au racisme et à l’antisémitisme”. J’ai même entendu je ne sais quel représentant de cette association déclarer qu’il avait envie de dire “chapeau bas” à Dior.

Alors, rien ne dit (et je n’en sais rien du tout) que la maison Dior n’a pas une aversion historique ou culturelle à l’antisémitisme. Dans ce cas, pas besoin de s’émerveiller. Il suffit de signaler que Dior ne déçoit pas. Si ce n’est pas le cas, ça devient carrément risible. Qui sont les clients de Dior ? Wé, je vous vois venir bandes de pervers… Non, pas des juifs (enfin, il y en a, c’est sûr, mais j’ai du mal à croire qu’ils constituent une majorité identifiée des clients). Par contre, probablement des individus qui ne goûtent que très modérément l’antisémitisme. Bon, vous me voyez venir ? En d’autres termes, il est dans l’intérêt commercial bien compris de Dior de ne pas voir l’antisémitisme associé à sa marque. Il est donc logique, pour des raisons purement économiques, d’envoyer un message sans équivoque. Cela mérite-t-il un “chapeau bas” mâtiné d’ “éthique” ?

Hum… Bêtement, je me dis que si Galliano avait dit “Espèces de saletés de pauvres” à quelqu’un, il n’aurait pas été suspendu. Parce que les pauvres et ceux qui les aiment bien, chez Dior, ça vend pas. Bref, pas besoin d’aller chercher des préoccupations éthiques dans le geste de Dior même si, au final, on préférera en effet que l’on n’encourage pas ce genre de propos.

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15 Commentaires

  1. En lisant le lien que vous proposez sur l’affaire , je trouve :
    "Ce sinistre épisode intervient alors que le couturier britannique, à la tête de Dior depuis quinze ans, était donné sur le départ. Ses défilés attiraient les foules. Mais ses collections de mode féminine peinaient à se vendre."
    Comiques va…

  2. moi, elle me fait pleurer…
    On ne peut plus dire une connerie sans que quelqu’un vous traîne devant les tribunaux!

  3. Navrée de lire une fois de plus la même rengaine nauséabonde : lorsqu’une personne (physique, ou morale comme dans ce cas-ci avec Dior) se défend contre l’antisémitisme, ce serait forcément dans un but intéressé. J’appréciais votre blog, vous me décevez profondément.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Euh, je signalais juste que Dior n’a pas à être autre chose qu’intéressé dans cette affaire et j’ai mentionné qu’il se pouvait tout à fait que la maison Dior ait aussi une culture de rejet de l’antisémitisme. J’ai également eu l’incroyable culot de dire que c’était bien qu’ils ne rigolent pas avec ça. Dans ces conditions, vous décevoir profondément m’est franchement égal. Le monde de Oui Oui, je vous y laisse.

  4. Ce post me laisse un drôle d’arrière-goût.

    Si je paraphrase, il y a deux explications à la réaction de Dior:
    1. C’est une tradition d’entreprise d’être antiraciste.
    2. C’est dans l’intérêt économique de Dior d’être antiraciste.
    En revanche, il est exclu que les dirigeants de Dior soient antiracistes par principe.
    Cette exclusion a priori est une pente glissante, puisqu’elle permet de mettre en cause les principes antiracistes de n’importe qui et donc d’ôter toute valeur au principe même du rejet du racisme (puisqu’il est toujours susceptible de n’être que de circonstance).
    Par ailleurs, il y a un raccourci suspect dans le dernier paragraphe. Attaquer la situation économique d’une personne, ce n’est pas la même chose qu’attaquer son origine raciale.

    Réponse de Stéphane Ménia
    1. Vous pouvez ajouter à mon hypothèse de tradition culturelle la possibilité que des dirigeants soient contre l’antisémitisme. Cela ne change rien au fait qu’avant de filer un chèque en blanc et du chapeau bas à une multinationale, je constate d’abord qu’elle n’a pas besoin d’être sincèrement antiraciste pour suspendre Galliano. Vous pensez que les grandes firmes communiquent sur l’environnement pour sauver la planète ?
    2. “Salaud de pauvre” et “connard de juif”, pour moi, c’est la même chose. Vous avez le droit de penser différemment. Mais gaffe, vous risquez de glisser bien plus que vous ne me le reprochez.

  5. …que c’est un terrain glissant ! Entre le refus légitime du "politiquement correct" et la considération des gens qui sont à vif sur certains sujets, on est bien à l’étroit !

    Réponse de Stéphane Ménia
    Eh oui, il semble que dire qu’une entreprise puisse ne pas se préoccuper de valeurs est parfois normal et parfois douteux. Au passage, assimiler entreprise et hommes est un peu grotesque, mais bon. Là aussi, on n’en est pas à une contradiction près…

  6. Le raisonnement de stoemp est vraiment très bizarre. Je ne sais pas s’il existe un mot pour désigner le procédé rhétorique par lequel on récuse une affirmation en esquissant d’éventuelles conséquences morales de sa véracité (par confusion, donc, du cognitif et du moral); mais si ce mot existe, il faudrait l’utiliser souvent dans le débat public.

    La loi punit plus gravement les insultes racistes que les insultes tout court. Qu’on soit d’accord ou pas avec cette discrimination, il faut rappeler qu’elle est fondée non sur l’idée que l’insulte raciste est plus grave moralement que l’insulte tout court, ce dont le législateur se fout, mais sur celle que l’insulte raciste est davantage susceptible de troubler l’ordre public qu’une insulte ordinaire.

    Il est permis de penser qu’une insulte raciste est considérablement plus grave qu’une autre insulte; mais la loi n’est pas un argument en faveur, ni en défaveur, de cette thèse.

    Je suis, pour ma part, de l’avis de Stéphane sur cette question.

  7. Les propos tenus ne sont vraiment pas de même nature que les expressions "connard de juifs" ou de salauds de pauvres", çà n’a rien à voir!
    Les dernieres sont des insultes vulgaires et imbéciles, les propos tenus sont l’expression d’une pensée assez inacceptable et haineuse. Comparaison n’est pas raison.
    Cà ne doit pas être les premières conneries que prononce ce personnage, et Dior l’a viré simplement parcequ’il n’a plus rien à dire d’intelligent sur le plan de son art.Cà s’entend!

    Réponse de Stéphane Ménia
    Euh, “Connard de juif” et “salaud de pauvre” ne sont pas des propos inacceptables et haineux ? Bon, bref… Je vois en tout cas que vous êtes d’accord avec moi pour dire que Dior a viré ce mec pour des raisons qui n’ont pas grand chose à voir avec une éthique… Vous êtes même pire que moi sur ce coup, puisque vous insinuez qu’ils ont même profité de l’occasion…

  8. Je ne comprends pas bien le point. Une action peut être bonne (moralement) et économiquement rationnelle. Je ne comprends pas pourquoi il ne faudrait pas saluer la caractère juste d’une action sous prétexte que son auteur avait aussi des motivations matérielles de l’entreprendre.

    En fait, c’est même parce que cette action est bonne que Dior a un intérêt économique à l’entreprendre puisque les clients de Dior sont concernés par le caractère moral des décisions de l’entreprise.

    Le comportement des clients de Dior est intéressant, ils n’ont aucun intérêt matériel à ce que Dior se comporte bien, les objets vendus sont les mêmes quelque soit l’attitude de Dior, pourtant ces objets sont comme modifiés par l’antisémitisme de Galliano et la réaction de la direction.

    Et ce n’est même pas une question d’altruisme comme modéliser pour analyser le commerce équitable, ou la RSE, ou le greenwaching, cette décision de Dior n’a pas de conséquences directes sur quoi que ce soit (personne n’est vraiment mieux), si ce n’est le salaire de Galliano, mais elle affecterait quand même l’utilité des clients de Dior.

    Réponse de Stéphane Ménia
    La LICRA salue un geste “éthique”. J’émets des doutes sur cette réalité, tout en me réjouissant que l’intérêt bien compris du groupe conduise à stigmatiser ces propos.

  9. Je comprends bien. Ce que je trouve intéressant c’est que l’on considère intuitivement comme bien ou "éthique" une décision qui n’est pas intéressée, si pour Dior cela avait représenté une perte de virer Galiano on aurait estimé cela vraiment "éthique". Cela me fait penser à un article de Bénabou et Tirole sur la provision privée de bien public:
    Bènabou, R. and Tirole, J. (2003) “Intrinsic and Extrinsic Motivation”RES

    et dans le cas d’une firme le bouclage entre l’aspect éthique et l’effet sur leur demande me semble intéressant.

  10. Ce que vous dites va sans dire. Mais çà va encore mieux en le disant.

    La réaction de Dior a aussi été un peu aidé par celle de Nathalie Portmann qui est leur est probablement plus utile qu’un designer complètement burned out.

    Si tous les types naturellement a la limite du pathologique, épuisés par un mode de vie stressant et qui se défoncent pour pouvoir tenir le coup devait être traduit en justice alors ont est mal.

  11. Étrangement, pour une fois nous somme d’accord.

    Galliano a été licencié pour détérioration de l’image DIOR, et ses répercutions économiques.
    Maintenant ce n’est pas forcement la seule raison. Certaines théroies complotiste (diantre j’ai lâché le mot..) explique la volonté de l’ami Sidney Toledano de se séparer de son créateur (qui au passage a sauvé la marque) pour raison personnelles (Galliano ne s’étant visiblement jamais remis de la mort de son amant Steven Robinson)

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