Addiction mercantiliste

On s’est largement réjoui hier dans les media de l’embellie du tourisme français en 2005 La croissance d’un secteur économique a de quoi réjouir, c’est un fait. De ce point de vue, celle du tourisme, ceteris paribus, ne déroge pas. Et je ne trouvais rien de particulièrement mauvais à ce satisfecit. Jusqu’au moment où, je ne sais quel membre de je ne sais quelle organisation représentant le tourisme français s’est senti obligé de rajouter une belle stupidité usuelle. Un peu comme s’il était impossible de tenir un discours sur le commerce international sans adopter une grille de lecture autant fausse qu’improbable dans le contexte.

Je l’entends commencer à évoquer la balance des paiements françaises et expliquer que non seulement l’année 2005 a été bonne en matière d’exportations touristiques (c’est-à-dire les dépenses des touristes étrangers en France), mais qu’en plus, voire par dessus tout, on devait être extrêmement heureux, car dans le même temps, les importations (les dépenses des touristes français à l’étranger) n’avaient pas autant augmenté (ou même baissé, je ne sais plus). Ainsi, d’après l’intervenant, le tourisme contribuait à l’excédent des services de manière importante. Et ça, c’est génial.
Enième occasion de montrer à quel point certains réflexes cognitifs bien ancrés dans les esprits sont idiots.

L’argument soutenu peut être découpé en trois points :
– la production du secteur touristique français a cru cette année
– la consommation de voyages et les dépenses en vacances des français a stagné ou baissé
– le premier point est bon ; le second n’est ni bon ni mauvais, mais les deux ensemble, c’est excellent pour l’économie française.

Deux éléments m’interpellent ici : le premier, c’est que rien ne prédestinait cette rapide analyse à emprunter la voie de l’argument de la guerre économique et du mercantilisme. Le second, c’est qu’à force de se prétendre l’incarnation du bon sens, cette grille de lecture vient se mordre violemment la queue et revendique un bien étrange bon sens .

Car, au fond, que nous dit-on ? Une fois affirmé que la hausse de l’activité touristique est une bonne chose (ce que j’admets volontiers), on nous explique tout bêtement que, ceci dit, c’est quand les français partent moins en vacances que l’économie nationale se porte mieux. Et ça, j’en suis certain, vous n’allez pas trouver que c’est du bon sens…

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