S’il n’existait pas, il faudrait l’inventer

On parle beaucoup chiffrage des programmes, ces temps-ci. B. Salanié rappelle les limites de l’exercice; D. Schneidermann se trompe de cible et attaque Débat2007 au lieu des journalistes hypnotisés par la magie du chiffre qui renoncent à faire leur travail critique; pour ma part, je ne change pas ce que j’avais écrit au moment du lancement de la cellule de chiffrage de débat2007.

Mais pour transformer ce débat en bouffonnerie, il nous fallait… Thierry Breton. Qui a décidé, après une sorte de pause, de reprendre son travail de Sisyphe consistant à prendre chaque jour à bras le corps les frontières de la bêtise et à les repousser d’un bon mètre. Il explique donc aujourd’hui dans le Chiraco, sans rire, que le programme de Ségolène Royal va augmenter la dette publique… De 800 milliards d’euros!

Oui, vous avez bien lu. Rappelons que le budget de l’Etat en France est d’un peu moins de 300 milliards d’euros, pour mesurer la performance. Comment arrive-t-il à ce calcul? Simple, avec une multiplication par 5 (pour 5 années) du déficit annuel moyen de 2005 et 2006 (calcul qui donne 5×50 = 250, et pas 800, mais on n’en est pas à ça près), c’est à dire celui qui est imputable aux budgets de… Thierry Breton! Allez, riez donc un bon coup. Souvenez-vous ensuite que ce clown est ministre de l’économie. Et pleurez.

Alexandre Delaigue

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14 Commentaires

  1. Comment ça le Chiraco? si des journalistes du Figaro avaient une quelconque inclination politique, il va de soi qu’ils auraient été suspendus. C’est le prix d’une presse intègre, indépendante, tout à fait impartiale dans son traitement des bourdes d’un camp ou d’un autre…
    Mais finalement, ça n’est peut-être pas le problème. Plus ça va, plus je trouve l’argument du machisme du monde politico-journaliste convaincant: Ségo ne connaît pas le nombre de sous-marins nucléaires et c’est un drame (car voyez vous, tous les présidentiables doivent apprendre par coeur l’organigramme de l’armée française), mais Breton (c’est vrai qu’il n’est que ministre de l’économie) accumule les affirmations effarantes et tout le monde s’en fout…
    La question n’est finalement pas: Ségo est-elle incompétente? on peut reconnaître qu’elle a fait des bourdes, mais face à un monde politique qui les multiplie, pourquoi est-elle la seule qui soit ainsi traîtée? pourquoi pas Breton?

  2. Bon, je suis allé voir le profil de Thierry Breton sur Wikipedia:
    fr.wikipedia.org/wiki/Thi…

    Et je n’ai trouvé aucune trace, ni dans les diplomes, ni dans la carrière, d’une quelconque compétence en économie. Ou alors a-t-il pris un cours d’intro à l’économie (compta nat, il a vraisemblablement séché) à supelec (tiens, école d’ingé, il doit bien pouvoir optimiser sous contrainte quand même)? C’est un peu triste.
    Y a tout de même un drôle de biais de sélection dans notre classe dirigeante. C’est une sorte d’effet de club. Suppsons que les idiots préfèrent traîner avec les idiots, et les compétents (pas de jeu de mots) avec les compétents. Partant d’une masse critique d’idiots élevés dans le club, seuls débarquent de nouveaux idiots, les compétents préférant se consacrer à d’autres activités (blogs? ;-)avec leurs copains compétents. Evidemment, cela laisse inexpliquée le nombre initial d’idiots élevé au départ… Quelques idées?
    Ou alors certains compétents font semblant d’être idiots pour rester dans le club (DSK?)

  3. Breton a été chef d’entreprise, et on estime en général que ça réclame les mêmes compétences que pour être ministre de l’économie, la France étant comme une entreprise qui doit être compétitive dans la mondialisation blablabla…
    Chose étonnante : la biographie de Ségolène Royal sur wikipedia indique qu’elle est licenciée en sciences économiques…
    DSK, ho oui, il est prof d’économie, mais je l’ai entendu débiter du pop internationalism en tant que candidat à l’investiture du PS. Il doit faire partie de ceux qui pensent que c’est une nécessité quand on fait de la politique.

  4. Est ce qu’il faut avoir suivi des etudes d’economie pour etre un bon ministre de l’economie ? Je sais pas, et la question ne semble pas appeler de reponse immediate.

    Cela dit, sur votre questionnement du parcours de Breton et de nos classes dirigeante, le concept de club n’est certainement pas specifique a la France, la plupart des pays qui me viennent a l’esprit ont un systeme de club, chacun avec leur specificite. En France, le systeme bien connu des grandes ecoles est ce systeme, comme vous le relevez, et il est vrai qu’une quantite assez astronomique de nos dirigeants en sont issus, ce qui pousse de plus en plus a une certaine consanguinite.

    Je n’ai cependant jamais vu d’etude a ce sujet (je suis sur que le phenomene a ete etudie serieusement, en dehors des "analyses" style recentes polemiques assez steriles et pauvres en arguments sur l’origine sociale des admis en grande ecole).

  5. Thierry Breton est surtout un proche de Jacques Chirac. Il aura d’ailleurs su faire ses preuves de bon petit soldat en contribuant aux basses oeuvres gouvernementales dans l’affaire Rhodia. Que demander de plus à un ministre ?

    Il a surtout l’immense avantage de se prendre, et probablement sincèrement d’ailleurs, pour un chef d’entreprise tout en ayant, en fait, un parcours d’apparatchik, comme d’ailleurs la très grande majorité des chiraquiens. Il a cependant pour lui le rare mérite de ne pas avoir revendiqué quelque statut de la fonction publique que ce soit pour oser faire une carrière en politique, ce qui est tout à son honneur.

  6. Chacun son métier, et un métier politique n’est pas un métier d’expert. J’ajouterais que dans de nombreux cas, avoir suivi des études d’économie en France dans les années 70 est un handicap, pas un atout.
    D’un politique on attend qu’il sache prendre des décisions claires, s’y tenir, faire des choix. Et de savoir s’entourer de compétences pour éclairer les choix en question. Dans ce sens, l’absence de formation économique d’un ministre n’est pas forcément un handicap, de même qu’on peut être ministre de la défense sans avoir fait son service militaire, ou ministre de l’éducation sans avoir été prof.
    Par contre ce que l’on attend d’un ministre c’est un mélange d’intégrité intellectuelle et d’humilité; une déclaration (et beaucoup d’autres) comme celle-là témoigne d’un Breton totalement déconnecté de la réalité et disposé à mentir effrontément, à raconter n’importe quoi, pour des raisons partisanes.
    Après tout Francis Mer n’a pas été un mauvais ministre de l’économie, avec un profil de dirigeant d’entreprise passé par les grandes écoles. Mais ce qu’on peut noter c’est que si lui a été nommé sur l’idée de "faire entrer la société civile au gouvernement", donc plutôt sur la base de compétences, tous ses successeurs ont été nommés pour des raisons de pure politique. Pour Gaymard et Sarkozy, c’était très net. Quant à Breton Je suis d’accord avec la remarque de Passant, son parcours est celui d’un apparatchik chiraquien.

  7. L’ancien ministre de l’économie Néerlandais vient de faire remarquer que en 12 ans il a connu 16 ministres des Finances Français. Gordon Brown aurait pu dire la même chose. Conclusion en France l’économie et les Finances c’est sans importance.

  8. breton, ministre de l’économie, chiffre le programme de royal? et nous gort un chiffre qui par sa taille sent la propagande ump. quid de la neutralité? breton chiffre-t-il les autre candidats?
    UMP = Union pour Ma Pomme. celle ci a changée, une fois ces dernières années.

  9. @PIERRE : "DSK, ho oui, il est prof d’économie, mais je l’ai entendu débiter du pop internationalism en tant que candidat à l’investiture du PS. Il doit faire partie de ceux qui pensent que c’est une nécessité quand on fait de la politique."

    J’ai bien peur que ce soit nécessaire, en effet. On en a déjà parlé un peu ici ou sur Optimum, et il paraît suicidaire, de l’avis général, de proclamer "vive les délocalisations qui permettent de réallouer les ressources productives de façon plus efficace, et les importations qui certes détruisent votre emploi, pauvre ouvrier du textile, mais ont des répercussions positives sur l’ensemble de l’économie que vous êtes bien incapable de voir"…

  10. 800 miliards = 5 ans * (50 milliards comme sous le gouvernement Villepin + 80 milliards qui seraient le coût annuel du programme Royal)

    Ca ne marche pas non plus. (50+80)x5 = 650 et pas 800; (50×5)+80 ne marche pas non plus. N’essayez pas de vous rattraper M. Thierry B. 😉

  11. Ségolène Royal pose comme principe de ne pas augmenter la pression fiscale, et d’au moins stabiliser la dette.

    Une fois ces principes clarifiés, le reste est de peu d’intérêt en terme de chiffrage. Les marges de manoeuvre sont telles, des mesures peuvent être gonflées ou dégonflées par des aménagements techniques ou des choix politiques, qui font partie de l’arbitrage…

    Sans compter l’impact de la croissance, des besoins nouveaux liés aux alléas internationaux ou autres, ou des nouvelles idées qui peuvent s’imposer…

    Donc mieux vaut présenter des principes et des orientations, quelques mesures fortes, et un ensemble ensuite de projets mais sans forcément les chiffrer…

    Puisque vous semblez avoir décidé de jouer les colleurs d’affiches en postant ce même commentaire, hors sujet, dans différents blogs, je me fais un plaisir de reproduire in extenso ce qu’il a inspiré à Bernard Salanié :

    Le commentaire de Jani-Rah est tellement beau que je veux en faire le sujet d’un billet particulier. Il y a plusieurs conceptions de la démocratie, et l’un des critères qui les différencient est le degré de délégation de la souveraineté du peuple à ses représentants. J’avais cru que Ségolène Royal voulait tirer dans le sens d’une plus grande participation du peuple à l’élaboration des décisions et de leur mise en oeuvre. Pour certains de ses supporters (apparemment, JR est apparenté au PS, dans un de ses courants), c’est le contraire semble-t-il : le peuple doit adhérer à une leader charismatique qui proclame un objectif parfaitement consensuel et ne s’attarde pas sur les moyens de le réaliser—l’avenir est trop incertain, on s’adaptera. C’est une méthode…avec zéro chance de succès à mon sens. Cela me rappelle le passage d’Emma Bovary qui me troublait quand j’avais douze ans :

     

    Elle renversa son cou blanc, qui se gonflait d’un soupir ; et, défaillante, tout en pleurs, avec un long frémissement et se cachant la figure, elle s’abandonna.

    (Ségolène en Rodolphe, il fallait l’oser, vous l’admettrez).

    Vous avez gagné ainsi l’occasion de voir votre candidate critiquée dans un billet qui l’avantageait. La prochaine fois, évitez donc de vous tirer une balle dans le pied, et commentez avec votre cerveau, au lieu de le faire avec ctrl-V.

  12. A Merlin: désolé d’importuner les mouches, mais il me semble que Gerrit Zalm (ministre des finances néerlandais entre 1994 et 2006, d’après Wikipedia, puis brièvement ministre de l’Economie) a un peu exagéré: il n’a pu connaître que 10 ministres français de l’économie.

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