Politique économique sans économistes

Charles Wyplosz, sur Telos :

“Le décalage face aux Etats-Unis est frappant. Il se peut qu’effectivement l’équipe Obama panique et plante les graines d’une situation ingérable une fois la crise passée. Certains pronostiquent déjà une explosion de l’inflation et un nouveau cycle tout aussi instable que le précédent. Mais il se peut aussi que les dirigeants européens ne prennent pas la mesure de la crise et restent enfermés dans des considérations idéologiques d’un autre temps. Peut-être n’est-ce qu’une coïncidence, mais on retrouve dans les allées du pouvoir à Washington, au gouvernement comme à la banque centrale, la fine fleur des économistes américains, dont plusieurs sont des spécialistes mondialement connus pour leurs travaux sur la Grande Dépression. En Europe, très peu d’économistes professionnels sont proches des manettes, rares sont ceux dont la réputation s’étend au-delà de leurs meilleurs amis et aucun n’a jamais étudié sérieusement la Grande Dépression. Est-ce que ceci explique cela ? En tout cas les arguments des dirigeants européens sont bien moins convaincants que ceux des responsables américains. Mais rassurons-nous : si l’économie américaine redémarre vigoureusement, le monde entier en profitera. Merci, donc, aux contribuables américains pour ce qu’ils font pour nous tous !”

Et si même Paris Match le disait il y a déjà quelques semaines, c’est que c’est grave.

21 Commentaires

  1. Ce commentaire n’a aucune prétention économique mais je trouve cette phrase amusante : "The Americans are only asking us for money because they haven’t got the guts to ask Congress for it". ( search.ft.com/search?quer… )

  2. Mince alors… mais où est passé ce Blanchard dont Sarkozy se vantait d’avoir le soutien ?
    Et les Thesmar, Salanié…?
    Occupés à des choses plus SERIEUSES certainement.

  3. Oui, mais les économistes (de tous bords) ont une légère tendance (un peu gonflée par les temps qui courent) à penser qu’eux seuls avec leur science sont habilités à faire sens de ces choses-là. Ne pas rajouter (par exemple) juristes, historiens, sociologues et politistes dans ce genre de propos : c’est un acte manqué où c’est exprès ?

    Puis il y a économistes et économistes, parce que des "économistes aux manettes" ce n’est pas toujours très rassurant — surtout quand il n’y a personne pour les surveiller…

  4. "En Europe, très peu d’économistes professionnels sont proches des manettes, rares sont ceux dont la réputation s’étend au-delà de leurs meilleurs amis et aucun n’a jamais étudié sérieusement la Grande Dépression."

    Vous pouriez nous donner vos listes d’économistes aux US et en europe qui sont proches des manettes svp? Perso, je vois pas trop l’intéret de s’entourer des "spécialistes" qui ont tout fait pour nous mettre dans la merde et de leur demander de nous en sortir.

    Surtout si pour etre spécialiste renomé il faut étre pro capitaliste…

    Et j’aime bien le: "Merci, donc, aux contribuables américains pour ce qu’ils font pour nous tous !"

    Obama a autorisé la FED à racheter de la dette américaine la semaine derniere, donc merci la planche à billet et les gogo étranger qui laissent faire non?

  5. Ce qui me semble bien plus frappant est le silence pour le moins pesant des très nombreux économistes français qui disposent pourtant d’accès à la presse ou aux blogs sur la question. Alors même qu’existent parmi eux des réputés spécialistes des questions financières, monétaires, etc : j’en déduis qu’eux aussi peut-être, travaillent avec le gouvernement ?

    Sinon : à quoi bon demander l’avis de qui que ce soit si c’est pour obtenir des réponses du genre "Certains pronostiquent déjà une explosion de l’inflation et un nouveau cycle tout aussi instable que le précédent. Mais il se peut aussi que les dirigeants européens ne prennent pas la mesure de la crise et restent enfermés dans des considérations idéologiques d’un autre temps."

    Ensuite, étant la postulée inculture économique des français, à quoi bon débattre publiquement de questions de société, c’est à dire, de problèmes réels, sous un angle économique, c’est à dire, innappréciable du public ?

    Enfin, est-ce bien raisonnable de chercher dans l’histoire de 1929 des leçons pour l’avenir ? Par exemple, la prise de conscience de l’ensemble des enjeux par l’ensemble des acteurs est-elle bien comparable aujourd’hui et en 29 ?

  6. 1. Une rapide revue de la littérature montre que les économistes sont partagés 50/50. Keynésiens vs Néoclassique. Aux US les Keynésiens sont aux affaires les autres hurlent dans la Presse (e.g. Gary Baker).

    2.Il me semble que le consensus des economistes est que le règlement de la récession économique passe d’abord par le règlement de la crise bancaire et que pour le moment les US n’ont pas vraiment avancés sur ce point qui demande un choix politique au Congres. En attendant la Fed fait ce qu’elle peut et tout ce qui lui passe par la tête notamment marcher les presses a billet.

    3. Le package US comprends beaucoup de mesure qui n’ont rien a voir avec la récession et beaucoup avec un renversement des priorités economiques et sociales par rapports aux administrations précédentes.

    4. J’aime bien Wyplosz, mais il me semble que la vérité est que personne ne sait exactement ce qu’il faut faire (sauf fixer les banques), que tous ont beaucoup d’arrières pensées; notamment chacun essaye de se positionner pour donner moins que les autres et tirer plus que les autres.

    Il n’ y a rien de nouveau sous le soleil. L’homme capitaliste n’est pas parfait, faut il le rééduquer?

  7. Le gouvernement français manque de crédibilité économique et ce n’est vraiment pas la bonne période pour cela, c’est certain.

    Cependant :
    – les décisions prises en France sur le sujet s’alignent sur celles allemandes qui ont le réel support d’une série de conseillers économiques. Considérer qu’ils sont mauvais comme Wyplosz le fait c’est déjà rentrer dans un débat idéologique.
    – l’analyse américain est que la crise actuelle est la même que celle de 29. A l’époque le blocage des dépenses et la fermeture des frontière avaient déclenché une spirale infernale vers le bas. Deux axes d’action donc : éviter le protectionnisme, lancer de grandes dépenses qui vont éviter ce blocage économique.
    – Mais sur le deuxième point, le monde d’aujourd’hui est-il vraiment le même qu’en 29 ? La crise est largement une crise de la dette, des investissements incontrolés, laisser glisser ainsi la dépense de l’état n’est-ce pas juste ouvrir une nouvelle bouteille pour se guérir d’une gueule de bois ?
    – Les mécanismes de "stabilisateurs automatique" de l’europe sont beaucoup plus développés qu’en Amérique, ils vont jouer ce rôle protecteur pour éviter la spirale infernale, sans qu’ils soit forcément beaucoup plus efficace que le gouvernement se lance en plus dans des dépenses tout azimut, en étant incapable de les cibler.
    Chiffrer les dépenses européennes sans chiffrer le fait que ces mécanismes vont automatiquement apporter le soutien de l’état aux personnes en difficulté à cause de la récession (indemnisation des licenciements, du chomage technique) et que ces montants sont proportionnels à l’importance de la crise n’est pas forcément une comparaison équitable.

  8. @david : "Vous pouriez nous donner vos listes d’économistes aux US et en europe qui sont proches des manettes svp?"

    Pour les Etats-Unis, au moins Ben Bernanke, Larry Summers, Christina Romer, Peter Orszag et Austan Goolsbee (+ Jared Bernstein auprès du VP, mais je ne sais pas bien si cela l’approche véritablement des manettes). Ca fait quand même du beau monde et une vraie différence avec la France.

  9. Comme aurait dit le pape, non seulement la distribution d’économistes aux gouvernements ne résout pas la crise, mais elle l’aggrave.

    (c’était une blague)

    Reste toutefois que dans un domaine qui est loin de relever de la science exacte, avant de mettre des économistes près des manettes, il faudrait déjà les choisir, ce qui n’est pas anodin puisque les opinions des uns et des autres sont très différentes et en général assez tranchées. Il faut également éviter de les mettre trop près des manettes : depuis Barre on a appris que la politique n’est jamais le sous-produit de la technique.

  10. Non l’économie n’est pas une science exacte, mais en ces temps où les déséquilibres macroéconomiques font des ravages (saving gluts & global imbalances) il serait bon d’écouter les économistes… Le problème est qu’on confie les manettes de l’économie à des patrons, qui comme lagarde, sont souvent des billes en macro… Les économistes contrairement à ce qui a été écrit plus haut son assez d’accord sur un grand nombre de point, ( et le consensus n’a d’ailleurs peut-être être jamais été aussi grand sur la régulation financière)
    @merlin qui dit "Une rapide revue de la littérature montre que les économistes sont partagés 50/50. Keynésiens vs Néoclassique" cela me fait un peu sourire… Kéynésiens ça veut rien dire, si l’on considére par exemple que Keynes ne croit pas à l’efficience des marchés financiers (thèse Minsky on a retenu que la moitié de keynes, l’économie est fondamentalement instable) 90% des économistes ne sont pas Keynesien…
    La france ne manque pas de bon économistes, (Aglietta par exemple connait deux trois trucs en macro fi non ?) et les rapports du CAE sont souvent très complets… seulement les mesures qu’ils préconisent sont politiquement insoutenables, dans un pays où les conservatismes, les corporatismes (de droite comme de gauche) sont tenaces…

  11. @Emmanuel

    Je vois pas en quoi ils seraient meilleurs que "nos économistes" rien que Ben Bernanke s’il était vraimant bon, on en serais probablement pas là aujourd’hui car ça fait un momment qu’il est aux manettes. Je vois pas comment on peu apeler un pyroman: "pompier"

    Et si la meilleurs idée qu’ils ont tous est d’imprimer des billets qui ne correspondent à aucune création de bien pour maquiller leur dette, ma grand mere mérite le prix nobel.

  12. Et Geithner qui propose que le gouvernement prète l’argent aux investisseurs privés pour qu’ils l’utilisent pour acheter les actifs "pourris".

    Mais: si la valeur des actifs grimpe, les investisseurs dégagent des profits, et si la valeur des actifs baisse, les investisseurs n’ont pas à se soucier de leur dette.

    Le gagnant gagnant qu’on appelle ça hein?

  13. David,
    Je ne vois vraiment pas en quoi Bernanke peut être un tant soit peu tenu pour responsable de la crise actuelle. Au contraire, il a fait son possible pour en atténuer le choc par des mesures contracycliques.

    Pour le reste, en période de surproduction, de déflation et de credit crunch, oui, imprimer des billets peut être une excellente solution.

  14. d’accord avec david, bernanke arrive alors que le marché de l’immo us a déjà commencé à baisser, et quelque semaine avant le début de la crise (mai puis aout 2007). Jusqu’au 15 septembre il ne fait pas une erreur. Après, bon, il y a le choix de laisser tomber Lehman, et ça c’est une grosse connerie, mais c’est sans doute paulson qui a pris la décision (après il s’est plutôt rattrapé)
    Pour Geithner, son plan est une dernière tentative pour éviter la nationalisation pure et simple, et part de ce principe, il vaut mieux que ce soit les banques qui débouclent leurs positions, etc en raison la complexité des montages financiers. L’état n’est pas le mieux placer pour gérer les banques (crédit lyonnais, ça vous dit quelque chose…) en revanche il doit imposer des règles fortes.
    Imaginez Lagarde à la place de Geithner, ça fait froid dans le dos…

  15. d’accord avec sav, pas d’accord avec david, c’est ce que je voulais dire, évidemment

  16. Inutile de sourire, Keynésien est un raccourci bien sur, pour qualifier ceux qui pensent que dépenser l’argent des autres règle tous les problemes quelques soient les situations.

    En ce sens par les Francais sont Keynésiens depuis 30 ans; quand les temps sont durs, ils font de la relance de la consommation, quand les temps sont favorables, ils font de la relance de la consommation.

    Keynes était il Keynésien?

  17. @Merlin: on est en crise grave, on laisse faire? La stratégie allemande et française est en parfaite harmonie: on attends que les USA repartent, les allemands parce que de toute façon ils dépendent de l’export, et les français parce que Mme Tatcher est au pouvoir.

  18. @ David : les économistes de l’équipe Obama sont les responsables de la crise? Ah bon expliquez-nous. Dites-nous qui et en quoi…

  19. Au delà du clivage Keynésiens/néoclassiques, on ne peut que constater la disparition des aspects macroéconomiques dans les politiques économiques.

    En France, on a pris l’habitude de laisser les chefs d’entreprise parler d’économie à la place des économistes.
    Et sur le plan gouvernemental, il suffit de tendre l’oreille pour entendre que l’économie se résume finalement à la bonne santé des entreprises qu’il faut préserver à tout prix. Ceci, quitte à sacrifier tout le reste, en particulier les emplois s’il le faut.

    Pourtant, les économistes savent depuis Keynes que c’est un bien rapide raccouci car l’équilibre sur le marché des biens et services ne correpond pas forcément au plein emploi.
    Ce qui sous-entend :
    1) que les entreprises adaptent leur capacité de production à la demande qui s’adresse à elles,
    et
    2) que la réduction massive d’emplois qui en résulte en période de crise peut enclencher un cercle vicieux si on oublie son impact sur la consommation.

    C’est sans conteste de la macroéconomie de base. Elle peut être méprisée.
    Mais elle demeure en soi tout à fait pertinente, et étrangement absente dans tous les débats.

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