Piqûre de rappel

Le rebonds du jour d’Esther Duflo relève de ce qu’il est bon de rappeler à intervalles réguliers, indépendamment du contexte de campagne.
Le texte d’Askenazy et Weindenfeld, cité par Duflo, est disponible ici.

Addendum (19h40): Je suis sidéré de constater qu’après des heures de publication, pas un seul commentaire n’a été posté sur le site de Libé concernant cet article. La comparaison avec celui de la semaine dernière est spectaculaire. Je crois que cela montre à quel point nos gentils lecteurs de journaux quotidiens ont une vision étroite de l’économie, coincée entre la dette publique et l’immigration choisie… Honte à eux. Ce sujet est pourtant représentatif d’un des plus gros problèmes économiques de ce pays, la concurrence sur le marché des biens et services.
Addendum 2 (22h00): Je commence à pencher vers l’hypothèse avancée dans un commentaire : les modérateurs de Libé sont en RTT (ou en grève)…
Addendum 3 (22h06): Non, je ne regarde pas la télé ce soir.

12 Commentaires

  1. Il est génial cet article.

    On se rend compte que Libé publie les yeux fermés une ode à la concurrence et à la mondialisation si on prend soin de l’habiller en critique de la droite.

    Déjà la semaine dernière, ils avaient publié sous la plume de Piketty une critique sévère des déficits publics maquillée en pamphlet contre Sarkozy.

    Soyons fous, je tente la généralisation du concept :

    1. prendre un économiste titré et reconnu ;
    2. faire le procès d’une mesure anti-libérale de droite ;
    3. saupoudrer de « piments » pour exciter Libé (les grands groupes contre les pauvres, quelques épithètes Sarkophobes…) ;
    4. laisser infuser ;
    5. bingo, Libé publie votre plaidoyer neo-libéral.

    La droite française n’étant pas libérale, nous disposons d’un vaste gisement de matières premières : les mesures anti-libérales de droite. Les conditions semblent réunies pour que Libé prenne position en faveur :
    o Des délocalisations ;
    o De la facilitation des licenciements ;
    o De l’abrogation du statut des fonctionnaires ;

    Y a-t-il des économistes pour relever le défi ?

    Ayant précisé que l’article m’intéressait “indépendamment du contexte de campagne”, je n’ai rien à ajouter qui pourrait donner du grain à moudre à une interprétation partisane. Pour qui se soucie d’économie, c’est cependant bien dommage que le texte de Duflo soit reçu de la sorte.

  2. Même si le rapport entre ce commentaire et l’article n’est peut-être pas évident, j’ai été fasciné de voir à quel point les entreprises de distribution alimentaires organisées en réseaux denses (grossistes de consommables pour vendeurs de Kebab soutenant financièrement leurs distributeurs, clientèle de Davigel et entreprises comparables) se révèlent efficaces pour pénétrer les centres villes tout en se révélant très compétitives du simple point de vue du pouvoir d’achat. Le succès de la méthode me semble présager d’une possibilité de modifier radicalement les habitudes de consommation pour peu que le consommateur s’y retrouve d’un point de vue économique.

    Mais je suppose qu’il ne faudra pas attendre des acteurs en place du secteur de se risquer à voir redistribuées les parts de marché, celui-ci étant encore bien assez lucratif pour que les comportements prédateurs soient jugés antisociaux.

    Par contre, les perspectives de vente directe (voitures partant dans les départements ruraux tels la Sarthe s’approvisionner en légumes frais à des prix imbattables, ou ventes de cageaots de légumes via les comités d’entreprise) pourraient à terme grignoter sévèrement le marché de la distribution généraliste.

  3. La gauche n’est pas uniformément anticapitaliste, et un socio-démocrate peut préférer la loi du marché à une mesure qui régule le marché au profit d’une corporation de petits (et grands) commerçants contre les consommateurs, notamment les plus pauvres.

    A part ça, peut être qu’il existe aussi des gens à gauche qui sont contre le marché juste parce que le marché c’est mal.

  4. Mon ironie n’était dirigée ni contre econoclaste, ni contre Duflo, ni contre A&W mais contre Libé. Désolé si j’ai manqué de tact.

    Pour revenir au fond de l’article, il est intéressant mais pas bouleversant. Je n’ai pas été très surpris de voir confirmé qu’une loi restreignant la concurrence s’est traduite par une réduction du bien collectif au bénéfice des acteurs installés.

    Je connais assez bien le secteur de la distribution (grandes surfaces alimentaires, distribution spécialisée, hard discount, e-commerce…) et j’ai toujours été impressionné par la forte capacité d’innovation de ce secteur qu’on penserait un peu morne. Que ce soit en matière de concept de distribution, de stratégie produits, de marketing, de logistique, de ressources humaines, d’organisation de la chaîne de valeur, les nouveautés sont constantes.

    Il existe en France 2000 chaînes de distribution. Les principales contraintes à leur développement sont le financement (facile à trouver si on est rentable), le recrutement (de plus en plus difficile) et les emplacements (compliqué par la réglementation). Il est clair que la loi Raffarin a nui à la diffusion de l’innovation et donc au consommateur.

    S’agissant des méthodes de distribution alternatives type ventes directes, AMAP ou autres, il s’agit d’initiatives intéressantes qui répondent à un besoin exprimé par les consommateurs. Ceci dit, je ne pense pas qu’elle ne représenteront jamais une fraction significative du marché. A grande échelle, la logistique devient un obstacle insurmontable. Et un semi-remorque coûte beaucoup moins cher que 200 voitures. Ils ont beau avoir été avantagés par Raffarin, Carrefour, Auchan et Leclerc restent des prodiges d’efficacité.

    J’espère m’être (un peu) fait pardonner mon premier post sarcastique et fort peu constructif.

    Je suis un peu gêné par vos excuses. Je n’avais pas pris votre commentaire pour nous. Un peu pour les économistes qui font les rebonds. Et beaucoup pour Libé. A titre personnel, je trouve que les chroniques économiques de Libé sont depuis un bon moment un des meilleurs viviers de chroniques d’économistes de la presse écrite française. D’abord parce que c’est une rubrique qui dure. Ensuite parce qu’ils ont eu des gens comme Wiplosz, dont on ne peut pas dire qu’ils défendent des idées de gauche, au sens bipolaire du terme. Enfin, parce que les opinions exprimées sont très rarement dénuées d’une base académique. Ce qui est pour nous, vous vous en douterez, un sacré gage de qualité. Donc, s’il n’est pas question de faire de Libé un journal de droite, je crois qu’on peut difficilement leur reprocher leur ligne éditoriale sur les chroniques économiques. Si vous consultez les archives, vous verrez que le nombre de textes qui défendent le mécanisme de marché sont largement majoritaires. Alors, oui, Salin n’a jamais pondu de chroniques pour eux… Chacun jugera de la perte que cela représente à l’aune de sa propre conception des choses.

  5. A propos de l’addendum :
    Je ne suis pas trop au courant de comment marchent les commentaires sur liberation.fr, mais c’est peut-etre simplement que les moderateurs du site ont pris leur apres-midi, non?

    Bah, ils ont pris aussi le lundi matin ? Non, pourquoi pas, en effet… Ca m’étonne quand même.

  6. Je suis flatté qu’Esther Duflo ait lu mon post consacré au programme de Ségolène Royal ;-). Il y a vraiment un boulevard pour les socialistes avec ce papier d’Askenazy. Et je parie que ce sera oublié (je n’ai même pas envie d’aller lire les commentaires du site de libé quand ils seront publiés…). Le poids de l’idéologie est vraiment écrasant.

    Eh oui, tu sais que tu es beaucoup lu aux Etats Unis (si, si, c’est le second pays d’origine des visiteurs d’après les stats). Alors pourquoi pas dans le Massachusets ? :o)

  7. Vous avez aussi au moins un lecteur en Angleterre 🙂
    Sinon c’est pas terrible la faute d’orthographe a Askenazy dans l’article de Duflo, bouh !

  8. Sur les commentaires, sinon, je penche pour le problème technique. Il n’y en a pas non plus sur les autres articles, dont pascal boniface qui critique Bush et une critique de la médecine libérale, deux sujets qui devraient eux aussi réveiller le libénaute.

  9. Qui donc disait quelque chose comme (de mémoire) "ce ne sont pas les gens pour donner les bonnes idées qui manquent au PS, c’est le logiciel pour s’en servir ?"

    Un grand homme, un très grand homme avec qui je partage l’espace numérique… :o)

  10. Sur les commentaires dans Libé, la fonction est cassée. Je viens d’essayer d’en laisser un.

    Sur l’article lui-même, il est bien construit et bien documenté. Les effets induits par la législation entraînent :
    – une impossibilité de fait d’ouvrir de nouvelles grandes surfaces
    – et donc une rente pour les surfaces déjà installée.
    – Et des conséquences négatives sur l’emploi et le pouvoir d’achat.

    Cependant – contrairement à ce qui est dit dans l’article – la législation a favorisé le développement du Hard Discount. Il n’y avait pas besoin d’autorisation pour des surfaces inférieure à 300 m2 et elles sont beaucoup plus facile a obtenir pour les surfaces < 1000 m2. L’interdiction faites aux grandes surfaces de répercuter les marges arrières ne s’applique pas aux hard discount qui ne vendent pas de marque nationale mais uniquement des marques distributeurs.

    La réforme de la loi Galland (interdiction de la répercutions des marges arrières) a permis aux Hypers de reprendre des parts de marché depuis 2006.

  11. La seule chose nouvelle dans cette article est que les municipalités de gauche sont plus "permissives" que celle de droite. Différence de clientèle probablement, il me semblait pourtant que les réflexes protectionnistes (et les incitations) étaient les mêmes des deux cotés.

    Peut être Libé perd il ses lecteurs intéressés par autre chose que la théologie?

  12. Merci d’avoir eu la patience de me répondre.

    Ce n’est pas tant la ligne éditoriale de Libé que je déplore mais ce besoin de systématiquement glisser des éléments extrêmement polémiques dans un article intéressant par ailleurs et, comme vous le dites, non dénué d’une base académique.

    Conclure par « En période électorale, une étude qui montre qu’une loi sacrifie à la fois l’emploi et le pouvoir d’achat des couches les plus défavorisées au bien-être de grands groupes n’a pas de raison d’être bienvenue pour le ministère qui la met en oeuvre. » apporte peu à l’article. Cela aurait même plutôt tendance à lui nuire en focalisant les lecteurs sur ces aspects partisans au détriment du fond.

    Il y a deux choses sur ce point je crois : la première, c’est que cette question de la concurrence sur le marché de la distribution en France revient régulièrement sous la plume des économistes. L’autre, c’est que même si je ne connais pas tous les dessous de l’affaire, il semble que la réaction du ministre à l’étude ait été peu appréciée des auteurs (voir ce texte). Duflo est sûrement de leur avis. Donc, l’aspect partisan n’est peut-être pas si simple à établir sur le fond.

    C’est exactement ce que j’ai fait dans mon premier post mais c’est également comme cela que Phersu reprend l’article dans son blog.

    Bon, je prends 2 résolutions pour la fin de 2007 :

    1. lire les rebonds de Libé avec plus d’indulgence et de patience
    2. arrêter de vous spammer avec mes commentaires hors-sujet

    Plus de détails sur la polémique avec Dutreil, chez François.

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