Phelps pour le Monde

Interview du prix Nobel d’économie 2006 dans Le Monde. Il y reprend, en plus court, des thèmes de l’article récemment signalé par Alexandre.

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7 Commentaires

  1. J’ai un peu de mal à comprends la position de E.Phelps :

    1) Il est favorable à l’EITC, ou "negative income tax". Je crois d’ailleurs qu’il n’a pas signé la pétition pour le relèvement du salaire minimum aux US. Sur ce point ça semble clair.

    2) Il dit que le taux d’emploi et la satisfaction au travail sont un bon indicateur du dynamisme d’une économie. L’Europe continentale a un mauvais score comparée aux US et UK. Mais ces indicateurs sont-il la cause ou la conséquence d’une économie dynamique? Et est-ce que l’explication ne serait pas qu’un autre facteur influence simultanément le dynamisme de l’économie, le taux d’emploi, et le moral des salariés?

    3) Lorsqu’il est interrogé sur ce facteur, E.Phelps évite soigneusement de mettre en cause le poids de l’Etat. Dans l’article du WSJ il critique le corporatisme, la recherche de rentes plutôt que l’innovation et l’entrepreneuriat. Dans le Monde, il répond "les institutions économiques […] certaines lois ou règlements, certaines interventions du gouvernement". Mais que signifient le corporatisme, les réglements, et l’intervention du gouvernement, si ce n’est justement un poids excessif de l’Etat?

    Il y a de quoi y perdre sa langue de bois, vous ne trouvez pas?

  2. Bref aperçu du savoir généralement admis en France sur les questions économiques, ou le jeu des 7 erreurs :
    1. L économie n est pas une science. C est une question d opinion, et tout le monde peut en avoir une puisque tout le monde est consommateur ou salarié ou employeur, et toutes ces opinions se valent, donc ce n est décidément pas une science. CQFD. La preuve absolue : en économie, ce n est pas un vrai prix Nobel. Donc Phelps est un rigolo.
    2. Les économistes n ont pas de coeur. La preuve : ils sont un peu sceptiques quand on leur parle de nouvelle hausse du SMIC dans un pays comme la France (donc ils marchent avec le MEDEF), ils cherchent a rentrer dans le détail quand on leur parle de taxe Carbone, ils sont donc vendus aux pétroliers texans (chacun sait que le bon niveau d expertise sur cette question n est pas une thèse en économie de la fiscalité mais un diplôme d ingénieur ou de climatologue, ou la présentation d une émission sur TF1).
    3. Le réel n existe pas. Et 1 = 1000 = 1000000000. Par exemple, il faut lutter contre les OGM car c est un danger redoutable : tous ceux qui constatent que des dizaines de millions d hectares OGM sont cultives un peu partout dans le monde depuis plus de 20 ans sans le moindre début de problème sont des traîtres ; il faut appliquer le principe de précaution, comme avec la vache folle (des milliards d euros dépenses et 30 millions de bovins tues pour… 4 cas humains répertoriés dans toute l Europe en une décennie). Autre exemple : tous ceux qui constatent qu il n est pas économiquement très rationnel de se lancer dans la production nucléaire civile dans un pays comme l Iran (peu développé techniquement et regorgeant de pétrole et de gaz pour un siècle, en dépit de l arrêt de toute exploration moderne depuis bientôt 30 ans) sont des anti-musulmans. Vite, une fatwa.
    4. La France n est pas en déclin. Notre modele-de-cohesion-sociale-que-le-monde-nous-envie. Par contre les pays anglo-saxons connaissent des problèmes sociaux toujours croissants, c est la jungle, ya pas de services publics (vous auriez vu la tete de mes étudiants quand je leur expliquais que pour les élèves de 4 a 18 ans aux USA seuls 10 % sont scolarises dans le secteur prive !).
    5. Les grands économistes contemporains sont : Bernard Maris, Serge Halimi, Bernard Cassen et Paul Krugman (mais pour ce dernier, seulement quand il casse les republicains). Les grands économistes du passe sont : Keynes, Bourdieu, Alain Minc et Karl Marx. Il ne sert strictement a rien de lire les auteurs autrichiens (avec des noms pareils, ils devaient être nazis) ou Milton Friedman (dont on sait depuis la nécrologie par Piketty dans le journal Le Monde qu il a essentiellement été un collabo du régime infaaaaaame de Pinochet). De toute façon on connait déjà leurs idées : la mondialisation ultra-liberaaaaale. Inutile d apprendre les principes de base de la discipline, passons tout de suite a la contestation de ces principes.
    6. Si parfois on va pas bien (en contradiction avec le point 4, mais on n est plus a une contradiction près), c est pas de notre faute : c est a cause des pays de l Est qui font du dumping social, des USA, du FMI, de l OMC, de la mondialisation, de Johnny Haliday, des juifs, etc. Par exemple, notre déficit du commerce extérieur et les problèmes d Airbus c est a cause de l Euro (sur ce point, allez sur le blog d Attali dans l Express, a mourir de rire). On ne recherche pas de boucs émissaires, ah ça non non non, mais faut reconnaître que les autres ils font rien comme il faut. Ils ne copient pas nos 35 heures, c est curieux. Les étrangers sont nuls.
    7. Je sèche un peu sur ce jeu des 7 erreurs mais vous trouverez facilement de quoi remplir cette case. On pourrait parler du libre-échange qui ne profite jamais aux consommateurs, et surtout pas aux pays pauvres (de même que l emploi est un gâteau, le commerce international est une chasse aux trésors). Je passe aux conclusions : les français sont archi-nuls en économie (OK, c est pas un scoop), ils en sont fiers et de plus en plus, ils réclament des responsables politiques aussi ignares et bornés qu eux, et les économistes qui s acharnent a expliquer calmement les mécanismes de base de cette belle science appliquée qu est l économie ressemblent a Sisyphe poussant son rocher : comme dans une damnation antique ou faustienne, nous sommes condamnés pour l éternité a un travail a la fois ingrat et parfaitement inutile.

  3. Quelques petites remarques:
    @Gu Si Fang : Il me semble que ce que pourrait mettre en avant Phelps, et je crois qu’il a raison de prendre les précautions qu’il prend, est que l’importance quantitative de l’Etat a relativement peu a voir avec l’inertie qu’il regrette. Par ex. Pays Nordiques, je suppose. Bon taux de croissance, importance des prélèvements obligatoires, bien classés en termes d’innovations.

    @mucherie : je ne comprends pas cette vindicte contre les français, soupçonnés de tous les maux de la Terre, surtout quand on connait la "science" économie de l’intérieur… Aussi le jeu des 7 erreurs, on peut le retourner, envers des économistes, disons, un peu sûrs d’eux par rapport au(x) savoir(s) qu’ils produisent:
    1. Les économistes croient que l’Economie est une science, qu’elle donne sur la plupart des sujets des prédictions correctes, testables et au final incontestables… D’ailleurs la preuve, c’est qu’il y a un Prix Nobel d’économie…
    2. Les économistes ne s’intéressent qu’aux autres, avec un critère parfait, l’optimum de Pareto. Et s’ils défendent telle ou telle politique/mesure etc… ça n’est que d’un point de vue scientifique…
    3. Le réel n’existe pas… En fait, on s’en fout du réel, on n’a qu’à faire "comme si".
    4-5 Si les économistes connaissaient mieux les principes de base de leur discipline (leurs limites, et notamment si ces principes marchent ou pas empiriquement), peut-être qu’ils relativiseraient un tout petit peu leurs modèles, prédictions, conseils etc… Par ailleurs, c’est marrant de mettre en avant les Autrichiens, qui pour le coup en termes de scientificité n’ont rien à envier à Keynes ou Marx, sur la méthode…
    6. Si quelque chose ne va pas bien, c’est de la faute des agents économiques (qui tout en étant rationnels votent contre leur intérêt…)
    7. Le travail ingrat que l’on a à faire, c’est l’humilité à mon avis… Et c’est bien plus compliqué que de prétendre tout savoir dans un domaine et être incompris… (auquel cas, on ressemble beaucoup aux français, à leur cher modèle pseudo-social et compagnie…).

  4. @ARCOP : plusieurs points :
    1/ je parlais des français, il y aurait bien des choses a dire sur les les italiens, les boches etc. Et sur les américains aussi. Mais ce n est pas ma faute si les français remportent régulièrement la palme mondiale de la bêtise économique. Exemple récent (je pourrais prendre un nouvel exemple tous les jours…) : les propositions de DSK sur la taxation des français de l étranger ; j ose a peine imaginer quelles auraient été les réactions dans d autres pays que la France… mais dans ce dernier pays, plus c est gros plus ça passe.
    2/ Sur le caractère scientifique ou non de l économie (que de pages écrites en pure perte sur cette question depuis deux siècles…) et la démarche peu scientifique des autrichiens : si vous avez raison (l économie comme vaste chaos informe d opinions contradictoires), alors comment expliquez-vous l existence de régularités, de prévisions, d expériences ? Cournot, Walras, Solow, Lucas, ce sont des scientifiques ou des clowns tueurs venus de l espace ? quant aux autrichiens, je pourrais noter par exemple qu ils ont analysé des les années 20 les raisons pour lesquelles l économie bolchevique n avait pas un brillant avenir (je pourrais vous indiquer des dizaines de pages qui n ont pas pris une ride), alors que le consensus des climatologues jusqu au milieu des années 70 était celui d un refroidissement climatique global et qu a la même époque les plus grands scientifiques du MIT pronostiquaient la fin du pétrole pour l an 2000 au plus tard. Vous avez le droit de ne pas partager les vues de Friedman, Samuelson et d autres sur le caractère en partie scientifique de la démarche en économie, mais de grâce réfléchissez aux implications de votre position.
    3/ Il n y a aucune raison d être humble quand on est économiste de formation, de profession et par passion de nos jours, surtout dans un pays comme la France : depuis des décennies les responsables politiques prennent des mesures économiques sans même consulter les économistes (ou en consultant de pseudo-economistes, il y aurait bien des choses a dire la dessus), ils font n importe quoi et expliquent ensuite que les économistes ont tort. Vous connaissez la position des économistes professionnels (c est a dire ceux qui ont été publiés dans des revues internationales sérieuses) sur la question des 35h, du SMIC, du droit au logement, des politiques industrielles, de l encadrement des grandes surfaces, etc ? ensuite, venez me dire que les travaux des économistes sont bien compris, bien pris en compte, et qu ils ont donc tort de s énerver…
    Pouvez-vous me citer un économiste français dont les écrits influent (ne serait-ce que très légèrement et a la marge) les décisions des responsables politiques ? comment se fait-il qu on aille chez le dentiste quand on a mal au dent, et qu on n aille pas voir l économiste quand on a un problème de fiscalité ou d emploi ou de croissance ? etes-vous certain que ce sont des économistes-dénués-d humilité qui ont en toute impunité coulé 4 ou 5 crédit lyonnais depuis 25 ans ? est-ce qu on est un hyper-crâneur a l ego démesuré quand on souhaite que certaines décisions économiques (pas toutes, et pas tout le temps) soient un peu mieux préparées en amont via la consultation de gens qui ont bossé sur ces questions pendant des années ?
    oui, les économistes sont massivement incompris, en particulier en France, la preuve nous en est donnée tous les jours, et l humilité dans ce contexte est juste un manque de courage.

  5. J’espere que ce n’est pas trop HS, mais je n’ai jamais compris le concept d’impot negatif, tel qu’il etait promus si j’ai bien compris par Friedman, et tel qu’il est (un peu) evoque dans cet interview. Quelle est la difference entre donner aux salariers – ou dispencer les employeurs de payer – des allocations sociales de tout type (pour la sante, pour le chomage), et donner un impot negatif pour garantir un revenu minimal ? Il doit y avoir quelque chose qui m’echappe.

    Sinon, les theses de Mr Phelps sont-elles etudiees par chez nous ? Car ce type de theses – le probleme d’inertie est du finalement a un etat culturel plus qu’a ses institutions, meme si c’est evidemment lie – je la retrouve chez pas mal de gens en dehors de l’Europe. Typiquement, je me souviens de quelques blogs rediges par des americains a l’origine de start up en informatique qui pensaient que l’europe n’aurait jamais de Silicon Valley, a cause de la peur de l’echec. Si a un moment, dans son parcours professionnel, il y a quelque chose qui ne va pas, ou qu’on a fonde une entreprise n’ayant pas marche, on est "marque a vie". C’est un peu simpliste, et pour le coup assez vision americaine vis a vis de l’Europe, mais je ne peux m’empecher de faire le rapprochement.

    Ca me fait a nouveau reflechir sur l’adequation de notre systeme des GE avec le monde actuel, GE qui permettent a une part importante de ses diplomes une carriere toute tracee sans finalement prendre beaucoup de risques…

  6. @Mucherie

    Je ne prends pas la peine de vous indiquer qu’entre chaos d’opinions contradictoires et science, il y a un continuum, et que rien ne requiert de penser que l’économie est soit l’un soit l’autre… (pareil entre des "scientifiques", et des clowns tueurs…). Je n’ai jamais prétendu que l’économie était un vaste chaos d’opinions contradictoires (même si cela pourrait se tenir: Myrdal et Hayek prix nobel la même année, il n’y a qu’en économie qu’on voit ça…)

    D’avoir prédit justement un événement ne garantit en rien la vérité de vos théories… (on peut dire la même chose de ce démographe dont j’ai oublié le nom). Je ne parle pas de Schumpeter qui prévoyait l’avénement plus ou moins universel d’une forme de socialisme… Sur la totalité des prévisions des économistes depuis un siècle ou deux, il est bien normal (loi des grands nombres) qu’il y en ait quelques unes qui se soit réalisées…

    " mais de grâce réfléchissez aux implications de votre position."
    Je ne sais pas qui vous êtes, et vous ne savez pas qui je suis. Mais, laissez moi vous indiquer que je passe 90% de mon temps à réflechir à cette question (économie, science, meilleure façon de rendre compte des phénomènes etc…). C’est mon métier… Et après moultes réflexions, je crois que la vue qui veut que l’économie est une science est :
    – néfaste d’un point de vue scientifique, elle empèche la discipline d’avancer et de reconnaitre à la fois ces faiblesses et ses forces… (tout comme est à terme contre productive l’espèce d’instrumentalisme naïf à la Friedman, dont le seul effet est de ne jamais permettre la remise en cause des théories — si vous prenez un niveau macro, on peut toujours trouver des exemples dans un sens ou les variables que l’on veut).
    – tout simplement fausse, au vu de pas mal d’éléments empiriques (et de l’indétermination de la communauté sur un certain nombre de questions/problèmes).
    Et sinon, vous pouvez me donner n’importe laquelle de vos
    "existence de régularités, de prévisions, d expériences", je vous prend le pari que je trouve un contre exemple:
    exemples :
    – la loi de l’offre et de la demande n’existe même pas dans plein de cas… (théoriques et empiriques)
    – même les dons ("no free lunch") existent…

    Quand on connait et les fondements (leur robustesse ou pas) et les résultats de la discipline éco. on a besoin de davantage d’humilité, plutôt que de croire qu’on maîtrise aussi bien que cela le "réel économique".

    Est-ce que c’est une honte de dire, "je ne sais pas ce que va donner cette mesure". Ou "il est possible que ceci ou cela…", plutôt que "il faut ci, il faut ça…." alors qu’on en sait pas grand chose.

    Pour ce qui est des revues internationales sérieuses, je doute que l’on puisse y trouver une théorie unifiée sur chacun des sujets et je suis prêt à parier que l’on peut trouver des études contradictoires sur tous les sujets que vous évoquez…

    Pour DSK, je ne vois pas très bien en quoi cette proposition est absurde. En tant que français à l’Etranger, je dispose (ou j’en ai disposé) d’un ensemble de biens publics auquel je ne participe pas (exemple : mon éducation dans un système de formation relativement performant et peu couteux, la sécu. dès que j’ai un soin un peu lourd qui couterait cher dans mon pays d’adoption — c’est assez fréquent –, ma retraite en partie, les différents biens publics dont je dispose lorsque je viens – régulièrement – au pays, etc…). Ou est l’absurdité économique ? Quelle est la théorie économique qui dit que c’est inefficace ? irréalisable (il suffit de mettre le timbre des passeports pour les expatriés extrêmement chers…) ? Ou que sais-je ?

  7. @arcop, plusieurs points :
    1. Schumpeter notait et prédisait (comme les grands esprits de son temps) un déclin du capitalisme entrepreneurial et une montée du capitalisme managériale et bureaucratique ; désolé mais le siècle lui a pleinement donné raison, et quant a la montée du socialisme : comparez les dépenses publiques en pourcentage du PIB entre 1914 et 2006 dans les différents pays du monde, et comparez aussi les codes du travail entre ces deux dates (je pourrais prendre 50 autres exemples, comme l existence ou non de banques centrales ou d organismes de sécurité sociale), et ensuite venez me dire que Schumpeter a eu tort sur ce point. Certains de ses écrits ont vieilli (je pense aux cycles économiques par exemple), mais on peut dire la même chose de Einstein après les années 20.

    2. Je ne sais pas si c est parce que j habite a Chicago depuis 18 mois, mais je viens de relire du Friedman ; ses écrits epistemologiques (qui associent assez volontiers la science et la capacité de prévision) sont souvent moqués dans les cercles branchouilles des sciences-humaines-germanopratines-qui-ne-jurent-que-par-Thomas-Kuhn, mais ils sont robustes a la longue, ne le sous-estimez pas (ses idées sur la supériorité des changes flottants par rapport aux changes fixes, comme ses idées sur l origine monétaire de l inflation, ont été beaucoup moquées pendant des décennies, et puis…).
    Par ailleurs toute sa démarche est hyper-centree sur les données, elle permet justement de changer de théorie (c est d ailleurs pourquoi il n est pas apprécié par les néo-autrichiens, j ai en stock un texte intéressant de Buchanan sur cette question, si vous me donnez votre adresse e-mail je peux vous l envoyer).

    3. Sur les approximations des économistes, vous connaissez sans doute la métaphore de Krugman sur les cartes de l Afrique. Donc vous connaissez la faiblesse de votre argument.

    Par ailleurs, il se trouve que ma femme est une jeune chimiste au top-niveau mondial de sa discipline (et je dis cela en toute objectivité !) ; or quand elle me raconte le niveau incroyable de bricolage sur des travaux faisant l objet de publications on ne peut plus prestigieuses, ou quand elle me décrit le degré d incertitude qui règne dans certains champs de recherche, ou quand elle m annonce avoir réussi des manipulations sans savoir pourquoi cela a marché, ou quand elle balance un R2 de 0,99 avec seulement 3 ou 4 points (j espère qu elle ne va pas tomber sur ce message !), je me dis que la Chimie (dont le statut de science n a jamais été sérieusement contesté, a ma connaissance) n est pas beaucoup plus rigoureuse que l Economie (du moins quand celle-ci est convenablement pratiquée). La seule grosse différence entre un test en chimie et un test en macroéconomie, c est la durée du test : quelques heures d un cote, quelques années de l autre (si les expériences RFA/RDA ou Corée Sud/Nord ne remplissent pas grosso modo les conditions d un plan d expérience a peu près scientifique, j aimerais bien qu on m explique).
    Les économistes ont de plus en plus une formation en physique ou en math et il devient délicat de les accuser de légèreté scientifique. Et il faudra vraiment m expliquer en quoi les travaux de Kydland et Prescott, ou de Kahneman, pour ne prendre que quelques exemples, ne sont pas scientifiques. C est un label protégé et réservé aux matheux de la NASA ?

    4. "je crois que la vue qui veut que l’économie est une science est :
    – néfaste d’un point de vue scientifique, elle empêche la discipline d’avancer"…
    bah la physique est reconnue comme une science et cela ne l empêche pas d avancer. Pourquoi les progrès de la science économique seraient entravés par un statut de science appliquée ? parce que cela donnerait la grosse tête aux chercheurs ? comme au tennis ou aux échecs, on peut avoir la grosse tête et être performant, ce qui compte c est le caractère concurrentiel du métier…

    "et de l’indétermination de la communauté sur un certain nombre de questions/problèmes"
    on peut dire de même de toutes les sciences. Dieu merci nous ne savons pas tout et dieu merci il existe des débats, c est ainsi que procède les vrais scientifiques.

    5. "la loi de l’offre et de la demande n’existe même pas dans plein de cas… "
    Ce que vous dites ne prouve ou ne réfute rien : il se trouve que les principes de Newton ne s appliquent pas non plus partout et tout le temps, et pourtant on les accepte en première approximation parce que la plupart du temps ça marche (pour balancer des obus par exemple) et personne ne remet en cause leur scientificité. Les économistes savent bien que des exceptions existent a leurs principes : toute les courbes d indifférence ne sont pas pleinement convexes, les prix peuvent être rigides, les marchés ne sont pas tous en concurrence pure, des asymétries d informations existent etc. Et alors, depuis quand des lois n exercent une force de rappel que lorsqu elles sont universelles et atemporelles ?

    6. "Pour ce qui est des revues internationales sérieuses, je doute que l’on puisse y trouver une théorie unifiée sur chacun des sujets"
    Bah vous savez, la recherche d une théorie unifiée est le grands dada des physiciens depuis un siècle, pour réconcilier les deux grands ensembles contradictoires de leur science. Et, aux dernières nouvelles, ils n ont pas encore réussi…
    La recherche de la grande unification s appelle, en économie, la théorie de l équilibre général. Les travaux de Arrow et Debreu, vous connaissez sûrement. Je ne sais pas si les résultats sont vrais de toute éternité, mais si la démarche pour les trouver ne remplie pas les canons de la scientificité je veux bien manger mon chapeau et surtout j exige qu on me présente un travail nettement plus scientifique.

    7. Pour Hayek et Myrdhal, vous etes un trop fin observateur pour être complètement dupe de ce sketch de 1974 : jamais Myrdhal n aurait du avoir ce prix, il l a eu pour des raisons politiques (volonté de trouver un contrepoids socialiste au très politiquement incorrect Hayek, et affinités avec un jury scandinave). Cela prouve simplement que le comite est loin d être infaillible, et l économie n est pas la seule discipline en cause (je me souvient d un vieux prof de la rue d Ulm qui hurlait des insanités a l encontre de Pierre Gilles de Gênes au moment de sa récompense, il le qualifiait d imposteur, etc). Contrairement a ce que vous dites, il n y a pas qu en économie que l on voit cela : dans toutes les disciplines, les travaux les plus récents réfutent et invalident des travaux plus anciens, c est juste plus visible en économie car le prix Nobel ayant été crée en 1969 seulement il a fallu (et a la vérité il faut encore, la file d attente est longue…) récompenser des auteurs majeurs dont les contributions ont plusieurs décennies d age (voir Schelling en 2005 par exemple).

    8. "mais de grâce réfléchissez aux implications de votre position."
    bah oui, car le dénigrement systématique de l économie comme science appliquée mène a deux impasses (il y en a d autres mais ces deux la sont criantes) : 1/ cela reste une discipline mineure au Lycée et une voie décriée a l université (dans un pays comme la France ou l ignorance économique crasse coûte très chère, je ne trouve pas cela malin), 2/ cela favorise mécaniquement des économistes non scientifiques ou ayant opté pour une approche subjectiviste a la Buchanan (ceux que probablement vous aimez le moins) car tout le monde se retrouvent comme mis dans le même panier (le pouvoir égalisateur de l anathème anti-scientifique).
    L histoire n est pas une science mais on parle d une science historique, non ?.

    9. Enfin sur la proposition de DSK, je ne vous comprend absolument pas, et je pèse mes mots. Tout d abord, rares sont les français de l étranger qui reviennent régulièrement en France-profiter-de-nos-fabuleux-services-publics : par exemple, aux USA ou je réside, ce n est pas avec nos 2 semaines de vacances annuelles… enfin bref. Si vous ne vivez pas en France, pourquoi payer pour des services dont vous ne bénéficiez pas ? De plus, vous avez déjà largement contribue (sans le savoir) au financement public de vos études, de l hôpital qui vous a vu naître etc : d une part, vos parents ont été taxes toute leur vie (et l héritage qu ils aurez voulu vous transmettre le sera également), d autre part si vous avez attendu une trentaine d années avant de partir (c est le plus souvent le cas) vous avez déjà paye de la TVA et d autres éléments a gogo, et par ailleurs les coûts de transaction (comme le timbre du passeport dans l exemple que vous donnez) sont déjà significatifs (exemple, en cas de changement de visa, je sais de quoi je parle). J ajouterais que si vous etes expat pour une firme française vous etes déjà indirectement taxé via l IS qui remonte vers Paris (et je vous fait grâce des autres multiples canaux). De façon plus large, un économiste conséquent noterait que de nos jours l une des seules raison pour un pays dans l impasse comme la France de se reformer est justement l existence d un flux croissant de chercheurs et d entrepreneurs qui quittent le pays pour des cieux plus cléments (regardez la campagne électorale, c est frappant, la fuite des élites devient l argument ultime) ; donc ces gens rendent service aux pays (comme des révélateurs si vous voulez) et devraient donc être rémunérés plutôt que taxés. Enfin je note que la proposition de DSK est 1/ impraticable techniquement (a moins de créer des milices fiscales extraterritoriales ou ce genre de choses…), 2/ contre-productive (c est le meilleur moyen de dégoûter les gens de revenir, et le meilleur moyen de les pousser a demander la nationalité de leur pays d accueil), sans parler du problème des étudiants ou des post-doc, 3/ juridiquement impossible (en vertu des traites européens et internationaux, et des conventions fiscales), 4/ une nouvelle exception française.

    Conclusion : il est courant de brocarder la science économique, qui avance avec des hypothèses, avec des contradictions dans certains domaines, avec hélas le boulet d une poignée d idéologues excités post-gauchistes, avec des zones de grande perplexité (la théorie du vote par exemple), mais pourtant… elle avance (si la sociologie inquiète beaucoup moins, par exemple, c est parce quelle fait davantage du sur-place !).

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