Où placer son argent en période de crise financière?

C’est la question posée sur le forum de France Info. Quelques suggestions :

– N’oubliez pas la distinction classique entre épargne de précaution et épargne de spéculation. Pour être clair : ne placez d’argent que si vous avez une certitude raisonnable de ne pas avoir de problème de liquidité à venir. Toute épargne nécessitant une mobilisation immédiate doit être sur des comptes liquides, genre livret A. Pour le reste :

– N’oubliez jamais le conseil de Warren Buffettt : quand mister Market baisse, il nous fait un cadeau, la possibilité de faire de bonnes affaires pour pas trop cher. Il faut toujours honorer les cadeaux de mister Market.

– Il y a une façon d’épargner de façon efficace et une seule : elle consiste à déterminer une somme constante (ou un pourcentage de votre revenu constant) et de la placer à intervalles réguliers de la façon la plus diversifiée possible. N’achetez pas les actions de votre employeur, cela vous fait subir une exposition accrue (patrimoine et salaire) si celui-ci a des difficultés. Ne mettez pas tout votre argent dans un seul panier (genre, ne placez pas tout dans l’immobilier) pour la même raison. De cette façon, vous achetez peu d’actifs lorsque le marché est haut (et donc, qu’ils sont chers) et beaucoup lorsque le marché est bas (et donc, qu’ils ne coûtent pas cher).

– Ne lisez pas les conseils de la presse financière sur les entreprises machin ou truc, n’écoutez surtout pas les conseils de votre banquier. Les recommandations que l’on vous fait sont de trois types : soit elles sont intéressées, le conseilleur étant rémunéré si vous faites ce qu’on lui a dit de vous faire faire; soit elles sont fausses, fondées sur le pifomètre et l’interprétation erronée du hasard; soit elles sont justes, mais dans ce cas, le prix du marché les intègre déjà et elles ne sont plus pertinentes.

– Achetez des indices boursiers variés; les titres qui les composent ont un peu tendance à être surrévalués. Et ces indices sont plus diversifiés que ce que vous ne pouvez faire vous même; qui plus est, les actifs suivant des indices ne génèrent que peu de frais de gestion. Ne faites jamais confiance aux gens qui gèrent les patrimoines, qui le plus souvent se font payer pour faire moins bien que le marché (je vais me faire des amis avec celle-là); vous ne disposez d’aucun moyen pour faire la différence entre ceux qui ont de la chance et ceux qui ont du talent; il faut 13700 années de performances passées pour être sûr à 99% qu’un gestionnaire a 55% de chances de faire mieux que le marché, ce qui est déjà une performance rarement réalisée.

– Soyez rationnellement ignorant. Quand les cours de bourse passent à la radio, changez de chaîne. Consultez l’état de votre portefeuille le moins possible. N’oubliez pas que vous êtes victimes du biais d’aversion à la perte : si vous voyez que vous perdez (même seulement potentiellement) vous allez faire des erreurs, comme chercher à compenser ou multiplier les aller-retour. Des articles innombrables ont montré que c’est pour cela que les particuliers font moins que le marché : ils font trop de transactions et leurs gains sont avalés par le mauvais timing et les frais de gestion. N’oubliez pas non plus que même sur un marché tendanciellement en hausse, le nombre de jours de baisse est très élevé : plus vous regardez les cours souvent, plus vous êtes perturbé par des informations parasitaires.

– En bref : Si vous devez changer votre comportement parce que le marché baisse actuellement, c’est que votre stratégie d’épargnant n’était pas bonne depuis le début, et que cela a été masqué par des marchés en hausse, dans lesquels même des chimpanzés ne perdent pas. Il n’est jamais trop tard pour commencer à bien faire.

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Alexandre Delaigue

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27 Commentaires

  1. Pour moi il manque un, un peu contradictoire avec une partie de cette liste, mais pourtant définitivement fondamental :

    Quand vous perdez, admettez sans vous obstiner que vous avez fait une erreur et vendez.
    N’attendez pas indéfiniment que le cours remonte, car :
    – combien d’autres occasions de profit aurez-vous laissé passer entre temps ?
    – non, il n’y pas aucune certitude de récupérer ses pertes un jour même avec énormément de patience. Pour un exemple très précis, non seulement l’action Eurotunnel (TNU) n’est jamais remontée, mais elle va être radiée du marché dans quelques mois, éliminant tout espoir de manière définitive.

  2. Félicitations pour ces principes fondamentaux trop souvent ignorés. Le bon sens est rare dans ce domaine.

    Je me permets d’ajouter quelques points :

    – Evitez de faire un investissement pour des raisons fiscales. La carotte fiscale rend trop souvent aveugle et on voit beaucoup de monde risquer 100 pour gagner 5 d’impôts.

    – Attention à la surexposition à l’immobilier. Personne de sensé ne s’endette pour acheter des actions, mais on le fait couramment pour acheter un appartement. Cela signifie qu’on a souvent bien plus de 100% de son patrimoine investi dans cette classe d’actif.

    – Ne soyez pas trop gourmand. La seule façon de faire mieux que le marché, c’est d’être exceptionnellement bon (ce que vous n’êtes pas) ou d’avoir de la chance (ce qui ne dure pas). Visez de faire comme le marché. Ce sera déjà une performance pour quelqu’un qui ne dispose ni d’information, ni d’expérience, ni d’un talent particulier.

    – Fuyez la complexité. Les produits structurés, dynamiques, dérivés etc… sont comme une police d’assurance : ils déplacent du risque au prix d’une commission. Dans l’assurance, c’est pertinent : plutôt que d’avoir 1% de chance de perdre 100, vous préférez payer 1,1 à coup sûr. Dans les produits financiers, vous n’avez aucune idée de votre profil de risque ni de la façon dont il est modifié par le produit qu’on vous propose. Chaque couche de complexité supplémentaire réduit votre espérance de gain, c’est la seule certitude.

  3. Disperser ses investissements est effectivement le premier réflexe à avoir. Vous avez de raison de souligner que placer son argent au hasard, réellement au hasard, est certainement la meilleure stratégie : par exemple, en confiant la gestion de son patrimoine à un authentique marabout africain sans diplômes exerçant dans la plus lointaine jungle ne regardant pas la télévision et n’écoutant pas la radio.

    Ceci dit, toute évolution des marchés, comme l’actuelle, se traduit souvent par la remise sur le devant de la scène de supports injustement méconnus pour l’épargne, auxquels on peut s’intéresser pour l’épargne qu’on vient d’accumuler et qu’on a pas encore placé. Rien de tel en vue ?

  4. Tout à fait d’accord avec ces principes. Petite question: y’a-t-il une façon de placer de façon diversifiée dans l’immobilier (à capital limité bien sûr…)?

  5. "Ne faites jamais confiance aux gens qui gèrent les patrimoines, qui le plus souvent se font payer pour faire moins bien que le marché"

    Et bien, c’est sympa pour ma profession… 😀
    Bon, c’est à la fois vrai et faux, parce que sur certains secteurs on peut clairement avoir une valeur ajoutée. Par exemple, jusqu’il y a peu de temps, le secteur des energies renouvelables a flambé en bourse, sans indice associé. Sur ce type de secteurs, on a clairement une compétence pour analyser ce qu’il se passe. Sur certaines thématiques, on peut difficilement nous remplacer.

    Mais sinon, à part ça, sur tous les autres conseils, je suis globalement d’accord.

    Au fait, sur le site de France Intox, il n’y a toujours pas votre chronique.

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ca y est, c’est en ligne. Sur le recours aux professionnels, je savais que je n’allais pas me faire d’amis avec ce conseil :-). Mais je pense que faire confiance à un gestionnaire de fonds doit relever d’un choix solide, pas juste sur “il a fait telle performance l’année dernière” qui est une plaie. On doit choisir un professionnel en connaissance de cause.

  6. Je suis d’autant plus d’accord avec ce post qu’il s’agit peu ou prou de ma propre stratégie d’investissement 😉 Mais une question me vient : pour investir sur des indices, le + simple (en france) est d’acheter des trackers. Mais dans un cas comme la faillite de Lehman, n’y a-t-il pas un risque de contrepartie "caché". Exemple : mon tracker émis par la banque X réplique un indice grâce à un swap de performance émis par Lehman…plus de Lehman…que se passe-t-il pour la valorisation de mon tracker ? Autrement dit : suis-je vraiment si diversifié que ça en croyant acheter un indice ?

  7. Moi j’ai placé 40€ à la roulette et j’ai gagné 4600€. Si vous voulez me confier votre épargne… je pulvérise les plus belles années de la bulle internet multimedia interactif.

  8. J’ai tout bien compris ou on a négligé l’aspect fiscal des choses, là ?

    Parce qu’un 4,5% sur un contrat d’assurance vie (ou un PEA), c’est mieux qu’un 5% sur un compte titres simple (et probablement moins risqué, pour l’assurance vie au moins).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Une assurance-vie chez AIG? :-). Oui, effectivement, la fiscalité compte dans la décision. Mais cela dépend des gens et ne peut pas forcément donner lieu à un conseil d’ordre général.

  9. La crise est un point critique, le signal de passage d’un état à un autre. Le nouvel équilibre qui sera atteint est pour l’heure inconnu donc : rester liquide. Suivant la somme livret A ou DAT.

  10. Cimon, pourrais-tu détailler un peu. Les contrats d’assurance-vie ont des frais de gestion assez important (de l’ordre de 0,6% par ans pour les fonds en euros et 0,85% pour les autres supports) alors que l’on trouve des comptes-titres sans frais de garde. Sur une dizaine d’années, cela n’a pas l’air négligeable.

  11. @ Jérôme : évidemment, je parle des fonds en euro. Les UC, c’est tout sauf garanti.

    Détaillons donc : 4,5%, c’est le rendement typique actuellement, net de frais de gestions (mais souvent pas de CSG).

    Pour les comptes titres sans frais de garde, je veux bien qu’ils existent. Mais alors le teneur de compte doit gagner de l’argent quelque part : sur les transactions (de 1 à 2%, ce qui signifie des frictions importantes), ou alors il doit exister des sociétés permettant des arbitrages gratuits sur des supports bien sélectionnés… qui versent une rétrocommission à l’apporteur d’affaire (mais chut, c’est l’un des secrets les mieux gardés du milieu).
    Bref, au niveau des frais, cela me semble au doigt mouillé comparable. Sans compter qu’on doit également la CSG sur les comptes titres.

    Après, il y a les petits "plus" de l’assurance vie : gestion par des spécialistes, comme pour une SICAV, mais avec un effet cliquet (pas comme une SICAV). Il y a le droit du contrat d’assurance, plus favorable à l’assuré que le droit "commun" applicable à l’épargnant. Et aussi et surtout, une garantie du paiement des sommes dues sur les fonds propres de l’assureur.

    Après tout ça, il reste évidemment l’effet fiscal : intégration à l’impôt sur le revenu (avec option partielle de prélèvement libératoire) pour les comptes titres, non imposabilité des intérêts (dans une certaine limite) pour l’assurance vie (qui est surtout une enveloppe fiscale). Evidemment, cela ne joue que pour les contribuables ayant atteint un certain taux marginal d’imposition, comme le fait justement remarquer AD.

    Cerise sur le gâteau, l’assurance vie sort de la succession (dans certaines limites) alors que le compte titre en fait partie.

    Après ça, on va croire que je fais de la pub pour l’assurance vie (alors que je mise tout, personnellement, sur le livret A, le LDD et mon vieux PEL) 😉

  12. Argh, C’est Warren Buffett, pas Buffet ! La honte !

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Meuh… Il n’y a pas d’erreur, allons 😉

  13. Il existe de bons livres en anglais qui reprennent les mêmes conseils que ceux que vous donnez, comme "Unconventional Success: A Fundamental Approach To Personal Investment" par David F. Swensen. Y a-t-il des livres similaires en français ?

  14. Une remarque empirique: sur un échantillon de contribuables suédois, la baisse du marché de 1999 à 2002 a donné lieu à une hausse de l’achat de titres – un «rebalancing». (kuznets.fas.harvard.edu/~…

    Sans être très normatif, Campbell suggère que le bon indicateur à regarder (et à lisser au cours du temps) est la part de la richesse détenue en actifs risqués, plus que la somme consacrée à l’achat d’actifs risqués. C’est un peu la même idée, mais à la dimension stocks-flux près.

  15. Vous faites la distinction entre épargne de précaution et épargne de spéculation.

    Ca m’a fait penser à la question suivante, qui n’a pas grand chose à voir avec la stratégie d’investissement.

    Si je mets de l’argent sous mon lit, j’épargne, mais, me semble-t-il je n’investis pas. Or, si on suppose une économie fermée, l’épargne est forcément égale à l’investissement.

    Si je mets mon argent à la banque et qu’il est invesi, ça me semble clair. Mais pas si je laisse l’argent sous mon lit.

    Bon, je ne pense pas que l’égalité entre épargne et investissement est fausse (sinon, j’ai gagné le prix Nobel).

    Est-ce que la solutution c’est simplement que l’argent qui est sous mon lit est compté comme épargne et comme investissement ?

    Je n’ai étonnemment pas trouvé la réponse dans mes manuels … peut-être dans votre livre 🙂

    Merci d’avance pour vos lumières.

  16. Un cours de bourse, pour un particulier, c’est clairement une variable aléatoire. Même en imaginant qu’il y ait des possibilités d’anticipation (qui correspondent souvent plus ou moins à un délit d’initié), les gros investisseurs sont nécessairement au courant plus tôt et ils sont plus rapides pour traiter l’information. Quand l’ordre de bourse du particulier passe, le soir devant la télé, il est déjà bien trop tard.

    La seule limite à votre analyse porte sur les placements à long terme. Si un marché s’éloigne notablement de ses comportements moyens historiques, on peut raisonnablement penser que l’on a une probabilité de succès supérieure à 0,5 en pariant sur un retour du marché vers ses fondamentaux.

    Par exemple, un marché avec un PER de 30 n’incite pas à l’achat sur le long terme. Idem pour l’immobilier aujourd’hui : la probabilité qu’il baisse d’ici 5 ans est supérieure à 0,5. Les courbes de Friggit sur l’immobilier illustrent cette régularité du marché qui lui enlève une partie de son caractère aléatoire.
    http://www.adef.org/statistiques...

  17. Bonjour, moi j’ai place mon argent et mon temps dans la bulle internet avec mon site Jedonnetout.com. Cette bulle a deja eclatee, je suis donc tranquille, et plus tard on dira que Jedonnetout c’est du beton !

  18. Votre méthode de placement, elle rentable à partir de quelle volume ? Par exemple si je ne peux placer que 100 € par mois, cela vaut-il le coup de les utiliser pour acheter des actions ?

  19. Une autre épargne de précaution dont personne ne parle = un petit terrain, un motoculteur, 4 poules et 6 lapins

  20. La (grande) Faucheuse : c’est précisément pour garantir aux plus pauvres la propriété d’un "petit" terrain, 4 poules, 6 lapins et un cabanon qu’on a inventé les subprimes.

    Visiblement, ça "scale" pas tout seul : ya un truc à affiner.

  21. Il y a d’autres produits qui peuvent entraîner une sélection adverse, généralement en matière de services (et non de vente de biens comme dans vos exemples)
    La résidence de vacance en espagne les pieds dans l’eau à 2km de la mer, le contrat d’assurance qui garantit tout sauf le risque, la carte du resto sur le vieux port (véritable bouillabaisse = deux favouilles qui nagent dans de l’eau claire), le médecin homéopathe qui te guérit que dalle, la baraque foraine à tous les coups l’on gagne, monsieur N’gélé qui va faire revenir ta femme pour 500 €, ta femme qui a promis de revenir si tu lui achète une fourrure (là je m’égare).

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