Moins de Bono, moins de Moyo

Dans sa dernière chronique, une revue élogieuse du livre de Dambisa Moyo, dead aid, P.YA. Delhommais nous montre qu’encore une fois, il n’a pas fait ses devoirs. Un effort minimal lui aurait permis d’apprendre que le débat sur l’aide au développement ne se limite pas à quelques vedettes et initiatives médiatiques; que la question des effets de l’aide a été abondamment discutée; qu’il ressort de ce débat qu’aujourd’hui, la vraie question n’est pas de savoir si l’aide est bonne ou pas, mais d’identifier et de mettre en oeuvre des mécanismes permettant de rendre l’aide efficace. Un effort minimal lui aurait aussi permis d’observer l’incohérence et la légéreté des arguments de D. Moyo. Ce n’est pas comme s’il était difficile de trouver des revues de ce livre.

Mais cet effort aurait ruiné une belle histoire : celle de la courageuse self-made woman africaine qui lutte pour crier sa vérité : l’aide ne marche pas, les dirigeants africains sont corrompus, si les pays pauvres sont pauvres, c’est parce que nous les nourrissons à la petite cuiller au lieu de les laisser se débrouiller comme des grands. Un argument séduisant par bien des aspects, puisqu’il nous permet à la fois de préserver nos préjugés et notre nombrilisme occidental culpabilisé.

Pour avoir une vue nuancée et informée sur le développement, il faudra donc, comme sur d’autres sujets, se référer plutôt à la blogosphère. W. Easterly, Owen Barder, Chris Blattman, sont de bons points de départ.

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Alexandre Delaigue

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16 Commentaires

  1. Merci pour votre second lien de Barder qui apparaît conforter ma petite recherche – infructueuse – d’une revue du livre en question par Blattman et par Easterly (les deux seuls économistes bloggers que j’essaie de lire un peu régulièrement sur le développement). Pour Easterly, je me souviens seulement d’un article qualifiant Moyo de "redoutable" (ou d’"impressionnante") et de "remarquable".

  2. Il y a trop de louange autour de cette femme. Votre intervention tombe à pic. Il est grand temps. Je l’apprécie, mais je n’apprécie la façon dont ses idées ont été diffusées. C’est pas qu’elle a totalement tord ou raison, mais certaines choses ne sont pas cohérentes. Déjà le titre de son pamphlet me fait penser à une simple technique marketing. Et puis c’est une grosse prétention que de tuer l’aide. Nietzsche a essayé avec Dieu, ce dernier vit toujours. Lucas avec Keynes, celui a ressuscité…Donc, ‘est pas évident d’annoncer la mort de…surtout qu’elle tient au caractère de l’homme…

    Bref, je manque d’espace et de temps pour dire quelques choses sur cette femme, qui il me semble ignorer quelque peu la recherche au niveau de l’aide.

    A EA, vous avez lu un peu en partie mon point de vue…

    A tous les lecteurs, il faut pas se passer de ce bon livre malgré ses problèmes…

  3. vous recommandez quoi comme livre sur l’aide au développement a un public non économiste ?

    je demande ça parce que ca intéresse une amie et elle n’est pas économiste

    merci 🙂

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Le Easterly traduit en français?

  4. Petite remarque :l’auteur de l’article est *Pierre-Antoine* Delhommais et non P-Y d’après le Monde.fr (qui d’ailleurs ne présente pas le personnage)

    Réponse de Alexandre Delaigue
    My bad, je corrige.

  5. Les thèses de Moyo seront, de toute façon, rapidement mises à l’épreuve des faits : les partenariats bilatéraux entre pays africains et autres pays en voie de développement rapides ne cesseront de se développer pour sécuriser les approvisionnements essentiels à leur croissance et le niveau des prix agricoles qui ne peut guère chuter limitera de toute façon la portée de l’aide essentiellement alimentaire occidentale.

    Ainsi ce débat se résoudra-t-il assez rapidement par le simple arbitrage du réel.

  6. S’il y en a qui ont des conseils de lecture sur le sujet ?

    Pour ma part toute personne qui se pose la question de l’aide (ou pas) devrait lire Hernando de Soto, Le mystère du Capital, un livre majeur sur le sujet, appuyé par des décennies de travail sur le terrain.

    En voilà un qui mérite le Nobel je trouve.
    http://www.wikiberal.org/wiki/He...

    Réponse de Alexandre Delaigue
    De Soto, c’est intéressant; mais les solutions qui ont été inspirées de ses travaux n’ont pas très bien fonctionné.

  7. Vous auriez des références pour approfondir votre réponse à L’ami du laissez-faire ?

    Réponse de Alexandre Delaigue
    La note de lecture dans le JEL sur the mystery of capital fait le point sur le sujet (difficilement trouvable en ligne cela dit). Sinon en fouinant avec google scholar vous trouverez des évaluations des politiques d’octroi de droits de propriété formels sur les actifs informels; le bilan global, c’est que l’efficacité dépend de tout un tas de paramètres, notamment la façon dont c’est fait, les institutions publiques, et que le bilan n’est pas si remarquable que ce que promet HDS en pratique.

  8. "…la vraie question n’est pas de savoir si l’aide est bonne ou pas, mais d’identifier et de mettre en oeuvre des mécanismes permettant de rendre l’aide efficace…"

    c’est pas l’idée défendue par Esther Duflo entre autres ?

    mais elle a ses détracteurs je crois…

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Ce que font Duflo and co, c’est utiliser des expérimentations et des expériences naturelles pour évaluer divers dispositifs en matière de développement. Les critiques portent sur la généralité que l’on peut retirer de ce genre d’expérience. Mais il y a d’autres façons de se préoccuper de l’efficacité de l’aide.

  9. et lire les livres du grand père : Peter Bauer

    à suivre dans les années qui viennen : Chinois et Indiens qui font des affaires comparé à l’aide des Occidentaux

  10. Je crois qu’il y a un vrai problème Delhommais, étant donné le journal dans lequel il écrit. S’il dit n’importe quoi, ce sera ce n’importe quoi qui servira de source d’information principale ou unique à pas mal de gens.

    Or il écrit n’importe quoi de manière très régulière. J’ai cru initialement qu’il faisait du sous Eric Le Boucher. Mais c’est bien pire : il n’en a pas le talent de plume et il ne sait pas du tout de quoi il parle.

    Le plus affligeant restant ses prises de position en faveur d’un retour à l’étalon or.

  11. Bah… par rapport au dernier papier d’Hatchuel dans le même canard (Williamson roi des hétérodoxes, mis dans le même sac que Mary Follett !), c’est un grand journaliste doublé d’un grand économiste !

  12. Easterly est sans doute le meilleur. Bien qu’il reste accessible à tout le monde, il est quand même économique. Mais je pense que Henri vous pouvez conseiller à votre ami ce bijou.

    de Soto, je conseille vivement. Pire merveille sur l’économie du développement seulement victime aussi quelque peu du syndrome caractérisant le "Consensus de Washington". Les politiques qui résultent de ces analyses sont censées être approfondies pour être appliquées ailleurs.

    Peter Bauer, je déconseille. D’abord il est économique, puis c’est un des premiers à discuter l’éfficacité, la bonté de l’aide. Dans un cadre historique ou connaissance, vivement conseillé mais pour connaitre l’actualité du débat, il faut même pas y penser.

  13. François Bourguignon parle ce matin dans les Échos du livre de Moyo et offfre un point de vue : http://www.lesechos.fr/info/anal... Son deuxième paragraphe parle d’une "région" mais je ne suis pas bien sûr de savoir laquelle (celle des pays en développement ? ou seulement l’Afrique ?). De même, il parle d’un "flux d’aide de presque 1.000 milliards de dollars" mais depuis quand ?

  14. C’est le chiffre balancé par Dambisa. Au fait c’est la somme de l’aide depuis 50 ans…

    Ce texte s’inscrit dans la logique du papier que du lien que j’ai placé ci-haut, mais aussi dans ce que je pense intimement.

    Pour faire bref, sa méconnaissance paraît notoire.
    "Qui plus est, on est presque tenté de dire que le début du titre de son pamphlet est juste une technique marketing…William Easterly, que l’on classe depuis à côté d’elle à tord de fois, affirme que le bilan de l’aide est tout simplement mitigé. Et la littérature économique scientifique à ce sujet est éloquente : l’aide publique peut s’avérer efficace, mais à condition de remplir un critérium. Donc, sans ce préalable, elle est inefficace et même très dangereux. Sous cet angle, elle a complètement raison. Dans le cas contraire, non." Merci Oasis Kodila Tedika.

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