Libérons, libérons… (2)

Même si ça étonnera peut-être, je me foutais du nombre d’économistes de la commission Attali. Je me moque nettement moins de ce qu’Attali, à la suite de Sarkozy et Copé, dit de ce que l’économie peut apporter à la réflexion sur les politiques publiques. Les commissions passent, les idées matraquées restent bien plus longtemps.

L’idée diffuse que les économistes sont nuisibles et accaparent la décision publique est ridicule, particulièrement en France. Alors que les économistes n’ont quasiment aucun poids dans les décisions, quelques individus prétendent implicitement qu’ils ont trop longtemps décidé à la place du politique. Une des premières victimes symboliques de la campagne de Sarkozy pour un retour du politique aura été la science économique. Bref, après un été passé à observer ces inhabituelles déclarations, après avoir constaté à quel point elles passent bien dans l’opinion publique, sont bien relayées et défendues becs et ongles par quelques fantassins zélés, je conclus que l’analyse économique ne sera pas mobilisée comme il se doit pour donner un coup de main. Ce qui ne m’enchante pas, on s’en doute. A tel point que je me garderai probablement pendant un bon moment de dire que l’économique n’a pas à primer sur le politique, “opinion” que j’ai toujours défendue. Quand des idées simples et légitimes sont mises au service du populisme et de l’apologie de l’ignorance, inutile de prendre le risque de hurler avec les loups.

Mais venons-en à ce qui m’amène précisément : le site de libération de la croissance et son contenu. Surfez donc sur cette page et dites moi ce que vous en pensez. Si ça s’appelle pas du double langage…

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18 Commentaires

  1. >"Même si ça étonnera peut-être, je me foutais du nombre d’économistes de la commission Attali"

    non, pas étonnant, je suis d’accord, je l’ai d’ailleurs dit en réponse à quelques commentaires : c’est bien plus les propos d’Attali que le nombre d’économistes qui pose pb. Disons qu’en retour, on peut considérer le nb d’économistes présent comme une conséquence logique de ses propos.

    Sur les rapports mis à disposition, j’ajoute que sur chaque "blog" du site figure la mention "N’hésitez pas à consulter les rapports pour alimenter vos propositions."

    Ouai… Ces rapports aux idées inutiles. Qui les a lus dans la commission ? Je veux dire, “au moins un” ?

  2. Oui, impressionnant. Le CAE, vous avez dit inutile? Ce qui m’amuse le plus est la catégorie "Politique et culture de la croissance" qui reprend un rapport tout ce qu’il y a de plus économique. Mais dans cette commission-ci, non, ce sera Cyrulnik qui va tout libérer.
    En fait, on suit comme toujours la réforme en douce, à grands coups de dénonciation simultanée des blocages terribles et des économistes inhumains. C’est loin, très loin de la rupture : Bruno Palier explique souvent que depuis vingt ans les réformes ont lieu, mais sans être ni expliquées, ni débattues, les Commissions qui s’accumulent n’étant que le paravent de l’immobilisme et de l’impression que derrière, aux manettes, il y a l’économiste, ou, pire, l’économiste bruxellois.

    Bon, je suis content de voir que ça saute aux yeux de tout le monde… Sur Cyrulnik, je ne crois pas qu’il faille tant de railleries. Ne pas tomber au niveau d’Attali me semble une bonne attitude. La composition de la commission, c’est une question qui est presque marginale.

  3. Ce qui me fascine, c’est le nombre de rapports déjà disponible. Certains, en
    PDF, dépassent le Mo: ils doivent être longs… Si autant de rapports sont déjà
    écrits, à quoi sert la commission et les remarques des internautes passant
    par là?

    Une autre question me taraude. Pourquoi constituer une nouvelle commission
    –technique technocratique ancienne- alors qu’il y a déjà eu, par exemple, le
    rapport Camdessus (vous pouvez le trouver sur le site de la Documentation
    française facilement),
    commandé par Sarkozy quand il était à Bercy?

    Euh, peut-être que c’est parce que ça crée des emplois ?

  4. Oui Cyrulnik c’est un peu le symbole. Je crois d’ailleurs qu’il est bon dans ce qu’il fait en psycho (mais suis bien incapable d’en juger), et on a l’impression dans son interview dans Libé qu’il se demande ce qu’il f… là, en espérant pouvoir apporter quelque chose sans en être trop sûr.

  5. Je vous trouve tous tres flegmatiques et je vous admire! J’ai trouve les propos d’Attali and co effrayants!
    Pourquoi les economistes nommes dans la commission accepteraient de participer a ce cirque ou on les prend pour des imbeciles?

    La vraie question que laisse en suspend SM (et sur laquelle je m’interroge de plus en plus), c’est sur les raisons de ce genre de denigrement: incompetence ou strategie? Est-ce que Attali meprise les economistes pour rendre sa commission populaire (tout en utilisant leurs travaux en douce)? Ou est-ce qu’il croit vraiment que la croissance arrive quand on fait une danse de sorcier ou quand on brule un type sur la place du village ?

    C’est un peu la meme chose qu’avec son projet de "changer de paradigme pour supprimer le chomage" (juliette.nfrance.com/~ju1… A la fois, a la lettre, c’est du baratin et n’importe quoi (on supprime la definition du chomage dans le dictionnaire) et en meme temps pas tout a fait parce qu’on peut essayer de l’interpreter avec les travaux sur l’aide au retour a l’emploi qu’ont realises des chercheurs…

    Quoiqu’on en dise, je trouve cela tres deprimant!

    Je suis flegmatique parce que comme je le disais, j’ai pris le temps de sentir le vent venir cet été. Et il vient de loin et de bas, très bas. Raison de plus de rester calme. Le petit logo qui orne ce billet est ici pour témoigner de notre énervement. Sur la question posée, eh bien, je crois que le le pire est envisageable. Cette posture mitterrandienne peut ne pas être feinte. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’aller aussi loin dans le dénigrement pour s’attirer les faveurs populaires. Il existait d’autres défenses d’une commission qui ne soit pas outre-squattée par les économistes.

  6. Tiens, en parcourant la liste des rapports, je vois qu’il y a en a un bon nombre qui émanent de l’Institut Montaigne. Au moins, on sait quelle en est la base idéologique (et le contenu) avant même de les avoir lus.

  7. Nommer Attali à la tête de cette commission est la meilleure manière de revenir aux catastrophiques politiques économiques des années 80 (un certain J. Attali était alors le conseillé spécial du président de l’époque). Ailleurs on regarde en avant ici on préfére le passé (effet exception culturelle ?). J’ai envie de rire quand on me parle de rupture. Y’a tant de gens talentueux dans ce pays, dommage qu’on les écoutent jamais.

    Je vois ce que vous voulez dire. En même temps, j’étais pas dispo. Lundi, c’est la rentrée… 🙂

  8. @SM, lol je doute pas de vos capacités (Econoclaste fait parti de mes bibles). Mais je pensais à un niveau plus supérieur, y’a encore du chemin……….

    Eh ben alors, et le second degré, cher fervent croyant ? 😉 Plus sérieusement, les gens auxquels vous pensez, on a pu en dire du bien ici…

  9. Encore une fois, c’est Jean-Paul FITOUSSI qui répond de manière trés adaptée: «Il ne faut pas jeter l’anathème sur une profession (…)Ces (ceux d’Attali) arguments ne sont ni très convaincants, ni très scientifiques.» Si Jacques Attali cite Galbraith, Fitoussi convoque lui Keynes : «Généralement, les hommes politiques ou les technocrates sont victimes de la pensée d’un écrivailleur universitaire défunt il y a quelques décennies».
    Sans commentaires!
    Enfin si, un blog est fait pour cela.

  10. @SM Oui, pour ceux d’entre eux qui sont économistes. Au fait, c’est quoi la profession de celui qui a dit ceci : «Un des principaux freins à la croissance française, c’est que la France n’est pas gaie, et un psychiatre mieux que personne peut nous expliquer pourquoi la France n’est pas gaie»." Jamel et Bigard ont t-ils failli à leur mission?
    Si Attali n’arrive pas à "libérer la croissance" en plus du manque de gaité: ça va être dur.

  11. Cyrulnik n’a rien à foutre là; est-ce que des économistes ont travaillé avec l’inserm sur l’évaluation des thérapies (rapport mis sous le tapis par la suite à la demande des psychanalystes, mais c’est une autre question)?? non. Réciproquement, c’est une aberration de foutre un psy là-dedans (d’autant que, contrairement à beaucoup, je ne le trouve pas si extraordinaire; il n’a pas inventé le fil à couper le beurre, mais il a le sens de la formule).

    Plus largement, je rejoins totalement les autres commentaires sur l’inutilité absolue de cette énième commission.

    On sait très bien où ça coince (cf le lien vers la multitude de "rapports") et cette commission, c’est encore un alibi pour ne rien faire tout de suite.

    Plein le cul de ces entourloupes de pleutres.

  12. Ceci dit, serait-il imaginable, vu le nombre tout à fait significatif d’économistes blogueurs ou non manifestement motivés par le bien public lisant econoclaste, d’imaginer la rédaction d’un manifeste collectif susceptible de recueillir la signature desdits répondant aux questions posées à la commission Attali ?

    Je ne serais absolument pas surpris que le pragmatique Sarkozy retienne toute idée bonne à prendre qui lui serait proposée.

    A part faire monter le buzz creux de cette opération de communication et se faire de la pub, je ne vois pas l’utilité d’une telle démarche. Si le pragmatique Sarkozy veut recueillir les bonnes idées, il n’a qu’à lire les rapports du CAE et faire son marché dedans. Tout ce qu’il faut existe déjà en matière d’idées.

  13. A propos de Cyrulnik, Coco pourrait aussi évoquer la contribution du lauréat du Nobel d’éco de 2002….

    Oui, Kahneman, voire son co-lauréat Smith.

  14. Il semble que les économistes professionnels prennent trop Attali au sérieux. Storm in a tea-cup.

    Moi je remarque que dans la liste a la Prévert des membres de cette commission il y a quand même Théodore Zeldin dont j’ai lu tous les bouquins il y a 25 ou 30 ans. Il donnera une perspective historique a la croissance Française qui depuis le début du XIXe a toujours été plus basse que celle de ses voisins Européens, sauf, brièvement, durant les fameuses 30 glorieuses.

    Nous pourrons ainsi apprendre que, en France, le frein a la croissance est culturel.

  15. @ bédé : super. Quel rapport avec Cyrulnik? Il fout quoi, là, lui? Pour le reste, et ça a déjà été écrit plus haut, les bonnes idées sont dans la masse de rapports cités, lus, connus dans les cénacles informés mais soigneusement planqués par lâcheté. Quel mépris pour nos concitoyens. Marre de marre!

  16. Sans particulièrement vouloir dauber sur quoi que ce soit, je crains que pour atteindre le cortex d’un gouvernant, il faille savoir tenir un discours très simple : sujet-verbe-complément, usage exclusif du présent de l’indicatif, renvoi aux annexes en lieu et place de précautions oratoires, etc.

    Et ne jamais oublier que tout politicien confirmé est un individu qui sait que sa survie dépend de sa capacité à ne jamais fermer quelque hypothèse que ce soit : donc, qui se méfiera toujours des propositions radicales tout en ayant beaucoup de mal à mettre de côté des propositions simples et d’apparence non-nocives.

    Mais j’admets bien volontiers que l’on puisse considérer que le moment soit mal choisi pour les raisons que vous soulignez.

  17. Attali a déclaré qu’il ne se reconnaissait qu’un maître : F. Braudel, et qu’il faisait sienne son hypothèse, la culture est le point d’entrée pour expliquer les comportements sociaux et économiques. Mon hypothèse : le mot "comportement" pourrait bien être le trait d’union entre l’objet de la commission et Cyrulnik.

    Pauvre Braudel…

  18. Interview de Jacques Attali au JDD : "Le monde enregistre une croissance moyenne de 5% l’an depuis plusieurs années. Il n’y a aucune raison que la France et l’Europe soient à 2% ou 2,5%. Nous devons viser 5% de croissance". Si j’en ris, cela va relancer la croissance ?

    Enorme. C’est tout simplement énorme.

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