Lettre ouverte à un étudiant en économie qui s’ennuie

Cher étudiant,

J’apprends en lisant le journal que tu t’ennuies. L’enseignement que tu reçois, dis-tu, est trop formalisé, avec des mathématiques dont la maîtrise semble devenir une fin en soi. Tu voudrais un enseignement qui “ne reproduise pas la domination exercée par la théorie néoclassique” mais qui soit au contraire (?) pluridisciplinaire, faisant appel aux connaissances historiques et sociologiques. je pense que tu n’as pas entièrement tort, mais que tu n’as pas suffisamment approfondi ta réflexion.

En lisant dans le titre de ton appel que tu t’ennuyais, je dois t’avouer que je n’ai pas pu réprimer un haussement d’épaules. Comment peut-on s’ennuyer en étudiant l’économie aujourd’hui? Rares sont les périodes dans l’histoire de cette discipline qui ont été plus créatives et ont tant promu l’originalité. Et jamais les connaissances originales et de qualité n’ont été aussi accessibles. L’accès internet permet d’accéder à des blogs, à des sites internet, à tous les livres écrits dans le monde, pour un prix modique. Jamais autant de livres accessibles, originaux, variés, n’ont été publiés dans ton domaine.

As-tu pensé à tes aînés récents, qui il y a ne fût-ce que quinze ans, devaient se contenter d’épouvantables manuels bourrés d’âneries rédigés par un quelconque second couteau de l’Université Paris CLVII-Saint-Cucufa, qui devaient payer l’équivalent d’une centaine d’euros pour le moindre livre en anglais qu’il fallait six mois pour commander auprès d’un réseau de distribution lamentable, n’avaient pas d’internet, avaient pour enseignants d’anciens mauvais profs de droit reconvertis refusant de prendre leur retraite, et devaient se contenter d’une bibliothèque universitaire ouverte encore moins souvent que les services fiscaux et du supplément “économie” du Monde? Sais-tu les difficultés qu’ils devaient franchir pour pouvoir bénéficier de connaissances de qualité, et dont tu es totalement affranchi? Si tu t’ennuies, quelques minutes et quelques euros te suffisent pour pouvoir bénéficier d’une quantité et d’une qualité de connaissances à laquelle jamais personne, dans l’histoire de l’humanité, n’a eu accès. Si tes cours ne sont pas assez intéressants à ton goût, tu as largement de quoi remplir tes journées et tes aspirations. Pourquoi donc ne le fais-tu pas?

Tu me répondras peut-être que la vie d’un étudiant n’est pas si facile, que tu es désargenté et que tu ne peux pas t’acheter de livres, que les livres en anglais sont difficiles à lire, et que tout ton temps est pris par les interminables lagrangiens que tes profs t’infligent. Laisse-moi te dire une chose : tu es paresseux.

Nous allons parler des lagrangiens un peu plus tard, mais d’ores et déjà, tu devrais te rendre compte que de telles excuses ne sont pas sérieuses. Sélectionner et lire un bon livre d’économie par mois, suivre une vingtaine de blogs et de sites internet, constituent un effort et une dépense largement maîtrisables. Si tu n’as pas le temps ni les moyens, c’est peut-être que ton budget de distractions et de sorties est trop élevé, que tu devrais légèrement faire pivoter ta contrainte budgétaire en faveur du travail et de l’enrichissement intellectuel. Je veux bien comprendre qu’à ton âge, la recherche et l’entretien de l’âme soeur constituent un poste de dépense et de temps conséquents; je sais aussi que, l’économie étant la plus misogyne des sciences sociales (même si les choses changent en la matière) ce n’est pas sur les rangs de ton établissement scolaire que tu vas aisément satisfaire ce genre de besoins. Mais es-tu bien sûr d’avoir calculé soigneusement ton arbitrage intertemporel? Je te rappelle que la recherche trop précoce de rapports sexuels a des conséquences nuisibles sur les performances scolaires, si l’on en croit l’analyse économique.

Je suis peut-être un peu dur avec toi. Peut-être que justement, tu consacres beaucoup de ton temps à des lectures annexes, que tu suis avec avidité et intérêt ce qui se fait de mieux dans ta discipline. Et que c’est précisément pour cela que tu trouves l’enseignement que tu reçois peu intéressant, tant les assommants calculs de Lagrangiens et d’intégrales triples y prennent la place de la réflexion que l’on peut rencontrer quotidiennement en suivant l’actualité de la publication et de la recherche économique. Mais t’es-tu déjà demandé pourquoi l’enseignement de l’économie était aussi formalisé?

Voici la réponse. L’économie offre deux grandes analyses du rôle de l’enseignement supérieur : le capital humain, tel que décrit par Gary Becker, et les signaux de marché, mis en évidence par Michael Spence. Dans la perspective du capital humain, l’enseignement est la constitution par un individu d’un stock de connaissances et de compétences accroissant sa productivité et lui permettant d’exercer certaines activités exigeantes. Dans cette perspective, je te l’accorde, l’intérêt des lagrangiens et des intégrales triples à tout bout de champ est limité, et il y a là une grande perte de temps.

Mais tout change lorsqu’on prend en compte la théorie des signaux de marché. Selon celle-ci, l’enseignement est un mécanisme sélectif qui permet aux employeurs d’identifier les candidats à l’embauche les plus performants, sur un marché du travail à information asymétrique. Peu importe dans cette perspective le contenu des études : ce qui compte c’est qu’elles imposent aux étudiants des efforts, qu’elle les oblige à être disciplinés, afin qu’à l’issue du processus ne subsistent que des gens obéissants et travailleurs. Pour les étudiants, l’objectif n’est pas alors de se former, mais d’être meilleurs que les autres afin d’obtenir les meilleurs emplois.

Chacune de ces approches théoriques comprend une part de vérité, chacune d’entre elles permet d’expliquer des faits stylisés particuliers que l’autre ne traite pas. L’enseignement de l’économie, qui a à peu près autant d’utilité pratique que celui de la philosophie, relève nettement de la catégorie “signaux de marché”. L’objectif des étudiants y est de parvenir à être meilleur que les autres, afin d’obtenir des bourses de thèses et statuts avantageux disponibles en nombre très limité; à défaut de cela, de pouvoir accéder à une formation pratique – mais sélective – en finance ou en gestion. Or pour être meilleur que les autres, il y a deux façons de faire : soit être brillant et original, ce qui est extrêmement rare; soit être capable de faire des choses que les autres (parfois, même l’enseignant…) n’arrivent pas à faire. Pour cela, rien de tel que la formalisation. Etre un peu meilleur en mathématiques que les autres est ainsi devenu le moyen par lequel les meilleurs étudiants sont sélectionnés.

Ce processus de sélection n’est pas plus mauvais qu’un autre; à tout prendre, il est plus égalitaire qu’un mécanisme fondé sur les réseaux de relations ou l’origine sociale. Mais il a une conséquence négative, que l’on peut aisément décrire à l’aide d’un dilemme du prisonnier. Si personne ne cherche à faire toujours plus formalisé, la hiérarchie entre étudiants s’établit sur la base d’autres compétences; si un étudiant est meilleur en formalisation que les autres, il bénéficie d’un avantage pour sa carrière future; mais si tout le monde fait des efforts de formalisation, il en résulte un enseignement transformé en concours d’intégrales triples, dans lequel au bout du compte la hiérarchie est la même mais les cours particulièrement harassants et rébarbatifs (le même phénomène explique la montée en puissance du jargon incompréhensible dans de nombreuses sciences humaines). Les comportements individuels d’optimisation conduisent à une situation sociale sous-optimale.

L’application de ce modèle de dilemme du prisonnier (qu’on appelle aussi modèle de la course aux armements) permet de faire des prédictions qui te seront, je n’en doute pas, familières. En particulier, on peut prévoir que régulièrement, un groupe d’étudiants lancera un appel solennel pour réduire la formalisation et faire des cours un peu moins ennuyeux (tentative de coordination pour aller vers l’optimum social). Dans le même temps, chacun des signataires dudit appel continuera frénétiquement à faire ses pages d’exercices de mathématiques en espérant gagner les bonnes places. Il y aura toujours quelques esprits simples – ceux qui se sont ennuyés en cours de théorie des jeux – qui prendront l’appel au sérieux, renonceront au formalisme, et se retrouveront au mieux dans un ghetto académique, dans lequel ils ne pourront faire carrière qu’en rédigeant une thèse de 950 pages d’élucubrations marxisantes (chez les hétérodoxes aussi, il faut bien trouver une procédure de sélection).

Tout le monde sera d’accord pour dire que l’enseignement est trop formalisé; on rédigera des appels enflammés, des réponses, voire même des rapports confiés aux plus grands spécialistes; mais au bout du compte, l’enseignement ne changera pas d’un iota, et quelques années plus tard, on signera un autre appel à réduire le formalisme dans l’enseignement de l’économie. Ce sera reparti pour un tour. En attendant, plutôt que de pétitionner et de désirer un enseignement moins formel, regarde-toi dans ta glace : tu y verras le premier responsable du formalisme excessif de l’enseignement que tu reçois.

Passons à ta seconde critique. Tu reproches à l’enseignement de l’économie d’être trop néoclassique et pas suffisamment pluridisciplinaire. Pourquoi ne fait-on pas plus d’histoire et de sociologie en économie? Tu peux d’ores et déjà constater que cet appel à la pluridisciplinarité est une spécialité des économistes : on voit bien rarement des étudiants en sociologie déplorer de manquer de cours d’économie ou d’histoire, ni des historiens réclamer des cours de sociologie, de droit ou d’économie. Eux savent bien qu’avant d’être pluridisciplinaire, il faut bien maîtriser sa propre discipline, et que cela consomme déjà beaucoup d’énergie et de temps. Mais il y a une autre raison à cela. En histoire ou en sociologie, les étudiants arrivent avec un esprit relativement vierge; tout au plus ont-ils retenu quelques vagues connaissances de leurs enseignements du collège et du lycée dans ces domaines. Pour eux, apprendre leur discipline exige d’acquérir des connaissances et des méthodes nouvelles, mais ils n’ont pas grand chose à désapprendre.

Ce n’est pas le cas en économie. L’écrasante majorité des gens croit y savoir des choses, sur la base de leur expérience quotidienne et d’une bonne dose de préjugés. Malheureusement, l’essentiel de ce que croient savoir les gens sur l’économie est faux. Devenir un bon économiste exige donc non seulement d’acquérir un savoir nouveau, mais en plus – et c’est cela le plus difficile – de désapprendre l’essentiel de ce que l’on croyait savoir. Et comme l’ont montré les psychologues, dont ceux qui ont travaillé dans le domaine économique, comme Kahnemann et Tversky, renoncer à ce qui constitue les fondements de notre façon d’appréhender les choses est un effort très douloureux. Beaucoup de gens renoncent à le faire, y compris d’ailleurs beaucoup d’économistes. Tu as sûrement entendu parler de ces études effectuées sur les membres de l’American Economic Association, qui savent à peine mieux en moyenne que le grand public utiliser le concept de coût d’opportunité. Ne parlons même pas de concepts authentiquement contre-intuitifs comme celui d’avantage comparatif.

Cette nécessité de désapprendre ce que l’on croyait savoir est la croix de celui qui doit apprendre l’économie. Je comprends que tu trouves ce processus douloureux : tu n’es pas le premier à passer par là. Je comprends aussi, et surtout, que tu aies envie de faire de l’histoire et de la sociologie, afin de pouvoir un peu penser l’économie comme la pensent les historiens et les sociologues, c’est à dire en faisant les mêmes erreurs d’analyse que le reste de la population. Rien ne t’empêche de te former dans ces disciplines par ailleurs en utilisant ton temps libre; mais les connaître ne fera pas de toi, du moins pour l’instant, un meilleur économiste, au contraire.

Tu noteras que dans cette lettre, je ne t’ai parlé que d’économistes qui ont suivi le même parcours : une formation rigoureuse et orthodoxe à l’économie de leur temps, l’accès à la célébrité par des travaux à leur époque considérés comme totalement hétérodoxes, pour finalement voir leurs travaux tellement intégrés dans l’économie que tu appelles “dominante néoclassique” qu’ils ont fini par avoir le prix Nobel d’économie. C’est que l’économie “dominante néoclassique” qui te déplaît tant en t’obligeant à penser d’une façon à laquelle tu n’es pas habitué est un cadre particulièrement ouvert et remarquablement adaptable. Pour s’en rendre compte, encore faut-il comme tous ceux dont nous avons parlé ici se donner la peine de le connaître.

Je comprends ton désarroi : j’imagine qu’on a rarement pris la peine de te parler de tout cela. Je vais t’expliquer pourquoi. Une fraction significative de tes enseignants actuels, ceux-là même qui t’ennuient avec leurs lagrangiens et leurs intégrales triples, sont en fait exactement des gens comme toi, juste un peu plus vieux. Comme toi, ils ont suivi des études austères et formalisées en maugréant, en refaisant épisodiquement trois siècles d’une science économique qu’ils ne connaissaient pas autour d’un verre d’alcool servi dans un gobelet en plastique, voire même en pétitionnant et en tonnant contre l’ennui viscéral que cela suscitait chez eux. Comme toi, ils manquaient un peu de curiosité intellectuelle et de courage, et ne se sont jamais imaginé qu’il était possible d’aller chercher l’intérêt intellectuel par soi-même; ils se sont contentés de briller dans les exercices qu’on leur demandait de faire. Comme toi très bientôt, étant passé devant beaucoup d’autres pour arriver au point ou ils en sont, ils se croient aujourd’hui très intelligents.

Heureusement, une bonne part de tes enseignants ne sont pas comme cela. Beaucoup d’entre eux ont compris (souvent dans la douleur, souvent en passant comme toi par des phases de révolte) que lorsqu’on veut être un économiste, on ne se contente pas de cours qui sont avant tout une procédure de sélection. Ils ont compris que l’économiste, comme le disait Keynes à propos de Marshall, “doit comprendre les symboles et parler en mots; qu’il doit contempler le particulier en terme généraux, et toucher l’abstrait et le concret dans la même pensée. Qu’il doit étudier le présent à la lumière du passé pour la compréhension de l’avenir.” etc, etc.

Ces enseignants là ne te le diront pas non plus, tant cela leur paraît évident et naturel. Cela ne s’apprend pas dans des cours, quels qu’ils soient, mais en observant le monde qui nous entoure avec des yeux d’économistes, pour y identifier ce que les autres ne voient pas. Cela exige avant tout une curiosité intellectuelle qui ne se borne pas à signer des pétitions, mais à aller chercher soi-même la connaissance dont on a besoin. S’il faut qu’un enseignant te tienne par la main pour faire cela, c’est que tu n’as pas compris à quoi servait un enseignant, et surtout, qu’il vaudrait mieux que tu songes à une autre carrière : si ta vie étudiante n’est qu’ennui et cours d’optimisation sous contrainte, tu n’as pas ce qu’il faut pour être un bon économiste. Tu me diras, cela n’empêche pas forcément de faire une carrière universitaire, et sur ce plan, tu as un peu raison.

J’imagine que si tu es arrivé à ce stade de lecture, tu es très énervé. Et que tu vas avoir très envie de pondre ci-dessous un commentaire vengeur pour m’expliquer que l’économie néoclassique c’est très vilain (et de droite); et que ce n’est pas avec des explications comme les miennes qu’on change les choses. Mon objectif était simplement de t’expliquer la situation dans laquelle tu te trouves, avec des outils d’analyse que j’espère que tu maîtrises. Si tu as vraiment envie de faire ce genre de commentaire, c’est probablement que tu n’as pas compris ce que je voulais te dire. Dans ce cas, au lieu de commenter et de pétitionner, tu ferai mieux de te demander ce que tu vas lire cet été : cette interrogation te sera beaucoup plus profitable.

Alexandre Delaigue

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42 Commentaires

  1. Si seulement on avait plus souvent ce genre de réponse à ces polémiques sans intérêt, à ces lettres ouvertes inutiles et immatures, je pense que le débat serait tranché une bonne fois pour toute et on en serait définitivement débarassé…

    Je viens de finir ma L2 et j’ai l’impression d’avoir dépassé tout ça, ces stériles révoltes, depuis au moins un an, mais mes camarades ne semblent pas encore avoir conscience de l’existence d’un paradigme dominant au sens de Kuhn… Et quand le réveil aura lieu ils risqueront de devenir les signataires de ce genre de lettres ouvertes, toujours les mêmes… Je m’estime heureux (et clos cette apparté sans intérêt) d’être l’un des rares à ne pas m’ennuyer en cours d’économie…

    Cela dit, a-t-on aussi à l’étranger ce genre de révoltes sans intérêt ou alors est-ce une spécificité française ? Si oui pourquoi ? Est-ce culturel ? Ou alors certains étudiants français en économie ont-ils plus intérêt à fouttre le bordel pour faire carrière plutôt que de calculer des intégrales triples ? Car ce genre de polémique peut aussi être une façon pour certains de se faire connaître, ce qui serait, si c’était le cas, une façon tout à fait analysable par la théorique néoclassique de maximiser son utilité espérée sous contrainte de ressources…

  2. Félicitations pour cette réponse…
    Je dois avouer que j’ai aussi connu des périodes de révolte comme l’auteur de l’appel original mais par la suite je me suis rendu compte de la véritable originalité et de l’effervescence intellectuelle en économie.

    L’argument le plus important que vous mettez en avant est selon moi le fait qu’il faille d’abord maitriser les outils conceptuels de sa discipline avant d’en aborder une autre. La rencontre n’en sera que plus féconde (je parle en tant que doctorant en analyse économique du droit… qui comme vous le dites, n’est pas forcément à droite)

    Simple remarque: même une bonne maitrise des outils n’empêche (en cours ou par recherche personnelle) de se pencher sur la dimension critique de la construction de l’économie néoclassique: ca ne peut qu’enrichir la discipline. Ma référence en la matière fut un cours sur la dimension normative de l’économie de John Bates Clark et de la fonction de Cobb-Douglas (sur le fait que la rétribution du travail selon la productivité marginale empêche sur le plan théorique tout conflit de classe quant aux salaires). De telles conclusions ne peuvent venir que suite à l’étude de la théorie et de l’histoire qui l’a vue naitre et sert à approfondir le modèle même au sein de sa théorie d’origine.

    Et encore bravo… Même le ton est juste… c’est dire…
    Cordialement

  3. Ce billet m’a rappellé mes études en éco (que j’ai finies en 2000) : ma révélation je l’ai eu en lisant, presque par hasard, la chronique de Paul Krugman "The dismal science" dans Slate. Pourtant à l’époque je ne lisais pas bcp l’anglais mais il m’a reconcilié avec la modélisation mathématique. Et puis qqles temps après il y a eu econoclaste 🙂

  4. Pfff, j’aurais aimé l’avoir écrit, celui-là (même si j’ai plus d’indulgence pour le "cri" des étudiants, parfois justifié) ! Je vais le relire et le faire lire. Une idée : le lire en amphi en début d’année, un peu comme la lettre de Guy Môquet ? C’est peut-être un peu trop… Peut-être pas…

  5. Je rencontre peu ou prou le même problème. Après avoir passé mes deux années de licence dans un bastion régulationiste, je passe cette année dans une formation très formalisée et l’écart saisissant entre les deux formations me donne le vertige.
    Les nombreux blogs économiques qui foisonnent sur le net m’ont renvoyé une image beaucoup plus intéressante de la-dite "théorie dominante" (à contrario de mes cours de micro où la prof passait son temps à décrédibiliser la matière, théorème de Sonnenschein et tout le tralala).
    Néanmoins, je ne sais vraiment pas par où commencer pour m’initier à ces aspects de l’économie. Je me dévore par exemple en ce moment les bouquins de l’édition de la république des idées mais cela ne donne pas les bases. Existe-t-il des ouvrages donnant une bonne vue d’ensemble de l’économie (j’avais pensé à celui de Phelps, la macro de Mankiw, mais je n’arrive pas à ma décider…) ?
    Du reste, ça fait un moment que je lis votre blog et je vous remercie beaucoup pour vos contributions, c’est une véritable bouffée d’air frais pour le petit étudiant en économie que je suis.

  6. Si les appels récurrents de ce genre me paraissent parfois critiquables, je pense que la réponse l’est aussi et particulièrement les derniers paragraphes. De ce que j’ai compris, les signataires sont des élèves du master APE venant pour une partie des ENS Ulm et Cachan. En choisissant de faire ce master, ils étaient tous au courant du contenu très formalisé de l’enseignement. Ils savaient également que pour discuter conventions et cités en économie, il fallait mieux aller à Nanterre. Donc contrairement à ce que vous pensez, ils sont à mon avis très loin d’un positionnement simpliste récusant complètement tout modèle "néoclassique" ou maximisateur. De plus, pour connaitre un peu l’endroit, l’APE n’est pas non plus un vivier particulièrement fécond d’étudiants marxisants et révolutionnaires.
    Mais ce sont des élèves qui pour une part viennent de khâgne B/L, c’est-à-dire sciences sociales, où on leur a enseigné conjointement l’économie et la sociologie. Pour une part très importante d’entre eux, ils ont continué au cours du L3 cet enseignement bi-disciplinaire, et ils n’en ont été que des meilleurs économistes et des meilleurs sociologues. On peut comprendre alors qu’arrivés en M1 ou M2, ils regrettent un certain manque d’ouverture de l’enseignement : non pas qu’ils soient paresseux ou ignorants (beaucoup sont d’énormes bosseurs et n’ont pas besoin qu’on les force pour cela) ; mais au cours de leurs études, beaucoup de voies de pensées alternatives complémentaires (et non substituables)à l’économie orthodoxe leur ont été ouvertes et ils peuvent ressentir une déception bien compréhensible à les voir aujourd’hui fermées.

  7. Petite question : pourquoi avoir choisi Nighthawks d’Edward Hopper pour illustrer cet article ?

    Bonne question. Tout d’abord parce que c’est un tableau que j’aime bien. Ensuite, parce que je cherchais quelque chose pour illustrer un mélange d’ennui et de mélancolie (cette dernière étant liée à des circonstances personnelles). Finalement j’ai pensé à celui-là.

  8. J’ai hesite avant d’ecrire quelque chose en pensant qu’il valait mieux ne pas relancer ces vieilles discussions. Et puis j’ai fini par ecrire qqch sur ecopublix.

    Sur la lettre d’Alexandre, je suis a la fois admiratif et en leger desaccord.
    Admiratif, car c’est une belle lettre de defense de la discipline et de sa capacite explicative, a laquelle j’adhere completement.
    En leger desaccord, car elle esquive la question fondamentale de l’enseignement de l’economie. Le fait qu’il y ait de tres bons cours d’economie aux EU et que l’on peut trouver sur Internet tout ce que l’on veut, n’empeche pas de vouloir ameliorer notre systeme universitaire. L’argument de selection pour le formalisme dans l’enseignement ne me convainc pas plus: le formalisme est necessaire pour eviter le verbiage, pour se mettre au clair sur les mecanismes que l’on decrit et surtout pour tester empiriquement les theories. L’utiliser de facon inepte pour selectionner est un symptome des problemes de l’universite francaise. Le fait que les meilleures universites du monde en econonmie (US et RU), qui defendent le formalisme sans concessions, font des cours undergrad bases sur la comprehension des intuitions et non la resolution de pb de math est une illustration des difficultes proprement francaises. Que les etudiants qui se destinent a la recherche recoivent une formation tres formalisee a haute dose est aussi legitime pour qu’ils maitrisent tous les outils de la discipline. Cela ne doit pas remplacer la comprehension de ces outils.

    Pour la petite histoire, le modèle de la formalisation excessive poussée par la compétition entre étudiants est de Robert H. Frank, et appliqué à l’excès de formalisation dans la formation des économistes aux USA. Il faut lire aussi les anecdotes racontées par Steven Levitt sur le terrorisme qu’il a subi lors de sa formation, les quolibets de ses camarades étudiants qui se moquaient de son ignorance de ce qu’est un Hamiltonien. L’herbe n’est pas beaucoup plus verte ailleurs et les mêmes sources causent les mêmes problèmes. Si j’en crois Lee Smolin, la physique connaît actuellement exactement le même problème.
    Et ce n’est pas tant l’institution universitaire qui sélectionne par la formalisation que les étudiants qui se font valoir de cette façon. Voilà pourquoi ce genre d’appels est systématiquement voué à l’échec. Et voilà pourquoi ces étudiants qui râlent à 20 ans et donnent des cours nuls à 30 sont fatiguants : ils sont les acteurs et les premiers responsables de leur situation.
    Votre exemple, et d’autres, montrent qu’il y a deux façons de réagir à un enseignement insatisfaisant : en déduire qu’on doit se débrouiller seul et faire en sorte d’améliorer les choses à son niveau; ou pleurnicher pendant quelques années tout en faisant sa petite place dans le système, afin d’en reproduire les tares. Je préfère la première attitude à la seconde – mais mon expérience m’a amplement montré que la seconde attitude est la plus fréquente.

  9. J’ai passé deux ans en prépa HEC à bouffer 8 heures "d’analyse économique et historique (sic) des sociétés contemporaines", c’étaient sans doute les heure d’enseignement les plus intéressantes et profitables de ma vie, avec bien peu de maths. Je me suis ensuite fait chier comme un rat mort en licence d’analyse des politiques économiques, complètement largué par les maths, et n’ayant aucune envie de les comprendre – je me destinais déjà à l’enseignement, je savais donc que je n’avais pas besoin de produire des signaux de marché. Par contre, j’ai profité de cette année de glandage (17h de cours) pour lire (en commençant par la RDN, bien sûr), squatter la BU et la BM, écumer éconoclaste, revoir mes cours de prépa…
    Je me retrouve donc totalement dans votre lettre. Merci pour cette incitation à l’intelligence.
    En passant… quel est le nom et l’auteur du tableau qui illustre ce billet ? Ca fait un moment que je le cherche.

  10. @ geo : Principes d’économie moderne par Joseph Stiglitz et Carl Wash. C’est vraiment clair, parle de tout, et c’est relativement complet pour qui veut (re)découvrir les bases du raisonnement économique.

    www4.fnac.com/Shelf/artic…

    Pour "approfondir" un peu tout ça je vous conseille également les Repères (éditions La Découverte) : ce sont des petits livres thématiques très complets qui abordent un sujet donné. C’est parfois un peu dense mais ça permet de continuer certaines théories vues en cours ou ailleurs.

  11. Ah ces econoclastes (vous, pas les autres), ils nous laissent une semaine avec
    pas grand chose, et puis paf, d’un coup, sans prévenir, un post absolument
    brillant dans la pensée, parfaitement écrit. Cela me fait penser à celui sur les
    "incompréhensions courantes", qui m’avait aussi tant appris. Merci!

  12. Bonjour, j’apprécie beaucoup votre blog, au point de m’en inspirer assez librement pour le mien.

    Je n’ai pas grand chose à dire de plus sur votre billet. Juste une chose en fait : étant plus proche de la sociologie, et assez familier avec l’histoire, cette phrase me choque assez :

    "Je comprends aussi, et surtout, que tu aies envie de faire de l’histoire et de la sociologie, afin de pouvoir un peu penser l’économie comme la pensent les historiens et les sociologues, c’est à dire en faisant les mêmes erreurs d’analyse que le reste de la population."

    Je trouve un peu culotté de renvoyer sociologues et historiens dans le rang de ceux qui ne comprennent rien à l’économie. Que certains d’entre eux le soit, c’est un fait. A leur décharge, la plupart travaille sur des thèmes tout à fait différent et n’ont pas besoin de maitriser l’économie pour dire des choses intelligentes. Par contre, des gens comme Mark Granovetter ou Wayne Baker sont loin de ne rien comprendre à l’économie. L’article de 1984 de Baker sur les marchés financiers est un exemple typique : comment expliquer la volatilité des prix sur les marchés financiers à partir d’une étude des réseaux sociaux qui s’y forment. Le tout avec une grande rigueur conceptuelle sur la conception de la rationalité. Le petit ouvrage introductif de Philippe Steiner permet de bien prendre la mesure de l’intérêt d’une sociologie économique qui ne rejette en rien les apports de la science économie.

    De même pour l’histoire, si Emmanuel Todd est une bille en économie – et s’assume en tant que tel, grand bien lui fasse – ça me semble plus difficilement soutenable pour des gens comme Jean-Charles Asselain ou Bertrand Blancheton, pour rester dans un cadre français. A l’international, il me semble qu’un diplôme d’histoire comme Alfred Chandler se défend plutôt bien en économie.

    Bref, si je suis persuadé qu’il est souhaitable qu’il y ait spécialisation entre ces trois disciplines – avant de prétendre pouvoir les faire se rencontrer, il faut pouvoir bien les maitriser, et elles sont déjà longues à maitriser chacune indépendamment – il ne me semble pas qu’une certaine forme de mépris de l’économie vis-à-vis de ses consoeurs sciences sociales soit souhaitable.

    Une dernière chose, moins critique peut être : quand vous dites qu’en sociologie, les étudiants arrivent l’esprit vierge et n’ont rien à désapprendre, cela me semble on ne peut plus faux. Nous sommes remplis de préjugés sur le monde social, de certitudes, de croyances, de sens commun, qu’il faut patiemment détruire pour donner un regard scientifique sur ce monde. Et ce quelque soit la discipline scientifique.

    “Données” n’est pas le pluriel “d’anecdotes”. Quelques exemples isolés d’historiens et de sociologues ne changent pas grand-chose au fait que l’essentiel des historiens et des sociologues ne maîtrisent pas l’économie et n’en ressentent pas le besoin; et en tout état de cause, les gens dont vous parlez se sont formés dans d’autres disciplines APRES avoir maîtrisé la leur, pas avant.
    Pour la question de la sociologie – et cela vaut pour d’autres commentaires sur ce sujet – je suis d’accord, je me suis mal exprimé (je me suis fait d’ailleurs engueuler par mes collègues sociologues au travail). Toute connaissance scientifique implique de découvrir des choses non triviales et non connues d’avance, et la sociologie ne fait pas exception. La différence vient de ce que comme la sociologie est un domaine infiniment plus compliqué que l’économie, il est plus difficile d’y trouver comme dans les autres sciences une “orthodoxie”, mais bien plutôt une pluralité d’approches et une méthode. On peut donc au moins initialement faire de la sociologie sans heurter de plein fouet ses préconceptions. Le choc vient plus tard.

  13. Petite anecdote sur le lien entre formalisation et être de droite : un collègue géographe (Pierre Frankhauser pour ne pas le nommer) m’apprenait il y a quelques temps qu’en géographie, ceux qui font de la formalisation sont accusés d’être de vilains gauchistes, le point de vue conservateur étant supposé être celui de la géographie non formalisée. Tout ça pour dire que le lien entre formalisation et opinion politique est extrêmement ridicule. Je connais par ailleurs des économistes qui ont formalisés jusqu’aux années 1970, de manière très poussée, les théories marxistes.

    Par ailleurs, je peux aussi témoigner avoir suivi le fameux parcours… J’ai réalisé mon aggiornamento en 3e année d’éco, après l’une des premières réunions des étudiants des ENS fondateurs d’autisme-economie (il y a 7 ans je crois). Et pour rendre à César, je dois bien avouer que ça m’a fait gagner du temps, en m’incitant à réfléchir sur le fond.

  14. Je n’ai pas vu cette lettre ouverte avant les autres, je ne l’aurais de toute façon pas signée si on me l’avait mise sous les yeux (c’est vrai que c’est tous les ans la même chose et ça lasse…), mais pour connaître au moins un, et certainement plusieurs, de ses rédacteurs, et pour avoir été en M1 APE avec lui/eux, je pense que ce billet de condamnation d’AD est dur. Trop dur, au vu de la justesse de certains arguments (dont je comprends cela dit qu’ils soient passés par-dessous la jambe, tant on les a entendus, surtout en version déformée), et des circonstances atténuantes, en tout cas pour ledit auteur. Sur certaines desquelles je vais m’étendre.

    Le M1 APE de l’Ecole d’Economie de Paris n’a pas vocation à accueillir des économistes. C’est dit (quoique un peu tard : à l’oral de "sélection", oral à l’issue duquel tous les candidats ont de toute façon été retenus, au moins pour l’an passé), c’est net. C’est un Master d’économie, pour lequel le meilleur sésame est… une licence de maths, et dans lequel, à bac+4, on apprend ce qu’est le PIB (acronyme de "Produit Intérieur Brut") et comme quoi un flux est différent d’un stock. En revanche, personne ne songe à enseigner correctement ce qu’est un Hamiltonien, pourtant très utile pour la macroéconomie… Et quand on a 3 ans d’économie derrière soi, passer deux heures montre en main (je dis bien montre en main) à s’entendre expliquer ce qu’est une externalité, c’est, disons-le, pénible. Alors, oui, dans une classe où il y a en fait 3 matheux et 37 économistes (le recrutement du master a changé, l’enseignement n’a pas suivi), on regrette ce qu’on a pu faire avant… Mon "avant" à moi, qui ne suis issue ni d’une B/L ni d’une licence à l’université, n’est certainement pas celui des rédacteurs de cette lettre ouverte, mais je dois avouer qu’il est bien supérieur à ce que j’ai connu en Master APE cette année. Encore ai-je la chance d’avoir poursuivi plusieurs activités parallèles. La différence : moi j’ai avalé, en me disant "ça me servira un jour – et pour le plaisir, j’attends le M2"…

    Des formations mauvaises ou inadaptées, il y en a de nombreuses effectivement. Reste à savoir pourquoi et comment faire pour les améliorer. Samuelson disait que la science progressait de funérailles en funérailles, montrant bien que le conflit entre générations est le moteur du progrès scientifique. Des réactions de rejet face à des formations insatisfaisantes sont donc très normales.
    Ce qui est énervant c’est de voir ce que deviennent les appels solennels à tout améliorer. Parce qu’ils reposent sur une mauvaise analyse de la situation (l’enseignement est trop formalisé à cause des profs et du système universitaire, et à cause de l’horrible hégémonie néoclassique) ils ne mènent à rien, sinon à fabriquer une nouvelle générations de gens médiocres et sans imagination qui ont tellement râlé sur l’économie néoclassique et la fomalisation qu’ils ne savent faire que des maths et sont incapables d’utiliser correctement les outils standard.

  15. As-tu envoyé ce texte à Libé ? Tu peux les obliger à le publier au titre du droit de réponse légal, compte tenu de l’insulte (indirecte mais quand même…) dont tu as été victime.

    Il m’est arrivé d’avoir des étudiants qui s’ennuient; mais je crois que j’en ai toujours eu moins en fin de cours qu’en début. Et je n’ai jamais mis une seule intégrale triple dans mes cours.Je ne me sens pas visé 🙂

  16. Mon commentaire à votre lettre est assez long ! Et comme je ne souhaite pas squatter votre blog, je me permets de faire figurer un lien vers le mien, où figure mon commentaire dans sa totalité.

    C’est une petite déception qui pointe à la lecture de ce billet. Un peu comme Vincent (le 5/7/7 à 10:46) je trouve qu’il est critiquable à bien des égards. Ce n’est pas tant le ton légèrement condescendant, voire méprisant par moment, qui me dérange. Ça fait un peu « je vais t’expliquer la vie mon petit » mais bon, passe encore. Ça n’est pas non plus l’emploi de la seconde personne, le tutoiement. Pourtant c’est un outil rhétorique efficace pour diminuer le collectif qui signe le texte initial, et le ramener à l’unité, plus facile à critiquer. C’est plutôt le simplisme dont fait preuve l’auteur qui m’interpelle. Lecteur assidu de ce blog et du site auquel il est rattaché, j’ai estimé de plus en plus ses auteurs, au vu de la qualité toujours grande de leurs notes. Pourtant aujourd’hui vous tombez bien bas dans mon estime. Certains arguments sont un peu légers pour ne pas dire fallacieux ; utiliser la théorie du prisonnier pour expliquer le rôle discriminant joué par la formalisation mathématique, ça fait sourire au début, mais quand on se rend compte que vous croyez vraiment ce que vous dites, ça fait un peu peur quand même.

    Certains éléments relèvent du combat d’arrière garde…
    A suivre :
    ecosociopo.blogspot.com/2…

    En matière scientifique, il n’existe aucune théorie vraie. Une théorie n’est valide que dans la mesure ou elle n’entre pas en contradiction avec les faits, et qu’on n’en a pas trouvé de meilleure pour expliquer les faits que l’on connaît. La formalisation excessive issue du comportement compétitif entre les étudiants entre dans cette catégorie : elle présente l’avantage d’expliquer les faits existants et de faire quelques prévisions vérifiées – comme le fait que des appels sont publiés régulièrement sans que quoi que ce soit ne s’améliore. Si vous avez mieux, n’hésitez pas à en faire part.

  17. Auriez-vous un livre à conseiller pour compléter la liste de "lectures pour la plage" dans le prolongement de ce post?

    Je dirais qu’il faut quelque chose sur l’épistémologie en économie, mais il y une liste impressionnante de livres sur le sujet et on ne sait lequel choisir :
    http://www.aix-mrs.iufm.fr/forma...

    "L’économie est une science morale" de A.Sen est tentant, mais la critique de SM est moyenne, et donne l’impression que le livre est centré sur les travaux déjà anciens de l’auteur…

    Pas d’épistémologie à la plage. C’est très fatigant, ça exacerbe les UV. Le livre de Sen est très parcellaire. Donc, je ne le conseille pas comme lecture généraliste. Dans la liste de Beitone, il y a l’incontournable bouquin de Blaug. Je ne veux pas dire de bêtises, mais je ne crois pas qu’il y ait eu en la matière une référence plus citée depuis des années. Le Mouchot est plutôt bien aussi. Mais bon, je me répète, pas d’épistémologie à la plage. Ce doit être un principe de vie.
    SM

  18. Formidable article ! Non pas que je prétende l’avoir compris à la première lecture, mais voilà un propos autrement plus digeste (et qui me semble d’ailleurs aller plus loin sur certains aspects) que le Gurgand que j’essaie de me farcir.

    Existe-t-il une autre méthode que la provocation pour espérer en voir paraître d’autres de cet acabit ?

  19. @Passant : Le Gurgand sur l’éducation dans la collection repères ? Si c’est bien de lui dont vous parlez, il est vachement bien. Mais très ramassé. Ce qui en fait sa qualité, mais peut donner la sensation d’indigestion. Hélas, en économie de l’éducation, il est difficile de trouver des synthèses complètes ou très vivantes. POur en savoir plus ou différemment, vous êtes donc condamné à éplucher sa bibliographie pour aller chercher les articles à la source.

  20. @ Gu Si Fang : l’ouvrage de Blaug est le point de départ indispensable… mais il ne faut surtout pas en rester là sous peine d’avoir une vision bien trop poppérienne de la science et notamment de l’économie, et après c’est dur d’en sortir.
    Le must (selon mon modeste avis) c’est "Beyond Positivism" de B. Caldwell avec notamment une intéressante réflexion sur le pluralisme méthodologique… qui colle très bien à l’actualité.

  21. Ce billet est mauvais : Alexandre tutoie les étudiants comme un prof tutoie ses élèves ; étant prof il légitime la pratique de ses pairs et la sienne certainement ; il esquive toute réponse disant que lui répondre est une perte de temps ; il fait la leçon à tous les contestataires (il faut se soumettre en vue de son prochain emploi ; il compare dans le temps… alors autant dire que les smicards eux-mêmes n’ont pas à se plaindre car ils sont 2 fois plus riches que dans les années 1960). Note : 8/20.

    Je n’ai jamais tutoyé un élève de ma vie. Et j’ai subi suffisamment de profs nuls pour n’avoir aucune tendresse vis à vis de l’institution universitaire et de bon nombre de mes collègues. Je suis simplement un vieux con qui a vu énormément de rebelles d’un temps devenus les talibans sinistres de l’époque suivante, et cela ne m’a pas plu. Si cette lettre pouvait éviter ce destin à quelques-uns des signataires de l’appel, je serai très content.
    Pour le reste, il me semble que ce commentaire appartient à la catégorie “écrit avant d’avoir lu”. Il en faut toujours.

  22. "penser l’économie comme la pensent les historiens et les sociologues, c’est à dire en faisant les mêmes erreurs d’analyse que le reste de la population."

    Vous n’avez pas tout à fait tort, mais vous généralisez un peu vite… Je suis étudiant en histoire, j’ai sans doute des préjugés en économie, mais je me soigne (et ça m’étonnerait que je sois l’un des seuls), en lisant par exemple Mankiw, Krugman, Salanié, Cahuc et Zylberberg, Levitt, Piketty, Daniel Cohen… ainsi qu’une demi douzaine de blogs d’économie. Ces lectures, loin d’être douloureuses, sont intellectuellement stimulantes.
    Quant à l’idée qu’on ne peut se permettre l’interdisciplinarité que lorsqu’on est spécialisé dans une discipline, j’aurais tendance à croire le contraire, c’est à dire qu’avoir une culture générale en sciences sociales est fort utile, voire indispensable, pour maitriser un tant soit peu l’une d’entre elles. Est-il possible par exemple de comprendre l’histoire si l’on ne sait rien en géographie, économie, sociologie, philosophie politique, ou psychologie sociale ?

  23. Billet très intéressant mettant,pour moi,le doit sur la curiosité individuelle et intellectuelle. (Y aurait-il des effets émergents dans l’agrégation des comportments individuel ?)

    Ce qui m’embête un peu c’est que AD fait des préjugés un des problèmes de base de l’apprentissage de l’économie (OK), mais que de l’économie. Pas bien. Durkheim avait fondé l’analyse sociologique -en autre – sur le dépassement des ‘prénotions’ (Les règles de la méthode sociologique, 1895). Mais là je fais mon prof de SES bien biaisé et qui biaise tout le monde ;).

    Voir réponse à commentaire plus haut. En sociologie les gens ont des préconceptions à combattre; en économie, ce sont des préjugés auxquels ils tiennent fermement et qui sont immédiatement et brutalement attaqués par l’apprentissage.

  24. Pour faire l’original en épistémo de l’économie ET pouvoir quand même aller à la plage, il faut lire "Machine Dreams" de Philip Mirowski. Vraiment un très bon bouquin pour connaitre le contexte de la formation des théories et concepts avec lesquels nous vivons aujourd’hui : jeux, équilibre général, évolutionnisme… C’est plutôt de l’histoire d’ailleurs, mais avec assez de philo pour en apprendre sur la science économique, et vous avez un style très vivant et drôle (ne pas manquer le passage où il explique que la manière de comprendre l’équilibre de Nash est de penser comme un paranoïaque).

  25. Alexandre et Cyril, merci pour vos suggestions. Vous y allez assez fort, heureusement j’ai prévu de la crème solaire indice 60. En retour, pour les étudiants qui ont le spleen du théorème d’équilibre, je recommande "No one makes you shop at Wal-Mart" qui est d’une lecture facile, indice 12 seulement 😉

  26. Oui, c’est bien celui là. "ramassé" est bien le mot, ya pas un mot de trop ( à mes yeux du moins), jusqu’à la conclusion.

    Ceci dit, en relisant l’ensemble des commentaires, il me vient à l’esprit une remarque, évidemment inspirée par un certain vécu personnel : je crois que la grande majorité des lecteurs de blogs d’économistes ou de scientifiques en général sont certes, hormis les scientifiques eux-mêmes, de simples citoyens curieux, mais ont aussi le profil de ce que des enseignants désigneraient certainement comme des étudiants idéaux.

    Aussi, si je pouvais me permettre une suggestion, je vous inviterais éventuellement à considérer l’hypothèse selon laquelle il est bien possible que la plupart de vos lecteurs tireraient profit de contributions d’un niveau éventuellement plus élevé que celui que vous donneriez à des étudiants de licence.

  27. @Alexandre: Ne croyez-vous pas, quand meme, que la qualite de l’enseignement universitaire depend en partie des incitations des professeurs a faire des cours de qualite? Au risque de donner dans l’anecdote, les cours que j’ai suivis aux EU etaient nettement superieurs a ceux que j’avais pu suivre en France (l’herbe est parfois vraiment plus verte ailleurs). La grande difference venait de l’evaluation des enseignants, de la forte pression des etudiants pour des cours de top qualite (un etudiant americain qui s’endette pour suivre une formation universitaire exige de ses professeurs qu’ils fassent preuve de pedagogie).
    Mon experience de l’enseignement a l’universite francaise est au contraire que la qualite des cours depend de la bonne volonte des enseignants, mais que les incitations vont dans le sens de passer le moins de temps possible sur ses cours. A mon retour des EU, j’ai voulu faire un TD d’econometrie sur le modele US (formation a un logiciel d’econometrie, melange de theorie, intuition, mise en pratique, devoirs a la maison a partir de base de donnees, correction de ces travaux…) je me suis vite apercu que ma these n’avancait pas pendant ce temps… People respond to incentives, meme parmi les economistes francais…

    La ou je vous rejoins, c’est que ce n’est pas en faisant des petitions que l’on change l’enseignement, c’est en faisant soi-meme des cours de meilleure qualite et plus generalement en ayant des institutions universitaires qui offrent des incitations a faire des cours de qualite.

    C’est évident. Mais avec ce problème d’incitations on touche à un problème général de l’enseignement supérieur en France, pas spécifique à une discipline, et pas franchement nouveau. Toute l’histoire de la construction de cet enseignement supérieur a été celui de tentatives de contournement de la médiocrité universitaire : depuis françois premier créant le collège de France, Napoléon les grandes écoles, etc. Aujourd’hui, on est bien embêtés : tout le monde croit que ce qu’on fait à l’université est fondamental (un peu à cause des économistes…) donc l’institution se trouve soumise à de fortes contraintes d’adaptation. Pas facile.

  28. Permettez moi de résumer votre argumentation en 9 points serrés (c’est forcément un peu réducteur, mais il s’agit de saisir l’essentiel).

    1. L’accès à la culture économique n’a jamais été aussi facile.
    2. Donc l’ennui éventuel ne peut avoir qu’une origine individuelle : la paresse…Ou alors, un mauvais arbitrage inter temporel.
    3. En effet, « l’enseignement est un mécanisme sélectif qui permet aux employeurs d’identifier les candidats à l’embauche les plus performants, sur un marché du travail à information asymétrique ». Le processus de sélection est plus ou moins indépendant du contenu : il s’agit avant tout d’émettre un signal positif (cf. Michael Spence).
    4. Dès lors, chacun cherche individuellement à tirer son épingle du jeu,… ce qui accentue le recours au formalisme pour discriminer. Le résultat collectif de « cette course aux armements » n’est pas optimal (cf. dilemme du prisonnier), mais la situation à toutes les chances de perdurer. « …Regarde-toi dans ta glace : tu y verras le premier responsable du formalisme excessif de l’enseignement que tu reçois. »
    5. Sur la critique de l’économie néoclassique par les apprentis économistes, remarquons d’abord que les apprentis historiens ou sociologues savent bien « qu’avant d’être pluridisciplinaire, il faut bien maîtriser sa propre discipline, et que cela consomme déjà beaucoup d’énergie et de temps »
    6. Plus fondamentalement, chacun croit savoir des choses en économie, au contraire de la sociologie ou de l’histoire, « Malheureusement, l’essentiel de ce que croient savoir les gens sur l’économie est faux ». Il faut donc désapprendre : c’est cela qui est douloureux et difficile.
    7. Par ailleurs, à l’origine les grand penseurs en économie étaient au départ hétérodoxes, ils ont été reconnus, car l’économie néoclassique est en fait un cadre de pensée très adaptable. « Pour s’en rendre compte, encore faut-il comme tous ceux dont nous avons parlé ici, se donner la peine de le connaître »
    8. Cela est caché, car la plupart des enseignants d’aujourd’hui sont des anciens étudiants qui s’ennuyaient « Comme toi, ils manquaient un peu de curiosité intellectuelle et de courage ( …)». Passés à travers le filtre impitoyable, ils reproduisent ce qu’ils ont vécu, en n’exprimant pas ce qui leur parait naturel.
    9. Ce qui ne se dit pas, c’est que la véritable qualité d’un « bon économiste » c’est d’être curieux, et d’« aller chercher soi-même la connaissance dont on a besoin ».

    Ai-je bien compris votre message ?

    Bien résumé.

  29. Très cher Alexandre,

    Puisque tu t’es autorisé à me tutoyer, tu me permettras d’en faire de même. Je suis l’un des signataires (eh oui, nous sommes plusieurs!) de cette lettre ouverte dont la lecture ne t’a apparemment pas laissé insensible. Je vais donc me permettre quelques commentaires sur ce billet un rien condescendant.

    Tu m’apprends tout d’abord que l’économie m’ennuie, alors que notre lettre t’expliquait très clairement que c’est en cours d’économie que je m’ennuie. En effet, et tu sembles pourtant me rejoindre sur ce point, la plupart des cours d’économie sont mal foutus, non pas parce qu’il traite d’une théorie (néoclassique) qui n’a pas ma préférence, mais parce que de nombreux enseignants ne se donnent pas la peine de la présenter correctement, pédagogiquement et scientifiquement parlant. Si rien ne m’empêche d’aller voir ailleurs, rien ne m’empêche non plus de chercher à améliorer les enseignements que l’on me dispense; car n’ayant pas le dixième de ton génie je pense bêtement que ceux-ci peuvent m’apporter des connaissances utiles pour peu que l’enseignant en ait la volonté. Ainsi ce que nous critiquons dans notre lettre, c’est typiquement l’apprentissage scolaire de la microéconomie sous forme de lagrangiens à maximiser alors que tu en conviendrais toi-même elle ne se réduit pas à cela.

    Tu m’expliques ensuite que si je rechigne à faire des lagrangiens, c’est parce que c’est "un processus douloureux" propre à l’économie de détachement de mes prénotions, tandis que sociologie et histoire sont des sciences beaucoup plus rassurantes car peu éloignées des préjugés individuels. Je te conseillerai donc d’ouvrir un bouquin de socio ou d’histoire (Durkheim, Febvre… tu as le choix) où tu découvriras pour ton émerveillement que toutes les sciences sociales supposent un détachement de son objet d’étude. Tu comprendras ainsi mon étonnement devant l’absence de cours d’épistémologie dans la plupart des formations d’économie, celle-ci ayant généralement pour but d’éviter que le chercheur en herbe ne tombe par la suite dans des explications centrées sur ses prénotions.

    Tu me dis enfin que je te traiterai forcément de mec de droite dans ma réponse. Je te répondrai que tu m’as d’emblée pris pour un marxiste parce que je défends (entre autres) la place de l’hétérodoxie dans l’enseignement, ce qui fait tâche pour un économiste détaché des prénotions.

    Bien évidemment, je te conseille de rire de mon commentaire, car nous le savons tous les deux tu es bien au dessus de cela. Te faire remarquer que sans cette pétition tu n’aurais jamais écrit ce billet qui à sa façon contribue au débat (j’ai par chance lu des réactions plus constructives) serait donc malvenu de ma part.

    Avec toutes mes félicitations pour ta hauteur de vue et ton désir de dialogue.

    Je pense que si tu avais lu attentivement ce qui est écrit au dessus, tu n’aurais pas fait une réponse aussi totalement à côté de la plaque.

  30. Merci Alexandre Delaigue pour cette profonde analyse. Je suis étudiant en M1 à l’EEP, rassurez vous, la majorité de mes camarades de classe ont d’autres soucis que de passer leur temps à signer des pétitions. C’est quelques étudiants (au maximum trois) ou plutôt enfants gatés qui soulent les gens. Tant qu’ils n’auront pas compris que la formation d’un économiste ne se limite pas cours d’amphis théatre, ils contunueront à perdre leur temps dans des discussions stériles genre "la place des mathématiques en économie". Bref, encore une fois merci pour ce thread. Une visite quotidienne de econoclaste.org.free.fr/d… devrait être indispensable aux étudiants pétitionnaires. Ca leur rendrait moins c……

  31. Je vous remercie de votre réponse. Si je peux accepter la seconde partie, la première me laisse à penser que vous avez mal compris mon propos – sans doute me suis-je mal exprimé.

    Je ne prétend pas que les quelques noms que j’ai avancé prouvent que les sociologues et les historiens s’y connaissent tous en économie. Loin de là. Simplement, je voulais dire que certains d’entre eux disent des choses tout à fait intéressante en la matière et qu’il n’est pas totalement aberrant d’imaginer que leurs apports se retrouvent dans les cours des filières "Science économique" des facultés.

    En d’autres termes, ce que je voulais dire était qu’affirmer que les sociologues et les historiens ne connaissent rien à l’économie est vrai globalement, mais faux localement.

    Je ne pense pas qu’il se trouve un étudiant en économie pour réclamer, disons, des cours de sociologie de la famille ou d’histoire de l’Art. Par contre, ils s’en trouvent certains pour demander à connaitre Mark Granovetter (je dis ce nom au hasard, je ne sais pas exactement ce que les signataires de l’appel de libération voudrait voir intégrer comme sociologie à leurs cours d’économie). Leur répondre que les autres sociologues ne connaissent pas l’économie me semble tout à fait léger comme réponse…

    Votre réponse me semble donc passer quelque peu à côté de mon propos – sans doute par ma faute, je n’ai pas été assez clair.

    Je reste cependant d’accord avec vous sur la nécessité de bien connaitre une discipline avant de se confronter à d’autres.

  32. Peut-on savoir qui est ce "ns" dont les initiales ne correspondent à aucun de mes camarades de M1 ? parce que dire que Baptiste, Arthur, … n’ont aucun soutien au sein du Master, c’est peut-être vrai pour "la place des mathématiques en économie", mais certainement nettement moins pour "la qualité de l’enseignement de l’économie".

  33. Commentaire tardif, vacances obligent.

    Bravo! Excellent texte! J’ai particulièrement apprécie le "Comment peut-on s’ennuyer en étudiant l’économie aujourd’hui?"? En effet …! Moi qui ai découvert l’économie en dernière année de mes études à Sciences Po, je regrette mon incapacité à jongler avec les maths au-delà de la règle de trois. Personnellement je m’ennuyais profondément des bourgeoisement, althussérismes, marxismes, tiers-mondismes simplistes, antilibéralismes niais et autres alter mondialismes dont on est constamment nourri à vingt ans. Ayant étudié l’histoire, les relations internationales et beaucoup de sociologie, mon ignorance de l’économie, franchement, me pesait.

    J’ai trouvé l’autre jour un commentaire anonyme sur le blog de l’économiste du développement Dani Rodrik, qui demandait a ses étudiants ce qu’un bon Master d’études en développement économique devait apporter. Voici le lien : rodrik.typepad.com/dani_r… être intelligent lui répondit:

    “I would encourage teaching your students how to think like economists. To me this mainly consists of four things:
    1. Thinking on the margins
    2. Always asking what the incentives are
    3. Assessing risks rationally
    4. Looking for tradeoffs and never expecting $20 bills to be lying on the sidewalk
    For students, learning how to think this way is only weakly correlated with learning technical material- you don’t get this stuff by learning how to take first order conditions or manipulate matrices. In fact, I’ve met several PhD economists who aren’t very good at thinking like economists. Similarly I’ve met people with no economics background at all who can think like economists very well."

    "Vive l’économie!", s’exclama la l’analyste politique.

  34. A mon avis, la meilleure préparation pour faire de la recherche en économie (en tout cas en France) c’est de finir une école d’ingénieure. Si on n’aime pas le « formalisme » et on n’a pas de connaissances (ou au moins d’envie de les acquérir) mathématiques un peu plus poussées que les lagrangiennes, alors je pense qu’étudier l’économie n’est pas un bon choix. Donc à mon avis, il y n’a même pas de sujet à discussion.

  35. Alors comme ça l’économie ne devrait plus se résumer qu’à une suite d’équations censée représenter le comportment d’individus rationnels et maximisateur. Ok, admettons. Le mérite de la formalisation en économie est de pouvoir avancer des résultats exacts avec l’impossibilité de les remettre en cause parce qu’ils découlent d’une logique mathémathique. De plus avec les outils économétriques modernes, nous sommes capables de faire des prévisions précises sur les fluctuations de l’économie. Jusque là rien à redire, puisque si l’on accepte les hypothèses de départ, le résultat découle de lui même et il a même une valeur scientifique. Mais c’est justement là que le bat blesse, puisque ces hypothèses sont toutes sauf réalistes (ici je vais me baser surtout sur les modèles en économie du travail): – la rationnalité individuelle (je suis capable de calculer ce que me côute d’une heure de travail et le coût d’opportunité de mon loisir, de sorte à établir un arbitrage entre le travail et le loisir afin de "maximiser" mon utilité ; utilité qui je le rappel est exprimé sous forme monétaire, comme si + je consomme, + je suis heureux! si ce n’est pas un appel au matérialisme, je ne sais pas ce que c’est…)
    – des marchés en concurrence pure et parfaite, à oui et ça existe où ça? Surtout quand on sait que la libre circulation des capitaux a au final facilité non pas l’atomicité des agents comme la théorie le souhaite, mais bien les oligopoles qui créer une asymétrie de pouvoir entre les différents acteurs du marché
    – la monnaie est neutre, très bien ça fait plus d’un siècle que l’on pense comme ça alors que l’on sait que la monnaie est avant tout demandé pour elle même, car elle a ses propers vertus.

    Enfin sur le plan académique, il ne faut pas oublier que l’ultradomination de la formalisation mathématique et de la réhabilitation du point de vue orthodoxe notamment sur les questions du chômage (WS-PS et compagnie…ou les syndicats ne cherchent qu’à augmenter leur rente de situation sans s’occuper des taux de salaires trop élevés qui crées du chômage en masse ou encore le modèle de Shapiro-Stiglietz et ses suivants, dans lesquelles le travailleur est avant tout un "tire au flanc" voir même un fainéant !) n’est qu’un effet de mode qui dure certes depuis une vingtaine d’années, mais qui fut précédé une période de domination de la pensée macroéconomique keynésienne. Cette dernière a été remise en cause suite à la crise économique des années 70 et depuis ce temps les prescriptions économiques se résument à la déregulation et à l’austérité salariale. Comme si l’offre devait donné le La sur toute l’économie. Pourtant de nombreux pays en dévellopement ont appliqué ces recettes en échange de fonds structurels ou d’aides diverse distribués par le FMI ou l’OMC. Résultats des courses, une crise bancaire en Argentine en 2002 qui a mis des millions de personnes dans des situations humaines catastrophiques ou bien encore au Brésil où la croissance économique a été la plus faible (après Haiti)de l’Amérique Latine durant les années 90’S. Le keynésiannisme est-il mort? A regarder outre-atlantique on serait tenté de dire non. Alors que l’Europe est une des zones économiques où la croissance est la plus faible et où la Bnaque Centrale n’a comme unique objectif la lutte contre l’inflation, les Etats-Unis, eux, se sont dotés d’une politique monétaire et budgétaire expansionniste qui ont permis de tirer la consommation et l’investissement qui sont les seules vrais leviers de la croissance américaine. Les questions de flexibilité dans la fixation du salaire et dans les règles d’embauches du personnel ne sont que secondaires dans ce cas. D’ailleurs j’aimerais ajouter que les pays européens qui s’en sortent le mieux, c’est à dire le Royaume-Uni, la Suède ou le Danemark sont des pays qui ne sont pas sommés de respecter les critères de Maastricht.
    Alors est-ce l’offre ou la demande qui tire la croissance? Je pencherais évidemment pour la seconde solution…Alors on pourra me dire "oui, mais ces politiques sont inflationnistes?" je vous répondrais non si l’on considère que l’inflation n’a pas comme origine une émission trop importantes de liquidité sans contrepartie, mais que son origine est à chercher du côté des facteurs de production (coûts des matières premières, augmentation des salaires supérieures au gain de productivité…). Je vous renvoie ici au répères sur L’Economie Postkeynésienne de Marc Lavoie pour approfondir ces questions et ainsi proposer d’autres solutions que celles proposés par l’économie formalisé (néo)classique. Au final, je dis les maths oui, mais le reste aussi !

    Réponse de Stéphane Ménia
    Il semble que vous n’ayez rien compris à ce que défend l’auteur de ce texte. Il est absent en ce moment. Mais je doute qu’il vous réponde à son retour.

  36. Au lieu de perdre mon temps dans je ne sais quelle discussion, car sachant que quoiqu’on dise la science "funeste" qu’est l’économie ne changera pas parce X ou Y a signé…Moi, je cherche plutôt à apprendre les maths qui me serviront dans cette science que nous aimons et la meilleure sans doute. Qu’est-ce qui revient souvient dans l’économie qu’il faut impérativement apprendre par coeur.

  37. M. Delaigue, c’est avec consternation que je prends connaissance de ce blog, grace à un de mes étudiants. Il est dommage de voir un exposé aussi faible de la valeur scientifique de l’économie néoclassique, car des économistes néoclassiques qui savent défendre leur paradigme celà existe. or votre lettre est presque tout le contraire… Concernant l’appel des étudiants, il est clair qu’il ne s’agit pas d’une agitation d’un ensemble de marxisants, mais bien d’une question profonde dans notre discipline: celle du sens. Au fait, le travail d’un universitaire tel que vous, n’est-il pas de passer de la question que l’on pose à la question qui doit se poser, c’est-à-dire problématiser l’appel des étudiants ?

    Sur le fond, la problématique est simple: la théorie épistémologique de la symétrie est-elle valide en économie ? Ma réponse est évidemment négative. La vôtre est certainement positive. De celà il serait intéressant de parler, et non pas autour d’arguments qui frôlent le déni et la caricature (tous les étudiants qui se posent des questions sont-ils de fait des marxisants, des révolutionnaires? Pour moi, ils sont d’abord de bons étudiants car se questionner c’est déjà avoir accès au savoir).

    Réponse de Alexandre Delaigue
    Sur le fond, la problématique est simple : avez-vous vraiment lu avant de poster ce commentaire?

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