Jeu de l’été (1) [réponse postée]

Un petit jeu économique pour faire marcher les neurones sur la plage.

Un orchestre symphonique prévoit de faire deux concerts. Le premier comporte de la musique de Berlioz et Tchaikovsky, le second, Bartok et Stravinsky. Le public est composé de quatre groupes comportant chacun 100 personnes. Il n’y a pas de limitation de places dans la salle de concert.

– Le premier groupe est composé d’amateurs de la période romantique. Ses membres sont prêts à payer chacun 40 € pour assister au premier concert, 20€ pour le second.

– Le second groupe est composé d’amateurs de musique néoclassique, et sont prêts à payer chacun 20€ pour le premier concert et 40€ pour le second.

– Le troisième groupe est composé d’amateurs de Tchaikovsky. Ils sont prêts à payer 45€ pour le premier concert mais seulement 5€ pour le second.

– Le quatrième groupe est composé d’amateurs de Stravinsky. Ils sont prêts à payer 45€ pour le second concert mais seulement 5€ pour le premier.

Sachant que l’orchestre veut réaliser la meilleure recette possible, quelle politique de prix lui recommanderiez-vous?

EDIT : Bravo à tous les participants. Comme beaucoup l’ont trouvé, la solution optimale pour l’orchestre consiste à vendre à des prix différents des billets joints pour les deux concerts (au prix de 30€ par concert, soit 60€ le billet joint) et de faire payer 45€ les billets séparés pour chaque concert : il en résulte une recette de 21 000€. En l’absence d’une telle tarification, le prix unique optimal des billets est de 40€, permettant de réaliser une recette de 16 000€. Cela appelle quelques remarques.

– Cet exemple permet de comprendre la tarification adoptée, dans la réalité, par les organisateurs de spectacles, comme les opéras, les concerts, voire certaines manifestations sportives. Comme il y a un public prêt à venir à tous les évènements, mais aussi des évènements susceptibles d’attirer un public particulier, la tarification optimale consiste à trouver des techniques pour pratiquer une discrimination tarifaire entre les différents types de public. Au total, les gens paient des prix différents pour voir la même chose. On notera que cela impose un certain degré de monopole de la part du producteur : un concurrent, en pratiquant un tarif de 40€ pour chaque concert, rendrait impossible cette stratégie de prix.

– Cette solution est optimale pour l’organisateur du spectacle; elle est aussi optimale du point de vue du public. Personne n’est forcé d’aller au spectacle s’il n’en a pas envie, et cette solution permet de maximiser la recette de l’organisateur; or le problème de la maladie des coûts fait que les spectacles coûtent de plus en plus cher, et les économies d’échelle font que trouver des solutions pour attirer le plus de public possible en pratiquant la discrimination tarifaire permet d’abaisser les coûts en les faisant supporter par plus de gens. Au total la population dans son ensemble, grâce à la discrimination tarifaire, paie moins cher pour que ce service soit offert.

– C’est aussi pour cela que la décision des autorités européennes d’interdire aux compagnies de téléphone portable de faire payer cher les appels transfrontaliers est une très mauvaise chose pour les consommateurs. Pour le comprendre, il faudrait modifier un peu le problème, mais le phénomène est le suivant. Si les compagnies doivent pratiquer un prix unique pour toutes les clientèles – celles qui passent des appels transfrontaliers et les autres – leur profit va baisser. Or dans le même temps leur position concurrentielle avantageuse n’a pas changé, elles ont toujours le pouvoir de monopole qui leur a permis initialement de pratiquer ces tarifs discriminés. Pour reconstituer leurs profits, elles vont donc s’empresser d’élever leurs tarifs pour l’ensemble des consommateurs. Au total, ceux qui auront gagné dans l’opération seront les fonctionnaires européens (qui font beaucoup d’appels transfrontaliers), et ceux qui auront perdu sont les consommateurs qui font peu d’appels transfrontaliers.

– Cet exemple est extrait de “the economic naturalist” de Robert H. Frank.

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Alexandre Delaigue

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20 Commentaires

  1. Peut-etre:

    60 euros pour assister aux deux concerts, et 45 pour assister a un seul?
    Ca donne une recette de 210, si je ne m’abuse.

    Mais peut-etre qu’il y a plus malin?

  2. 45 le concert, mais discount à 60 seulement pour les deux.
    200×45 + 200×60 = 200×105 = 21000.

  3. Je dirais, a vue de nez, un tarif preferentiel pour 2 concerts permettant d’attirer les 2 premiers groupes, et un tarif pour 1 concert qui tire ce qu’il peut des deux autres groupes (il ne me semble pas rentable de chercher a attirer les 2 derniers groupes aux 2 concerts)

    donc 45 l’un, 60 les 2.

    Voire, attend. Si une enquete de marche complementaire montre que les "groupes" sont en fait des membres de couples ou de groupes d’amis repartis entre les groupes (genre des couples groupe1/groupe3 et groupe2/groupe4), un forfait 110/2personnes/2concerts peut avoir du succes ;-D

  4. Comme ça, par intuition sans trop réfléchir, je ne vends que des billets donnant une place pour les deux concerts à 50 euros.
    Les individus des groupes 1 et 2 sont prêts à débourser 30E par concert, tandis que pour les groupes 3 et 4 c’est 25 euros. Logiquement je fais venir tout le monde non ? Mais c’est peut être de la triche…

    L’autre solution, qui revient au même c’est de faire payer la place 40 euros pour un seul concert mais de faire une réduction pour celui qui prend une place pour l’autre concert et de faire payer cette dernière 20 euros.

    Dans les deux cas ça fait 20000 euros de recette.

  5. Je proposerais de faire payer 40 euros pour un billet, 50 euros pour deux billets. Tout le monde achètera deux billets, soit 20000 euros de recette totale.

  6. Je ferais une entrée 1 concert: 40€ et un abonnement 2 concerts à 50€. Mais sans connaitre d’équations, juste du bon sens campagnard…

  7. 40 euros par concert (=> 160 euros de recettes) ou des forfaits de 50 euros pour 2 concerts (=> 200 euros)

  8. En supposant que le coût marginal d’un spectateur est zero (la salle est chauffée de toute façon, le nombre de musiciens ne varie pas en fonction du noimbre de spectateurs, etc.), un calcul bête et méchant me donne qu’un ticket à 40E (ou 39,99E) semble optimal pour chaque concert.

    Sinon, si c’est possible, on peut aussi ne vendre qu’un ticket combiné pour les deux concerts, à 50E (ou 49.99E). Là c’est vraiment banco, à condition que ce billet ne soit pas transférable après un concert (sinon, des magouilles coopératives sont potentiellement possibles entre spectateurs).

    LSR

  9. 40€ pour le premier concert et 20€ pour le second (avec 40€ on a la même recette mais une salle plus vde…), pour une recette de 16000€. J’ai bon ?

  10. Bêtement (c’est à dire en n’ayant réfléchi que quelques minutes avant même de partir à la plage) je propose de mettre en vente 2 types de billets. Des billets à 45€ qui permettent d’assister à un concert, et des billets à 60€ qui permettent d’assister aux 2 concerts.

    Ainsi, les personnes qui trouvent que "45€ c’est trop cher pour 1 seul concert" (c’est à dire les 2 premiers groupes) auront tendance à dépenser 60€ pour en voir deux (puisqu’ils sont prêt à dépenser 40+20€). Et le public des troisième et quatrième groupes se contentera vraisemblablement de simples billets à 45€.

    En même temps je ne suis pas économiste…

  11. 40€ je pense pour les 2 concerts.

    Avec 20€, il touche plus de personnes (20 x 300 x 2 = 12 000), mais 40€ compense largement la perte d’un groupe aux concert (40 x 200 x 2 = 16 000)

  12. 1. Vente groupée des deux concerts.
    Le prix de réservation du pack 2 concerts est donc de 60 euros pour 200 personne et de 50 euros pour 200 autres personnes.

    2. Mise en vente de 200 packs au prix de 60 euros accompagnée d’action de communication ciblée à destination des amateurs de musique romantique et néoclassique.

    3. Une fois cette vente bien engagée, mise en vente d’un nouveau lot de 200 packs au prix de 50 euros accompagnée d’action de communication ciblée à destination des amateurs d’artistes dont le nom se termine pas "sky".
    En cas de questions de la part des acheteurs du premier lot, on expliquera que les 200 packs mis en vente à 50 euros concernent des places à moins bonne visibilité / qualité sonore.

  13. A priori, j’aurais dit comme tout le monde, 45 euros pour assister à un concert, 60 euros pour assister au deux. Recette de 21000 euros, 300 spectateurs à chaque concert.

    On peut aussi imaginer un billet "dernière minute", à 5 euros pour faire venir 400 spectateurs, et faire 1000 euros de plus. Mais il faut que les 300 premiers spectateurs ne soient pas au courant de la promotion, sinon ils attendraient le dernier moment pour économiser…

    On peut aussi regarder ce qui se produit si on change la programmation: un B-concert (Berlioz + Bartok) et un sky-concert (Stravinsky + Tchaikovski). L’attitude des deux premiers groupes changerait un peu, ils seraient probablement prêt à payer 30 euros pour chaque concert, tandis que les deux derniers groupes payeraient 5 euros pour le B, 45 euros pour le sky. Une politique de "30 euros pour un billet B", "45 pour un billet sky" et "60 pour un billet B+sky" serait optimale. La recette serait de 21000 euros aussi, donc il n’y aurait pas d’avantage particulier à agir comme cela. Mais ça permettrait de constater que le B-concert rapporterait moins que le sky-concert. On pourrait alors décider de ne faire qu’un concert, le sky-concert, à 30 euros la place, soit 12000 euros de recettes. Ce qui est supérieur à la moyenne par concert des précédentes solutions à 21000/2 = 10500 euros… Si les couts de l’orchestre sont majoritairement proportionnels au nombre de concerts, et non fixes, les organisateurs peuvent préférer cette solution, et occuper leur soirée de libre à faire une publicité ou à tailler le gazon, selon leur avantage comparatif par rapport à Zinédine Zidane.

  14. Clairement, le spectateur est ici aliéné des moyens de production musicale, alors que l’orchestre obéit à une logique d’accumulation de capital musical.

    Comme politique des prix je propose donc d’éliminer les musiciens exploiteurs par une révolution, et de créer des orchestres populaires avec les instruments réquisitionnés.

    Tout le monde pourra jouer et écouter ce qu’il souhaite, gratuitement, et la musique sera de bonne qualité, car en se débarassant du carcan socio-économique actuel les gens ordinaires pourront se consacrer à la pleine mise en valeur de leurs talents.

  15. Est-on certain que les hypothèses de départ du problème représentant adéquatement la situation réelle ?

    Après tout, choisir d’aller ou non à un spectacle se fait dans le cadre de la gestion de la ressource la plus traditionnellement limitée d’un individu : ses revenus.

    Alors, peut-on prétendre représenter le réel en imaginant qu’il "est prêt à payer X pour telle prestation" et "Y pour telle autre, indépendamment du fait qu’il ait ou non payé X pour la précédente" ?

  16. Pour gratter quelques profits supplémentaires, le directeur de l’orchestre ne pourrait-il pas licencier quelques instrumentistes sous-utilisés (cymbalistes, trianglistes (?), piccolistes), supprimer quelques mesures (voire quelques notes et silences) inutiles dans des partitions roboratives, et redéployer quelques instrumentistes pléthoriques (violonnistes, flutistes) ? Ceci permettrait de gagner du temps, et de proposer par exemple, dans la même tranche horaire, un concert supplémentaire de musique de chambre pour une modique somme marginale qui contenterait les mélomanes les moins fortunés, ou les moins avertis ou les moins disposés marginalement à payer ? Quand l’économie rencontre la musique, qui osera dire que c’est casse-noisette ?

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