La réforme du bac et les SES en particulier

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Le rapport Mathiot préconise une réforme de l’examen du bac dont vous avez entendu parler. Dans un scénario de refonte, le traitement des SES serait modifié, en isolant différentes matières. Ça va être la bonne hystérie.

Le bac en contrôle continu, c’est la fin de l’égalité républicaine ?

Si votre idée est de dire que le bac ne sera plus le même selon l’établissement où vous l’aurez passé, vous avez raison. Mais, vous auriez pu le dire avant, c’est déjà le cas. Distinguons néanmoins deux cas de figure. Dans le premier cas de figure, vous arrêtez vos études après le bac. Dans ce cas, la nouvelle mouture pourrait bien être discriminante, en effet. Dans le second cas de figure, vous voulez continuer vos études et ce qui compte est d’accéder à une filière dans le supérieur. Dans ce cas, pour toutes les filières sélectives, vous êtes déjà discriminés. Les recrutements sont faits avant les résultats du bac en juillet, si bien que l’on se fie à vos notes de 1ère et terminale. Et j’ai une nouvelle dingue à vous annoncer : les membres des commissions de recrutement savent que 15 dans un lycée, ce n’est pas 15 dans celui d’à côté. À notes (et comportement) identiques, on prendra le candidat venant  du lycée le mieux coté. Affaire réglée. Enfin, pas totalement. Selon Le Monde,une des propositions du rapport Mathiot est la suivante :

“En terminale, le changement proposé par le rapport Mathiot consisterait en deux épreuves au printemps (sur les deux majeures), et deux épreuves en juin, un grand oral et une épreuve écrite de philosophie, qui elle aussi pèse dans le total des résultats pour 10 % pour tous les candidats.”

Si le printemps arrive suffisamment tôt, il devient techniquement envisageable de procéder aux recrutements sélectifs en s’appuyant sur les notes des deux épreuves majeures. Une très bonne chose pour les élèves qui pourraient être injustement discriminés. Mais, pour être franc, je doute que le timing colle.

La question des SES

Deux scénarios seraient envisagés pour la refonte des bacs généraux : celui avec un tronc commun et des spécialisations et celui avec une fusion bac ES-L. Le second est absurde, puisqu’il s’agirait juste de “mettre un terme au déclin de la série L”. Bah, tiens, et puisque la série ES n’est pas autant valorisée que la série S, en vue de prévenir son déclin, je suggère de fusionner les S et les ES (fusionnés avec les L). Retour au tronc commun.

Pire que ça, il se murmure qu’on pourrait aller plus loin encore dans le traitement des SES :

“La question du sort des sciences économiques et sociales (SES) est majeure. Jean-Michel Blanquer va-t-il les maintenir en un seul bloc ou les scinder en différentes disciplines – sciences économiques, sciences politiques, droit… -, et ainsi faire coïncider les disciplines du lycée avec celles de l’enseignement supérieur ? « Il faut des disciplines permettant à l’université de savoir si les attendus (prévus par Parcoursup, NDLR) sont au rendez-vous ou pas », décrypte une source bien informée qui se demande toutefois « si le ministre va aller au charbon avec l’APSES, car une césure des sciences économiques et sociales ne se ferait pas sans cris ni heurts »”.

Où est le drame, en façade ? Qu’un élève de terminale ayant des majeurs scientifiques ou littéraires puisse suivre un enseignement mineur de sciences politiques sans pour autant passer par un cours formalisé d’économie ou de sociologie ? Je trouve cela très bien. Ce n’est pas parce qu’on est très intéressé par les rouages institutionnels de la démocratie qu’on doit se taper des heures de cours sur la croissance économique ou la sociologie de Durkheim. Inversement, si on a des envies de connaître davantage ces deux éléments, on n’a pas à renoncer à faire des sciences parce qu’il faudrait faire un choix entre sciences dures et sciences sociales. Si tout ceci est destiné à ouvrir, c’est parfait. En d’autres termes, la cohérence inaliénable des sciences sociales, je n’y crois pas. On doit pouvoir faire quelque chose d’intelligent avec un découpage plus spécialisé.

Après, il y a les doutes sur les raisons d’un tel découpage. Raisons qui ne sont pas forcément fondées sur mes fantasmes d’éducation ouverte et de soif de connaissance. Allons à l’essentiel : ce serait une énième offensive des milieux patronaux et conservateurs pour faire sauter la citadelle des profs gauchistes de SES qui ne font que dire du mal de l’entreprise, dans un monde pourtant globalisé où la concurrence fait rage. Il ne fait aucun doute que certains se frottent les mains et qu’ils ne doivent pas voir leurs projets menés à bien. Je n’en dis pas plus, j’en ai parlé moult fois. Néanmoins, je vois, sans naïveté aucune, une possibilité de les mettre en échec par le haut.

Même si les projets sont moins clairs sur ce point, le bac technologique serait-il partiellement fusionné avec le bac général ? Des passerelles sont envisagées :

“La distinction entre baccalauréat général et technologique serait maintenue, mais avec des passerelles (majeures partagées, cours communs…). Ce système de majeure-mineure s’appliquerait également aux enseignements technologiques.”

Encore une fois, où serait le drame si un élève ayant une majeure en économie (ancienne version ES) décidait de suivre une mineure en droit (privé), chose impossible actuellement, les enseignements systématiques de droit étant réservés aux élèves de STMG ? Oh, et puis, chose dingue… que dire d’une ou d’un élève en majeure littéraire qui aurait l’outrecuidance de suivre un cours de comptabilité, parce que son rêve est de monter une librairie plus tard ?

Pour finir sur ce point, rions un peu avec la justification d’un découpage des matières de SES ayant pour vocation d’évaluer le niveau réel des élèves en vue de la poursuite d’étude à l’université. Si on n’a pas fait de droit au bac, mais des maths, de la socio, de l’éco (ou que sais-je ?), ne pourra-t-on pas briguer une inscription en fac de droit ? Là où je me moquais des “transdisciplinaires des SES”, je vais me moquer des “tout spécialité”. Les gains à attendre de ce fléchage seront probablement très faibles ; les coûts potentiellement élevés. Et qu’on me montre que les notes en droit ou en économie au lycée sont un prédicteur des notes à la fac… Discours sans aucune crédibilité : une note globale de SES sera un aussi bon prédicteur du potentiel de réussite.

La fin des filières, un drame ?

Pouvoir vagabonder entre des pôles différents à 16 ou 18 ans est une très bonne chose, quitte à être malgré tout un peu fléché. Puisque la conception à l’ancienne des options n’est plus d’actualité, il faut penser différemment pour atteindre cet objectif. L’obsession de la spécialisation, à un âge où beaucoup en sont incapables et d’autres ne le veulent simplement pas, est une catastrophe. Remettre les uns et les autres dans un tronc commun au lycée serait un progrès.

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2 Commentaires

  1. « Il faut des disciplines permettant à l’université de savoir si les attendus (prévus par Parcoursup, NDLR) sont au rendez-vous ou pas »,
    L’argument auquel personne ne croit !
    A ce compte là il faudrait aussi séparer l’histoire et la géographie.

  2. Il faut mettre du citron dans sa bière pour adoucir.
    Le tronc commun est une très belle idée mais n’est pas concevable dans le monde actuel, trop de chose à apprendre dans le savoir d’aujourd’hui.
    C’était plus facile il y a deux siècles.

    Vous seriez un très bon précepteur plutôt qu’un professeur dans une classe de 30 ou 40 élèves.

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