L’inflation, c’est pô bien


La Banque centrale européenne vient de publier un kit pédagogique sur la stabilité des prix et son rôle pour maintenir celle-ci. L’ensemble est composé d’un dessin animé de 8 minutes (version quicktime… des versions realplayer et media player sont aussi disponibles), et d’un livre de l’élève et du professeur. Le dessin animé est, disons, gentillet. On ne manquera pas de trouver des gens pour qualifier tout cela d’odieuse propagande monétariste.

Pour ma part, je trouve un peu dommage d’entretenir le sophisme selon lequel l’inflation génère une perte de pouvoir d’achat – ce qui est inexact pour une économie dans son ensemble. Il est assez étonnant aussi de voir la stabilité des prix présentée, sans discussion, comme “inflation à 2%”. Par ailleurs, je me demande aussi quel est le public visé (ce mélange de présentation enfantine et de discours un tantinet rébarbatif est un peu bizarre).

Dans un autre genre, pour ceux qui veulent savoir s’ils sont des traders dans l’âme, cette page permet de savoir si vous êtes capables de faire la différence entre une marche aléatoire et des cours boursiers réels. Et s’il vous reste du temps, vous pourrez même vous amuser avec cette illusion d’optique très intéressante.

(merci au toujours très précieux Mahalanobis pour tout cela; les commentaires sont ouverts)

Alexandre Delaigue

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9 Commentaires

  1. Le simple fait que la BCE ait pu commander un truc aussi incongru prouve le caractère autistique, et finalement dangereux de cette institution (soit dit en blaguant à moitié).

  2. "Par ailleurs, je me demande aussi quel est le public visé (ce mélange de présentation enfantine et de discours un tantinet rébarbatif est un peu bizarre)."
    helicopter ben…

  3. Outre le côté consumériste (le pauvre client avec son argent qui n’arrive plus à tenir son rapport de force favorable avec le boulanger, quelle déchéance….), on appréciera le fait que "les plus faibles sont les pensionnés, surtout ceux disposant d’économies dont la valeur est menacée par l’inflation" (il me semblait que l’intérêt des retraites par répartition était d’éviter la dépendance entre pensions et monnaie, mais bon…).

    Quand à la stabilité des prix qui créé la confiance, elle suppose que la consommation s’effectue majoritairement à crédit, ce qui suppose une économie particulièrement dynamique. Ainsi, ce n’est pas la stabilité des prix qui créé la prospérité, mais la prospérité qui donne au régulateur les moyens de juguler l’inflation… pour préserver les intérêts des "pensionnés et leurs économies" : sans effets secondaires, bien entendu : les remèdes monétaristes sont innoffensifs. Mais existe-t-il une autre raison d’entreprendre que l’ambition d’améliorer sa condition, par exemple, par rapport aux rentiers ? Et si l’inflation était la meilleure incitation qu’à travailler (et donc, enrichir le patrimoine collectif) plutôt qu’à vivre de ses rentes ?

    Les gens peuvent même perdre confiance en leur monnaie ? Diantre ! Et dire que je croyais que l’immobilier était redevenu le placement favori des français.

  4. econoclaste-alexandre : je n’aurais pas pensé qu’un choix politique explicite en faveur de la consolidation des inégalités entre les hommes, et notamment, entre les actifs et les inactifs et une politique pro-monétariste était une seule et même chose, mais j’en prends bonne note pour mes amis socialistes 🙂

  5. Alexandre: Je me suis restreint, sinon j’aurai devancé Glip. J’ai décidé de ne plus parler de la BCE, je m’énerve trop.

    Glip: Mais non, c’est pas un choix politique explicite. Quel esprit mal tourné! C’est juste un effet de bord… Bon, c’est vrai que TOUS les points d’une politique pro-monétariste pourraient passer pour un choix politique explicite en faveur de la consolidation des inégalités. Mais c’est juste un hasard…

  6. vulgos: Pour faire un peu people, j’avoue ne pas arriver à trouver un nom de récent défenseur un tant soit peu éclairé d’une politique pro-monétariste forte âgé de moins de cinquante ans. La conscience du capital dont on dispose, de la position sociale qu’on a pu atteindre, des dettes qu’on laisse derrière soi, de l’approche d’une période qu’on sait inactive mais qu’on espère heureuse, et de la misère du monde par dela les minces frontières de l’occident doit inciter à cette fascination pour l’immobilisme social.

    En attendant, j’irai méditer sur ces tombeaux wisigoth qui n’ont certes pas l’allure et la magnifiscence des ruines romaines, mais qui furent, pour l’essentiel, entièrement réalisés par les proches des utilisateurs de ces monuments et eux seulement.

    Bon : une question pour econoclaste : à part de dire "ça inspire la confiance", quel est le bénéfice collectif/social attendu de la stabilité des prix par les défenseurs du principe ?

  7. Pour tous ceux qui aiment le BCE-bashing, voici de quoi se nourrir :

    http://www.project-syndicate.org...

    Pour le reste, sans préjuger des facteurs qui déterminent la pensée d’un individu aussi notoirement incompétent que J.C. Trichet, voici quelques arguments qui expliquent pourquoi la stabilité des prix est une bonne chose.
    – le principal, c’est que les gens n’aiment pas l’instabilité des prix, et que l’inflation (ou la déflation d’ailleurs) les conduit à adopter des comportements collectivement nuisibles pour l’éviter, ou à subir à cause de l’instabilité des prix des phénomènes qui réduisent leur bien-être (exemple, acheter de l’immobilier ou de l’or plutôt que des titres, anticiper inutilement des achats, etc).
    – le second, c’est que l’inflation est un moyen très arbitraire et très peu satisfaisant de redistribuer les revenus. Si on vous prend les sous qui sont dans votre portefeuille pour les remplacer par ceux qui sont dans celui de votre voisin de métro, c’est une forme de redistribution, qui peut éventuellement aboutir à une distribution des richesses plus satisfaisante (ou pas), mais les conséquences à plus long terme sont assez ennuyeuses.
    – le troisième, c’est que c’est un moyen pour le gouvernement de financer des dépenses publiques tellement inutiles qu’il n’ose même pas augmenter les impôts ou s’endetter pour les payer.

    Le premier argument peut être contré en constatant que l’inflation pose certes des problèmes, mais qu’il faut arbitrer avec d’autres. Si passer de 2 à 3% d’inflation fait passer le taux de chômage de 20 à 10%, faut-il renoncer? ce à quoi il est possible de répondre que ce genre d’arbitrage ne se pose jamais dans ces termes en pratiques, et qu’assez rapidement les gens adaptent leur comportement si la banque centrale fait des politiques actives trop prévisibles. Bref, c’est un débat sans fin.

    Juste une dernière chose : je suis sans doute un vieux con mais je suis toujours effaré de constater à quel point, par exemple lors de cours, les gens oublient vite que l’inflation peut être quelque chose de terriblement pénible et nocif. Lorsque je raconte que l’inflation était à 15% en France en 1979, j’ai parfois l’impression d’apprendre à une vache à faire du vélo; quand on se replace dans le contexte de l’époque, les enjeux apparaissaient autrement plus clairement. Dans ces conditions, rappeler, même de cette façon un peu étrange, aux gens ce qu’est l’inflation et que si c’était là ils n’aimeraient pas, ne me paraît pas si inutile.

  8. Merci pour la réponse, qui exigera de ma part un peu de digestion.

    J’ai pour ma part vécu la période d’inflation à 15% et des prêts à 19% (j’étais encore très jeune travailleur, j’avoue) et j’avoue ne pas me souvenir de problèmes insurmontables que cela créait. Bien au contraire, l’économie m’y semblait fluide : on fabriquait vite on voulait vendre vite : zéro stock par nécessité (avant que cela ne devienne un dogme), quand aux investissements, de toute façon, les fabricants étaient bien obligés de vendre les machines à crédit. L’un des gros avantages que j’y voyais était que les boîtes mal gérées laissaient très vite la place à des acteurs plus efficaces sur les marchés. Et puis, après tout, renégocier les salaires tous les trois mois était pour le management une garantie de dialogue constructif permanent.

    Ceci dit, c’est juste pour pinailler : au sein de la zone euro, le scénario d’une grosse inflation est tout simplement inenvisageable. Il reste cependant possible (en rêvant très fort) que, sous l’effet de l’intégration du marché unique, l’usage des monnaies des états membres de l’U.E. sur le marché intérieur de la zone euro se developpe.

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