Immobilier parisien : le retour de la revanche du contrôle des loyers

Dans le cadre des zombies économiques, ces idées mortes depuis longtemps mais qui sortent de leur tombe à intervalles réguliers pour ravager l’existence des vivants, le contrôle des loyers est de retour. Un dossier dans le Libération d’hier nous indique que cette idée est au centre du programme socialiste pour le logement, et qu’elle tente de plus en plus à droite. Comme toujours, le contrôle des loyers est présenté dans une logique d’éthique de conviction, sur la base de grands principes généraux : “la liberté des prix a failli, puisque les loyers (notamment à Paris) augmentent à un niveau intolérable; il faut briser le tabou du contrôle des loyers”.

Mais quand on entre dans le détail des propositions sur le sujet, on ne voit que rejaillir les idées les plus idiotes, dont les effets pervers sont amplement, et depuis longtemps, connus et documentés. On se demande, à observer les politiques du logement, s’il faut se taper la tête contre les murs face à tant d’imbécilité, ou frémir devant tant de cynisme.

Si les loyers et le prix des logements augmentent à Paris, c’est pour une raison simple : une demande de logement à Paris très forte, et un nombre de logements qui n’augmente pas dans les mêmes proportions. Si le nombre de logements n’augmente pas, c’est qu’il n’y a guère de place à Paris pour accroître la construction. La technique permettrait d’y suppléer, en augmentant la hauteur des immeubles existant; cela est impossible étant donné la réglementation limitant strictement la hauteur des immeubles.

A la décharge du maire de Paris, on peut noter qu’il est favorable à un assouplissement de cette limitation, mais qu’elle se heurte à l’opposition des écologistes, avec un argument d’une invraisemblable stupidité : “l’incompatibilité avec le plan climat”. Il est vrai qu’obliger les gens à aller s’installer à des dizaines de kilomètres de la capitale, dans un pavillon lointain dont l’alimentation énergétique sera bien plus difficile que dans une ville dense, et avec l’obligation de se déplacer en voiture, c’est extrêmement écologique. Comme le rappelle Edward Glaeser dans son dernier ouvrage sur les villes, la densité est infiniment plus écologique que l’étalement urbain. Les citadins ont de courtes distances à franchir, desservies par transports en commun; un immeuble est bien plus facile à chauffer qu’un lotissement rempli de maisons individuelles.

Glaeser rappelle aussi que l’expérience historique montre que dans les villes dont l’espace est limité, qui ne peuvent pas s’étaler indéfiniment, le volontarisme est indispensable pour éviter qu’une ville attractive ne devienne réservée aux riches. Le prix de marché ne fait que refléter la rareté par rapport à la demande; mais la construction anarchique, laissée au secteur privé pour qu’il réagisse aux prix élevés, peut avoir des conséquences nuisibles. Pour Paris, on peut reconnaître que l’esthétique de la ville (et son attrait) réside dans l’uniformité Hausmannienne. Mais on oublie que cette uniformité a été atteinte par une politique extrêmement volontariste : 40% des anciennes constructions parisiennes ont été détruites à l’époque de Hausmann. Voici ce que pourrait être une politique active du logement à Paris :

– Fusion de Paris intramuros avec les communes de la petite ceinture. La superficie de Paris est trop petite; transformer la petite ceinture en arrondissements permettrait de dégager des espaces, et de concevoir une politique générale. Cela permettrait enfin une politique des transports en commun parisiens faite pour les résidents. Et supprimerait les incitations Nimby des élus parisiens, dont l’élection dépendrait aussi de ceux qui subissent les conséquences de leurs aveuglements.

– Des expropriations : elles sont indispensables à une politique volontariste de construction de logements, tout en préservant les quartiers qui doivent l’être. Et permettrait de lancer la construction de grands ensembles de logements là où ils sont nécessaires, plutôt que là où il reste de la place. Et de détruire les logements insalubres et répugnants qui constituent l’ordinaire du locataire parisien.

– Des constructions de logements en grande hauteur, parce qu’il n’y a que dans ce sens qu’il est possible de dégager de la place.

Tout cela n’a rien de très original – c’est ce qui a été fait à l’époque de Hausmann, et en réaction à la crise du logement dans les années 50. Et cela aurait le mérite de toucher le vrai problème. Inutile de dire que la probabilité d’un tel scénario est égale à zéro. Il est beaucoup plus confortable de gémir contre le méchant marché qui opprime les locataires, et de se contenter d’une politique urbaine qui transforme doucettement Paris en Venise à guinguettes.

Alexandre Delaigue

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8 Commentaires

  1. @ Laurent (49)

    "Je pense que la redensification de l’habitat par les occupants eux même (vivre à 2 couples dans un seul logement par exemple) est une solution que chacun est libre d’envisager."

    Très drôle !

    C’est comme ceux qui dorment sur le trottoir : ils étaient libres de ne pas naître.

    Plus sérieusement, vous oubliez un peu vite que la surocuppation des logements n’est pas toujours autorisée, loin de là.

    1) Elle peut être interdite par le propriétaire,
    2) elle l’est presque toujours par la CAF,
    3) et il y a même, de plus en plus souvent, des familles qui se voient retirer la garde de leurs enfants à cause de cela, une plaisanterie pas drôle du tout qui coûte très cher à la collectivité, humainement et financièrement.

    Vous oubliez encore que les enfants qui n’ont pas le moindre centimètre carré de tranquillité et d’intimité pour faire leurs devoirs sont vite perdus, et définitivement, pour la fameuse économie de la connaissance dont on nous rebat les oreilles.

    Vous oubliez aussi que si tant de jeunes adolescents traînent dans les rues et dans les halls d’immeuble jusqu’à des heures si tardives, suscitant l’exaspération des bons bourgeois, l’édiction de couvre-feux discriminatoires et le vote de lois répressives, c’est généralement pour permettre aux plus jeunes, tant qu’ils ne sont pas encore perdus eux-mêmes, de faire leurs devoirs tranquillement.

    Pour toutes ces raisons, permettez moi de vous dire que la désinvolture avec laquelle vous passez par pertes et profits les victimes des normes d’urbanisme malthusiennes et tournez en dérision l’idée même de liberté, valeur fondatrice de la République et indispensable à la paix civile, me heurte profondément.

  2. @ gdm (50)

    "La possibilité, pour l’État, de réquisitionner un logement vide est laissé à l’arbitraire de l’État. Cette réquisition est donc imprévisible. C’est donc une mauvaise règle juridique."

    L’état a encore le droit de réquisitionner les véhicules, les moyens de communication et même la nourriture pour faire face à des situations telles que guerres, famines, catastrophes naturelles, enfin des calamités d’une gravité comparable à la pénurie de logements.

    Ces évènements étant imprévisibles, la réquisition l’est aussi.

    C’est donc une mauvaise règle juridique ?

    Vous objecterez que la terrible pénurie de logements qui écrase et désespère le peuple français n’avait rien d’imprévisible, puisqu’elle a été provoquée par les normes d’urbanisme malthusiennes, et avait été annoncée dés le début par les rares voix qui ont osé s’y opposer.

    Mais le fait qu’un incendie ait été allumé volontairement par un criminel ou un pyromane dispense-t-il les pompiers du devoir de le combattre ?

    "Un but d’une loi est de réduire l’incertitude sur le droit de chacun"

    A votre avis, les normes d’urbanisme malthusiennes réduisent elles, ou aggravent elles au contraire, l’incertitude qui règne sur le droit des enfants d’aujourd’hui à trouver demain un logement, un travail, enfin une vie digne de ce nom, quoi ?

  3. Bonjour,

    En fait, est-ce que Paris ne serait pas le parfait reflet de ce que vivent les citoyens "entre-deux" (habitant gagnant le salaire médian, imposé de façon inégalitaire par rapport aux tranches inférieures et supérieures ne lui donnant droit à aucune aide sociale ou réduction d’impôt) dans la France actuelle ?

    Les habitations à Paris sont réservés aux vraiment riches et aux vraiment pauvres, aucune place pour les "entre-deux".

    L’une des propositions qu’il faudrait absolument prendre (mais que je sais qui n’aura aucune chance because organisations étudiantes extrémistes gauchistes), c’est d’interdire à un étudiant de pouvoir venir dans une autre région que la sienne quand celle-ci lui propose le même cursus (et je ne parle même pas de la mauvaise sélection dans les établissements publiques supérieures). Déjà que le taux de réussite est de 50%.

    D’ailleurs une fois finie leur cycle d’études, ces étudiants restent dans leur logement car ils connaissent leurs chances d’être sur Paris même, afin de diviser leurs temps de transports et d’augmenter leur chance d’embauche.

    Je pense que l’un des problèmes adjacents et que nombre de maires en Ile-de-France accueillent des programmes immobiliers mais oublient tous ce qui va autour comme des transports renforcés (surtout si c’est déjà bien dense) et l’agrandissement des établissements scolaires.

    J’ai lu dans les commentaires que certains demandent une capitale administratif et une autre économique. Dans un idéal, je serai plutôt pour. Mais pourquoi ne pas avoir des capitale universitaire (avec une synergique intelligente des moyens) autre que les deux autres capitales ?

  4. Bonjour I’m An Angel

    "L’une des propositions qu’il faudrait absolument prendre (mais que je sais qui n’aura aucune chance because organisations étudiantes extrémistes gauchistes), c’est d’interdire à un étudiant de pouvoir venir dans une autre région que la sienne quand celle-ci lui propose le même cursus"

    Parce que s’il reste toujours au même endroit, il pourra se passer de logement, peut-être ?

    Vous proposez purement et simplement d’abroger la liberté de circulation et la liberté du travail (dont fait partie celle de choisir le lieu de ses études) et pour quoi ? Pas pour résorber la pénurie de logements, non, seulement pour la gérer, la déplacer, refiler le sparadrap à quelqu’un d’autre !

    Surtout ne pas résorber la pénurie, surtout ne pas combattre la peste, ne pas soigner, ne pas guérir, jamais ! Non, il faut répandre la peste partout.

    "D’ailleurs une fois finie leur cycle d’études, ces étudiants restent dans leur logement car ils connaissent leurs chances d’être sur Paris même, afin de diviser leurs temps de transports et d’augmenter leur chance d’embauche."

    Et ce ne sont pas des motivations parfaitement légitimes et honorables peut-être ?

    Je croyais que les pouvoirs publics plaident inlassablement pour inciter les jeunes à se donnent toutes les chances de trouver du travail, et pour que les français changent leurs comportements et leurs habitudes afin de diminuer les gaspillage des ressources non renouvelables et les émissions de gaz à effet de serre.

    Ceux qui se battent de toutes leurs forces pour loger à Paris font exactement ce que l’intérêt national exige qu’ils fassent, ce que la société attend d’eux très officiellement, et ils devraient en être félicités.

    Ceux qui par contre se battent pour retarder l’indispensable résorption de la pénurie de logements, qui passe par l’abolition immédiate et définitive des normes d’urbanisme malthusiennes, sont les ennemis de la France, pas seulement ceux du peuple français.

  5. borderal > merci d’avoir pris le temps de me répondre.

    Le publique interdit déjà auparavant le non-choix par sa carte scolaire. Pourquoi cela s’arrêterait à l’université ?

    Tu ne trouves pas logique que si je souhaite étudier "Histoire de l’art" ou faire une licence en une langue (anglais par exemple), on ne privilégie pas sa propre région ? Alors qu’un étudiant potentiel habitant sa région pourra être recalé car il s’est fait prendre sa place ?

    Sans habiter une région différente, des établissements publiques (préparant une spécialité enseigné dans très peu d’endroits) m’ont purement refusé (et cela a été dit face à face) car j’habitais pas dans la même zone de découpage sans pour autant que je puisse être plus proche en temps de trajet que certains candidats faisant partie de la dite zone. Étonnant, non ?

    Est-ce que le problème étudiant n’est pas dû à la non-construction de campus d’habitation ?

  6. Bonjour I’m An Angel

    Bien sûr, quand il y a plus de demandeurs que de places, il est normal de donner la priorité à ceux qui viennent du coin, cela ne me choque pas, mais :

    -ce n’est pas la même chose que d’interdire purement et simplement la mobilité dans tous les cas,
    -cela ne résout pas le problème des jeunes qui ne peuvent pas produire de justificatifs prouvant qu’ils habitent ici et pas là pour la bonne et simple raison qu’ils n’ont encore jamais réussi à trouver un logement autonome, ils sont donc de nulle part, comme ces SDF à qui ont demande de prouver qu’ils sont parisiens et pas marseillais ou l’inverse,
    -cela ne fera pas plaisir aux jeunes étrangers qui veulent étudier en France ni aux français qui veulent étudier à l’étranger.

    Bien entendu, il ne fait aucun doute qu’il y a un énorme retard dans la construction de résidences universitaires.

    La carence du CROUS est indéniable, ancienne et scandaleuse. Mais elle n’explique pas pourquoi le secteur privé n’en profite pas pour construire massivement les studettes que le CROUS refuse de bâtir !

    On en reviendra donc toujours au problème des normes d’urbanisme malthusiennes : si personne ne construit rien, c’est parce qu’on n’a pas le droit de construire. Aucune autre explication ne résiste à l’analyse.

    Et de toute façon, les normes d’urbanisme malthusiennes sont dans tous les cas indéfendables, puisque si elles n’étaient pas nuisibles, cela voudrait dire qu’elles n’auraient aucun effet, et donc qu’elles seraient quand même inutiles.

  7. Généralement, je ne suis pas trop en désaccord avec le Ténardier du coin, mais quand même : faudrait un peu sortir de l’enceinte du périphérique. Même au cul des vaches, les loyers ont augmenté bien plus vite que les salaires, alors qu’on n’a pas de problème de densité de population. Tout simplement aussi parce qu’il y a eu décrochage ces dernières années entre les revenus du capital et ceux du travail et que la spéculation immobilière se retrouve forcément dans les comptes des bailleurs. Sans côté une certaine cupidité.
    Mon proprio a simulé une vente de sa maison (avec son fils) pour pouvoir nous donner congé et relouer derrière 50% plus cher le même bien. Parce que ses enfants des grandes villes lui ont bien expliqué qu’il ne faisait vraiment pas assez d’argent sur notre dos… après 6 ans sans aucun défaut de notre part, on l’assez mal vécu. Et on a dû reprendre un logement 50% plus cher que l’ancien locataire, sans amélioration ni du logement, ni de nos revenus.

  8. L’explosion des prix à Paris est lié à deux phénomènes:
    – les taux déraisonnablement bas depuis 10 ans
    – le blocage du PLU comme vous le dites si bien + autres contraintes.
    Bref, on est pas dans un marché classique offre demande, j’estime donc que le blocage des loyers se justifie amplement. Ca s’appelle la réglementation et ca minimise les dégats causé par les bulles spéculatives comme celles aux US.
    Tes solutions sont bonnes mais elles impliquent que le maires aillent tous dans la même direction, or on sait très bien que c’est les premiers à jouer le jeu de leurs électeurs propriétaire en contraignant le PLU.

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