Imbécile chasse aux "spéculateurs"

Puisqu’il paraît qu’il faut faire la chasse aux dépenses publiques inutiles, un bon candidat serait d’éviter de perdre le temps des services de renseignements pour “lutter contre la spéculation”, voire “taper sur les doigts de tous ceux qui se comportent mal”. Ce genre d’actions, de vocabulaire, traduit surtout l’ambiance de Fort Chabrol qui règne au niveau d’un pouvoir politique et administratif européen qui semble incapable de comprendre ce qui se passe.

Le Monde du jour nous gratifie d’un article exemplaire de cette vulgate grotesque qui ne sert qu’à amuser la galerie et détourner l’attention publique des vrais problèmes. Intitulé “la spéculation, ennemi insaisissable de l’Europe” il mérite d’être cité en exemple. Morceaux choisis.

Le principe de la spéculation est simple : agir en anticipant les variations du marché. Concrètement, un trader achète une marchandise non parce qu’il en a besoin mais parce qu’il pense pouvoir en tirer profit plus tard, grâce à la baisse ou la hausse du marché. A la différence de l’investissement, la spéculation permet de rapporter beaucoup et rapidement, mais elle est risquée.

Avec cette merveilleure définition, mon hypermarché Leclerc est un “spéculateur” parce qu’il achète des marchandises dont il n’a pas besoin, mais parce qu’il pense les vendre plus tard avec un profit. La distinction avec l’investissement est savoureuse : faut-il en déduire qu’un investissement ne rapporte rien, ou seulement très tard, et ne fait courir aucun risque? La spéculation, je suppose que c’est comme la chasse, il y a la bonne et la mauvaise…

Précisons : actuellement, la personne qui achète un titre de la dette grecque achète un ticket de loto. S’il a de la chance, il aura acheté quelque chose qui lui rapportera beaucoup plus qu’il ne l’a payé. S’il n’en a pas, que la Grèce fait défaut sur sa dette publique à hauteur de 50%, il aura perdu une grosse partie de sa mise. C’est donc un spéculateur. Mais c’est un gentil spéculateur : la preuve, les dirigeants allemands lancent des campagnes de pub pour inciter leurs concitoyens à le faire. En déclarant la main sur le coeur que jamais la Grèce ne fera défaut, les dirigeants européens ne font tous qu’encourager ce comportement. Celui qui par contre s’inquiète, ce doit être un méchant spéculateur qui “attaque l’Europe”.

Ce mécanisme devient dangereux quand il ne concerne plus une marchandise, mais ses produits dérivés, perdant alors pied avec la réalité de l’économie. C’est le cas avec la Grèce. Quand les agences de notation ont abaissé la note de la Grèce, les investisseurs traditionnels (Sicav, caisses de retraites, mutuelle…) qui avaient souscrit des emprunts d’Etat ont dû prendre des assurances pour se protéger en cas de défaut de paiement du pays. Ce sont les “crédit défault swap”, les CDS : plus le risque de défaut de paiement est grand, plus ces assurances prennent de la valeur.

Oui, la spéculation, c’est dangereux à cause des produits dérivés qui “perdent pied avec la réalité”. Parce que les marchandises, elles, ne perdent jamais pied avec la réalité, ou alors, à cause de la spéculation. C’est à se demander pourquoi les prix de l’immobilier en France ont grimpé de 150% entre 1997 et 2007. Quel “produit dérivé” a bien pu causer ce phénomène? La suite est tellement fausse qu’on ne sait pas par où commencer. D’abord les notations à la baisse des agences n’interviennent que bien après que les actifs aient été dépréciés : les agences ne font que suivre le mouvement. Certes, les dégradations de notes des agences obligent souvent des agents à vendre les actifs concernés, mais c’est à cause de la réglementation qui leur impose d’appliquer ces critères dans leurs portefeuilles. En somme, les responsables de ladite spéculation sont les régulateurs qui ont placé les agences de notation au coeur du système. Ensuite, vient l’habituelle rengaine sur les méchants marchés des CDS (oui, je sais, je sais…).

Les spéculateurs tentent alors d’anticiper l’ampleur des risques et, en fonction, achètent ou vendent massivement ces CDS, déréglant alors le marché. Les valeurs sont tirées vers le bas, sur la seule base de prévisions, voire de rumeurs. On appelle cela des “attaques spéculatives”.

Ha, le méchant marché des CDS. Il n’y a qu’un seul problème : C’est très exactement l’inverse qui se produit. Actuellement, le prix des CDS grecs est bas si on le compare à l’évolution du cours de la dette grecque. Ce qui a une implication très simple : aujourd’hui, il est possible d’acheter de la dette grecque, d’acheter des CDS pour se protéger contre le risque de défaut, et de réaliser un bénéfice. En somme, l’existence du marché des CDS aide la Grèce en allant à l’encontre du mouvement de baisse qui intervient sur sa dette – baisse qui ne survient que parce que réglementairement, des gros investisseurs sont obligés de la vendre. Les spéculateurs aident la Grèce! qui l’eût cru?

On a ensuite droit à la vieille scie des méchants hedge funds responsables de la crise des subprimes (alors que les produits titrisés ont été conçus et achetés par les grandes banques entre elles, pour une part significative avec un objectif de contournement de la réglementation…) qui sont aujourd’hui accusés. De quoi exactement? On n’en sait rien. “d’attaquer l’euro”? de s’inquiéter des perspectives des gouvernements et des institutions financières européennes? Mais quand on voit ça, spéculateur ou non, il y a vraiment de quoi s’inquiéter… Et bien sûr, la liste des lieux communs ne saurait être complète sans la traditionnelle allusion à Goldman Sachs, qui a “fabriqué des montages financiers douteux” sur la dette grecque (à la demande du gouvernement grec, mais c’est un détail…). Les rodomontages de Jouyet, à peu près aussi utile à l’AMF que dans son poste précédent, pourraient faire rire si la situation n’était pas aussi tragique.

Il faut attendre la fin de l’article pour qu’enfin un minimum de rationalité fasse jour. Guillaume Duval rappelle que les mouvements sur les marchés, loin d’être le fruit de la manipulation des sinistres gnomes de Wall Street, ne font que rappeler l’Europe à la réalité. Que la Grèce, spéculation ou pas, est dans une situation financière intenable. Qu’on en juge : avec un déficit primaire de 8.5% du PIB, même en annulant totalement sa dette, elle devrait encore subir un plan de rigueur drastique. Que la stratégie des pays européens, qui ne repose que sur des plans d’austérité en pleine crise, et n’apporte aucun mécanisme de soutien à la croissance économique dans la zone, est vouée à l’échec. Faute de ces éléments, et avec la monnaie unique qui empêche les fluctuations de change dans la zone, la seule aide dont puisse bénéficier l’Europe, c’est une dévaluation de l’euro. Loin d’être des “attaques” contre des politiciens paranoiaques et incapables, il s’agit de la seule (et bien maigre) aide dont l’Europe dispose pour se protéger de l’inanité de ses dirigeants.

Certes, c’est humiliant de devoir son salut à une bande de crétins trop payés. Mais cela nous rappelle une autre époque, celle où les attaques spéculatives de Soros avaient fait sortir la livre sterling du SME, humiliant les conservateurs au pouvoir, rapportant un milliard de dollars et une célébrité éternelle à Soros. A l’époque, la France avait résisté aux attaques spéculatives – au prix de la pire récession de l’après-guerre et d’un taux de chômage record à 13%. Les britanniques avaient perdu la bataille contre l’ennemi de la spéculation, mais leur économie s’en est bien mieux portée. Il y a des “victoires” qu’il ne vaut mieux pas remporter.

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Alexandre Delaigue

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25 Commentaires

  1. Je suis très choqué par la présentation de "la spéculation" dans les médias. Les journalistes qui ne comprennent pas grand chose à ce qu’il racontent font preuve d’une pensée magique qui prête à "la spéculation" une volonté propre de nuire. La triste réalité c’est la quasi-faillite des états européens, qui amène certains "traders" à penser que la dette ne pourra être honorée.

    Le vrai problème de l’euro c’est que tous les états de la zone euros dépensent plus qu’ils ne le peuvent et que le mur de la faillite se rapproche de plus en plus.

    Si l’euro n’avait pas "bloqué" la Grèce, celle-ci aurait fait défaut d’une façon ou d’une autre (dévaluation, renégociation).

  2. C’est clair qu’un spéculateur se fout du prix d’achat, ce qui l’intéresse c’est l’anticipation du court. Le but est d’avoir la connaissance d’informations privilégiés pour faire du profit à court terme et couper son trade.

    Le danger, c’est que s’il y a trop de spéculateurs par rapport aux investisseurs, les cours peuvent perdre le contact avec la réalité et créé des bulles qui explosent.

  3. @jacques:

    C’est dingue que je puisse etre aussi trompe. Mais maintenant que je suis au courant et que ça a l’air aussi facil,ce serait bien d’interdire les traders (=mechants) et de favoriser les investisseurs (=gentils).

  4. "Justement, un spéculateur NE CHERCHE PAS le bon prix! "

    Ah bon ? Il cherche un mauvais prix ?

    J’ai comme un doute. Prenez dans un employeur, qui par définition, spécule sur le travail d’autrui. Il faut bien qu’il ait une idée de combien il va pouvoir gagner à sa spéculation, non ?
    Et les "excitation propice aux réactions émotives et aux réflexes conditionnés d’achat et vente" risque d’être de faible effet devant un client et son argent…

  5. Jacques, je suis un peu inquiet quand vous dite que l’investissement c’est votre domaine…

    Il n’y a aucune différence de nature dans les actions qu’entreprennent un investisseur et un spéculateur. Tout les deux sont sur le marché, tous les deux achètent et vendent.

    Dans la théorie des marchés, on distingue traditionnellement trois types d’acteurs :
    1> Le consommateur et le producteur. Eux ont besoin non pas d’une stabilité des prix que l’on est bien incapable de l’assurer, mais une connaissance des prix futurs ;
    2> L’arbitragiste : lui, il travaille entre les différentes places de cotations et s’assure – en transportant les matières premières d’une place à une autre l’harmonisation des cotations géographiques ;
    3> Le spéculateur : lui ce qui l’intéresse, c’est l’évolution des cours. Il va donc vendre ou acheter à terme et permettre ainsi aux premiers acteurs de connaitre les prix futurs.

    Supprimer un de ces trois acteurs et vous n’avez plus de marché.

  6. Bonjour,

    et merci d’excuser mon ignorance, si je vous lis c’est pour la combattre.
    Je n’ai pas compris la phrase:
    "[…] l’existence du marché des CDS aide la Grèce en allant à l’encontre du mouvement de baisse qui intervient sur sa dette – baisse qui ne survient que parce que réglementairement, des gros investisseurs sont obligés de la vendre […]"

    J’ai compris ce qu’est un CDS, mais là je ne comprends pas en quoi ils contrent la baisse des titres de dette grecque. Pouvez-vous m’éclairer ?
    Merci d’avance

  7. @Jacques

    Je comprends pourquoi Alexandre a mis un peu de temps à publier vos "commentaires". Vous dites que vous êtes dans le monde de l’investissement? C’est inquiétant…

    Sachez tout d’abord que des personnes connues sous le terme de "trader" peuvent en réalité exercer des fonctions très différentes les uns des autres et que la plupart ne se rémunèrent pas sur la direction des marchés mais par un commissionnement sur les opérations qu’ils traitent (vrai pour les hedgers) ou sur les incohérences de prix entre deux places de cotation(vrai pour les arbitragistes). Il existe, c’est vrai, une catégorie "spéculateur" parmi les intervenants qui a l’avantage d’apporter de la liquidité au marché et qui est devenue essentielle pour stabiliser les prix. Que vous le vouliez ou non, un marché est beaucoup moins volatil quand les volumes sont importants (cf. small caps). Je ferais remarquer en passant que les Etats étaient bien content de trouver les hedge fund "distressed securities" pour acheter et prendre le risque sur les portefeuilles de CDO: ça c’est de la liquidité aussi.

    Concernant votre envolée lyrique sur les dérivés, elle montre votre niveau de méconnaissance de la philosophie de ces produits. Je vous le fait simple. Admettons que je veuille acheter une bouteille de vin à 10 dans un mois parce que j’organise un diner. J’achete un contrat à terme pour être sur de l’acheter à 10. Finalement le diner est annulé et je n’ai donc plus besoin du contrat. Je décide de le revendre mais entre-temps le prix de la bouteille a augmenté et je fais donc une plus-value. Quel vil spéculateur je suis!
    Les dérivés appartiennent au monde de l’assurance et s’inscrivent donc dans le champ théorique de l’économie de l’incertain. Emettre plus de dérivés que d’unités de sous-jacent n’a donc rien de choquant. De la même manière les dérivés climatiques qui permettent par le biais de l’intermédiation financière de s’assurer contre les riques de température extrême par exemple sont illégitimes car le sous-jacent n’est pas quantifiable?

    Enfin, sachez que les "traders" préfèrent quand les marchés sont calmes car la volatilité a un coup qui réduit leur résultat final. A part quelques brebis galeuses, ils abhorrent tout comme vous les fausses rumeurs ou toute autre manipulation du marché.

  8. " Il existe, c’est vrai, une catégorie "spéculateur" parmi les intervenants qui a l’avantage d’apporter de la liquidité au marché et qui est devenue essentielle pour stabiliser les prix."

    -soit ce trader ne fait qu’apporter de la liquidité au marché, auquel cas ce n’est pas un spéculateur mais un arbitragiste.
    -soit c’est un réel spéculateur, auquel cas il ne fonde que sur ce qu’il pense être la tendance future, et il est donc fatalement un facteur de volatilité.

    Pendant les trois dernières décennies, la volatilité a-t-elle augmenté ou diminué?

  9. @JPW

    Je crois que tu ne sais pas trop ce qu’est la volatilité… L’augmentation des volumes d’échange ne préjuge pas de la volatilité. Mais si tu me dis le contraire ça m’arrangerait car je m’embête avec les volatilités locales/stochastiques dans mes modèles de pricing des produits dérivés. Et au passage tu révolutionnerait l’industrie financière avec sûrement un bel article dans une blue ribbon…

    Pour la volatilité, tu n’as qu’à regarder l’évolution du VIX depuis 1990:
    finance.yahoo.com/echarts…

    J’imagine qu’en demandant "sur les trois dernières décennies", tu t’attendais à voir la volatilité exploser, à cause des &’#@! de spéculateurs non? Remarque que la volatilité tend à décroitre alors que les marchés sont haussiers (période 2003-2007). Encore une fois, tout le monde est content quand les marchés sont calmes (faible volatilité) et haussiers.

  10. Il faut effectivement clarifier la signification des termes comme le fait JPW.
    Je favorise la suivante:
    1- investisseur: achète des titres financiers en fonction de la valeur réelle sous-jacente du produit
    2- intermediaire de marché (market maker): maintient un marché entre acheteur et vendeur. Se paie en prenant une partie de la plus-value créée par l’échange.
    3- trader/spéculateur: cherche à faire un gain rapide basé principalement sur sa prévision de l’évolution du prix quelque soit la valeur sous-jacente réelle.

    @ Berg.
    Les produits dérivés PEUVENT être utilisé effectivement comme une assurance. Mais pour que cela soit le cas, il faut de nombreuses conditions sous-jacentes la principale étant que celui qui offre cette "assurance" (en vendant un CDS par exemple) ait effectivement les capacités de payer.
    Bien réguler (comme les assureurs le sont), un produit dérivé peut de fait avoir une valeur d’investissement car elle est effectivement basé dans ce cas sur une réalité sous-jacente (le capital mis de côté pour payer le cas échéant)

    "Emettre plus de dérivés que d’unités de sous-jacent n’a donc rien de choquant."
    ???? vous délirez, vous êtes effroyablement ignorant, ou encore vous ne lisez pas les journaux.
    Des produits dérivés ont été émis aux USA pour des montants qu’AUCUNE institution financière imporante n’a les capacités de payer. C’est pourquoi elles auraient effectivement toute fait faillite sans le sauvetage de l’Etat. La question est: est-ce que les Etats ont la possibilité de payer lorsque tous les contrats viendront à échéance? Plusieurs sont convaincus que les montants sont trop élevés.
    Si vous ne trouvez pas cela choquant, c’est votre droit. Allez l’expliquer les émeutiers de Grêce et des autres pays à venir (incluant la France et les USA),et aux retraités qui vont être ruinés. Ils apprécieront sûrement d’apprendre qu’il ne faut pas s’en faire, que les produits dérivés ne sont en fait qu’une assurance…

    (Exemple d’actualité: si vous disposez de fonds indiciels du CAC40, méfiez-vous. Au moins pour une grande institution française, ce produit ne contient pas seulement des action françaises mais de nombreuses actions européennes diverses avec un produit dérivé sensé ramené le tout (si tout va bien) à la valeur du CAC40. Pratiquement aucun client n’est au courant de l’existence de ce produit dérivé intermédiaire, les "conseillers financiers" qui le vende non plus, et il faut plusieurs semaines et de nombreux effort pour obtenir cette information de l’institution en question. Les clients sont à risque de perte significative précisémment à cause du produit dérivé en question qui dépendra de la capacité de la contrepartie à payer, capacité de payer que personne n’est vraisemblablement capable d’établir dans la situation financière mondiale actuelle. Par contre, si les clients avaient effectivement un panier d’action réelle du CAC40 (comme ils croient eux-même que c’est le cas!) ce risque important N’EXISTERAIT PAS)

  11. Ce que montre ton graphique du VIX:
    Il y a 20 ans, le max observé du Vix était à 30
    Il y a 12 ans, le record est passé à 45
    Et récemment, ca a dépassé 60.

    Je n’ai pas l’impression que les données que tu apportes corrobore ta thèse selon laquelle la volatilité n’aurait pas augmenté.

    Bon, tu peux t’en tirer en pointant que c’est surtout la volatilité de la volatilité qui a augmenté, plus que la volatilité elle-même. Est_ce un fait convaincant?

    Mais de toute façon, ton graphique, bien qu’intéressant, ne répond pas à la question.
    Pour deux raisons:
    1- Lorsque que je demande "sur les trois dernières décennies", il s’agit évidemment de comparer avant/après la dérégulation démarrée avec Reagan. En ne regardant pas antérieurement aux années 90, on ne fait que comparer la décennie de la bulle Internet avec la décennie des subprimes. Evidemment la différence est mince. Maintenant, imagine ce que serait vraisemblablement ton graphique si tu le prologeait à droite dans les années 80. Quelle est donc l’allure d’une décennie de VIX, sans bulle Internet ou autre perturbation?
    2- d’autre part, le vix n’est en réalité pas pertinent. Il ne mesure pas la volatilité dont il est ici question, la volatilité réelle, autrement dit, le fait qu’un cours bouge beau coup ou pas. Le VIX mesure autre chose, les croyances du moment du marché des options quant aux possibilités de volatilité réelle dans le futur, pour le dire grossièrement. C’est très différent. Supposons un asset qui varie souvent de manière importante, mais il y a à chaque fois un consensus unanime et précis sur l’anticipation de ces variations. Le VIX ne bougerait pas, (si vous en doutez, imaginez l’évolution du cours, le cours des options pour chaque strike qui en résulterait, et le Vix qui en résulterait) alors que la volatilité réelle serait imortante.
    Réciproquement, imaginez un asset dont le cours ne bouge jamais, mais dont le marché croit en permanence qu’il va bouger d’ici peu de temps de 50% dans une direction indéterminée. Imaginez le cours des options dans ce cas. Le VIX sera élevé, et pourtant la volatilité réelle sera nulle.
    Ce n’est pas sans raisons que l’on dit que le VIX est d’abord un indicateur de la peur ou de l’incertitude.
    Votre confusion entre volatilité réelle et ce que représente le VIX, elle vient probablement de ce que, à cause de votre savoir étroitement spécialisé, vous n’avez pu vous empécher de traduire "volatilité" en "volatilité implicite", concept différent et hors-sujet.

    Pour revenir à mon affirmation initiale, ainsi reformulée avec sous-titres: "l’explosion du trading liée à la dérégulation financière a augmenté la volatilité réelle", je propose de la retravailler scientifiquement, afin de parvenir à un consensus général quant à savoir si les traders sont méchants, ou pas:
    Je suppose que quelqu’un doit bien savoir où trouver la liste des cours de cloture quotidienne du SP500, ou du Dow?
    Je calcule avec mon boulier chaque valeur absolue du pourcentage de variation par rapport à la veille.
    Si le test statistique de la régression linéaire sur la série de variations montre une croissance statistiquement significative, et importante (disons, au moins 50% d’augmentation de la volatilité réelle entre 1980 et 2010), il est considéré comme prouvé que les traders sont nuisibles.
    D’accord?

  12. @Jacques :

    Vous redécouvrez le principe de l’assurance. Quand un risque se réalise simultanément pour un grand nombre d’assurés, bin ça ruine l’assureur. Peu importe que l’assurance porte sur l’évolution du cours d’un actif, sur une catastrophe naturelle, ou sur le temps qu’il fera demain.

    Un des problèmes de la crise financière (pour faire court), c’est la sous-estimation du risque systémique, c’est-à-dire que le risque se réalise en même temps pour un grand nombre d’acteurs.

    Par ailleurs, votre distinction entre les gentils (ou les investisseurs) et les méchants (ou les spéculateurs) (distinction sur laquelle repose toute votre prétendue réfutation) est à mon avis une façon de transformer un effet pervers classique des marchés financiers en une chasse aux sorcières. Oui, Keynes avait très bien décrit le fait que les prix sont auto-référentiels sur les marchés financiers. Si tout le monde achetait en fonction de son estimation de la valeur fondamentale, les marchés seraient efficients. Malheureusement, la demande dépend également de l’évolution anticipée des prix, ce qui contribue à créer des bulles et de la volatilité.

    Vouloir transformer ce problème en une histoire de gentils et de méchants ne fait pas avancer le débat (et le fait plutôt reculer) car je ne vois aucun moyen de séparer les "spéculateurs" des "investisseurs" (si j’achète une maison en espérant que le prix va monter, suis-je un méchaaaaaaaant spéculateur ?).

    Sur la comparaison entre l’hypermarché et le spéculateur, je suis d’accord avec Alexandre. Le rôle d’un entrepreneur c’est d’anticiper à quel prix il peut vendre un bien ou un service (si ce prix est stable est connu, c’est plus facile, je vous l’accorde). Les prix des biens et des services varient et c’est ce qui pousse des entreprises à quitter certains secteurs ou à rentrer sur certains marchés. On peut débattre toute la nuit pour savoir si ça constitue une différence de nature, mais il faut admettre que l’espèce d’attaque à deux balles qui consiste à fustiger les spéculateurs parce qu’ils achètent pas chers et qu’ils revendent plus chers est, à mon humble avis, à côté de la plaque.

    Pour finir, vous êtes désagréable et c’est insupportable. Vous ne pouvez adopter un ton courtois, même quand vous êtes persuadé d’avoir raison ?

  13. @jacques

    Vos définitions des acteurs financiers sont fantaisistes et vous appartiennent.
    Suivant votre logique, il faut condamner les contrats d’assurances auto qui sont plus nombreux que le nombre de vols et d’incendies de voiture en France… Mon ignorance, que vous pointez, vient certainement du fait que je base ma pensée sur un socle théorique et non sur les commentaires hautement éclairés d’un journaliste.
    Et enfin, sachez que la banque est l’activité la plus régulée du monde (18 loi cadres internationales), bien plus que les compagnies d’assurance que vous semblez louer…

    @JPW

    "Je n’ai pas l’impression que les données que tu apportes corrobore ta thèse selon laquelle la volatilité n’aurait pas augmenté."
    Je pense qu’au fond de vous vous savez que votre interprétation est malhonnête. Je peux faire la même : 1990 VIX à 30, 2007 VIX à 10.5 ! On dirait du Piketty avec ses années 70 (pic anormal) comme référence du partage de la valeur ajoutée…

    "Quelle est donc l’allure d’une décennie de VIX, sans bulle Internet ou autre perturbation?"
    C’est une décennie avec des guerres, avec des bulles sur le bulbe de tulipe, et autres perturbations. Depuis que la bourse est bourse, a-t-on connu une période longue, disons une décennie, sans évènement politique ou technologique majeur ? Pour info, les pics de 2003 sont dus aux incertitudes concernant la guerre en Irak : y va, y va pas, les investisseurs n’aiment pas trop ça…

    Enfin, je ne saurais que trop vous recommander de calculer avec Excel la volatilité historique sur le SP500 pour constater que la courbe est identique à celle de la volatilité implicite. Ca m’a pris même pas 2mn mais je ne suis pas certain que vous sachiez le faire. Qu’est ce que vous croyez ? Que les traders mouillent leur doigt et le pointe au ciel pour déterminer quelle volatilité implicite ils rentrent dans leur modèle de valorisation ? Elle est déterminée à partir de la volatilité historique constatée à court terme.

    HS : je viens de me rendre compte que je t’ai vouvoyer… j’ai pas envie de tout changer.

  14. C’est vraiment les bisounours ici : on en est encore à croire que les marchés sont efficients.
    Malheureusement pour vous, les seuls imbéciles dans l’histoire, ce sont ceux à qui on demande d’éponger les effets de la crise financière et de ses suites : et ils sont très nombreux, incomparablement plus nombreux que les agents économiques qui participent à l’offre et la demande sur les marchés financiers.

  15. J’arrive tard dans ce débat, car je ne regardais plus que le forum (dieu sait pourquoi…) et j’avais bien tort.

    Je tiens quand même à féliciter Alexandre pour son article qui remet bien des idées en ordre. Dans les commentaires, ya du meilleur (Berg, Ron Sowell) et du pire. Mais je voudrais juste lui poser une question : comment après son article peut-il encore soutenir que la dette publique n’est pas un problème ?

  16. Quelques questions:
    2-J’aimerais savoir pourquoi la Grèce est "victime des spéculateurs" alors que le Japon qui a une dette de 160% de son PIB (et une croissance "molle") n’est pas même inquiété?
    1- Lors des plans de relance et de la crise des subprimes, certains analystes annonçaient une crise obligataire (les Etats en faisant ces plans, en aidant leurs économies, en créant des obligations bien plus intéressantes que les actions et autres actifs financiers…) sommes-nous en train de la vivre? A noter que cette question croise la 1ere: pourquoi les USA ne sont pas touchés?
    Je vous remercie
    ps: je lis vos 3/4 articles sur la dette et reste dubitatif: si le montant de la dette d’un pays importe peu et qu’il vaut mieux s’interroger sur la qualité des dépenses, pourquoi cela se passe maintenant en Grèce et non pas plus tôt?

  17. Un peu rapide comme réflexion me semble-t-il.
    Vous avez tout a fait raison de rappeler que la spéculation ressemble au départ au commerce. En cela, le procédé semble disons correct.
    Mais vous oublié que la spéculation est d’abord l’art d’obliger une augmentation artificielle des prix pour augmenter le profit.
    Le problème, pour faire court, n’est pas de combattre le marché mais de combattre les pratiques consistant à organiser le marché pour que les prix ne soient pas à leur niveau "normal". Combattre les monopoles procède du même niveau de logique.
    Or la puissance des agences de notation ou des hedge funds est de créer une information unilatérale qui crée un mouvement de prix que l’on peut qualifier d’anormal car souvent excessif. C’est ce mouvement qui permet une spéculation rapide, non sur le commerce d’un producteur à un consommateur, mais entre producteurs qui pensent pouvoir augmenter le prix au consommateur. Ils se tirent bien sur une balle dans le pied quand le jeu atteint son paroxysme et que le consommateur n’est plus en capacité de payer même en raclant les fonds de tiroirs. C’est ce qui a provoqué un première baisse des bourses le 7 mai et en provoque une deuxième en ce moment.

    Par ailleurs, ce qui est critiqué, c’est aussi la possibilité d’acheter et de vendre dans la même journée sur la base d’un emprunt rapide (LBO me semble-t-il). Mais je ne m’étendrais pas là-dessus vu que ça porte sur des sujets aussi vastes que la création monétaire ou la définition d’une arnaque.

  18. @Thomas Petit
    "Obliger une augmentation artificielle des prix ", ca ne s’appelle pas de la spéculation mais de la manipulation des cours. Personne ne pense que c’est une bonne chose, et c’est d’ailleurs illégal. C’est aussi extrêmement risqué (voir "Hunt Brothers, Silver Black Day").
    Je ne crois pas que les agences de notation et hedge funds soient si puissants que vous le pensez, du moins sur des marchés liquides et avec du volume. Je ne vois pas bien le problème non plus. L’agence de notation fait une annonce, qui va effectivement provoquer un mouvement brusque; certains vont y gagner, d’autres y perdre. Quelle différence avec l’annonce des résultats annuels d’une entreprise ou une déclaration de la Fed? Ce sont aussi des évènements d’information ponctuelle.
    Acheter ou vendre en fonction de ces annonces ne représente pas un gain à coup sur, loin de là, la volatilité étant souvent accrue, donc la situation de marché est normale… pas d’"arnaque" comme vous dites.

  19. Leclerc spéculateur ?

    Faux : il stocke la marchandise, pour la revendre directement aux consommateurs et non à un autre spéculateur -qui ne voit pas non plus la couleur de ce qu’il achète- qui espère faire mieux que les précédents… et vogue la galère du grand casino virtuel !

    Je ne suis pas un économiste, et n’y comprenant rien, vous pourrez réfuter l’article du Monde en me racontant n’importe quoi avec tout les termes techniques que vous voudrez…

    Mais si vous commencez avec des approximations de cet acabit je vais plutôt être méfiant…

    Le loto comme vous le dites si bien… oui là je vous suis parfaitement !

    Le problème c’est quand il entraine dans ses pertes des gens qui n’y jouent pas, et n’y gagneront jamais…

  20. @berg…si je vous ai bien compris, les traders passent leur temps à organiser des diners qui n’auront jamais lieu…
    je me demande si cela n’est pas un peu ce qu’on leur reproche…

    @Yannick… la maison on ne peut pas la revendre ni dans l’heure, ni le lendemain, heureusement il y a me semble-t-il des lois contre ça…
    l’échelle de temps n’est donc pas du tout la même… encore un exemple, avec les supermarchés Leclerc, qui parait légèrement "deconnecté" de la réalité comme le faisait remarquer "jacques…

    J’y comprend toujours rien, mais vous n’irez pas me convaincre avec ce type d’arguments… "jacques" est par contre lui beaucoup plus clair pour le béotien que je suis…

  21. Bon, les spéculateurs et les Juifs, c’est fait, on va enfin pouvoir passer au grand "péril Jaune", celui dont personne ne parle, vu qu’il y a un complot !

    Arf !

  22. Franchement il faut arrêter avec les "j’y comprends rien mais par contre je peux vous dire que vous avez tout faux". C’est ridicule. Enfin bon, c’est toujours pareil.

    Sinon, merci pour le billet, c’est plutôt intéressant.

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