Fisking Marc Touati

Le bonnet d’âne du jour est octroyé à Marc Touati pour son article “Reprise française : et si c’était vrai…” dans les Echos.

Prévisionniste économique est un métier extrêmement difficile, pour plusieurs raisons. Premièrement, parce que la prévision utile est à terme assez long; entretemps, de nombreux évènements peuvent se produire qui invalident la prévision effectuée. Par ailleurs, la prévision modifie le comportement des agents économiques, ce qui peut la conduire à s’auto-invalider. Néanmoins, une prévision, même entachée d’erreur, est souvent meilleure que pas de prévision du tout (quoique ce point soit discutable, mais ce n’est pas le sujet). En tous les cas, face à cette difficulté inherente au métier, il y a deux attitudes possibles.

La première consiste à connaître et faire connaître les limites de son travail. On accepte le fait de se tromper, on reconnaît l’existence de biais, notamment le fait de bien souvent prolonger pour l’année suivante les tendances de l’année en cours, ce qui donne de l’inertie à la prévision. La seconde consiste à parader, à faire de la rhétorique creuse, à déclarer qu’on a raison même quand on s’est trompé. La première façon d’être évite des erreurs; la seconde offre parfois la célébrité, mais souvent le ridicule : démonstration.

Qu’il est amusant d’observer les économistes qui annonçaient il y a quelques trimestres une croissance française d’environ 1,2 % pour 2006 se contorsionner pour prédire désormais une performance proche de 2,5 %. Il faut dire que la variation du PIB calculée par l’Insee pour le deuxième trimestre a particulièrement changé la donne : + 1,15 %, consacrant un acquis de croissance de 1,9 % ! Dans ces conditions, même notre prévision d’une croissance comprise entre 2 % et 2,2 % annoncée depuis environ un an et qui paraissait alors optimiste à certains est devenue caduque. Si bien que nous sommes contraints de la réviser à 2,3 %.

Figure de style intéressante : Les autres se “contorsionnent” pour adapter leurs prévisions aux faits; moi, je me contente de doubler ma marge d’erreur. En d’autres termes, j’ai tort, mais moins que les autres, donc c’est comme si j’avais raison.

Il nous faut donc féliciter M. Breton, qui n’a cessé de marteler que la croissance hexagonale serait proche de 2,5 % cette année. De même, alors qu’au début de 2006 les prévisions de M. Borloo d’un taux de chômage inférieur à 9 % dès l’été faisaient sourire, force est de constater qu’il avait raison. En d’autres termes, les meilleurs prévisionnistes de France ne se trouvent ni dans les banques ni dans les instituts de prévisions, mais au sein du gouvernement. En cas de changement de majorité au printemps prochain, les économistes de banque et de salon ont donc du souci à se faire pour leur job… Une question semble même devoir s’imposer : à quoi sert-il de faire des prévisions pour l’économie française, alors que la « réalité » se trouve dans les discours de nos ministres ? Sauf catastrophe majeure, il est donc assuré que la croissance sera proche de 2,5 % en 2006, que le déficit public rapporté au PIB sera inférieur à 3 % et que le taux de chômage sera sous les 8 % d’ici à la fin 2007. Il ne nous reste donc plus qu’à demander pardon au gouvernement pour notre manque d’enthousiasme et pour nos propos disgracieux sur l’avenir de l’économie française. A l’évidence, nous nous sommes trompés et cette dernière se porte comme un charme.

Marc Touati voudrait faire preuve d’ironie, mais il se contente de mettre sa tête sous l’eau, et de l’y maintenir fermement avec son bras. Voici ce qu’il aurait pu, et dû, dire : il est extrêmement difficile de faire de la prévision économique, surtout en ce moment. Par exemple, de 2001 à 2005, le FMI a fait une erreur de 2.1 points en moyenne pour le PIB italien, et de 1.7 point pour l’Allemagne. Pour des croissances effectives comprises entre 0 et 2% sur la période, vous pouvez mesurer l’ampleur que cela représente. Des surestimations semblables ont été commises par l’essentiel des prévisionnistes, qui ont été durablement trop optimistes pour la croissance des pays européens, en se fondant sur la croissance forte de la fin des années 90. Ces énormes erreurs ont été corrigées par un coup de balancier dans l’autre sens, qui a conduit pour les dernières années à des prévisions de croissance faible. Ces erreurs de prévision ne nous disent rien sur la santé des économies concernées : elles nous expliquent simplement comment les prévisions sont faites, de façon conservatrice, en prolongeant les tendances.

Les prévisions des politiques sont elles systématiquement optimistes. Pour plusieurs raisons : la première, c’est la croyance dans une sorte de “méthode Coué” de la croissance. En jargon de bureaucrate, on appelle surestimer la croissance à venir faire preuve de “volontarisme”, c’est à dire tenter de dynamiser l’activité économique par la confiance. Bien entendu, cela ne fonctionne jamais, mais fait croire aux ministres qu’ils sont des gens utiles et importants. La seconde raison, c’est que personne, surtout pas un politique, n’aime annoncer de mauvaises nouvelles; la troisième raison, c’est que faire des prévisions de croissance élevées est un moyen de faire de la démagogie budgétaire, en augmentant les dépenses et en baissant les impôts, tout en faisant semblant de croire que cela ne dégradera pas les comptes publics.

Et de la même façon qu’en annonçant toujours “pile” au lancer d’une pièce, vous aurez raison une fois sur deux, en étant toujours optimiste sur la croissance, vous ferez des prévisions justes de temps en temps (car la croissance est un phénomène aléatoire). Cette année est la bonne pour Bouvard et Pécuchet Breton et Borloo, qui pour une fois (sur 5 ans…) sont tombés juste. Il n’y a là aucun mérite à leur accorder, ni aucune raison de penser qu’ils sont de bons prévisionnistes; Mais présenter cela de cette façon poserait problème pour Marc Touati, qui devrait alors reconnaître que les prévisionnistes ne peuvent pas prévoir la croissance, qui ne dépend pas de variables dans des modèles macroéconomiques, mais avant tout du hasard. Comme admettre qu’il peut se tromper est impossible, il en est réduit à une ironie qui ressemble au “gnagnagna” des enfants pris en faute dans les cours d’école.

S’il en était resté là, cet article se serait contenté d’être sans intérêt. Mais c’est dans la suite que Marc Touati va faire la preuve de son immense talent.

On pourrait évidemment s’arrêter là (on aimerait d’ailleurs tellement y croire), mais comme les courbettes et la langue de bois ne font pas partie de notre culture, il y a une suite.

Pas de courbettes et de langue de bois : notre homme est courageux, on va voir ce qu’on va voir.

Car s’il est certain que la France a bien connu une reprise en 2006, celle-ci reste conjoncturelle, c’est-à-dire principalement statistique.

Oui, vous avez bien lu. “Conjoncturelle, c’est à dire principalement statistique”. C’est le même Monsieur qui a dit dans la phrase précédente “pas de langue de bois”, et qui nous produit dans la foulée cette phrase dépourvue de sens. “conjoncturel” signifie que la croissance est due à des facteurs spécifiques à la période; “statistique” ne veut rien dire, sauf pour signifier que c’est une illusion de nos instruments de mesure. Soit la croissance est conjoncturelle; soit elle est “statistique”; mais pas les deux. Mais voici l’explication :

En effet, après avoir crû de seulement 1,2 % en 2005, le PIB français n’a fait que rattraper son retard et profiter de la baisse de l’euro intervenue l’an passé. Dès lors, l’année 2007 s’annonce comme la correction de 2006, d’autant qu’elle connaîtra les effets négatifs de la hausse des taux d’intérêt et de l’appréciation de l’euro intervenues cette année. La croissance du PIB français atteindrait alors au mieux 1,8 %.

Donc, c’est conjoncturel : la France rattrape son retard de croissance de l’année dernière, bénéficie de la baisse de l’euro; mais l’année prochaine, ce sera le rattrapage inverse et l’euro va remonter. Donc la croissance française ne dépassera pas 1.8% en 2007 (admirez la précision du chiffre utilisé…). Tout cela est bien joli, mais dans ce cas, il va falloir expliquer :

– pourquoi la productivité augmente dans la zone Euro. Philippe Martin ou Eric Chaney en ont parlé récemment.

– pourquoi, alors qu’elle bénéficie soi-disant de la baisse de l’euro, la zone euro se trouve être le moteur de la demande mondiale. La dévaluation qui favorise les importations de produits manufacturés, c’est nouveau, ça vient de sortir?

Il y a de bonnes raisons de nuancer la croissance européenne et française du moment. On peut constater que la reprise actuelle intervient très tard, bien après celle qui est intervenue aux USA; qu’elle est beaucoup moins forte que des reprises précédentes, comme celles de la fin des années 80 ou 90 (de l’ordre de 4% par an, contre 2.5 pour l’actuelle). Qu’il y a des raisons de s’inquiéter pour l’avenir proche, par exemple la forme que pourrait prendre la fin de la hausse immobilière aux USA, ou en France et en Espagne, ou une erreur de politique monétaire de la BCE; Mais au total, la reprise économique actuelle est forte et réelle.

Parallèlement, il est impossible de masquer le fait que la baisse actuelle du chômage s’explique essentiellement par l’évolution favorable de la population active et par le traitement statistique et social du chômage. En fait, seul un tiers de la baisse du nombre d’inscrits à l’ANPE est dû à de véritables créations d’emplois. Sur l’ensemble de 2006, celles-ci devraient d’ailleurs avoisiner les 250.000, c’est-à-dire à peine plus que l’augmentation de la population active. Et pourtant le nombre de chômeurs devrait reculer d’environ 260.000 personnes.

Bon. Commençons par l’erreur. Malgré une légende tenace, la baisse de la population active n’a aucun effet sur le taux de chômage (même si elle en a un sur le nombre total de chômeurs, la proportion n’a pas de raisons de changer). Ensuite, il est exact que le gouvernement a recours assez largement aux bonnes vieilles recettes des emplois aidés pour améliorer les statistiques de l’emploi. Il n’en reste pas moins que l’évolution de l’emploi (même en tenant compte de ces ficelles) est proche de ce à quoi on peut s’attendre avec un retour modéré de la croissance économique. Mais notre grand éditorialiste a un argument massue :

Cherchez l’erreur… Pour la trouver, il suffit d’écouter les réactions des Français, qui ne ressentent absolument pas dans leur quotidien l’amélioration conjoncturelle affichée par les statistiques.

Ridicule. L’amélioration conjoncturelle correspond à une croissance supérieure aux prévisions d’un point en moyenne annuelle. Il n’y a aucune chance que ce genre de hausse soit perçue : elle ne pourra qu’être constatée a posteriori, et perçue par la population si elle est entretenue pendant longtemps. Et depuis quand la réalité de la croissance est-elle lue dans les sondages d’opinion?

Autrement dit, il ne faut surtout pas tomber dans le fétichisme du chiffre qui voudrait que tout aille pour le mieux simplement parce que l’Insee l’a calculé.

Oui, cessons de tomber dans le fétichisme du chiffre. Et obligeons donc tous les Marc Touati de France et de Navarre, qui gagnent des salaires généreux uniquement grâce à ce fétichisme, à faire un vrai travail. La croissance française est en ce moment forte, après des années de stagnation. C’est mieux, effectivement. Pourquoi diable vouloir faire comme si ce n’était pas le cas?

D’ailleurs, si tout va si bien, pourquoi prendre de nouvelles mesures pour que cela aille encore mieux en utilisant abusivement la nouvelle « cagnotte » des quelques recettes fiscales supplémentaires par rapport à celles qui étaient prévues ? C’est là l’un des grands problèmes de notre société : le cycle politique interfère beaucoup trop dans la sphère économique, incitant les différents gouvernements à prendre des décisions de court terme et prohibant les réformes structurelles par définition impopulaires mais de plus en plus indispensables.

Ah oui, c’est un problème. Mais ce n’est pas tellement spécifique à notre société. Certes, si les politiciens n’étaient pas des démagogues, ce serait mieux. On est bien avancés en disant cela. Plus intéressante est la référence aux “réformes structurelles par définition impopulaires mais de plus en plus indispensables” qui nous donne la clé du mystère. Car après tout, pourquoi diable Marc Touati ne veut-il à aucun prix qu’il y ait croissance française et européenne? C’est que cela irait à l’encontre de la rhétorique des “réformes structurelles impopulaires” sans lesquelles bien évidemment, les pays ne peuvent que décliner. Car il faut souffrir pour être bon… Aurait-il été traumatisé par l’huile de foie de morue étant petit?

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas de réformes économiques en France; mais un promoteur honnête de réformes structurelles pour l’économie française devrait indiquer que celles-ci visent parfois à rendre l’économie plus à même de se reprendre après les chocs négatifs au lieu de devoir attendre 4 ans pour rebondir, comme cela vient d’être le cas. Ou à faire en sorte que les individus peu qualifiés aient moins de mal à accéder au marché du travail. Mais qu’au total, la croissance économique ne dépend que marginalement de telles réformes. En général, les réformes efficaces (par exemple amplifiant la concurrence sur le marché des biens) déplaisent à quelques intérêts catégoriels, mais pas au plus grand nombre.

Surtout, il reconnaîtrait que même sans réformes, la France est un pays très productif, à la main d’oeuvre qualifiée, qui n’a jamais (et heureusement) dépendu des politiques pour sa croissance; et qu’il est normal qu’un tel pays connaisse de temps en temps des phases de forte croissance économique. Mais cela ne cadrerait pas bien avec ça :

Et pour cause : si, il y a vingt-cinq ans, lorsque la dette publique n’était que de 20 % du PIB, certaines erreurs étaient tolérables, elles deviennent aujourd’hui insupportables avec une dette publique de bientôt 70 % et un poids des dépenses publiques de 54 % du PIB. Mais chut ! Restons sur notre nuage en oubliant que nous finirons par en tomber lorsqu’il se transformera en pluie…

On admirera la métaphore au charme raffarinien, mais ce n’est pas le sujet. Plus intéressant est le théorème économique énoncé ici : il existe un niveau de ratio “dette publique sur PIB” et de “dépenses publiques sur PIB” au dessus desquels les erreurs deviennent “insupportables”. Quel est donc ce niveau seuil? Laffer est-il enfoncé? Quelles sont donc ces erreurs d’il y a 25 ans qu’on ne peut plus faire désormais? Appliquer le programme du PS de l’époque? Certainement; Mais entre nous, le risque est assez faible que cela arrive.

Cet article aurait pu être intéressant; on peut partager l’agacement de son auteur devant l’autosatisfaction gouvernementale, sur le thème “quand ça va bien c’est grâce à moi, quand ça va mal c’est la faute aux chinois aux américains à Ben Laden aux socialo-communistes à Bruxelles à la mondialisation”. Mais après? Faut-il nier l’existence d’une croissance parce qu’elle ne va pas dans le sens de nos préjugés, pour lesquels seules les “réformes structurelles impopulaires” peuvent la produire? Ce n’est pas en lisant cet article que l’on saura en quoi et pourquoi la croissance française (et européenne) est forte en ce moment; On ne saura pas non plus quels sont les risques qui pèsent sur cette reprise. Non, on n’y trouvera que la morgue d’un individu tellement sûr de lui qu’il en a fini par perdre contact avec la réalité. C’est bien dommage.

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Alexandre Delaigue

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25 Commentaires

  1. Alexandre, l’énervement te met en verve, et c’est un plaisir de te lire. Une note : "événement" s’écrit avec deux accents aigus, malgré sa prononciation.

  2. un billet tres amusant, je compatis à la douleur de votre victime si elle vous lit.

    mais juste une question : pourquoi est-ce que l’évolution de la population active n’aurait pas un effet sur le chomage ? si les personnes agees quittent le monde du travail, pendant que des jeunes y entrent, et sachant que le taux de chomage des derniers est bien plus important que celui des premiers, le taux global de chomage ne changerait-il pas ? Ou, assumez-vous (joli angliscime) que les emplois sont transférés à 100% ?

    Merci d’éclairer ma lanterne de vos lumières

  3. Matthieu : le lien indiqué vous montrera déjà que sur le long terme, population et niveau d’emploi évoluent exactement en parallèle. Vous pouvez également aller regarder les posts du blog sur l’immigration. Ensuite même s’il n’y a pas renouvellement complet, cf Cahuc Zylberberg, les mouvements de création-destruction sur le marché du travail sont très importants; plus que transfert à 100%, il y a renouvellement permanent et réallocation de la main d’oeuvre à l’occasion des entrées/sorties. C’est cela qui au total fait qu’il n’y aura pas d’effet : dire que réduire la population active réduit le chômage, c’est croire que la demande de travail reste constante face à une offre de travail décroissante. Mais la demande de travail, elle aussi, va évoluer (face à la réduction parallèle du nombre de consommateurs)

  4. Le lien sur le lien pop active/chomage ne permet absolument pas d’affirmer ce que vous dites.

    Certes, sur le moyen terme et en phase d’augmentation de la pop active, le taux de chômage dépend toujours des même facteurs externes.

    Mais là, on est dans le cas d’un retournement, la pop active diminue, mais
    1) à très court terme c’est pas ces mises en retraites qui font varier le nombre d’emplois
    2) l’économie est maintenant mondialisée, et le poids de la conso intérieur amorti les variations
    3) Un retraité consomme, et même beaucoup (avant d’être grabataire, mais la les papyboomers vont consommer comme un gars de 50 ans pandant quelques années).

    Donc je ne suis pas du tout du tout d’accord avec vos conclusions rapporté à la situation démographique Française.

    Les graphiques ne se prêtent pas du tout à la situation d’un vieillissment de population.

  5. Toto : votre erreur est de raisonner comme si le chômage était déterminé par une différence entre une demande globale de travail fixée par des facteurs "extérieurs" et l’offre de travail correspondant à la population. Tous vos points reposent sur cette hypothèse, et sur pas mal de conviction, et peu de démonstration.

    Le problème c’est que le chômage ne vient pas d’une insuffisance de demande de travail par rapport à l’offre : il vient de ce qu’employer certaines personnes coûte trop cher, et de ce que certaines personnes renoncent à travailler parce qu’elles n’y trouvent pas, pour diverses raisons, d’intérêt. Il n’y a aucune raison pour que la proportion de personnes qui ne travaillent pas pour ces raisons soit modifiée par un changement de composition de la population totale ou une diminution de la population active. S’il y a un effet, il risque plutôt d’être l’inverse : car si un retraité "consomme", comme vous dites, il consomme un revenu qui n’est pas produit par lui, mais par un actif. L’augmentation de la part des personnes âgées va donc plutôt tendre à augmenter le coût du travail, ou à réduire sa rentabilité, amplifiant donc le problème du chômage.

  6. Pour info (c’est tout à fait officiel, il n’y pas de scoop), M. Touati n’a pas eu la place de chef économiste dans la nouvelle structure Natixis (fusions Ixis+Natexis). Patrick Artus, chef éco chez Ixis est le nouveau chef. Touati a refusé la place d’adjoint (source : AGEFI).

  7. Il n’empêche que vos graphiques ne permettent pas de théoriser un déclin démographique de la population active.
    Tout au plus une diminution homogène de la popactive (maladie, émigration énorme).

    La rigueur impose de ne pas prendre comme base de raisonnement les graphiques que vous donnez.
    Non pas que le propos soit complètement érronné, mais la situation est quand même différente, surtout qu’on fait des constatations à très court terme (quelques mois).

  8. L’administration, au moins celle qui m’emploie, anticipe depuis prés de 10 ans cette vague de départs.
    Par informatisation/réorganisation elle a organisé de l’encaisser à recrutement constant.
    Le ministre est content de pouvoir annocer une baisse du nombre de fonctionnaires !

  9. Je connais bien cette coquetterie académique qui consiste à prendre le contre-pied systématique de la doxa. J’y cède parfois également, dans mon domaine.
    Ceci étant dit, il faut s’en méfier. Dire par exemple que "le chômage ne vient pas d’une insuffisance de demande de travail", c’est assez excessif. Si la population doublait demain, il y aura DANS UN PREMIER TEMPS un gros problème de chomage. ENSUITE le système relaxerait pour retrouver un taux de chomage plus habituel.
    De manière moins caricaturale, j’ai dans mon entourage quelques économistes qui sur cette question de l’influence de l’évolution démographique assurent que cela pourra avoir un effet positif, au moins à court-terme. Je n’ai cependant pas les compétences nécessaires pour juger de la pertinence de leurs analyses. Je crois simplement comprendre que cette évolution démographique aura des conséquences aussi bien positives que négatives sur le chômage, et que même les dieux vivants qui nous gouvernent auraient du mal à savoir ce qui des deux influence va l’emporter.

  10. Merci (AD et SM)!
    Retour à la lecture de votre blog après changement de poste, déménagement, été bien rempli. Je retrouve le grand plaisir de vous lire, mélange d’aide à l’appréciation de l’actualité –je ne suis pas économiste– et d’invitation à penser soi-même. Précieux.
    Félicitations pour le temps que vous arrivez à y consacrer.

  11. EL : vous avez raison sur l’existence d’un délai d’ajustement en cas de changement brutal de taille de la population active, mais ce que montrent les études empiriques sur le lien population-emploi c’est que cet ajustement est extrêmement rapide, même dans le cas de changements de population importants (genre afflux brutal de réfugiés). Dans le cas d’un phénomène d’ampleur assez limitée comme les changements actuels, même en imaginant un effet, il ne peut qu’être dérisoire, surtout par rapport à des choses comme la politique monétaire ou des phénomènes conjoncturels (comme c’est le cas de la reprise actuelle). En tous les cas, il existe une mantra assez répandue suggérant que le chômage va bientôt se résoudre de lui-même sous l’effet de la baisse de la population active, mantra reprise par de nombreux conjoncturistes non spécialistes du marché du travail : et ça, c’est faux à coup sûr.

  12. "ce que montrent les études empiriques sur le lien population-emploi c’est que cet ajustement est extrêmement rapide"
    Voilà qui est extrêmement intéressant. Quelles sont les références disponibles?
    Cordialement,
    EL

  13. Cahuc et Zylberberg en parlent dans leur bouquin (le chômage, fatalité ou nécessité). Sinon, j’avais eu l’occasion d’en évoquer certaines ici sur un autre sujet, l’immigration : il s’agissait de diverses études sur l’effet de l’arrivée brutale de personnes dans un pays (cubains à miami, français d’algérie, réfugiés yougoslaves en Europe, russes en Israel).

  14. Un truc que je ne comprends pas très très bien :
    Le ratio population active / vieux de plus de 65 ans diminue de façon assez considérable (voir une des dernières notes de Mankiw). On peut en déduire que le ratio producteurs/consommateurs diminue également, puisque les vieux consomment mais ne produisent pas.
    N’est-il alors pas raisonnable de penser qu’il y a au moins un petit effet de décalage vers le bas de l’offre et décalage vers le haut de la demande de biens et services? Imaginons une robinsonnade du genre maison de retraite, où dix jeunes doivent s’occuper de mille vieux : j’ai du mal à m’imaginer qu’un des jeunes se mettra au chômage. Certainement pas involontaire en tout cas, du boulot il y en aura ; et probablement pas volontaire non plus parce que les vieux seront prêts à payer cher la production des jeunes..
    Où ai-je tort?

    Après je suis d’accord que dans la vraie vie ça ne se passe pas comme ça, qu’il y évidemment des frictions sur le marché du travail et que la démographie ne peut avoir qu’un effet limité sur le taux de chômage. Mais est-il complètement absurde d’imaginer un petit effet en direction d’une diminution du taux de chômage naturel, toutes choses égales par ailleurs?

  15. Tim : et comment les vieux paient-ils les salaires des jeunes qui s’occupent d’eux? D’où viennent leurs revenus? ils tombent du ciel ou sont prélevés sur le travail des jeunes?
    Ce que vous faites n’est pas une robinsonnade, c’est un sophisme de composition : croire que ce qui vaut pour une partie vaut pour le tout. Votre raisonnement est absurde parce qu’il n’explique pas d’où vient le revenu des vieux.

  16. Il faut toujours se souvenir que les retraites sont, quel que soit le système, un prélèvement sur la richesse créée. Dans un système par répartition, c’est par le biais de cotisations. Dans un système par capitalisation, c’est par le biais de profits généré par l’activité des actifs (couplé au capital employé et possédé par les vieux, bien sûr). Et le choc démographique existe en termes de revente des titres aussi (moisn de jeunes pour acheter => baisse du prix toutes choses égales par ailleurs).
    Notez bien qu’il ne s’agit pas de défendre un système ou un autre, il est juste question de rappeler le principe de base : il n’y a pas de repas gratuit.

  17. Alexandre : "Ce que vous faites n’est pas une robinsonnade"

    Techniquement, c’est même une contre-robinsonnade, puisque les robinsonnades sont des modèles dans lesquelles on fait comme si l’économie était constituée d’un seul agent.

  18. Ok. Effectivement c’était bancal. Les jeunes n’auront pas forcément une super incitation à travailler sachant qu’ils ne garderont pas grand chose de leur production (si on est dans un système par répartition).
    Enfin de toute façon j’imagine que c’est pas une comparaison terrible (ça n’avait pas vraiment vocation à l’être d’ailleurs) parce que dans ce pseudo-marché du travail il n’y a même pas friction et c’est juste de l’arbitrage travail/loisir alors que dans la vraie vie c’est un peu plus compliqué quand même.

  19. Je sais que je ne suis pas une référence en la matière (ni en aucune) mais j’ai lu le bouquin de Cahuc et Zylberberg et je n’ai pas été convaincu concernant l’effet d’une diminution de la population sur le chômage. D’ailleurs, ils n’en parlent quasiment pas, ils ne se sont intéressés qu’à l’effet d’une augmentation de la population. Et là, ok, c’est démontré qu’il y a ajustement et que le chômage n’augmente pas. Mais ce n’est pas du tout une démonstration que l’inverse est vrai, c’est une affirmation presque gratuite.
    Vous supposez que la consommation va diminuer si la population diminue, ce qui est pour le moins douteux (la consommation n’augmente d’ailleurs pas forcément si la population augmente, même si c’est fort probable) car on peut supposer que les chômeurs remis au travail consommeront plus. Le seul effet qui me semble évident d’une diminution de la population c’est à court terme, le renchérissement du coût du travail, or un des effets de celui-ci me semble être de faire baisser le nombre des chômeurs. Mais comme les entreprises sont réticentes à laisser augmenter le coût du travail, le plus probable en cas de diminution de la population est qu’on fera appel à de la main d’oeuvre étrangère. Pourquoi d’ailleurs n’y a-t-il pas d’étude de cas sur une diminution de la population? Ce n’est jamais arrivé nulle part?

    PS1: En plus, il faudrait tenir compte de l’ampleur de la diminution ou de l’augmentation. Les cas d’augmentation avancés sont relativement faibles je crois. Il faudrait voir si le marché du travail s’ajuste aussi bien qu’en Floride avec le cas des réfugiés cubains si on avait par exemple un doublement soudain de la population. Dans le cas d’une diminution très importante de la population, ok, je vous concède que la consommation subissant un très fort contre-coup le chômage ne diminuerait probablement pas (ce serait peut-être même l’inverse).

    PS2: Ai beaucoup aimé cet article par ailleurs.

  20. Vulgos : non, je ne suppose pas que la consommation va baisser; je dis simplement que ceux qui disent "les vieux, cela consomme" oublient que le revenu des vieux n’est pas généré, mais prélevé sur la production. Par ailleurs, renchérir le coût du travail, baisser le nombre de chômeurs, je pense que vous avez confondu en cours de route ;-). Pour l’histoire des exemples de diminution, je n’en connais pas (les diminutions brutales de population sont rares) mais cf les graphiques de l’autre post, qui contiennent si mes souvenirs sont bons des cas de population stagnante. L’autre exemple, c’est l’Allemagne, dont la population active baisse actuellement, sans effet spécifique sur le chômage.
    Et la France! ce que je trouve extraordinaire, c’est le raisonnement (entre autres de touati) consistant à dire "le chômage devrait beaucoup diminuer suite à la baisse de la population active, or il diminue peu, c’est la preuve que la reprise est faible". Moi cela me paraît surtout une preuve de ce que la prémisse est fausse : le chômage n’a pas de raison de diminuer. J’ajouterai qu’à tout cela il y a toute l’analyse des explications du chômage: on sait aujourd’hui d’où vient le chômage français, les causes sont bien identifiées (ce qui ne veut pas dire d’ailleurs qu’on peut facilement les supprimer). Aucune d’entre elles n’est "les français sont trop nombreux".
    Dernier point enfin : les études sont plutôt sur des cas de forte augmentation de la population; le cas israelien et le cas de Floride, notamment. Les pieds-noirs rapatriés, cela faisait du monde aussi…

  21. "Par ailleurs, renchérir le coût du travail, baisser le nombre de chômeurs, je pense que vous avez confondu en cours de route ;-)."

    "le chômage devrait beaucoup diminuer suite à la baisse de la population active, or il diminue peu, c’est la preuve que la reprise est faible".

    Je me rends compte que je dois avoir les mêmes prémisses. Le raisonnement est celui-ci: on peut penser que les entreprises embaucheront moins si le coût du travail augmente mais on peut penser aussi qu’elles devront puiser dans la réserve des chômeurs. On suppose en effet que la consommation étant forte, les entreprises veulent embaucher même si le prix du travail augmente. Cela ne me semble pas si absurde, par exemple il y a des métiers où il y a une forte demande des entreprises et le coût des employés grimpant elles voient leur intérêt dans le fait de former elles-même des chômeurs.
    Ce raisonnement n’est valable qu’en période de forte croissance donc Touati suppose que si cela ne fonctionne pas ainsi c’est que la croissance n’est pas assez forte pour que les entreprises voient leur intérêt à embaucher et former des chômeurs.

    "Aucune d’entre elles n’est "les français sont trop nombreux"."

    Là ok, je ne vois pas non plus où est le problème. C’est dans le sens d’une baisse de la population que j’ai des doutes. Je suis plutôt dans un raisonnement "protectionniste": pourquoi amener de la main d’oeuvre étrangère plutôt que d’utiliser nos chômeurs? (je crois comprendre, un étranger formé est moins cher qu’un chômeur qu’il faut former, mais j’ai du mal à accepter, j’ai l’impression qu’il y a des externalités qui ne sont pas prises en compte dans le coût de cet étranger, à commencer par ce que coûte le chômeur à la collectivité)

  22. Je vous donne un exemple. On considère les travaux de bâtiment, un secteur ou il y a un très fort manque de main d’oeuvre, et ce depuis longtemps. C’est étrange : comment se fait-il que les chômeurs n’aillent pas occuper ces emplois? C’est sans doute que le salaire n’y est pas assez élevé par rapport aux difficultés du travail. Vous me direz, les employeurs devraient alors augmenter les salaires; mais le peuvent-ils? Si les salaires augmentent, cela sera répercuté dans les prix de vente; on peut penser qu’alors, les français préféreront faire leurs travaux de bâtiment eux-mêmes (pourquoi Castorama a-t-il autant de succès?) ou faire appel au travail au noir qui coûte moins cher. Donc, les salaires en restent là, le chômage aussi, et la pénurie de main d’oeuvre aussi.
    Maintenant, imaginez qu’il y a moins de candidats au travail dans toute la France suite à une baisse de la population active; que dans le même temps, le niveau des charges augmente pour suivre le coût des retraites : vous voyez que la situation ci-dessus ne peut qu’empirer, et certainement pas s’améliorer.
    Par contre, faites venir des immigrés : eux accepteront plus facilement d’aller travailler dans le bâtiment aux salaires du moment. Ils enverront une bonne part de leurs revenus dans leur pays d’origine; mais tant qu’ils seront en France, il faudra bien qu’ils mangent. Résultat, l’emploi augmentera dans le bâtiment, et dans les secteurs d’activité qui ne sont pas en pénurie de main d’oeuvre et qui satisferont les besoins de consommation de ces nouveaux arrivants.

  23. 5 ans plus tard, finalement le bonnet d’âne vous va très bien messieurs les econoclastes. Vous le portez bien mieux que Marc Touati !

    Je cite votre conclusion :
    "Faut-il nier l’existence d’une croissance parce qu’elle ne va pas dans le sens de nos préjugés, pour lesquels seules les "réformes structurelles impopulaires" peuvent la produire? Ce n’est pas en lisant cet article que l’on saura en quoi et pourquoi la croissance française (et européenne) est forte en ce moment"
    Vous voyez mieux maintenant pourquoi la croissance française était forte à ce moment ? Et pourquoi nous allons dans le mur à toute vitesse faute de profondes réformes structurelles et impopulaires ?

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