Exposé collectif et passager clandestin

J’ai récemment posé en examen à des élèves le problème posé par l’exposé collectif. Un professeur remet à un groupe d’élèves un exposé à faire collectivement. Comment éviter que certains élèves n’adoptent des comportements opportunistes?

Précisons un peu le problème. La note donnée à l’exposé est une note collective qui constitue un bien collectif : chaque élève aura la note de l’exposé, quel que soit son effort. Il y a donc risque de comportement de passager clandestin : si un élève travaille moins que les autres, il aura la note résultant du travail des autres sans efforts. Certes, la note globale sera moins élevée que si tout le monde travaille; mais entre avoir quelques points de plus en travaillant et une note correcte sans travailler, le comportement opportuniste est avantageux. dans le même temps, si personne ne travaille, l’exposé reçoit la note zéro, ce qui n’avantage personne. Les gains peuvent donc être représentés ainsi (avec deux élèves pour simplifier) :

élève 2 :           travaille    ne travaille pas élève 1 : travaille             (3;3)            (1;4) ne travaille pas       (4;1)           (0;0)

Les élèves ont le plus souvent identifié comme tel ce jeu de la poule mouillée. La situation dans laquelle personne ne travaille n’est pas un équilibre; mais celle ou tous les élèves travaillent non plus. Les deux situations d’équilibre sont celles dans lesquelles un élève travaille beaucoup plus que l’autre (il y a peut-être du vécu dans leurs réponses).

Je leur avais alors demandé d’imaginer des stratégies (du genre du jugement de Salomon) permettant au professeur d’éviter ce comportement de passager clandestin. L’essentiel des élèves ont alors expliqué que la solution était l’individualisation du travail; exposés individuels, ou exposés dans lesquels chaque participant fait une partie bien définie et est noté sur sa propre prestation. Néanmoins ce ne sont pas des façons de régler le problème mais de le contourner; comment trouver une solution visant à inciter chacun à travailler à son maximum dans un exposé collectif? Quelques solutions d’élèves étaient assez astucieuses.

– L’un d’entre eux a suggéré la solution de la répétition du jeu, c’est à dire de faire faire un grand nombre d’exposés dans l’année. Ainsi, les élèves adoptant un comportement opportuniste finiraient par être sanctionnés (en n’étant progressivement plus pris dans les groupes d’exposés, et se retrouvant uniquement entre opportunistes, condamnés à travailer). C’est effectivement une solution astucieuse mais techniquement difficile à mettre en place (après tout, si l’on fait des exposés collectifs, c’est souvent par manque de temps dans l’année).

– D’autres ont suggéré des solutions de type “leviathan”. Obliger les élèves à travailler sous surveillance d’un enseignant pour leur préparation par exemple. Là aussi la difficulté technique de mise en oeuvre se pose.

– Dans le même style, certains ont suggéré la désignation préalable d’un “chef d’exposé” chargé de remettre après l’exposé une évaluation du travail de ses collègues. Le problème alors est celui de la désignation du chef : ne sera-t-il pas tenté d’adopter un comportement opportuniste une fois nommé, s’il sait qu’il va noter les autres?

– Certains ont cherché des procédures de révélation du travail effectué. Offrir à chaque élève la possibilité d’augmenter ou non la note de ses camarades d’un bonus de points; mais trouver une procédure correcte de ce point de vue me semble compliqué.

– Reste enfin la suggestion la plus intéressante faite par un élève; le travail est préparé collectivement; le jour de l’exposé, l’enseignant choisit de façon aléatoire l’un des élèves du groupe, qui devra alors présenter la totalité de l’exposé; sa note sera décernée collectivement à l’ensemble du groupe. Ainsi, tout le monde se doit d’avoir préparé le travail, sachant que sa prestation est susceptible de déterminer la totalité de sa note. Cette solution n’est pas sans défauts, ne supprime pas totalement les comportements opportunistes, mais est assez séduisante par sa simplicité.

Et vous? Avez-vous d’autres idées de procédure?

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Alexandre Delaigue

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21 Commentaires

  1. Sur le fond, les élèves sont confrontées à une contradiction majeure. Mais cela n’est pas similaire au dilemme du prisonnier (ou de la poule mouillée). Cette contradiction vient du fait :
    – qu’ils réalisent (au moins théoriquement) un travail collectif
    – et que vous voulez récompenser des efforts individuels.

    Suivant la composition des groupes, la meilleure organisation du travail (celle qui permet la meilleure note ET le minimum d’effort individuel) n’est pas forcément – et même très rarement – celle où les membres de l’équipe contribuent également au travail.

    Pour prendre un exemple, si l’on réunit un philosophe et un mathématicien avec comme objectif de résoudre une équation différentielle, la meilleure répartition du travail est bien entendu celle où le philosophe regarde travailler le mathématicien. Y compris pour le mathématicien qui n’a pas à expliquer ce qu’il fait.

    Dans ce cas de figure et en considérant que mathématicien et philosophe ont une utilité de 10 à voir résolu le problème. Que Mathématicien et Philosophe évalue leur travaille à – 2 et que le mathématicien considère qu’enseigner au philosophe lui coûtera 2 point on se retrouve avec :

    mathématicien Travaille Ne travaille pas
    Travaille (8 / 6) (-2 / 0)
    Ne travaille pas (10 / 8) (0 / 0)

    (Couple Mathématicien / philosophe)

    Dans ce cas de figure, il n’y pas de dilemme. Le mathématicien a intérêt à travailler, le philosophe non quelque soit la stratégie de l’autre partenaire.

    Pratiquement, c’est d’ailleurs ce qui se passe à chaque fois. Je suppose que tous vos groupes ont produits un travail. Alors qu’en théorie aucun d’entre eux n’aurait dû rendre quelque chose ;

    C’est triste à dire, mais je crois que dans votre cas, il n’existe pas de solution.

    PS : la dernière solution, n’est pas opérationnelle non plus. Elle a pour effet de pénaliser le Mathématicien au détriment du philosophe. On peut considérer en effet que le philosophe, même s’il travaille aura plus de mal a présenter la solution et que dans ce cas, la note sera plus mauvaise (mettons – 3) que si c’était le mathématicien qui présentait.

    On ajoute une deuxieme matrice qui ne modifie pas les stratégies, mais simplement le gain moyen du jeu (et donc est une incitation à moins travailler)

    mathématicien Travaille Ne travaille pas
    Travaille (5 / 3) (-2 / 0)
    Ne travaille pas (7 / 5) (0 / 0)

    PS : je n’ai pas réussi à faire de joli tableau.

    PPS : en fait, la situation n’est pas si désiquilibré que cela. Le mathématicien peut réclamer une contribution au philosophe par la suite. mais là on sort vraiment du cadre que vous avez défini.

  2. Je ne suis pas certain qu’il faille résoudre le problème du passager clandestin de l’exposé. Le travail en petite équipe sans autre incitation individuelle que la pression sociale à l’intérieur du groupe est très courant dans la vie professionnelle, et si votre objectif de formateur sur le contenu est l’appropriation de certaines connaissances, il n’est pas le seul souhaitable. En effet, il me parait fort utile d’apprendre à travailler en équipe, avec des collègues plus ou moins motivés, travailleurs, compétents, sympathiques…

    Le système français d’évaluation scolaire est très individuel, voire individualiste, alors que la vraie vie professionnelle ne l’est pas (à part dans l’enseignement ;-).
    Je conviens qu’il n’est pas du tout évident de conclure que vos étudiants ont appris dans votre cours moins de contenu mais un peu plus à travailler en équipe ou à présenter quelques chose à l’oral. Ce n’est pas très visible sur les copies d’examen ou de bac, et pas facile à valoriser auprès des étudiants, de leurs parents ou de vos collègues. De votre point de vue même, c’est plutôt une astuce pour gagner du temps. C’est tout à fait cohérent avec le fait que vous n’êtes pas évalué la-dessus, je ne vous blâme donc pas. Ce ne serait pour autant pas des qualités à négliger dans la formation de chaque élève.

    Judicieuse remarque. L’exposé collectif en effet vise d’autres objectifs que l’acquisition des connaissances, mais plutôt le travail collectif et le travail de recherche autonome. Rassurez-vous sinon, je pense être assez conscient des limites de l’enseignement reçu par les étudiants, surtout en matière de contenu, et savoir la nécessité de leur apprendre d’autres qualités; cela ne me gène pas de réduire la part strictement académique si cela apporte d’autres avantages. Cela dit, j’ai laissé tomber l’exposé collectif depuis longtemps, pour diverses raisons, dont celle du passager clandestin. Au départ quelques-uns ne font rien, et assez rapidement, la qualité moyenne des exposés s’effondre.
    cela dit, même en acceptant totalement votre argument, je me demande s’il est très bon de transmettre le message selon lequel le comportement de passager clandestin paie. Ce qui me pousserait, dans ce cas, vers la solution du “chef d’exposé” chargé d’évaluer ses camarades.

  3. PS : Désolé pour ce repost, je me suis planté dans la dernière matrice…

    Sur le fond, les élèves sont confrontées à une contradiction majeure. Mais cela n’est pas similaire au dilemme du prisonnier (ou de la poule mouillée). Cette contradiction vient du fait :
    – qu’ils réalisent (au moins théoriquement) un travail collectif
    – et que vous voulez récompenser des efforts individuels.

    Suivant la composition des groupes, la meilleure organisation du travail (celle qui permet la meilleure note ET le minimum d’effort individuel) n’est pas forcément – et même très rarement – celle où les membres de l’équipe contribuent également au travail.

    Pour prendre un exemple, si l’on réunit un philosophe et un mathématicien avec comme objectif de résoudre une équation différentielle, la meilleure répartition du travail est bien entendu celle où le philosophe regarde travailler le mathématicien. Y compris pour le mathématicien qui n’a pas à expliquer ce qu’il fait.

    Dans ce cas de figure et en considérant que mathématicien et philosophe ont une utilité de 10 à voir résolu le problème. Que Mathématicien et Philosophe évalue leur travaille à – 2 et que le mathématicien considère qu’enseigner au philosophe lui coûtera 2 point on se retrouve avec :

    mathématicien / Philosophe Travaille Ne travaille pas
    Travaille (8 / 6) (-2 / 0)
    Ne travaille pas (10 / 8) (0 / 0)

    (Couple Mathématicien / philosophe)

    Dans ce cas de figure, il n’y pas de dilemme. Le mathématicien a intérêt à travailler, le philosophe non quelque soit la stratégie de l’autre partenaire.

    Pratiquement, c’est d’ailleurs ce qui se passe à chaque fois. Je suppose que tous vos groupes ont produits un travail. Alors qu’en théorie aucun d’entre eux n’aurait dû rendre quelque chose si on été resté à un dilemme classique du prisonier;

    PS : la dernière solution, améliore un peu la situation. On peut considérer que le philosophe, même s’il travaille aura plus de mal a présenter la solution et que dans ce cas, la note sera plus mauvaise (mettons – 3) que si c’était le mathématicien qui présentait. On ajoute une autre matrice tirée aléatoirement avec la première qui a cette forme :

    Philosophe présente
    mathématicien / Philosophe Travaille Ne travaille pas
    Travaille (5 / 3) (-2 / 0)
    Ne travaille pas (0 / -2) (0 / 0)

    Mais l’essentiel de l’effort du groupe reste porté par le mathématicien, et si le nombre de philosophe devient important par rapport au nombre de mathématicien, ceux-ci ont assez rapidement intérêt à ne plus travailler et à assumer leur zéro.

  4. Avant de donner la note collective, donner un questionnaire à chaque membre du groupe évaluant (de 1 à 5) le travail d’ensemble, son propre travail et celui de ses partenaires.

    Ensuite, au prof d’individualiser la note collective en recoupant les différents questionnaires

    La question étant, comment détecter les passagers clandestins en recoupant?

  5. Toutes les solutions sont intéressantes, mais plus ou moins applicables en effet.
    La dernière solution pourrait être enrichie. Car derrière cette dernière, on suppose que la prestation orale est le reflet de l’effort fourni par l’éléve qui présente. On pourrait en discuter, certains éléves sont plus à l’aise à l’oral et leur prestation ne reposera ainsi pas seulement sur la préparation…mais bon à la limite, on peut admettre que la prestation orale est une proxy de l’effort. Pour autant, ca ne règle pas totalement le problème de freeding, disons que ca le probabilise.
    Ainsi, cette méthode augmente les incitations mais laisse encore de la place a des comportements de freeriding.
    On peut envisager une solution mixte,qui repose sur l’individualisation et désignation aléatoire avec les règles du jeu suivantes:
    1) Tous les éléves doivent présenter un partie de l’exposé
    2) Il faut que l’exposé soit découper en partie plus ou moins équitable (sur un petit groupe 3/4 élèves c’est jouable en trouvant un format de présentation adéquat).
    3) Le jour de l’exposé, le professeur désigne l’ordre des intervenants.

    De cette manière, on conserve les incitations liées à la "désignation aléatoire" et en les renforce même puisque tout le monde est certains de parler.
    On pourrait aussi envisager de noter la prestation de chaque étudiant de manière indépendante et d’affecter une note unique au groupe, la plus faible…très discutable socialement …
    à débattre

  6. Une variante de la présentation aléatoire (le principe est le même) : le harcèlement argumentatif. Chaque membre du groupe est censé pouvoir répondre de manière argumentée à n’importe quelle question concernant l’exposé. Avantage : ce système favorise les appariements selectifs au moment de la constitution des groupes (ce qui évite de même la même note à un bon et un mauvais)

  7. A propos de "après tout, si l’on fait des exposés collectifs, c’est souvent par manque de temps dans l’année", cette phrase me fait réagir.
    Cela montre à mes yeux que le travail collectif n’est sans doute pas évalué à sa juste valeur.
    J’ai remarqué que les travaux collectifs sont beaucoup plus utilisés dans d’autres pays européens, et cela s’en ressent sur le travail d’équipe en entreprise.

    Si l’on considère que l’on fait plus souvent des travaux collectifs, on peut reprendre l’idée du chef, qui aura une note plus accentuée que les autres. Le chef "tourne" évidement pour chaque travaux.
    La personne chef est incitée à motiver les autres (sa note en dépend plus que celles des autres).
    Et un opportuniste, s’il devient chef, risquera de se faire plomber par son équipe.

    Sinon, il reste la méthode brutale :
    Fixer un travail qui demande à vue de nez 14 h de travail par jour pour chaque personne. Les personnes travaillant plus que les autres ne pourront pas tenir et seront obligées de motiver les opportunistes.

    Vous avez entièrement raison sur la dévalorisation du travail collectif. D’expérience, le système des exposés est bien souvent un moyen pour les enseignants de ne pas consacrer trop de temps à leurs préparations de cours et plus à la recherche. Le travail consiste alors en une prestation au moment de la “reprise” de l’exposé, plus ou moins préparée.
    En fait je me pose la question suivante sur ce sujet : est-ce que la faible valorisation du travail en groupe est le résultat d’un système éducatif qui privilégie trop les savoirs livresques, ou n’est-il pas le résultat d’une question de confiance dans la société? Dans d’autres pays le principe du “chef d’exposé” est pris très au sérieux; en France il est vite considéré comme du flicage. A rapprocher de l’analyse d’un Philippe d’Iribarne sur les organisations françaises.

  8. – Donner une prime à tout élève pouvant aider, avec l’aide de l’enseignant, à établir qu’un autre élève n’a pas travaillé, quelle que soit la méthode employée.

    Je crains que cela n’entraîne des incitations insatisfaisantes; un membre du groupe créant une mauvaise ambiance vis à vis d’un autre, pour qu’il travaille peu et puisse le dénoncer ensuite.

  9. La solution "Leviathan" n’est pas si compliquée, il me semble. Du moins c’est celle qu’on pratique dans le cadre de l’évaluation des TPE (travaux personnels encadrés) en classe de première : les élèves sont regroupés dans une salle au CDI, sous le regard inquisiteur de 2-3 enseignants, pendant une douzaine de semaines, à raison de 2h par semaine. Bien qu’on s’emmerde sérieusement pendant ces heures, on voit forcément qui sont les cancres, qui ne rédige rien, qui ne va jamais chercher un livre ou une info sur le net… Et le jour de l’interro orale, il est également très facile, par quelques questions ciblées, de déterminer la connaissance du sujet (même partielle) par chacun, ce qui permet d’en déduire qui n’a rien foutu pendant 12 semaines.
    C’est vrai que c’est un cas particulier d’exposé collectif, mais la notation finale me semble efficace en termes de valorisation du travail individuel au sein du groupe.

    Je doute que l’organisation qui m’emploie accepte de me payer 40 heures supplémentaires pour rester dans une salle à simplement surveiller des élèves. Cette solution que vous décrivez a un coût significatif.

  10. Personnellement je ne demande pas d’exposés mais des devoirs maisons à faire collectivement (à 3) en demandant que le groupe soit différent à chaque fois de tous les devoirs maisons précédents.

    Une dizaine de devoirs dans l’année, cela oblige chaque élève à travailler avec une bonne partie de la classe.

    Cela tombe sous la rubrique répétition du jeu (c’était juste une illustration pratique).

  11. @HenriParisien : effectivement, dans votre exemple, il n’y a pas de problème. Vous faites juste l’hypothèse que la formation des groupes est "optimale" (dans votre exemple) : un philosophe avec un mathématicien, plutôt que matheux et littéraires chacun de leur côté. Il n’y a pas de raison évidente pour que cela se produise, l’inverse est même assez probable… qui se ressemble s’assemble, non ? [fait assez bien documenté en éco, et en socio aussi je crois (homogamie)] On peut donc supposé des groupes plus ou moins homogènes si le gain espéré du projet collectif est suffisamment important (du genre 1/3 de la note du trimestre).

    @Alexandre : il n’y pas de mécanisme qui permettent de résoudre ce problème ou, plus précisément, de sanctionner systématiquement l’élève qui a "freeridé" (et éventuellement de récompenser celui qui a bossé). Cela vient du fait que les élèves ont des préférences identiques sur les sanctions/récompenses éventuelles, qu’ils aient freeridé ou non. Grosso modo, tout le monde préfère avoir une bonne note plutôt qu’une mauvaise… Au passage, l’identité de celui qui propose n’est pas très importante : cela peut être le professeur, ou bien les élèves d’un groupe eux-mêmes s’ils peuvent s’engager ex ante à le respecter ex post. Pour plus de précisions, je renvoie à ma note sur Salomon (et sa suite, dès que possible…) chez Leconomiste.

    Mais bon, ça ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire. Cela signifie seulement qu’on ne peut pas toujours atteindre le "first best" (=sanctionner le freerider). C’est dommage, mais il reste des solutions de "second best" = se tromper de cible de temps en temps. C’est plutôt comme ça que je verrais les solutions proposées par les élèves : elles réduisent le risque d’erreur mais pas complètement.

    Donc il n’y a pas de solution précise. Si un élève lit ce commentaire, je vais subir des contestations sur mon sujet d’examen :-).
    Un aspect auquel je n’avais effectivement pas pensé est l’indifférence du choix de l’éventuel chef s’il y a engagement ex ante de le respecter. Mine de rien, cela réduit le problème.

  12. "Comment éviter que certains élèves n’adoptent des comportements opportunistes?"

    La question ne porte pas sur l’aspect judicieux ou non de décourager le comportement de passager clandestin. Il porte sur la manière, si l’on veut atteindre un tel objectif, de limiter ce comportement.

    Je suis peu porté à croire à une solution punitive, mais probablement plus tenté par une approche reposant sur des informations cachées dans ce problème. En effet, on peut assez facilement concevoir que les élèves eux-mêmes disposent d’informations plus précises sur les comportements des autres élèves que celles dont dispose le professeur. Toute solution faisant ainsi appel prioritairement à la capacité de jugement du professeur sur le comportement des élèves sera vraisemblablement moins efficace que de faire appel aux premiers concernés.

    En effet, si on peut recevoir l’argument comme quoi il est souvent plus efficace de laisser travailler un élève compétent au bénéfice d’un autre moins talentueux, ce n’est pas forcément le cas (en plus que de ne pas être la question posée). Ici, a priori, tous les élèves peuvent contribuer de manière égale à la performance du groupe (comme le montre l’introduction qui souligne que la note augmente avec le travail de chaque individu).

    En se reposant sur ces deux idées (tous les élèves peuvent faire progresser la performance d’un groupe s’ils travaillent et les élèves disposent d’informations pertinentes sur les motivations de leurs collègues), il semble opportun de laisser les élèves constituer eux-mêmes les groupes de travail (ou de proposer un algorithme anonyme basé sur des listes de choix personnalisés, pour ceux que la résolution numérique de problèmes d’optimisation sous contraintes intéresse).

    Si tous les élèves sont motivés de manière sensiblement équivalente, ils se regrouperont de manière quasi-aléatoire pour les contraintes qui nous concernent (dans la réalité, d’autres paramètres comme l’amitié rentreront vraisemblablement en jeu, mais n’auront pas d’impact significatif en termes de performances).

    En revanche, si les élèves disposent d’informations suffisantes sur les clandestins potentiels au sein de leur population (et je suis assez confiant sur ce point-ci), ces clandestins potentiels seront écartés par les autres élèves (rappel : tous les élèves d’un groupe souffrent d’une perte de performance si l’un d’entre eux ne travaille pas) et se retrouveront ensemble – condamnés à travailler pour éviter une sanction. Dans les autres groupes, les élèves sont bien entendu dissuadés d’avoir une telle attitude opportuniste : la sanction se fera sentir dès l’exposé suivant où tous les élèves connaîtront le potentiel clandestin de cet individu et le frapperont d’ostracisme.

  13. Réinventer le salariat ?

    Régulièrement, pendant la période pendant laquelle le groupe travaille, et donc suffisament souvent pendant la période pendant laquelle le groupe travaille, donner sous la forme d’un jeton une prime au groupe et laisser le groupe attribuer la prime à un individu.

    Avant de recevoir le jeton suivant, le groupe doit rendre le jeton précédent dans une enveloppe contenant également un papier portant le nom du bénéficiaire de la prime matérialisée par le jeton.

    En fin d’année, l’enseignant ouvre toutes les enveloppe, comptabilise et attribue les primes.

  14. Demandez aux élèves de préparer leur exposé collectif.
    Ils présentent oralement leur oeuvre. Vous évaluez cette présentation orale.
    Ensuite, quelques temps après, contrôle sur l’exposé à partir de leur travail (quelques questions précises par écrit).
    Il y a fort à parier, que les plus impliqués dans la préparation obtiennent de meilleures notes : l’information clef est révélée !
    Après, on peut mixer les notes, évaluer l’écart entre les deux notes, ne conserver que la dernière…etc.
    C’est comme cela que je procède quand je demande une fiche de lecture ou un travail à la maison. L’élève est obligé de travailler réellement. Cela fonctionne à tous les coups !

    PS : on peut même raffiner le truc, en ne proposant qu’une…simple menace de contrôle après coup (cerise sur le gâteau : ils sont fortement incités ainsi, à faire des efforts dans l’étude des probabilités, lol).

  15. J’aime assez la dernière solution, et les variantes que propose Olyvyer si l’exposé est modulaire. Une autre possibilité : un élève peut céder sa place à sa camarade (si elle accepte)
    – elle voit sa note majoré d’un point par rapport à la présentation qu’elle fait ;
    – lui voit la note de sa camarade réduite de trois points.
    (Je ne suis pas sexiste, mais c’est comme ça qu’on fait pour distinguer deux agents en micro, en général)

  16. Amusant en tout cas.
    Quoique je me demande si économiquement votre question n’est pas mal posée. je vois bien l’intérêt du prof à trouver un moyen de noter le plus efficacement possible tout en atteignant ses objectifs d’évaluation, mais l’intérêt des élèves à fournir le moyen de les faire travailler "à leur maximum" m’échappe un peu. Après tout, le passager clandestin n’a aucune envie de travailler plus, quand à (aux) l’autre, il fait probablement déjà son maximum…et doit considérer qu’il serait à la limite moins couteux pour lui de faire l’exposé en solo.
    Je vais donc m’autoriser, si vous le permettez, à reformuler votre question d’une manière qui n’en trahiras pas – j’espère – l’esprit. Enfin si vous ne m’y autorisez pas, je crois que je vais le faire quand même, vous n’aurez qu’à me mettre une sale note.
    Il me semble que l’idée est de faire en sorte que chacun contribue de manière équitable à l’exposé pour obtenir la meilleure note possible.
    Equitable, parce que si le but était le maximum, vous auriez adopté la solution de la répétition.
    La meilleure note, parce que si la poursuite de la connaissance était le véritable enjeu, la question ne se poserait pas.
    Je doute pourtant que la fonction d’équité du professeur soit parfaitement identique à celle des élèves. 500€ en échange de mon travail me paraitrait surement très équitable en tant qu’élève, en tant que professeur, j’espère que vous venez de frôler l’arrêt cardiaque.
    Electrocardiogramme à part, dans la mesure où l’on ne considère pas le groupe comme un tout, il me semble donc y avoir deux informations que l’on peut tenter de révéler.
    – La satisfaction des partenaires de la collaboration (les élèves)
    – L’accumulation de connaissance(s) effectivement réalisée par les protagonistes
    La répétition, la révélation du travail effectue et le chef d’exposé (quoiqu’imparfaitement pur ce dernier qui tente de combiner) se focalisent sur la satisfaction.
    Le léviathan et l’exposé aléatoire s’intéressent plutôt à la seconde information.

    Pour la première information, l’idée du bonus de point me paraît réalisable puisqu’elle combine l’intérêt (la note) avec l’agent. Néanmoins, un bonus ne permet que de récompenser la sympathie, mais ne propose rien pour l’antipathie, je soupçonne donc qu’il faille lui associer la possibilité de malus. Reste qu’antipathie et sympathie peuvent avoir des causes externes à l’événement « exposé ». Il faudrait donc disposer d’un moyen
    – garantissant un minimum que l’antipathie ne puisse pas s’exercer contre le travail fourni
    – reliant la gratification (ou la pénalité) à la satisfaction
    – Tant qu’a faire, relie également un minimum à l’exposé.
    Une objectivité minimale doit pouvoir être obtenue en utilisant l’aléatoire pour que chacun risque de se retrouver jugé selon ses propres critères.
    Le lien à la satisfaction est moins rationnel, mais me semble psychologiquement probable dans la mesure ou l’on proposerait un cadre permettant a chaque élève de mettre en lumière ses forces, potentiellement au détriment des faiblesses des autres. Une corrélation forte entre la mise en valeur de ses propres forces au détriment des faiblesses de l’autre rend le lien à la rancœur rationnel, mais le lien à la satisfaction pourrait sans doute être malgré tout contourné.
    Enfin le lien au contenu de l’exposé peut être obtenu par un droit de regard du professeur sur les critères, avec influence sur la note.
    Imaginons par exemple le mécanisme suivant.
    Chaque élève rend individuellement une liste de N questions « intéressantes « sur le sujet de l’exposé.
    Le professeur pondère une partie P1 de la note sur l’intérêt des questions proposées (C’est optionnel, mais ca aide à diminuer le copinage. Pour la note de base B, faites comme d’habitude). La règle du jeu, qui est bien sur connue des élèves, est que chaque participant tire M questions parmi celles proposées et doit y répondre. Une réponse correcte apporte PBeiqj points de bonus, et une réponse fausse ou l’absence de réponse apporte PMeiqj points de malus. La note finale est donc B + P1 + Somme(PBeiqj) + Somme(PMeiqj).
    Comme je suis pervers, je rajouterais bien la possibilité pour le répondant de renvoyer la question à son coéquipier s’il la juge injuste (en ce cas il ne recevrait le malus que en cas d’incapacité de l’autre a répondre) mais si l’on veut rester cohérent, on coure le risque de devoir récompenser une réponse correcte, et donc de ne plus arriver à normer la note.
    Les coefficients peuvent s’adapter selon l’incitation et le type de comportement à récompenser.
    Quelque soient les coefficients, les travailleurs ont intérêt a présenter les questions les plus intéressantes auxquelles ils savent répondre sauf s’ils souhaitent récompenser le clandestin.
    Suivant les coefficients, les clandestins peuvent être encouragés a proposer des questions intéressantes auxquelles ils ne savent pas répondre, ou des questions inintéressantes auxquelles ils savent répondre. Seul le premier comportement pourrait potentiellement désavantager les travailleurs si l’on n’a pas adopté la modification « perverse ».
    Eviter le copinage suppose de trouver une valeur de P1 suffisamment incitative pour séduire les travailleurs tout en la laissant suffisamment faible par rapport aux espérances PB et PM pour décourager les clandestins.
    L’existence réelle de valeurs satisfaisant a cet objectif dépendra je le crains de la valeur perçue du copinage, mais notre objectif était de satisfaire les élèves.

    Dans la mesure où cette solution ne convient pas, il s’agit de sanctionner le travail. Je me rends compte à l’instant que pendant que j’écrivais ce roman, LB a proposé une méthode correspondant à ce que j’envisageais sur le principe, mais je vous propose tout de même ma version parce que je crois à son intérêt pédagogique dans le cadre de l’exposé.
    Il me semble en effet comme LB que la conséquence normale du travail effectué est une assimilation de l’information (en tout cas, cela devrait être l’objectif), et que donc le second contrôle ultérieur est parfaitement à même de révéler cette information cachée. Ma proposition aurait été la suivante.
    La règle du jeu est connue à l’avance des participants, et se présente comme suit :
    A la fin de l’exposé, le prof annonce non pas une note, mais une fourchette, en indiquant de manière sibylline (par exemple : « le deuxième chapitre n’est pas assez détaillé », ou « il y a une contradiction entre le chapitre 1 et le chapitre 5 », « on aurait pu aller plus loin »…) ce qui lui semble améliorable.
    Par la suite, chaque élève à l’opportunité de choisir à quel moment il veut présenter un complément d’exposé, sachant que pendant les X premiers (jours/semaines) la note maximale est atteignable si le complément est de bonne qualité, puis que par la suite la note maximale possible décroit avec le temps.
    La manière de présenter le complément pourrait être écrite ou orale suivant le nombre de personnes concernées.
    A mon sens, l’intérêt est multiple :
    – Le passage sur le grill permet parfois de se rendre de défauts que l’on n’avait pas envisagé. Le rattrapage n’est pas forcement désagréable
    – Laisser murir la réflexion est souvent utile également
    – Les travailleurs vexés peuvent piéger sciemment le clandestin, et rattraper le piège ne leur demanderait qu’un travail minimal.
    – Enfin, les clandestins on après tout une chance de se rattraper sur le fil du rasoir, mais ils fourniront probablement plus de travail pour cela, et puis n’est-ce pas le résultat qui compte ?

  17. La stratégie du maillon faible ?

    Chaque équipe évaluée, doit, à intervalles réguliers, éliminer par consensus interne un de ses membres ("maillon faible"). Le maillon faible est alors dispensé de travail. Tous les membres non-éliminés reçoivent une prime à chaque tour. Seul le travail final est évalué, et la note obtenue profite à tous, maillons faibles ou non.

    Cette idée est peu praticable, mais assez amusante 🙂

  18. Vous les faites passer à l’oral et vous distribuez la parole:
    élève 1: blablablabl…
    Alexandre: Stop! élève 3 prend la suite
    élève 3: euh… donc il disait bla… blablablab…
    Alexandre: Stop! élève 1 prend la suite
    élève 1: euh… donc il disait bla… blablablab…
    Alexandre: Stop! élève 2 prend la suite
    élève 2: euh… donc il disait bla… blablablab…"
    J’arrête, je pense que tout le monde a compris.
    Ca et poser quelques questions à la fin. Il me semble qu’il n’est pas si difficile de voir qui a bossé.

    Oui, ou alors assigner au hasard, en début d’exposé, une partie à réaliser par chacun. C’est une autre version de la vérification aléatoire qui n’est pas mauvaise.

  19. Tu colles une caméra en permanence au cul des élèves entre la distribution des sujets et le jour de l’exposé. Tu crées une agence indépendante d’évaluation des efforts scolaires, dont le rôle sera de visionner les films. Et hop… Le coût ? Le principe d’égalité méritocratique de l’école républicaine est trop important pour qu’on s’embarasse de ce genre de considérations. Le droit à la vie privée ? Euh… tous ces jeunes qui ne rêvent que de passer à la Star’Ac ne vont pas nous gonfler avec ce détail, non ?

    Et après je dois me taper tout le film? pouah, merci du cadeau 🙂

  20. Mais non, justement, l’agence indépendante s’en charge et donne un indice standardisé de travail de chacun des élèves. Tu n’as plus qu’à neutraliser l’effet effort à partir d’une grille d’équivalence normalisée.

  21. C’est marrant mais une vraie question dans le cadre du couple matheux/philosophe, c’est de savoir si le savoir du philosophe (dans l’exemple cite) a augmente ou pas. S’il n’a pas augmente, alors le travail collectif n’avait aucun interet. Dans ce cadre totalement heterogene, la note du matheux devrait etre augmentee si le philosophe en sait plus qu’avant… Car dans ce cas la le matheux en sait plus qu’avant (coup classique: on ne connait vraiment bien que ce qu’on a enseigne).

    Toute la difficulte reste a savoir qui est le philosophe dans le groupe… Car c’est lui qu’il faudrait interroger. Ce qui permettrait de mettre une note au travail collectif, a distinguer du travail individuel (toute tentative de segmentation du travail en sous-parties autonomes ne repondant pas a cette question).

    A la limite une subdivision en taches autonomes notees comptant pour partie, et une partie orale tiree au sort (autre que la sienne) permettrait de degager a la fois une note individuelle (recompensant l’effort de travail classique) et une double note (celui qui presente la partie A conditionne sa note orale et la note collective de celui qui a prepare la partie A).

    Meme si ca m’amuserait de definir un systeme, je pense que l’evaluation finale par le groupe (anonyme) du travail de chacun est un vrai plus. Apprendre a se noter (et a noter les autres) est relativement indispensable. L’accepter aussi.

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