Entendre le silence

Le Monde daté du 2/11/08 :

“Le Monde : La crise résiste aux interventions étatiques. En verra-t-on un jour le bout ?
Michel Rocard : Pour le savoir, il faut d’abord poser le bon diagnostic. Or, ce qui frappe, c’est le silence de la science. Les grands économistes se taisent.”

Si j’ai lu la suite ? Non. Je vais plutôt lire le silence de tous ces grands économistes qui ne disent tellement rien que je n’ai pas le temps de tout lire chaque jour.

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13 Commentaires

  1. C’est quelque chose qui m’a toujours amusé: alors que le partie socialiste est le parti français avec le plus grand nombre d’économiste, il est rarement capable d’émettre de nouvelles idées économiques ou bien d’avoir un regard au moins correcte sur la science économique.

    Pour sa défense Rocard commence à être plutôt âgé et on sait l’effet de l’âge sur les convictions politiques et sociales.

    D’autre part on est encore dans un écart entre la science économique visible et la réalité des publications et des labo de recherche. Les gens s’attadent à ce qu’arrive du jour au lendemain un nouveau penseur de l’économie avec une théorie générale à la clé, alors que la science et l’accumulation des savoirs éparses n’a jamais été aussi abondante que depuis ces 20 dernières années.

  2. Entre ces remarques et celles sur les "crimes contre l’humanité" de Milton Friedman, j’ai du mal à comprendre ce qui me semble être un grand revirement chez Rocard, qui a longtemps représenté la partie du PS la moins sensible à la fièvre anticapitaliste…

  3. « Des professeurs de maths enseignent à leurs étudiants comment faire des coups boursiers. Ce qu’ils font relève, sans qu’ils le sachent, du crime contre l’humanité. »

    Nicole El Karoui devrait bientôt avoir affaire à la Cour pénale internationale !

  4. > Si j’ai lu la suite ? Non.

    Vous avez échappé à ceci : "[…] l’ultralibéralisme, cette école de pensée criminelle fondée par Milton Friedman […]"

  5. Cette interview illustre à merveille la propension des média à accorder plus d’importance à celui qui s’exprime qu’au contenu de son message. De telles inepties, proférées par un autre, n’auraient jamais été publiées. Est-ce trop demander à un journal ayant les ambitions du Monde d’ignorer l’argument d’autorité et d’évaluer toute prise de position ou analyse à sa valeur intrinsèque ?

  6. Panique dans les universités américaines !
    Les États-Unis ont ruiné la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo qui prétend que «chaque pays doit se spécialiser dans les activités pour lequel il est le plus doué.» Comment ?
    En se spécialisant dans… La consommation.

  7. Rocard sombre dans le gâtisme. Mais c’est un gâtisme efficace politiquement, qui flatte toute une tendance populiste à l’oeuvre depuis longtemps à gauche, qui consiste à nier la science économique pour mieux s’affranchir de ses contraintes.

    Les économistes disent tout et son contraire ? Je peux donc librement distribuer de l’argent à ma clientèle (ou des emplois inutiles, ou des RTT) en échange de leur bon vote.

    Le pays s’enfonce, mais je serai réélu. Ca ne va pas plus loin.

  8. Il y a cependant quelques remarquables similitudes approximatives entre les propos tenus par Galbraith -le jeune et ceux tenus par Rocard :

    http://www.nytimes.com/2008/11/0...

    (via Mankiw)

    Comme le note Mankiw ( gregmankiw.blogspot.com/2… ), il est probable que ce discours sorte d’un certain débat des intellectuels qui se réclament comme proches d’Obama, et témoigne de l’affirmation d’un certain consensus hétérodoxe probablement minoritaire, mais présent, dans les premiers cercles de ce qui sera certainement le futur gouvernement américain.

  9. Sans vouloir briser vos illusions, Gaétan, les comportements que vous dénoncez vertueusement existent tout aussi bien à droite…

  10. En lisant cette interview, je me doutais que vous alliez réagir et que cela allait vous mettre en colère.
    Je reconnais que c’est simpliste et un peu démago. Mais en même temps, il est vrai que beaucoup d’économistes que je voyais, ou entendais, nous parler il y a quelques mois du danger mortelle de la dette publique, du manque de compétitivité des entreprises françaises ou de la pression fiscale, se font étrangement silencieux. Ou bien alors, c’est pour défendre le système qui vient de s’éffondrer (cf Baverez).

    En lisant votre blog, je vois bien que les économistes réagissent, surtout sur le net d’ailleurs. Mais il faut être réaliste, combien sommes nous à lire les blogs d’économistes. Moi même je ne lis quasiment que le votre, en complément de la lecture d’Alternatives Economiques. Que voulez vous que la plupart des gens comprennent à cette crise si ce n’est: c’est la faute à ces ultra-libéraux américains?
    En l’espace d’un an, nous avons vu une hausse des matières premières propremment hallucinante puis un effondrement des marchés financiers qui va causer une grave cris économique. Tout ça, et c’est comme ça que je le ressens, à cause d’un système tellement instable, tellement gigantesque, que pas une seule personne, ni une seule institution sur cette planète, n’arrive à le contrôler, à le "réparer" ou à savoir exactement ce qu’il contient.

    Alors évidemment, Milton Friedman n’est pas un criminel, les économistes parlent et donnent leurs avis et solutions et Rocard en fait des tonnes. Mais que voulez vous que les gens qui n’y entendent pas grand chose en économie (je m’inclus là dedans) pensent d’autre que ce qu’a dit Rocard: l’ultra-libéralisme est une folie; combien de crises avant une véritable réforme?; certes l’Etat n’a rien d’infaillible, mais alors que dire des marchés?; l’économie de marché, c’est le triomphe de l’actionnaire sur l’ouvrier.

    Voilà, je m’attends bien évidemment à me faire tancer pour mon manque de connaissances théorique en matière d’économie, mais bon, j’aurai au moins dit ce que je pensais.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Je ne suis pas en colère.

  11. "Michel Rocard : Pour le savoir, il faut d’abord poser le bon diagnostic. Or, ce qui frappe, c’est le silence de la science. Les grands économistes se taisent."
    N’est-ce pas une autre manière de formuler ce que dit Posner :
    "Finally, the depression will stimulate fresh thinking by the economics profession. The profession’s embarrassing failure to foresee the depression, and the failure of the Federal Reserve Board, of deposit insurance, and of other regulatory institutions and requirements to avert the near collapse of the banking industry, will stimulate fresh thinking about and research in macroeconomics and financial economics; and the regulatory responses initiated by the Bush Administration and those that will be undertaken by the Obama Administration will generate valuable data about the effects of economic regulation. Economists will learn from the bad policies adopted in response to the depression (and some are bound to be bad) as well as from the good ones."
    Posner en tire une conséquence constructive (il faut que nous progressions), alors que Rocard décrit simplement le peu d’adéquation au moment de la crise de la science au phénomène en cours. Mais le contraste me paraît moins saisissant qu’à vous.

    Réponse de Stéphane Ménia
    Non, Rocard dit que en ce moment les économistes se taisent. Posner regrette l’avant.

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