Comment devenir riche en lisant le journal

Il y a deux choses qui sont déplaisantes quand on est économiste : s’entendre dire que l’économie, c’est nul et ça ne sert à rien; et ensuite, recevoir une demande de conseil pour devenir riche. Hélas, les compétences nécessaires pour devenir riche sont assez éloignées de la connaissance de l’économie. C’est pour cela que je suis très fier, aujourd’hui, de vous proposer un moyen infaillible de devenir milliardaire. C’était dans les pages “Opinions” du Monde, donc c’est forcément vrai.

Supposez qu’il existe un actif, aujourd’hui disponible en grandes quantités, que l’on peut acheter pour un prix raisonnable (un peu plus d’une soixantaine d’euros l’unité). Et nous savons, à coup sûr (“c’est une certitude mathématique” nous dit l’article) que d’ici une dizaine d’années, peut-être même avant, il vaudra beaucoup, beaucoup plus : mettons, 300 euros. Cela fait un rendement annuel, garanti d’un peu plus de 17% annuels. Avec un tel rendement garanti, non seulement vous devez placer toutes vos économies dans cet actif, mais vous avez même tout intérêt à emprunter massivement pour acheter cet actif en grandes quantités : il est tout à fait rentable d’emprunter aux taux actuels (dans les 5%) pour acheter un actif qui rapporte du 17%. Donc, même sans mise de fond initiale, vous pouvez garantir votre fortune d’ici une dizaine d’années.

Je suppose que vous êtes en train de vous demander quelle est cette bonne affaire, et que vous attendez la révélation, la main sur le combiné téléphonique, prêt à appeler votre banquier. Mais encore un peu de patience, et réflechissons. Est-il possible qu’une aussi bonne affaire existe? Supposons qu’un tel actif existe, qui offre sans risque un rendement de 17% annuels, et que l’information soit aisément disponible (je rappelle qu’elle était dans un récent numéro du Monde). Tout le monde devrait se ruer pour acheter cet actif; D’ailleurs, on peut penser que les chanceux qui le détiennent refuseront de le vendre à un prix aussi bas que 60 euros. Peu de vendeurs, beaucoup d’acheteurs : le prix de cet actif devrait monter. Jusqu’où? Jusqu’à la somme qu’il faut payer aujourd’hui, au taux d’intérêt sans risques, pour avoir 300 euros dans 10 ans : c’est à dire, environ 185 euros (c’est la somme qui, placée à 5% aujourd’hui, rapporte 300 euros au bout de 10 ans). Il y a donc quelque chose d’étrange dans cet actif sensé rapporter autant : il est aujourd’hui très fortement sous-évalué. Comment peut-on l’expliquer?

– Soit en supposant que le monde entier est composé d’individus stupides, qui ne voient pas la fortune, devant leurs yeux, qui leur tend les bras : des gens qui vendent aujourd’hui à 60 euros quelque chose qui en vaut 185. Et des gens qui en ce moment, achètent en bourse autre chose que cette excellente affaire. C’est, vous le reconnaîtrez, peu probable.

– Seconde possibilité : L’auteur de l’article qui nous laisse croire qu’il y a une “certitude scientifique” sur le prix futur de cet actif se trompe ou nous trompe. En réalité, ce prix futur si élevé n’est qu’une possibilité parmi d’autres : il est possible que dans 10 ans, cet actif vaille effectivement 300 euros; il est possible également qu’il soit plus ou moins cher que cela. Le prix actuel de l’actif est donc juste, étant données les informations disponibles : et dans ce cas, adieu veau, vache, cochon, couvée : la fortune n’est finalement pas au coin des pages “Opinions” du Monde.

De quel actif s’agit-il? Certains d’entre vous l’auront peut-être deviné, il s’agit du pétrole; l’article concerné est intitulé “il faut préparer la fin du pétrole“. L’article nous explique que la production pétrolière va très bientôt se ralentir, alors que la demande ne fait que monter, et que pour éviter “un prochain choc pétrolier” il faut nous préparer, en augmentant chaque année de 5 à 10% le prix du pétrole. Sinon, la hausse sera tellement forte que nous subirons un choc pétrolier qui pourrait nous faire basculer dans le fascisme (sic).

Problème : si effectivement la diminution de la production pétrolière est une “certitude mathématique”, alors soit cette certitude est d’ores et déjà inscrite dans le prix (actuellement élevé) du pétrole; et il n’est absolument pas nécessaire d’en augmenter le prix plus avant. Soit la “certitude mathématique” est entachée de larges incertitudes, auquel cas on voit mal pourquoi il faudrait s’infliger aujourd’hui des hausses de prix obligeant à des ajustements immédiats pour se protéger d’une hausse future qui n’interviendra peut-être jamais. Au fond, il reste une chose simple : le prix de marché du pétrole actuel reflète toutes les informations et les incertitudes que l’on peut faire sur l’avenir de cette ressource. Les prix produisent la vertu, si l’on en croit les auteurs; mais ils oublient de dire que seuls les vrais prix ont cet effet.

Normalement, à ce stade, on a droit à un commentaire sur les économistes “fanatiques du marché” qui oublient que les marchés sont souvent “myopes” (contrairement aux gouvernements qui savent imposer des taxes à bon escient, cela va de soi). Mais il n’y a aucun fanatisme du marché là dedans. Simplement l’idée que lorsqu’un billet de 500 euros traîne par terre, il devrait être ramassé assez vite, ou alors, c’est qu’il y a un problème. Posez-vous simplement la question suivante : après avoir lu cet article, êtes-vous prêt à dépenser toutes vos économies, à vous endetter au maximum, pour acheter des barils de pétrole? et, au passage : pensez-vous que Nicolas Hulot, qui signe cet article, a placé tous les fonds de la fondation Ushuaïa en barils de pétrole, afin que dans 10 ans celle-ci soit suffisamment dotée pour accomplir sa mission? Si la réponse à la première question est “non”, alors cela veut tout simplement dire qu’au fond de vous, vous ne croyez pas à cet article. Si la réponse à la seconde question est “non”, cela veut dire que même les auteurs de l’article ne croient pas à ce qu’ils racontent.

Et la raison pour laquelle ils écrivent des choses sans y croire est probablement louable : ils veulent expliquer qu’il est nécessaire de taxer les produits pétroliers et les énergies fossiles pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ils veulent rappeler qu’actuellement, l’énergie n’est pas si chère que cela malgré la hausse du prix du pétrole, que lutter contre l’effet de serre exigera des efforts que les politiciens, qui préfèrent aller braire dans des assemblées bien-pensantes, se gardent bien de rappeler. Mais faut-il raconter n’importe quoi dans un but louable? A force de crier “au loup” hors de propos, on finit par nuire à sa propre cause.

Share Button

Alexandre Delaigue

Pour en savoir plus sur moi, cliquez ici.

21 Commentaires

  1. Comme quoi un clown plus un polytechnicien (qu’il ne faudrait pas oublier dans l’affaire) ne font pas un économiste. Cela dit, Jean-Marc Jancovici a beau disposer d’un site scandaleusement laid (http://www.manicore.com/), c’est quand même un gars techniquement compétent qui fournit un paquet de documents utiles, ce qui n’est pas fréquent de la part d’un consultant.

  2. Dans un pays où l’on arrive a convaincre que le chomage est mieux qu’un CDD, et où les Trois Quart des jeunes veulent devenir fonctionnaire, on est plus a une idiotie près.
    n’oublions pas 2 vérités fondamentales :
    Les prix sont le reflet de l’attrait et de la valeur d’un bien ou d’un service et permettent de renseigner les investisseurs et l’ensemble des acteurs économiques.
    M. Hulot ne connais rien au problème des effets pervers d’une telle mesure : baisse de la consommation par une taxation supplémentaire (dans un pays déjà fortement taxé), perte de compétitivité, perte d’investissement = recession.

    Je ne m’étonne même plus que de telles idées soient encore dans les journaux …

  3. Au delà de l’incertitude du prix à terme, l’obstacle majeur à investir sur le petrole me semble plutot etre la difficulté à s’en procurer sur les marchés.
    Par contre je sais comment on achete des warrants sur le brent, et j’en suis ravi 😉

  4. Pour une fois Alexandre, je suis déçu (je précise bien : pour une fois). Je suis allé lire l’article du Monde. Vous ne précisez pas que son auteur est Nicolas Hulot, dont on connaît l’opinion sur les problèmes d’environnement, et vous déformez ses propos pour faire une démonstration juste… mais à côté de la plaque. Sans pour autant prendre la défense de N.Hulot on a envie de demander : mais que vous a-t-il fait? Allons, allons, Econoclaste nous a habitués à mieux que cela!

  5. @Denys : tout à fait.C’est d’autant plus dommage de produire ce genre d’articles : il y avait mieux à faire sur le sujet.

    @Nicolas : Le prix du pétrole tient compte effectivement des informations sur sa disponibilité future; Il ne tient pas compte par contre des effets externes provoqués par sa consommation. L’utilisation de taxes n’est pas forcément un mauvais moyen pour en réduire la consommation si c’est nécessaire (voir econoclaste.org.free.fr/d…
    Et cela peut être effectué à pression fiscale constante.

    @jp : vous pouvez aussi acheter des actions de compagnies pétrolières. Moins amusant que les warrants, certes.

    @Stéphane : J’ai précisé que l’auteur était Hulot (voir avant-dernier paragraphe) et les intentions sous-jacentes. Et je ne pense pas en avoir trahi le point de vue, qui est de dire que le prix de marché ne prend pas en compte l’épuisement futur de la ressource, ce qui implique des taxes pour cette adaptation. En toute logique, c’est absurde. C’est agiter le chiffon rouge, peut-être pour une bonne cause, il n’empêche que c’est faux. Quant à Nicolas Hulot, je dois avouer : il m’énerve.

  6. @Stéphane, sur la déontologie du BLOG. Pas tout à fait d’accord.

    D’abord, le lien vers l’article est fourni. Ca n’a l’air de rien, mais je le souligne en rapport avec une certaine affaire Finkielkraut, des citation "traduites" plus ou moins et extraites du contexte de façon scandaleuse dans un article "compte rendu" autorisé tel quel par un rédacteur qui ne pouvait ignorer le choc, sans même mentionner une page html du journal Haaretz, pourtant en anglais.

    De plus, quand on dit que : " L’histoire a amplement prouvé que" (la passivité n’est pas la meilleure option.)
    "quiconque a bien creusé le sujet"
    "Du reste, quand ils ont bien compris le problème"
    et autres "certitudes mathématiques",
    je crois qu’il est tentant de remettre un peu les auteurs à leur place, d’autant que l’absurdité sous-jacente à l’article (que les prix vont augmenter et que tout le monde le sait et le dit, à part Bush mais tout le monde sait qu’il est incapable de marcher et de mâcher du chewing-gum en même temps) est bien réelle.

    J’en rappelle une seconde (et je poursuis mon lobbying pour Hulot au Bêtisier) :
    – Par ailleurs, la fiscalité est un simple recyclage national, qui ne crée ni chômage ni récession
    – Une taxe accrue donne plus d’argent à l’Etat : tant mieux. Ce dernier pourra financer la reconstruction dont nous avons besoin.

    Ou comment Hulot et un polytechnicien mettent Laffer et Barro (sur l’efficacité de la défense publique) KO en quelques lignes.

  7. Permettez-moi de vous suggérer quelques autres possibilités pour expliquer cet apparent paradoxe :

    – troisième possibilité : les auteurs du papier disposent d’information que n’ont pas leurs lecteurs, qui dès lors peuvent légitimement douter de la pertinence de leur prédiction, quand bien même celle-ci serait fondée. Bref les auteurs ont raison, les lecteurs n’y croient pas, ils ont tord.
    – quatrième possibilité : La "certitude mathématique" est bien réelle, mais la plus grande incertitude pèse sur la date de la réalisation de cette prédiction.
    – cinquième possibilité : la plupart des "gens" ignorent la possibilité d’un tel achat, le croyant réservé aux spécialistes du secteur (personnellement, je n’ai pas vu de baril en vente sur les étals de mon marché. Je sais, je ne fréquente pas le bon).
    – sixième possibilité : le mouvement d’achat à déjà commencé. N’évoque-t-on d’ailleurs pas le rôle de la "spéculation" dans le cours actuel du pétrole?
    – septième possibilité : Le raisonnement économique ne s’applique pas dans ce cas là.
    – huitième possibilité : ?
    – …

    Certains de vos billets me laissent admiratifs, et me font partager votre agacement à l’endroit de la DIY économie. Celui-là me rappelle que les critiques de l’économicisme ne sont pas toujours sans fondement. Oh, je ne voudrais pas insister sur le fond de ce problème particulier qu’est cette crise annoncée du pétrole (mais j’admets penser que les contraintes géophysiques finiront nécessairement par l’emporter un jour ou l’autre). Je voudrais surtout insister sur le caractère discutable de votre attitude épistémologique : à aucun moment vous ne posez la question de la pertinence de votre raisonnement. Est-il si inconcevable que, pour une raison ou une autre, l’alternative que vous proposez puisse ne pas épuiser le champ des possibles? Tenez, par exemple, si on prend les idées (également discutables) de Dupuy sur le "catastrophisme éclairé", on pourrait interpréter cette situation étrange comme la manifestation d’un refus d’envisager la "catastrophe" de la fin du pétrole. On le sait, mais on refuse d’y croire (quant aux auteurs, pour proposer une réponse à votre question finale, ils y croient peut-être mais courraient un grand risque d’image à jouer les péculateurs).

    C’est donc surtout là-dessus que je voudrais attirer votre attention. Si un jour je croise un individu négligeant de ramasser un billet de 500 au détour de son chemin, je ne me contenterai pas de nier la réalité de ce billet. J’envisagerai EGALEMENT la possibilité d’une révision de mes croyances sur la psychologie de cet individu. Or, en ne l’évoquant pas, vous excluez a priori cette possibilité. C’est précisément ce genre d’attitude qui nourrit les éternels commentaires sur les économistes non pas "fanatiques du marché", mais "fanatiques d’eux-mêmes", avec leur tendance à vouloir faire plier la réalité (ici géophysique) à leur imaginaire théorique. En l’occurrence à l’idée que "le prix de marché du pétrole actuel reflète toutes les informations et les incertitudes que l’on peut faire sur l’avenir de cette ressource." Je ne sais pas si le "problème" est là, mais je sais que la question peut se poser, et qu’elle devrait l’être (pour ma part, je décèle dans votre assertion la trace d’une certaine forme de relativisme, avec une confusion entre croyances et connaissances : les prix reflètent des croyances, et ces croyances peuvent être fausses).

    Bien cordialement,

    EL

    PS1 : soit dit en passant, je réagis à votre papier car, par une amusante coïncidence, et à la lecture du même papier du Monde, je me suis posé hier la question d’un investissement possible dans un ou deux barils de brent (j’ai un peu de place au fond du jardin).
    PS3 : inutile de me rappeler que les réserves et les prix ne sont que très indirectement liés à la géophysique, et que la notion de réserve est d’abord économique car : 1) ce n’est pas mon propos, 2) je le sais.
    PS2 : je crois que c’est chez vous que j’ai lu un intéressant billet revenant sur le lieu commun de l’articulation crise de 29/nazisme, mais je n’arrive plus à le retrouver. Pourriez-vous m’indiquer où il se trouve?

  8. Hulot ne parle pas de certitude scientifique, mais mathématique : si sur un stock fini, on arrete pas d’en consommer de plus en plus, le stock sera épuisé au bout d’un temps fini : c’est une tautologie, ca n’a rien de scientifique.

    En ce qui concerne la formation du prix : les gens qui pensent qu’il n’y aura plus de pétrole bon marché pense également qu’il y aura les pires catastrophes (famine, facsime, …) donc, leur analyse n’est sans doute pas intégré dans le prix. Ceci dit, il serait effectivement intéressant de demander à M. Hulot pourquoi il ne stocke pas du pétrole.

    Ce site est très intéressant : http://www.oleocene.org/

  9. Votre démonstration est attrayante, et intellectuellement stimulante. Reste qu’elle est tirée par les cheveux.

    Le marché a toujours raison, dites vous, certes, mais il est influencé par deux éléments : la psychologie et le temps.

    Côté psychologie, le marché avait-il raison en 2000 de valoriser des start up internet à des prix hallucinants ? La réponse est non bien sûr. Et pourtant c’est ce qui c’est produit.
    Cela retourne votre argument selon lequel on devrait se précipiter pour acheter du pétrole. On peut se tromper, et même collectivement.

    Côté temps à présent. Si je vous dis que France Télécom dévoilera un procédé de connexion Internet révolutionnaire (les doigts dans la prise en disant "ôm") en l’an 2020. Qu’allez vous faire ? Acheter tout de suite des actions FT, afin de toucher le jack pot le moment venu ? C’est peu probable.
    Car 2020 c’est loin. Cela dépasse votre cadre quotidien de réflexion et même vos capacités d’anticipation. Pour autant vous êtes persuadé de la nature révolutionnaire de l’invention. Mais encore une fois, vous vous direz "j’ai le temps".

    En fait, psychologie et échelle de temps, se combinent, et participent de la même logique : l’humain.

    Dès lors, et même si comme vous Mister Hulot me tape le nerf optique… je pense que votre réfutation n’est pas bonne.

    Dernière chose : encore une fois à long terme, c’est le principe d’incertitude qui l’emporte. Oui le pétrole est une ressource finie, et donc logiquement on devrait se ruer dessus tout de suite. Mais d’ici 2020, peut-être aura t-on trouvé une source d’énergie révolutionnaire, remplaçant le pétrole ?

    On voit donc bien que le marché a peut être raison d’être "prudent", alors même qu’il sait que le pétrole aura une fin et qu’il devrait être "sans valeur", du moins hors de prix.

  10. Il me semble que c’est moins simple que ça.
    Je ne me rappelle plus exactement comment c’est présenté de l’article, mais de manière générale la thèse des Nicolas Hulot, Jean-Marc Jancovici, Eric Laurent ou Yves Cochet ( ces 2 derniers étant les auteurs de 2 brillants récents ouvrages sur le sujet ), c’est que :
    1) non seulement la baisse de la production mondiale de pétrole est pour très bientôt – mais cela ne changerait rien au prix d’après vos explications ( je vais quand même y revenir ),
    2) mais aussi le volume estimé des réserves est très sur-estimé ( les membres de l OPEP mentent ),
    3) et que le coup d’extraction de ce qui reste est plus élevé que ce qu’on veut bien nous dire ( voir notamment les fameux schistes bitumeux )

    Résumons : il reste moins de pétrole que ce que le marché croit et il sera beaucoup plus cher à extraire que ce que le marché espere.
    Donc le prix du pétrole est sous-estimé par le marché, et nous allons assister progressivement à un rattrapage du prix. ( les hausses actuelles sont dues à des anticipations du marché sur les ruptures d’approvisionnement ) .

    Pour clore l’aspect purement économique, rappelons aussi que ce que disent exactement Hulot et Cochet est : « le prix d’une ressource épuisable dont la consommation aimerait augmenter en permanence ne peut qu’exploser ».
    Ils insistent donc sur le fait que la demande va augmenter, ce qui relativise votre analyse puisqu’on on introduit (encore) un facteur mal maîtrisé à éstimer ( quelle va être la croissance de la demande ? ). Je trouve dommage que vous n’ayez pas souligné ce point.

    Maintenant, passons au vrai but de l’article, celui que vous laissez de coté .
    Même à supposer que le prix actuel tient compte de la raréfaction à venir du pétrole, et de tous les aléas que j’ai souligné auparavant, et donc que ce prix ne devrait pas exploser comme prévu …. ca ne veut pas dire que la production, elle, va rester stable ( puisque on vient de supposer le contraire 🙂 ).
    Evidemment, elle va diminuer. On va donc bien avoir un problème à gérer, des modes de production et peut être des modes de vie à changer. Le pari de Hulot et Jancovici, c’est qu’en surtaxant le pétrole, les gens auront plus de temps pour s’adapter aux changements à venir.

    Dire que « ils veulent expliquer qu’il est nécessaire de taxer les produits pétroliers et les énergies fossiles pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. » est donc à mon avis faux, car dans leur présentation, moi je vois plutôt cette perspective de réduire dés maintenant un peu nos émissions comme une simple cerise sur le gateau, mais certainement pas un but. Le but c’est bien de préparer l’ère du pétrole rare le plus tôt possible.

    Un dernier mot sur votre boutade rhétorique sur Nicolas Hulot en train d’investir pour le pétrole. Croyez vous vraiment qu’une ONG comme la sienne raisonne en terme d’investissement pour dans 10 ans ? Non, il dépense à peu prés tout ce qu’il peut tout de suite, pour sensibiliser les gens tout de suite…

  11. Ne pas oublier le fait que le stockage du pétrole a un coût qui est tout sauf négligeable. Cela rend les arbitrages temporels largement plus coûteux que pour des titres de propriété ou de dette.

  12. J’aimerais quand même apporter un point àl’actif de Hulot et de Jancovici (dont, il est vrai, le site, bien que laid, est très riche).
    La certitude mathématique que la production de pétrole finira par décroitre est bien une réalité, on parle du pic de Hubbert pour le maximum de la production.
    Le pétrole étant une ressource finie (ça c’est un fait indéniable), son exploitation commence par valoir 0 et se finira à 0 lorsque la dérnière goute aura été pompée. Mathématiquement parlant, une fonction bornée ayant une intégrale finie (= quantité de pétrole extrait) passe nécessairement par un maximum, dit pic de hubbert dans l’exploitation des ressources naturelles.
    Bref, l’utilisation de l’expression "certitude mathématique" n’est pas frauduleuse dans cet article. Le seul hic dans leur raisonnement, c’est que nul ne sait exactement où nous nous trouvons par rapport à ce fameux pic, certains pensent que nous y sommes, d’autres qu’il nous reste 20 à 30 ans. C’est bien évidemment cette incertitude là qui fait que le cours du pétrole n’est pas encore à 185€.

  13. le probleme avec cette opinion de monsieur hulot et meme votre billet,c’est que votre evidence mathematique ne mene a rien.
    on sait faire du petrole synthetique depuis longtemps [80/85 ans] [visit south africa],des pays comme les usa ont d’enormes ressources naturelles pour produire du synthetique,il y a simplement une question de prix [on y est mais il faut y rester pour justifier les investissements] et de volonte politique…ce genre d’article arrive toujours en fin de periode de bulle et jamais quant le petrole est a $10 [la c’est le style "drowning in oil" comme dirait "the economist"
    ce papier,plus bas, est pas mal,pour resumer en prenant en compte les possibiltes du synthetique les usa ont presque 3 fois l’equivalent des reserves du moyen-orient:
    http://www.westgov.org/wieb/meet...

  14. un point de plus:
    si vous croyez vraiment a la hausse achetez plutot du petrole sur les marches a terme,le decembre 2012 traite a $69 soit presque 10% moins cher que le spot…on se demande pourquoi…

  15. Merci à tout le monde de contribuer à m’éviter d’interrompre toute activité intellectuelle pendant les vacances scolaires. Il y a décidément des sujets qu’il n’est pas possible d’aborder sans controverses passionnées (mais, et j’en remercie tout le monde, sans sombrer dans la polémique inutile). Bien fait pour moi, la prochaine fois je ferai un post interminable consacré à ma tasse de café.
    @EL : vos explications proposées sont intéressantes, mais aucune d’entre elle n’est contradictoire avec mon propos. Elles participent soit des explications du type "tout le monde est fou, sauf les auteurs", soit "les auteurs sont incohérents". Tout le monde, en effet, ne sait pas qu’on peut acheter à terme du pétrole, ou autres choses. Mais il y a beaucoup de gens qui le savent, et ces gens-là sont particulièrement à la recherche d’une bonne affaire, et lisent le journal. Donc il y a quand même quelque chose d’étrange là-dessous. Alors oui, l’explication par l’ignorance collective, le refus de regarder l’abyme, est une possibilité : mais dans ce cas, la solution proposée (augmenter les taxes) est incohérente. Ce que je reproche aux auteurs, ce n’est pas de dire "le pétrole, ça pollue et un jour il n’y en aura plus" : c’est d’en tirer des conséquences économiques erronnées. L’économisme que vous reprochez n’est pas de mon fait, mais du leur. Si vous supposez qu’il faut augmenter les taxes pour se préparer dès aujourd’hui à une pénurie future, vous supposez qu’il existe une façon de faire fortune connue de tous et que personne ne saisit. C’est, pour un produit comme le pétrole, une hypothèse surprenante, même en se livrant à des questions sur la psychologie des gens qui vendent et achètent. L’économisme et la diy économie, je le répète, est ici le fait des auteurs, car si on accepte leurs hypothèses géologiques (et je le fais volontiers), leurs conclusions économiques n’en découlent aucunement. Pour le PS2, c’est peut-être dans une ancienne FAQ (celle sur la guerre économique? Je vais regarder).

    @Eric : De manière générale, il y a beaucoup de gens qui font des paris sur l’avenir à partir de leurs estimations et des informations dont ils disposent, et le prix de marché actuel traduit cela, tout simplement. La vraie question, c’est pourquoi les catastrophistes ne tirent pas les conséquences logiques de leurs idées? Parce qu’on va se lever un beau matin dans un monde en proie à la guerre civile et au fascisme faute de pétrole?

    @Chris : concernant la psychologie , il est tout à fait possible en effet que les marchés conduisent à une surrévaluation, ou a une sous-évaluation, d’un actif. Mais dans les mêmes périodes, il y a eu des gens clairvoyants pour profiter de ces erreurs d’évaluation. Si les auteurs sont si clairvoyants, pourquoi n’en profitent-ils pas? Après tout, moi je veux bien que les marchés se trompent et sous-évaluent actuellement le pétrole. Mais dans ce cas, et bien ce post est correctement titré : si vous y croyez, vous avez un moyen de faire fortune sans effort. Je répète : si vous n’êtes pas prêt à mettre toutes vos économies dans le pétrole, vous ne croyez pas que les prix soient sous-évalués. Le problème du temps, lui, se résoud simplement par l’actualisation. Après tout, d’ici 5 milliards d’années, le soleil va exploser et la terre sera détruite. Cette sombre perspective ne modifie guère les comportements individuels, et à juste titre. De même, si le pétrole vient à manquer/coûter cher dans suffisamment longtemps pour que son prix actuel prenne correctement en compte cette perspective, alors, il n’y a pas à modifier nos comportements. Une invention de france telecom en 2020 que je suis le seul à connaître (avec vous) ne m’intéresse que dans la mesure ou elle conduit la valeur du titre à monter de plus que 1,05^14 de façon non anticipée.

    @Fabien : Pour le pékin moyen qui regarde TF1, effectivement, la lecture d’Eric Laurent ou autres Yves Cochet peut apprendre des choses qu’ils ne savent pas sur les réserves. Dans la vraie vie, tout le monde sait que les réserves sont mal évaluées et que les ressources supplémentaires seront coûteuses. Il suffit d’avoir un ordinateur et une connexion internet pour être farci d’informations contradictoires sur le sujet. Le prix du marché actuel tient compte de ces incertitudes. Et s’il ne le fait pas, tous les lecteurs de ces ouvrages peuvent être content : ils ont les moyens de devenir très rapidement très riches. Car vous oubliez un élément, qui est le fait que si c’est vraiment si rapidement que cela qu’on va manquer, on a intérêt à s’endetter lourdement pour avoir beaucoup d’argent bientôt. Quand vous êtes soucieux d’environnement, la perspective de tripler vos ressources financières n’est-elle pas alléchante? Pour le reste, le lien offre-demande-réserves est simple, c’est le prix. Pour un pétrole à 1 dollar le baril, la demande est très forte et les réserves quasiment nulles. Pour un baril de pétrole à 1000 dollars le baril, la demande est très faible, mais les réserves deviennent quasiment infinies (comme le rappelle jck dessous, on en fabrique de l’artificiel pour ce coût là).

    @Emmanuel : on peut aussi acheter des contrats à terme.

    @M Spock : exact. Et c’est pour cela qu’il n’est pas nécessaire de se "préparer" en faisant des efforts maintenant qui coûteront cher. Au XIXème siècle, ce ne sont pas des taxes sur les baleines en voie de disparition qui ont conduit à utiliser le pétrole pour l’éclairage.

    @JCK : oui, il y a le synthétique, fondé je crois sur la liquéfaction du charbon, que les sudafs avaient utilisé pendant l’embargo. Sinon j’avais lu un papier de chez total indiquant qu’ils en avaient fabriqué du synthétique à partir de matières organiques, pour dans les 300 $ le baril. Reste aussi l’éthanol, etc. Reste que je pense que vous serez d’accord avec moi : ces alternatives n’exigent pas de réponse fiscale particulière (par contre, elles peuvent demander une réaction règlementaire) parce que le prix du marché inclut déjà toute l’information disponible sur les réserves futures.

  16. @alexandre:tout a fait d’accord.la reponse fiscale n’est pas appropriee,au contraire cela retarde l’emergence des energies alternatives,en diminuant la consommation et donc le prix hors taxe du petrole le seul qui compte pour evaluer les investissements en energies alternatives et en plus on subventionne indirectement ceux qui taxe moins que nous

  17. Le prix d’une ressource épuisable doit augmenter au rythme du taux d’intérêt pour une exploitation socialement optimale. C’est ce qu’a demontré Hotteling en 1931. Mais le marché du pétrole n’a semble-t’il pas vraiment été concurrentiel jusqu’ici puisque le prix du pétrole a beaucoup fluctué sans qu’une tendance croissante ne se dégage. En fait un cartel, l’OPEP, a "régulé" le marché (le "marché" doute aujourd’hui qu’il soit en mesure de le faire encore faute de capacités de production excédentaires). Par ailleurs la règle d’Hotteling est valable pour un stock et des technologies connues.
    Je ne suis pas certain que le prix soit un signal suffisant pour faire un passage en douceur vers la société de l’après pétrole : l’élasticité prix de la demande est faible pour des chocs de prix non anticipés (elles est non négligeable à long terme, quand sont modifiées les localisations et les modes de déplacement), celle de l’offre aussi (pas de lien évident entre prix et découvertes par exemple, la géologie l’emporte). Surtout le principal problème est l’incertitude : je pense que le prix du pétrole va augmenter à long terme mais je ne serai pas étonné de le voir très bas à moyen terme, par exemple en cas de crise globale importante (qui pourrait être déclenché par bien d’autres choses que le pétrole, je parierai sur les déséquilibres macros américains). De quoi faire réflechir les investisseurs (en exploration pétrolière ou en énergies renouvelables…. et aussi Nicolas Hulot avant de placer les économies de sa fondation).
    Je suis favorable à la proposition de Jancovici et Grandjean dans "Le plein, s’il vous plait, la solution au problème de l’énergie" d’une augmentation progressive des taxes sur les énergies fossiles (ça pourrait être sur le CO2 mais ça reviendrait au même) de manière à créer un cadre prévisible pour les décisions des consommateurs comme des producteurs, et donc les amener à prendre les "bonnes" décisions. Pourquoi pas une hausse en fonction du taux d’intérêt pour faire plaisir à Hotteling ? quitte à amortir les fluctuations trop brutales par rapport à cette tendance (quand c’est budgétairement possible).
    Evidemment, si tous les pays consommateurs de pétrole adoptent une telle taxe on obtient une baisse du prix hors taxe donc des incitations (privées) du côté de l’offre. Mais je doute fortement que beaucoup de pays se lancent dans cette voie (pas même la France d’ailleurs); Donc ça reste une politique intéressante bien qu’en partie non coopérative.
    Autre chose, les craintes d’une gestion autoritaire de la crise énergetiques et donc de menaces pour la démocratie malgré leur côté apocalyptique ne doivent pas je crois être prises trop à la légère. On est peut-être face à une crise systémique. L’économie de marché n’arrivera pas avec certitude à gérer la transition en douceur, faute de temps (même si le peak-oil est dans 20 ans, c’est demain au regard du temps nécessaire pour réaliser tous les investissement nécessaire à un remplacement du pétrole, d’autant que la/les solution alternative n’est pas évidente). Dans des situations extrêmes les régimes autoritaires peuvent prendre le dessus.
    Pour terminer en économiste : si tout se passe bien le coût de la dépletion se limite à la valeur du pétrole extrait (prix moins coût marginal d’extraction) multiplié par la quantité produite, ce qui se limite à quelques points de PIB, je dirais 4 au plus. désolé mais la référence pour une démonstration m’échappe pour le moment. Pas vraiment de quoi mettre le problème "en haut de l’agenda". Mais j’ai quelques doutes sur le fait que tout se passe comme dans les livres. Alors autant prendre les devants pour mieux récupérer le double ou triple dividende (faire face à la crise énergétique et environnementale et peut-être recycler en faveur de l’emploi les nouvelles recettes d’une taxe sur les énergies fossiles -éventuellement en baissant d’autres taxes pour ceux qui croient en Laffer ;-)).

  18. Toute votre analyse repose sur le postulat que le prix du pétrole "reflète toutes les informations et les incertitudes que l’on peut faire sur l’avenir de cette ressource". Et d’inviter ceux qui contesteraient la justesse de ce prix à en tirer les conséquences et à spéculer (à la hausse ou à la baisse, selon le cas).
    Or, comme il a déjà été dit ci-dessus, le prix d’un bien quelconque peut parfaitement dans certaines circonstances se déconnnecter de cette image idyllique du "vrai prix" (et le comportement pour le mois erratique des cours du pétrole sur les 10 dernières années le démontre amplement). Certes, à moyen ou long terme, un équilibre sera sans doute (re)trouvé, mais à quel niveau et surtout à quel délai ?

    Par ailleurs, je ne partage pas nécessairement les opinions des auteurs de cet article, mais votre invitation faite à N. Hulot de spéculer sur cette hausse me paraît d’avantage relever de la polémique que de la démonstration économique. Rien n’exclut (et certains indices amènent au contraire à le présumer) que certains spéculent précisément sur une telle (très) forte hausse du prix du baril. Le fait que le marché ne s’ajuste pas aujourd’hui sur leurs anticipations ne signifie pas nécessairement qu’ils aient tort puisque c’est précisément sur ce décalage entre le prix de marché actuel et le prix de marché "réel" ainsi anticipé qu’ils ils espèrent constituer leur fortune (si le marché s’ajustait immédiatement, il n’y aurait plus de spéculation possible)… C’est ainsi que dans les années 30, certaines belles fortunes ont été constituées sur la base d’investissements dans l’acier ou l’armement de la part de ceux qui – minoritairement à l’époque – anticipaient un futur conflit…
    il reste qu’à l’echelle individuelle, une telle spéculation me semble néanmoins très risquée car, outre l’incertitude quant au terme (la hausse se produira t-elle en 2010 ou en 2020), il me semble plus que difficile d’anticiper les conéquences sur les prix, voire sur la disponibilité du produit – qui seraient engendrés par par la récession économique – voire d’instabilité géopolitique – inéluctablement liés à une telle raréfaction du pétrole. Le pétrole n’est pas à cet égard un bien comme un autre. En général certes, la raréfaction d’un bien ne se tradut "que" dans la hausse de son prix). Mais le pétrole est, d’une part une matière première et d’autre aprt et surtout, une matière première essentielle au fonctionnement de nos sociétés. Il y a donc fort à craindre que sa raréfaction n’engendre d’autres mécanismes que ceux purement économiques de fixation du prix.
    Tout celà n’est pas très gai, mais je ne crois pas qu’on puisse pour autant dire que la thèse est absurde – y compris la taxation proposée.
    Avec néanmoins tout le respect pour l’opinion contraire…

  19. Il me semble que dans cette discussion, on oublie un mécanisme d’incitation élémentaire : quand un bien que j’achête se renchérit, je substitue pour d’autres biens. En l’occurence, on peut se demander si la hausse du prix du pétrole ne fournit pas d’ores et déjà les incitations nécessaires à la substitution vers d’autres modes de production d’énergie, et aux investissements concernant ces énergies alternatives.

    Il s’agit d’une seconde application des mécanismes élémentaires du marché, au même titre que celle soulignée par Alexandre, qui doit rendre très prudent sur les appels à mettre les pieds (fiscaux) dans le plat. À l’attention de ceux qui doutent de ce type de rationalité : The Economist a plublié il y a quelques mois un article faisant clarement le lien entre la baisse inattendue (par les constructeurs) du marché des 4×4 de ville et la hausse du prix du pétrole.

  20. Alexandre,

    Peut-etre les auteurs ont-ils une approche plus éthique qu’opportuniste de leur théorie, et que la possibilité de s’enrichir en augmentant la capitalisation boursière des pétroliers ne les enchante pas plus que cela ? 🙂
    Pour revenir au fond, plutot qu’à la forme un brin polémiste de ce billet, et même si j’apprécie souvent les réflexions de JM Jancovici, j’avoue rester sceptique face à son obsession de vouloir taxer "par anticipation" le pétrole.
    J’ai du mal à croire que cela ait une chance d’accélerer le passage à des énergies alternatives.
    Ceci dit, que cette transition ait lieu dans 50 ou dans 120 ans ne me semble pas si fondamental … L’essentiel étant "juste" de trouver une solution.

  21. Et dire qu’à l’époque de votre billet j’avais hésité à acheter des barils.

Commentaires fermés.