Comment aider les pays pauvres ?

Alors qu’une conférence du PNUD consacrée au développement s’ouvre, que de nombreux articles et auteurs rappellent la nécessité d’accroître l’aide au développement, autour notamment des propositions de J. Sachs dont on a déjà parlé ici, il n’est pas interdit de rappeler que les pays développés n’ont pas que l’aide au développement comme moyen d’aide aux pays en voie de développement; et qu’insister sur celle-ci en ressortant les poncifs les plus usés (ah, l’éternel retour du Plan Marshall pour l’Afrique…)  il est possible de rappeler que les pays riches disposent d’autres moyens que l’aide au développement pour aider les pays pauvres.

La revue Foreign Policy publie chaque année un classement des pays riches selon un indice composite mesurant leur aide globale aux pays pauvres, en prenant en compte non seulement l’aide au développement mais d’autres formes d’aide. Ce type d’exercice a forcément une dimension un peu artificielle, ne respectant qu’avec difficulté le principe d’équivalence nécessaire à la détermination d’un indice correct. Cependant, l’exercice a l’intérêt de rappeler les autres façons d’aider les pays pauvres – moyens qui sont souvent bien plus efficaces que l’aide au développement.
On trouvera ici les composantes de l’indice, qui sont :

– l’existence de barrières au commerce avec les pays pauvres. On l’oublie souvent mais les pays riches dressent devant les pays les plus pauvres de la planète d’épaisses barrières protectionnistes, appauvrissant leurs citoyens (certainement pour créer des emplois…) mais aussi et surtout ceux des pays pauvres. A titre d’exemple, à l’époque de l’infâme accord multifibres (heureusement supprimé au début de cette année 2005) les USA recevaient plus de recettes douanières de leur importations en provenance du Bangla Desh que de la France. On peut rappeler aussi que l’un des récents faits d’armes du département américain du commerce a été d’imposer des barrières sur les importations de crevettes en provenance de Thailande, sous prétexte qu’elles coûtent moins cher que les japonaises, ce qui est une preuve de dumping!). Lever ces barrières est un impératif à la fois économique et moral, et celles-ci font l’objet de la part des pays riches d’une hypocrisie sans bornes.

– la recherche-développement et la diffusion des technologies vers les pays pauvres; le rattrapage de ceux-ci passe à la fois par leur utilisation des techniques de production des pays riches, mais aussi par le développement de nouvelles techniques propres à résoudre leurs problèmes spécifiques : problèmes de santé (maladies tropicales, Sida…) ou spécificité climatiques (voir la façon dont la révolution verte a développé l’agriculture indienne).

– la participation à des opérations internationales de maintien de la paix; les conflits constituent l’une des causes majeure du sous-développement.

– l’ouverture aux flux migratoires en provenance des pays pauvres. Chaque année, les flux de revenus rapatriés par les travailleurs en provenance des pays en voie de développement dans leur pays d’origine doublent les flux de capitaux vers ces pays. Par ailleurs ces flux, contrairement à l’aide au développement, versée aux gouvernements et assortie de conditions poussant au gaspillage, ont un impact direct d’amélioration de la vie des habitants des pays pauvres. Les migrants, par ailleurs, sont des vecteurs dans leur pays d’apport de techniques de production plus efficaces. Les migrations réduisent enfin les pressions démographiques sur les zones rurales et urbaines dans les pays sous-développés. Les migrants, enfin, accroissent aussi le revenu des habitants des pays riches, beaucoup plus que ne le ferait la simple libéralisation des échanges commerciaux.

– la préservation de l’environnement, afin de réduire les risques liés à l’activité humaine, dont sont notamment victimes les habitants des pays pauvres;

– les politiques favorisant l’investissement privé vers les pays en voie de développement : ces investissements constituent dans les pays qui en sont destinataires un moyen d’élever les salaires, le niveau de l’emploi, et d’acquérir des technologies.

– la dernière composante de l’indice est l’aide internationale – mais de façon très intelligente, l’indice réduit les aides conditionnelles (c’est à dire assorties de conditions, par exemple sur ce qu’il est possible d’acheter avec l’aide) et privilégie les aides versées sans contrepartie.

Dans beaucoup de ces différents domaines (notamment le commerce, l’investissement et les migrations), les pays développés pourraient améliorer à la fois le sort des habitants des pays pauvres et le revenu de leurs propres habitants : ce sont des politiques qui sont gagnant-gagnant, accroissant le revenu de tous. Mais comme d’habitude, ces dimensions resteront négligées. Il est tellement plus facile de prendre des postures avantageuses et de se livrer au grand jeu de la générosité, tout en entretenant chez soi les corporatismes, le soutien aux intérêts particuliers, et la dénonciation de la mondialisation si injuste…

Alexandre Delaigue

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