(photo trouvée via Mahalanobis) Ce sont finalement Robert Aumann et Thomas Schelling qui obtiennent le prix Nobel d’économie 2005. J’avais expliqué auparavant que Schelling faisait partie de mes favoris; je suis donc très content.
Marginal Revolution nous fournit déjà des éléments permettant d’identifier les travaux d’Aumann et Schelling; De notre côté, nous avions évoqué le modèle de Schelling décrivant la façon dont spontanément la discrimination spatiale s’organise, sans être le résultat des volontés individuelles; mais aussi la façon dont Schelling avait abordé la question du self-control (malheureusement, ces deux posts sont difficilement accessibles actuellement pour cause de problème de consultation des archives du blog). La bonne nouvelle, c’est que les économistes n’ont plus d’excuses pour ne pas avoir lu ces deux chef d’oeuvre que sont Micromotives and Macrobehavior et Stratégie du Conflit. Auxquels il faudrait ajouter le recueil d’articles Choice and Consequence, qui recouvre une bonne partie des sujets abordés par Schelling. Schelling est un économiste à part, dont la méthode est profondément différente des autres; c’est un mélange rare de rigueur extrême et de compréhension très fine de l’âme humaine. Bien avant les économistes “behavioristes”, il a reformulé la question fondamentale de l’analyse économique : comment les gens se coordonnent-ils? Comment les comportements individuels aboutissent-ils concrètement à des issues que la théorie pure ne peut pas prévoir? Il est aussi de ces économistes dont les théories ont marqué l’histoire; en l’affaire, ses travaux sur la dissuasion nucléaire ont mis en évidence les limites de la dissuasion pure, et ont servi de base aux négociations de désarmement. Ses démonstrations étaient radicales : sa façon de montrer que moins d’armes nucléaires n’est pas forcément facteur de plus de sécurité collective a de quoi stimuler l’imagination. Ses contributions dans le domaine ont même touché le cinema, puisqu’il a été conseiller technique de Kubrick pour Docteur Folamour (les discours enflammés du docteur Folamour sur la dissuasion portent sa marque, une façon inimitable de décrire des raisonnements d’une logique imparable mais dont les conclusions sont très paradoxales). Schelling s’est intéressé à toute une série de sujets, mettant en évidence à chaque fois des idées à la fois très simples et compréhensibles, mais d’une très grande profondeur. Son absence de formalisme apparent (tout en tenant des raisonnements d’une rigueur impeccable) et la clarté de ses résultats lui ont probablement nui dans une discipline économique qui apprécie un peu trop les mathématiques sophistiquées et les raisonnements obscurs. C’est pour cela que ce prix Nobel est infiniment précieux : en conduisant les économistes à lire Schelling, peut-être à le découvrir, il leur permettra de faire avancer leur discipline dans le bon sens. C’est peut-être le premier prix Nobel d’économie du XXIème siècle qui a été décerné aujourd’hui.
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C’est très bien, je suis d’accord avec toi.
Subissons-nous encore la tyrannie des petites décisions du Nobel ?
Je suis bien content, d’autant plus que je croyais que Schelling était mort! J’ai écrit des démos de ségrégation en Basic il y a très très longtemps…
Kimon: "J’ai écrit des démos de ségrégation en Basic il y a très très longtemps…"
Oh, vous ne les faites pas 😉
Que dire de cette information
http://www.voltairenet.org/article129910.html
(bien sur, on pourrait refuser de la lire en considérant a priori que le site est une poubelle … mais si on passe au-delà …)
une citation
"Les deux lauréats 2005 du prix Nobel d’économie, Thomas C. Schelling et Robert J. Aumann, ont été primés pour leur contribution à la « théorie des jeux ». Le premier fut en fait le théoricien de l’escalade militaire lors de la guerre du Vietnam et justifie aujourd’hui la non-ratification du protocole de Kyoto et l’abandon des objectifs de l’ONU pour le millénaire. Le second est un ésotériste talmudique qui a théorisé l’usage de la punition collective pour opprimer les Palestiniens."
Interrogé officieusement sur la stratégie à suivre sur la guerre du vietnam, Schelling a recommandé une campagne courte (15 jours maximum) de bombardements sur le nord pour le faire céder, avec pour expresse recommandation d’arrêter très vite si le nord refusait de céder. On aurait mieux fait de l’écouter en totalité plutôt que d’appliquer uniquement la première partie de la recommandation.
Sur Kyoto, il constate à juste titre que ce protocole ne réduit pas l’effet de serre, est un système hypocrite qui ne sera pas appliqué par ceux là même qui l’ont signé, et coûte infiniment plus cher que des politiques beaucoup plus utiles pour améliorer le sort de l’humanité. En matière d’effet de serre, il est favorable à une taxe mondiale sur le carbone pour financer l’utilisation de sources d’énergie moins nuisibles dans les pays en voie de développement.
"bien sur, on pourrait refuser de la lire en considérant a priori que le site est une poubelle … mais si on passe au-delà …"
Oui, difficile de continuer à faire crédit à un groupe dont le leader est (ou a été, je ne sais plus) la pourriture de Thierry Meyssan (pour ceux qui ont raté l’hsitoire : celui qui a raconté dans un livre fort bien vendu qu’aucun avion n’avait heurté le Pentagone).
Des faiseurs de haine, rien d’autre.