Quelques éléments pour aider à comprendre ce qui s’est produit à la Société Générale. C’est un peu technique, j’ai essayé de faire au plus simple. N’hésitez pas à dire dans les commentaires si ça n’est pas clair.
Que font des traders dans une banque? ils travaillent pour les clients de celle-ci. Une activité consiste tout bêtement à faire du courtage, c’est à dire acheter et vendre des titres et des positions en fonction de ce que ceux-ci demandent, et de récupérer une commission au passage. Il ne s’agit pas d’un métier spéculatif, mais d’une activité assez rentable et sans risques pour la banque : les risques sont pris par le client. Si celui-ci a envie de mettre tout son patrimoine en actions eurotunnel achetées au plus haut, on peut espérer que sa banque lui déconseillera l’opération; mais elle-même ne prend aucun risque.
Les choses deviennent plus compliquées lorsqu’il s’agit pour la banque de fournir à ses clients des produits plus sophistiqués; vous voyez des publicités pour ce genre de produits tous les jours, ou l’on vous garantit des placements avec “les hausses de la bourse, mais pas les baisses” ou des produits d’assurance vie, des fonds communs de placement de risque plus ou moins élevé, etc. Là, il va falloir faire appel à des produits plus sophistiqués.
Prenons l’exemple du “toutes les hausses de la bourse, mais pas les baisses”. Comment votre banque peut-elle vous fournir ce service? Supposons pour simplifier que je place 100 euros dans un tel produit. La banque va alors utiliser ces 100 euros pour acheter un titre de la dette publique, qui rapporte mettons 4% d’intérêts, sans risques. Avec les 4 d’intérêts, elle va acheter ce qu’on appelle une option d’achat sur indice (par exemple le cac 40). Il s’agit d’un contrat qui donne le droit, mais non l’obligation, d’acheter l’indice à un prix donné, d’ici une date donnée. Toujours pour avoir des chiffres simples, supposons qu’avec ces 4 euros d’intérêt, la banque achète une option sur un indice, donnant le droit d’acheter cet indice au prix de 100 d’ici la fin de l’année.
Que se passe-t-il alors? Imaginons que l’indice monte à 120. Alors, la banque dispose du droit de l’acheter à 100, qu’elle exerce; elle le revend instantanément à 120, réalisant une plus value de 20. Dans le même temps, le titre de dette publique acheté initialement arrive à échéance, et la banque reçoit 100. Elle peut donc me donner 120, soit la valeur de mon capital augmenté de la hausse de l’indice boursier.
Mais supposons que la bourse passe entretemps à 80 : n’oublions pas que l’option donne un droit d’achat, mais que la banque peut ne pas l’exercer; en l’occurence, elle ne le fera pas, et les 4 payés initialement sont perdus. Mais le titre de la dette publique, lui, arrive à échéance : la banque reçoit donc 100, elle peut alors me rendre mon capital initial. Vous voyez que cette opération est “couverte” : au pire, quoi qu’il arrive, je vais récupérer mon capital. Si la bourse baisse, au final je gagne moins que si j’avais mis mon argent sur un livret A : mais mon capital est garanti.
Comment la banque gagne-t-elle de l’argent dans cette opération? d’une part, en essayant de payer l’option sur indice à un prix inférieur à 4; en prélevant des frais de gestion; dans l’ensemble, cette opération reste une banale opération de courtage, d’achats et de ventes de titres.
Il est possible de gagner un peu plus, mais en prenant un peu plus de risques. Supposons qu’au lieu du montage ci-dessus, la banque utilise l’intégralité du capital de 100 pour acheter des options; si effectivement les options coûtent 4, elle peut en acheter 25 avec un capital de 100; à partir d’un capital de 100, elle s’engage donc sur une position valant globalement 2500; c’est ce qu’on appelle un effet de levier financier.
Alors, si l’indice boursier monte à 120, avec mes 100 de départ, je peux acheter 25 indices à 100, et les revendre à 120; je réalise dans ce cas un gain de 25×20=500, soit 5 fois la mise initiale. Par contre, ici, ma couverture est beaucoup plus mauvaise : si l’indice boursier baisse, par exemple à 80, je n’exerce pas mon option, et la totalité de mon capital de départ a disparu. Je peux donc réaliser des gains importants, mais aussi perdre tout mon investissement dans l’histoire.
Il y a quelqu’un qui est dans une position plus risquée encore : c’est celui qui a vendu l’option sur indice. Lui a touché un gain de 4 lorsqu’il a vendu l’option; mais si la bourse monte et que l’option est exercée, il devra fournir à l’échéance pour 100 quelque chose qui vaut 120, et donc perdre 20 en ayant reçu 4 initialement; bien entendu, si la bourse baisse, l’option ne sera pas exercée, et il se contentera de gagner 4. Il fait donc face à des pertes potentiellement infinies, et à un gain limité. S’il a accepté de me vendre cette option initialement, c’est qu’il a obtenu sa couverture d’une façon différente, en réalisant simultanément d’autres opérations qui elles sont rentables lorsque la bourse monte; par exemple, il a vendu une option de vente sur l’indice à un autre de ses clients.
Les opérations sur produits dérivés actions (ce qui est en cause dans l’affaire en cours) génèrent au total un gain pour la collectivité en répartissant les risques auprès de ceux qui sont disposés à les prendre. L’investisseur qui achète les hausses de la bourse et pas les baisses obtient la sécurité sur son patrimoine, ce qui est appréciable; la banque qui lui vend le produit touche sa commission; le vendeur de l’option s’arrangera pour réaliser des opérations symétriques qui lui permettront de couvrir ses pertes potentielles sur cette opération-là.
Mais nous avons vu qu’il est possible, moyennant un risque accru, d’obtenir des gains supérieurs. Considérons maintenant le courtier qui vend le produit décrit plus haut (hausse mais pas baisse de la bourse). Il a les moyens de gagner un peu plus sur l’opération, en achetant un peu d’options avec le capital investi (au lieu de tout mettre en titres publics). Par exemple, supposons qu’à partir du même capital initial de 100, il achète pour 80 de titres de dette publique, et utilise les 20 restant pour acheter des options (il en achète donc 5). Si la bourse passe à 120, il a donc à la fin : 83,2 issus de son achat d’obligations publiques (80 + 4%); 5 options rapportant une plus value de 20 chacune, soit 100; au total, il se retrouve avec 183,2 €, et il ne s’est engagé à payer à son client que “la hausse de la bourse”, soit 120; il réalise donc une marge de 63,2 €. Par contre, si la bourse baisse, il doit payer 100 à son client, mais n’a que 83,2; il est donc de sa poche pour le solde, soit 16,8. Notre courtier se trouve donc face à une position risquée, qui peut obliger la banque qui l’emploie à perdre de l’argent.
Et sa banque lui impose des limites strictes à son exposition au risque; et ce risque est calculé par les services de back-office, de contrôle des risques, pour signaler aux courtiers s’ils sont dans les clous imposés par la banque ou non. Supposons par exemple que la banque n’autorise notre courtier qu’à perdre 20 au maximum; alors, l’opération du paragraphe au dessus est acceptable; mais pas l’opération vue plus haut consistant à consacrer la totalité du patrimoine du client à acheter des options. Si par hasard notre courtier le faisait, il faudrait qu’il compense par des opérations symétriques, ce qui lui serait signalé immédiatement par les services de contrôle.
Maintenant, supposez un courtier ambitieux, dans un contexte général haussier à la bourse. Il peut être tenté d’aller au delà des limites de risques que son employeur lui impose; si tout se passe bien, si la bourse continue de monter, il va gagner plus que la moyenne de ses collègues qui respectent les règles, ce qui lui garantira avancement, gloire, et bonus conséquent. Il peut donc être tenté de tromper les dispositifs de surveillance, et de compter sur sa chance. En l’affaire, c’est ce qui s’est passé : apparemment, le courtier avait acheté à terme des indices boursiers pour un volume très élevé (la position représentait potentiellement 50 milliards d’euros); pour couvrir cette opération, il utilisait sa connaissance des moments ou sont réalisés les contrôles et des opérations fictives; il faisait un vrai achat à terme d’un indice, et une fausse vente, ce qui donnait l’impression finale d’une exposition au risque nulle.
Ce qui est invraisemblable, c’est qu’il ait pu le faire avec une telle ampleur. Anecdote personnelle au passage : je connais quelqu’un qui dirige le service back-office d’une division asiatique d’une banque d’affaires américaine. Un soir, l’un des employés du back-office a fait une erreur de comptabilisation, aboutissant à faire apparaître une perte de 10 millions de dollars dans les comptes au lieu du résultat réel de la journée (un gain de quelques centaines de milliers). A 9 heures du soir, le siège New-Yorkais a appelé la personne que je connais à son domicile, et celle-ci est retournée au bureau, pour refaire tous les comptes jusqu’à une heure avancée de la nuit. Nous ne sommes pas face à une activité non surveillée, dans laquelle selon l’imagerie populaire, on laisse agir des individus aux narines remplies de cocaine à leur guise. La vraie question, c’est donc de savoir comment il est possible que les mécanismes de contrôle n’aient pas fonctionné.
Il est fort possible que l’économie ne soit pas trop à même de répondre à cette question, mais que la sociologie des organisations soit plus efficace. Pour cela, il faut savoir que de nombreuses banques françaises ont une organisation assez féodale, avec des castes qui exercent un pouvoir significatif. L’activité de dérivées actions, à la société générale, était à l’origine de la quasi-totalité des bénéfices de la banque; dans de telles conditions, lorsqu’un employé du back-office demande des explications à un trader sur ses opérations, celui-ci peut parfois l’envoyer promener en lui disant “je sais ce que je fais, contente-toi de faire tes comptes”.
Ceci d’autant plus qu’il y a diverses façons de faire du contrôle de risques. La première consiste à disposer d’un back-office avec beaucoup de personnel compétent, composé de gens qui connaissent les produits financiers et sont capables de déceler une opération hors limites; la seconde consiste à faire appel à des comptables, et à faire reposer les opérations de contrôle sur un système d’informations sophistiqué. Dans les banques françaises, les ingénieurs issus des grandes écoles sont la caste située au sommet de la chaîne alimentaire; on a un peu tendance à choisir la seconde solution, et à faire confiance à des systèmes sophistiqués mis en place par ces gens si intelligents, plutôt que sur l’intuition et l’expérience d’un personnel de back-office qui n’a suivi “que” des études universitaires et qui est cantonné à des opérations de comptabilisation. Mais un système, quand on l’a pratiqué longtemps, on finit par savoir comment le contourner : la preuve.
Lorsque les gens très intelligents de la Société Générale ont découvert qu’ils avaient une position d’environ 50 milliards d’euros à l’achat sur les indices boursiers, et que c’était très largement au dessus de leurs limites, aboutissant à une perte potentielle énorme, ils ont agi comme le font tous les gens intelligents et sûrs d’eux : en paniquant. Ils ont donc décidé de liquider la quasi-totalité de cette position en une journée… qui se trouvait être lundi dernier, un jour ou les bourses américaines sont fermées. Or Chicago est une place majeure pour les transactions à terme; sur les marchés ouverts ce jour-là, cet afflux de ventes à terme a donc provoqué une baisse importante.
Mais si le prix à terme des indices boursiers diminue, cela indique que le prix aujourd’hui de ces indices doit baisser : il est donc probable que cette vente massive par la Société Générale ait été le déclencheur, sur un marché dans lequel les opérateurs sont plutôt sensibles aux signes de baisse, de l’effondrement des bourses mondiales, qui est intervenu lundi dernier, amplifiant encore les pertes liées à la liquidation de la position par la Société Générale, et conduisant à la forte baisse de taux par Ben Bernanke le lendemain.
Que va-t-il se passer maintenant? Il faut bien voir que tout ce que la Société Générale a perdu, d’autres l’ont gagné, très probablement les autres banques. Au total donc, cette lourde perte n’a pas d’effet sur le système bancaire dans son ensemble. Par contre, il est possible que la Société Générale se fasse désormais racheter; ses actionnaires vont devoir, au minimum, éponger les pertes suite à une augmentation de capital.
Faut-il modifier la réglementation bancaire? Gizmo défend cette thèse, et je n’irai pas la contester sur ce terrain, je connais le sujet beaucoup moins bien qu’elle. En tous les cas, considérer qu’il faut accroître les contrôles sur les banques est discutable; ce que nous montre cette affaire, c’est que tous les systèmes de contrôle sont contournables. Et dans un système internationalisé, revenir à la séparation banque de dépôts et d’affaires risque surtout de déplacer les activités risquées vers des places moins réglementées.
ADD : via les commentaires chez Gizmo, je découvre ce post, qui apporte des informations complémentaires.
- William Nordhaus, Paul Romer, Nobel d’économie 2018 - 19 octobre 2018
- Arsène Wenger - 21 avril 2018
- Sur classe éco - 11 février 2018
- inégalités salariales - 14 janvier 2018
- Salaire minimum - 18 décembre 2017
- Star wars et la stagnation séculaire - 11 décembre 2017
- Bitcoin! 10 000! 11 000! oh je sais plus quoi! - 4 décembre 2017
- Haro - 26 novembre 2017
- Sur classe éco - 20 novembre 2017
- Les études coûtent-elles assez cher? - 30 octobre 2017
A ce stade des commentaires, le problème interne de la SG ressemble de plus en plus à une faille de sécurité informatique qui aurait extraordinairement mal dérapé. Alors que Kerviel n’aurait pas dû pouvoir prendre des positions longues en tant que trader faisant de l’arbitrage, il a passé des ordres sur des comptes clients auxquels il n’aurait pas dû avoir accès. Si on laisse les clés de la Porsche sur le contact, ce n’est pas du côté de l’antivol qu’il faudra chercher la cause principale en cas de vol…
Par ailleurs, marc met le doigt sur un point crucial. Sur une position longue de 50Md€ les appels de marge peuvent rapidement atteindre plusieurs Md€. La SG a forcément dû les payer car la Bourse était baissière depuis longtemps, ou alors c’est qu’elle n’avait pas de position longue (et ça se saurait). Il paraît incroyable que les autorités de marché n’aient pas réagi en voyant ces appels de marge. C’est un dispositif essentiel qui permet de préserver la confiance des participants, et toute défaillance peut griller tout le marché. Cela met peut-être en évidence une autre grave défaillance, mais cette fois à l’extérieur de la SG!
Je ne suis pas sûr de comprendre en quoi "Il faut bien voir que tout ce que la Société Générale a perdu, d’autres l’ont gagné" peut être compatible avec la très sainte création de valeur et son pendant la destruction de valeur. S’il est possible de créer de la valeur, il est aussi possible d’en détruire, avec ce type d’opération?
Complément sur l’histoire des appels de marge.
"il y a 2 portefeuilles un vrai et un fictif.
Quand il fait une transaction sur le vrai par ex acheter 1 contract dax, il fait l’inverse sur le faux par exemple vendre [en ecriture] un portefeuille fictif representant le dax dans un compte bidon ou inactif. Pour la socgen il est "couvert", c.a.d pas de risque.Il faut payer une marge sur le vrai portefeuille et il ne recoit ni cash-flow ni collateral sur le faux, d’ou l’absurdite de la chose: on n’envoie des milliards en marge sans s’assurer qu’il y a du repondant sur le portefeuille "couvert" mais qui evidemment ne l’est pas.
Tout ca c’est tres dur a gerer pour un seul homme…"
Je suis tout à fait d’accord là dessus jck, c’est bien pour ça que l’appel de marge devait être vu par la chambre de compensation…
Maintenant, Yogi dit qu’il existerait une explication à cela avec les deals forward (que je ne maîtrise pas vraiment)qui aurait permis d’"annuler" les appels de marge.
Néanmoins,je suis perplexe devant la culpabilité d’un seul homme là dedans…
@ dlt, ce sont des circuits fermés: l’acheteur est face au vendeur, il y a donc bien des banques ou des institutions financières qui ont profité de la débâcle de la SG…
fr.news.yahoo.com/rtrs/20…
ça reprend pas mal de nos doutes et c’est assez clair…
marc:
la seule preoccupation de la chambre de compensation d’eurex c’est que la socgen paie les marges sur ses positions de "futures" et les variations de marge, ce qu’elle a fait via sa filiale de courtage futures [fimat]. Rappelons que sur eurex le controle des marges et des risques a lieu toutes les 15 minutes ce que j’ai explique sur mon blog.
On peut rajouter que sur les marchés financiers à la SG (et généralement ds les banques françaises), les FO décident au final pour les BO les controles qui doivent ou pas être réalisés. Les BO sont en théorie indépendants, mais aucun patron de BO ne "fait le poids" face à un patron de FO en cas de litige. Il s’en suit que le FO peut demander au BO de ne pas réaliser telle ou telle application ou controle car "ca coute trop cher" (le FO suit son PnL, le BO n’en n’a pas) ou que "cela ne sert à rien". On rajoutera qu’au FO les patrons sont des X-mines ou Normale sup-X, et qu’il y en a en pagaille, alors Qu’au BO on va trouver des écoles moins prestigieuses : Peu de personne au BO n’ose s’attaquer de front à un X-mines sur des points techniques… Idem la Direction des risques, censée selon Bale2, tout superviser… a des pouvoirs limités et chaque décision qu’elle prend ne peut l’être qu’avec l’aval des FO… Ce rôle bizarre attribué à cette direction explique peut etre pourquoi la Sg n’a même pas pensé à elle lorsqu’elle a "limogé" 4 cadres des marchés. Pourra-ton changer les choses? Je ne sais pas.
on est donc bien d’accord: la SG était au courant de ses positions ce qui élimine la thèse du trader fou débrouillard…
ps: je ne savais pas que le contrôle des marges avait lieu tous les quart d’heure, meci de l’info!
@ dlt
Très juste, l’echange est créateur de valeur – y compris la spéculation sur les produits dérivés. Montaigne qui croyait que " nul ne gagne ce qu’un autre ne perde" ne l’avait pas compris.
http://www.mediapart.fr/presse-e...
Excusez moi de revenir à la charge, mais je ne suis pas trader ou banquier, juste investisseur.
Si je sais que je vends dans un marché baissier, que je sais que le marché US est fermé, que le montant de mes transactions va avoir un important effet baissier sur les marchés, donc d une certaine manière si je suis market maker ("je sais et je fais baisser le marché"), pourquoi je ne l anticipe pas et investis sur les memes produits que Kerviel mais à la baisse ?
Ce serait absurde et idiot de ne pas le faire puisque je sais ce que mon action va provoquer. Apres tout ce ne serait qu un rattrapage du manque de compensation des operations non couvertes de Kerviel. Ne serait pas un signe d incompetence ou une faute grave des personnes qui ont géré cette situtation de crise?
Est il concevable que la SG ait fait des gains en parallèle sans avoir à les communiquer ?
Merci pour vos commentaires.
S’ils avaient vraiment réussi à supprimer leur position en limitant la casse à moins de 5 milliards, ne croyez-vous pas qu’ils auraient eu intérêt à le dire, pour témoigner de leur compétence?
Logiquement, oui.
2 hypothèses, mais aucune n est satisfaisante:
– ils ne l ont pas fait, et la question est pourquoi. Panique totale ? J ai plutot l impression que le timing (effet de levier accru par la fermeture des baisses US et sur-representation des ventes de la SG ce jour là) est un point tres important dans cette histoire.
– couverture d autres pertes ou attribution de pertes à Kerviel qui sont attribuables à d autres activités de la banque.
Seule une analyse des comptes de la SG permettrait d y voir plus clair, mais malgré tout
La liquidation a ete geree de maniere irreprochable. Avec le recul il est facile de dire qu’on aurait du faire ci ou ca, mais la realite c’est que ex-ante personne ne peut prevoir la direction du marche, et quand il y a une position non-authorisee il faut liquider a tout prix ce qui est inattaquable en justice d’autant plus que la SocGen etait probablement en dessous de ratios prudentiels de capital requis par bale2 et que si la sortie avait reussie avec un profit, JK serait un heros et ces foutaises continueraient comme avant. Il n’y a pas de sympathie a avoir pour les actionaires a moins qu’ils remboursent ce que la SocGen a gagne illegalement dans le passe.
@ valery: impossible pour la SG de faire l’inverse (acheter) sur d’autres comptes histoire de se "refaire". Cela s’apparenterait à de la manipulation et serait gravement sanctionné par l’AMF.
Vos analyses sont très intéressantes mais il reste des mystères… Ainsi :
– Comment sur une exposition à +/_ 50 md€ la SG n’ a pas été alertée plus tôt par le montant des déposits (forcément énormes) qu’il était nécessaire de décaisser et ceci sans parler des appels quotidiens en marges (mais vous en avez déjà évoqué ce sujet ainsi que des alertes qui auraient dû parvenir de la chambre de compensation
– D’après le jeune opérateur cela faisait près de 2 ans qu’il prenait des positions directionnelles en simulant un arbitrage. Comment les contrôles internes de la SG aient pu être déficients si longtemps).
– Sur le dax la position ouverte est de 200 000 contrats et le trader en aurait acquis près de 150 000. Incroyable quand on songe que les règlements imposent que les interventions soient pas supérieures à +/- 20%
Ne pourrait’on pas penser qu’après s’être aperçue d’une perte bcp plus importante que prévu sur les subprimes que la Générale craignant, peut-être, un audit des autorités ait voulu faire du "ménage" sur les "futurs" et se soit rendue compte que la "permissivité" laissée aux responsables de la salle de marché ait conduit a institué des systèmes de dérives alarmants.
De toute façon on ne fera croire à personne que la SG n’avait pas laissé les clées sur la Ferrari et sa responsabilité semble être lourdement engagée
Toute l’affaire repose sur ce point : pourquoi ses codes d’accès dans le logiciel Back office ou Middle-Office n’ont ils pas été effacés au moment où la SG l’a autorisé à passer au Front-Office ? C’est extrêmement curieux, non, de laisser une personne devenir juge et partie en même temps. Comment est-ce possible de la part de la SG ?
Le plus drôle, c’est que selon son avocat:
– Il a fait la même chose l’année dernière, a été félicité et a reçu un bonsus de plusieurs centaines de milliers d’euros.
– Sa position était bénéficiaire de 1.5 Milliards au 31 décembre
– Il a donné aux juges d’instruction la liste de tous ses petits camarades qui font comme lui, avec l’accord tacite de leurs supérieurs.
Si tout ceci est vaguement exact, ça commence à prendre une tournure un peu différente de l’histoire individuelle qui a dérapé.
Bonjour à tous,
Vos commentaires sont très très intéressants. Bravo pour vos analyses.
Je me pose une question (une de plus eu égard la complexité de l’affaire)…Ainsi, "Pourquoi si vraiment son "matelas occulte" était monté à 1,4 milliard d’euros fin 2007 les crédits de marges en provenance de la chambre de compensation n’ont pas attiré l’attention des contrôles de la SG.
D’autre part J. KERVIEL a dit avoir renoncé volontairement à cette plus-value fantastique pour pas s’attirer les foudres de son employeur pour avoir contouné les procédures de sécurité. Cela paraît incroyable car on voit mal le management de la SG piquant une grosse colère contre un trader venant leur dire "C’est ma faute, ma très grande faute!!j’ai réalisé des opérations spéculatives non autorisées mais je viens de vous faire gagner 1,4 Milliard d’euros…" A mon avis m^me le plus sévère et rigoureux des chefs aurait d’autres soucis que de passer un savon à son trader dans de telles circonstances. La seule chose à laquelle il va penser c’est de consolider dans l’urgence la position gagnante avant variation des cours. Qu’en pensez-vous?
De toute façon c’est une affaire extraordinaire, passionnante aussi car révélatrice du fonctionnement du capitalisme.
PS Georges Conchon avec son livre "LE SUCRE" décrivait (il y a déjà + de 30 ans) avec talent et une verve savoureuse , les mécanismes techniques et psychologiques qui se rapportent à cette affaire
Article très intéressant, merci.
Un point reste très obscur pour moi : les appels de marges.
Y-en-a-t-il sur les marchés "travaillés" par M. Kerviel ? Si oui, sont-ils journaliers ?
Si tel est le cas, JK pouvait peut-être "endormir" le middle- et le back-office par des couvertures fictives de ses positions, soit, mais comment diable la SG réagissait-elle aux appels de marges?
Faut-il considérer alors que les 50 milliards de positions de JK étaient gagnantes jusqu’au fameux vendredi où la banque prétend avoir découvert le problème ? Jour où elle aurait reçu la première demande de marges ?
Qu’en pensez-vous ?
La moindre des choses à faire pour les dirigeants de la SG et leurs traders etaient de prendre des options à la baisse sur la SG. Ils auraient pu renflouer une partie des pertes.
Je suis très curieux de voir la presentation des résultats T4 le 21 fev 2008. Peut etre des surprises…
Sinon pour votre info. Selon un article du quotidien allemand "Der Spiegel" de lundi, Kerviel detenait 140 000 options futures sur le DAX au 18 janvier et le lundi 21 janvier le marché total pour les options-futures sur le DAX (achat/vente) etait de 411 701. Si la SG a soldé ces positions rapidement, cela donne une idée de l impact sur le marché ce jour là.
Bien à vous.
@Nucingen:
Comme l’a dit Jck, les appels de marge sont réactualisés toutes les 15 minutes.
En fait, il semblerait que JK "compensait" ses appels de marge en disant à son supérieur et au contrôle que sa position était couverte par un autre moyen (warrants dont le sous jacent devait être le Dax).
Il n’empêche que personne n’a vérifié sa position en warrants, c’est ubuesque…
La crise du subprime n’aura qu’un impact limité sur les banques françaises, selon Daniel Bouton, président de la Société Générale et président de la fédération bancaire française depuis la rentrée. « Au-delà des pertes comptables instantanées, les conséquences sur leurs revenus et sur leur rentabilité devraient donc être faibles ».
Ainsi, le groupe bancaire indique que sur des pertes évaluées à près de 150 milliards de dollars pour l’ensemble de l’industrie sur ces marchés à risque, les pertes du groupe bancaire ne devraient pas dépasser 100 millions d’euros. (Cercle Finance, le 10/09/2007)
On nous annonce aujourd’hui 2 milliards de provisions sur ces mêmes subprimes (et demain ? combien ?)
Il semble bien que M. Bouton soit, comme il le dit de son trader M. Kerviel, doué d’un "extraordinaire talent de dissimulation"
Il y a quelque chose que je ne comprends pas dans l’affaire de la Société Générale : certes, la banque a perdu 5 milliards, mais si elle a perdu ces 5 milliards, c’est que quelqu’un d’autre (ou quelques autres) les ont gagné, soit en vendant plus cher que prévu, soit en achetant moins cher. Donc c’est une opération indolore pour l’économie mondiale…
Bonjour, je vais essayer d’illustrer de façon simple le problème du contrôle interne dans une (très) grande banque d’investissement comme la Société Générale.
Jérôme Kerviel a fait d’énorme gains (ou pertes) en spéculant sur des indices. Il ne peut pas annoncer qu’il a gagné de telles sommes à ses responsables car il risque sa place. Il doit donc cacher son résultat => nous schématiserons en disant qu’il va se cacher derrière un arbre. L’exemple marche aussi avec la position de 50 milliards qu’il a accumulée.
Si Jérome Kerviel est dans une petite banque disons une prairie => Cela donne Jerome Kerviel derrière un arbre au milieu d’une prairie, il est tout de suite repéré.
Oui mais par chance (enfin tout dépend de quel coté on se place), il n’est pas dans une prairie mais dans la jungle en Guyane et la les choses se compliquent (pour le contrôle interne ndlr):
1) Il est beaucoup plus facile de se cacher dans une énorme forêt bien touffue (tous les autres traders qui brassent des millions voire des milliards en même temps que lui)
2) Certains contrôles sont réalisés en hélicoptère au dessus de la forêt, ce qui est plutôt difficile pour repérer quelqu’un au sol
3) Les contrôleurs qui sont au sol (on parle aussi de fonctions support, tiens c’est bizarre support et contrôle c’est pas tt a fait la même chose non ?) ne sont pas pilotés par celui ou ceux qui sont en hélicoptère et qui plus est sont équipés de canif pour débroussailler les herbes hautes (et non des machettes tranchantes comme des rasoirs) et pour finir sont dépourvus de cartes pour se repérer dans cette énorme jungle
Autant dire qu’il est également très difficile de retrouver quelqu’un.
Enfin dernier élément et non des moindre ceux qui financent l’opération de recherche sont les personnes qui elles même sont dans la jungle et n’aiment pas vraiment qu’on les dérange car évidemment quand on piétine la forêt on fait du mal à la végétation et aux arbres qui permettent de se cacher …
La seule chose que les grands chefs de la jungle n’avaient pas imaginé c’est qu’il y aurait un fou parmi eux qui aurait l’audace d’être calife à la place du calife et qu’il était près à prendre des énormes risques pour cela.
Tout ça n’est qu’une mascarade.
J’ai travaillé plus de 4 ans dans un back-office bancaire. Il y a des contrôles drastiques à tous les niveaux. Contrôle quotidien (toutes les tâches ont une traçabilité grâce à un identifiant attribué à chaque salarié)de la part des responsables hiérarchiques,des services de contrôle des risques qui sont capables de démêler tous les problèmes (des informaticiens qui sortent souvent de polytechnique), et des services comptables qui sont surement plus compétents que notre ami M. Kerviel au niveau de la comptabilisation et contrepassation des comptes.
Par ailleurs, il est impossible de conserver des mots de passe lorsqu’on passe d’un service à un autre, de plus il y a des nombreuses mises à jour et changement des mots de passe dans un année.
Dans une banque comme la socgen, où les contrôles sont les plus drastiques et le management le moins souple (plein de petits chefs aigris et stressés qui sont en permanence derrière le dos de leurs subordonnés) , ça paraît surréaliste
Il y a un point que je comprends pas du tout : au 10e paragraphe sur les risques ("potentiellement infinis") pris par celui qui vend une option d’achat, vous écrivez :
"S’il a accepté de me vendre cette option initialement, c’est qu’il a obtenu sa couverture d’une façon différente, (…) par exemple, il a vendu une option de vente sur l’indice à un autre de ses clients."
Mais pour cette option aussi, son risque est infini (si la valeur de l’indice chute infiniment), et son gain fini (le prix de l’option).
Donc mon sentiment, c’est que celui qui vend une option de vente en même temps qu’une option d’achat (sur le même indice) a "symétrisé" son risque au sens où celui-ci est énorme dès que la valeur varie beaucoup, dans un sens comme dans l’autre…
Qu’est-ce que j’ai raté ?
Réponse de Alexandre Delaigue
Si l’indice monte, l’option d’achat est exercée, mais pas l’option de vente : si vous avez le droit d’acheter 110 une chose qui vaut 120, vous l’exercez. Si vous avez le droit de vendre 110 une chose qui vaut 120, vous ne l’exercez pas. Et inversement en cas de baisse de l’indice.
(en réponse à la réponse d’A.D.)
oui, je pense avoir compris le principe des options d’achat et de vente.
Mais je voulais juste dire qu’a priori, on ne peut pas se couvrir contre un risque (potentiellement) infini par une opération à gain fini…
mise au point tardive…
Je cite :
"Elie Cohen est administrateur de la SG et c’est à lui qu’on demande son avis qui évolue en quelques heures…Troublant, non?"
pas de quoi être troublé, c’est tout simplement pas le même Elie Cohen… (l’économiste du cnrs n’est donc pas administrateur de SG)
quand au revirement il s’explique simplement (comme il l’a dit plus tard) parce que l’article initial du figaro avait déformé ses propos, comme souvent le font les journalistes…
J’étais complètement passé à côté de ce post.
BRAVO et merci, il est difficile de faire plus didactique.
Comme on dit: il est toujours plus difficile de faire simple (mais pas simpliste) sur des choses compliquées que de faire compliqué sur des choses simples. D’où: respect.
Même mon prof d’économie internationale, spécialiste en la matière, a apprécié…