Un jour j’étais jeune et il y avait la Mano Negra. Depuis, Manu Chao s’est barré à Barcelone. Mais il reste Eric Le Boucher, pour nous dire que Paris se meurt aujourd’hui.
Le Boucher considère que certaines statistiques sur Paris ou l’Ile de France (on ne sait pas très bien quel repère prendre exactement) sont inquiétantes. Sur le fond, je vois bien où est l’argument. Toutes les capitales des pays en forme connaissent généralement une croissance importante. Or, ce n’est pas le cas de Paris. Donc Paris va mal et la France avec.
L’ennui dans ce texte, c’est que la démonstration est soit insuffisante, soit contradictoire.
Premier exemple, le cas de la localisation des activités. On sait que rajouter une ligne TGV peut avoir deux effets inverses : soit rendre plus rentable des activités éloignées des centres économiques naturels (à commencer par Paris) ; soit attire encore plus de monde vers le centre, du fait de la réduction des coûts de transport. L’article suggère que la croissance de la périphérie (qui va quand même de la petite couronne jusqu’à la Méditérannée) est importante. Que doit-on en conclure ?
Un autre argument qui étonne concerne le logement. La ville se vide de ses classes moyennes. La faute à quoi ? La hausse du prix des logements. Mais qu’est-ce qui induit cette hausse ? On pourrait répondre l’attractivité. Le Boucher écrit que faute d’emploi et de logement, les classes moyennes sortent de Paris. Les deux raisons ne sont pas incompatibles. Mais on se demande pourquoi les classes moyennes seraient demandeuses de logement s’il n’y a pas d’emploi. La qualité de vie, peut-être. Un peu court ?
Finalement, je suis surtout étonné de lire que la banlieue parisienne est sortie de l’aire économique de Paris. En réalité, je vois mal comment dissocier les deux. Et encore plus peut-être comment parler de l’exode vers la banlieue des emplois et des habitants pour finalement parler de déclin de l’ïle de France, dans son ensemble.Difficile de dire que Paris est en concurrence avec Londres, New York, Amsterdam ou Singapour et de raisonner uniquement sur le département 75…
Surtout que Le Boucher affirme ensuite, de façon aussi contradictoire qu’acceptable que "le sujet commence à faire surface par le biais de l’idée du " Grand Paris " posée par Nicolas Sarkozy ou celle de " communauté d’agglomération " avancée par Bertrand Delanoë. Chacun prend conscience que les divisions communales et les strates administratives empêchent toute vision d’ensemble économique ou même écologique".
Typiquement le genre d’article qui laisse perplexe. Un mélange de faits mal articulés et d’opinions qui affirment mais ne montrent rien. Mention spéciale à ces deux phrases. La première : "Lisez les ‘ projets ‘ des candidats à la mairie : ils parlent de crèches, de transports propres, de sport, de sécurité… bref des agréments d’une ville-musée.". Les parents déposent les gosses à la crèche pour aller au musée ? La seconde : "La solution devrait être radicale, tant il y a urgence. Aucune région-capitale au monde ne perd ses emplois comme celle de Paris, aveuglée par son passé brillant, mal gouvernée, fragmentée dans ses égoïsmes, anémiée faute de s’inscrire résolument dans la compétition mondiale des métropoles du XXIe siècle." Quand je pense que le b-a-ba de la rédaction est de ne pas écrire une introduction commençant par "De tout temps, l’homme…", je me dis qu’on devrait aussi l’enseigner pour la conclusion.
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Bonjour,
Je ne trouve pas du tout que cette conclusion soit un " de tout temps, l’homme … " je la trouve assez pertinente dans sa forme, même si le fond est plus discutable.
Par contre j’aurai bien aimé que vous donniez votre conclusion. Qu’adviendrai-t-il d’un Paris réformé par les idées de Le Boucher ?
Réponse de Stéphane Ménia
Vous pouvez aimer sa conclusion. Personnellement, je la trouve insignifiante. Quant à un Paris réformé avec ses idées, eh bien, j’attends qu’il suggère ces idées pour juger. Vous en avez vu une dans cet article ?
Si vous voulez l’article originel (dont Le Boucher s’inspire très fort), allez sur :
http://www.laviedesidees.fr/Pari...
Réponse de Stéphane Ménia
Merci pour le lien. Je préfère cette version du sujet. Plus interrogative qu’affirmative, elle met en avant des problématiques. Le Boucher l’a-t-il comprise ? Reste que j’ai encore du mal à voir pourquoi il faut distinguer Paris et sa banlieue. Une métropole, en termes économiques, n’inclut-elle pas son agglomération ?
Tiens, moi, justement, j’ai trouvé que cet article de Le Boucher était au dessus de sa moyenne habituelle :-). Ce qu’il veut dire avec la séparation Paris/Banlieue, c’est que justement, la "métropole" existe comme unité géographique et économique, mais pas comme unité politique. Résultat, c’est le Nimbyism qui règne : les élus de la capitale peuvent avantager leurs habitants (par exemple, en restreignant l’offre de logements et l’offre de transports) en faisant peser le poids sur les communes alentours (qui vont devoir faire l’effort d’infrastructures, mais sans disposer de la taxe professionnelle parisienne) et leurs habitants (qui vont devoir s’exiler dans un pavillon à perpete et faire des routes harassantes, tandis que Paris se remplit de riches et de bobos). C’est là que le fait que la "métropole" n’existe pas pose problème.
Au passage, il me semble qu’il y a pas mal de choses intéressantes sur ce sujet chez géographedumonde (voir notamment le dernier post) :
geographie.blog.lemonde.f…
Réponse de Stéphane Ménia
C’est tout sauf limpide dans l’article. A le lire, on a le sentiment (à l ‘exception du passage que j’ai cité comme contradictoire) inverse qu’il faudrait remplir Paris coûte que coûte au détriment de l’agglomération, comme si les deux étaient dissociables dans une optique de développement local.
Vous reprochez à Leboucher de mélanger faits et opinions. Mais il semble que vous êtes également aveuglé par votre mépris de Leboucher, mépris que vous avez déjà affiché à plusieurs reprises.
Ceci est votre droit, cependant, votre critique du texte de Leboucher vous permet de disqualifier Leboucher, mais vous ne vous attaquez pas à la thèse centrale de ce texte : Paris n’attire plus les talents comme les autres capitales comme Londres, Barcelone, Berlin, Singapore, etc.
Peut-être que Leboucher n’avance pas les bonnes raisons pour soutenir cette thèse, mais vous qu’en pensez-vous ? Paris attire autant que les autres grandes capitales – OUI ou NON ?
Réponse de Stéphane Ménia
Quand on veut une réponse à une question on évite une entame comme la vôtre. Vous n’avez pas lu mes bonnes résolutions 2008 ?
Merci. J’ai pensé exactement la même chose en lisant la "chronique" de Le Boucher. Bref, comme toutes les semaines, on a une "démonstration" mal batie (sans prendre en compte l’accord ou pas avec le fond), sur la foi d’un article académique bien souvent secondaire (un working paper en général, ou une note de conjoncture), mal assimilé (des questions sont transformées en affirmations), et en général les préjugés café du commerce font office de liant…
Même quand il a raison (ou disons quand on peut être d’accord) c’est rarement présenté de manière convaincante/démonstrative…
Sérieusement, on (je le ferais bien mais je suis un peu juste en temps) devrait faire un Wiki sur les chroniques de Le Boucher, pour démonter ces arguments… J’veux bien lancer le truc, mais j’ai pas la possibilité de le faire sérieusement tout seul toutes les semaines…
Comment Le Monde peut-il payer un type à faire des colonnes de cette faible qualité toutes les semaines ? Quand on pense soit aux Economiques de Libé (même si parfois… bon…), à des intervenants comme Daniel Cohen dans le Monde…
Mais bon Le Boucher est en ligne avec la commission Attali et Minc "écrivant" un bouquin sur Keynes…
Réponse de Stéphane Ménia
Ne comptez pas sur moi pour soutenir un Le Boucher bashing organisé. Pour moi, ce n’est pas un homme à abattre. Contrairement à ce que certains de ces fans excités laissent entendre ici, je n’ai pas une dent contre lui. Simplement, quand on fait une chronique économique hebdomadaire dans un grand journal et qu’on y défend des points de vue souvent tranchés, on s’expose à des commentaires, aussi musclés que ses positions. Et je l’ai toujours dit : si nous prenons du temps à le lire et le commenter, c’est que nous pensons qu’il y a des choses intéressantes dans ce qu’il écrit. Mon sentiment, c’est que c’est moins net qu’avant.
(Ca répondra à Leak aussi) : amha, l’article est mal fagotté mais la problématique est réelle. Il n’est pas normal que le développement économique de Paris et de sa région soit ce qu’il est; il n’est pas sain que le développement des grandes agglomérations de province se fasse au détriment de la capitale parce que cela entraîne des gaspillages.
Un exemple typique, que tu relèves, c’est cette histoire de la diminution des emplois et des logements; dans les deux cas, un facteur explicatif est le comportement rentier des élus parisiens (de gauche comme de droite d’ailleurs, le problème n’est pas nouveau) dont les politiques n’encouragent ni la construction de logements (restrictions sur l’offre et la densification de l’habitat) ni les activités économiques (restrictions dans les transports, protection du petit commerce, licences de taxis…). Le problème c’est la forme, il ne lie pas ces éléments explicitement.
Réponse de Stéphane Ménia
Bien sûr que la problématique est réelle. Mais malmenée. J’ai veillé à poser des questions, autant qu’à déplorer l’absence de démonstration probante.
En préambule, je dois avouer que je ne comprends rien à l’économie, et que je ne cherche pas à m’améliorer en ce domaine, j’ai suffisamment de sujets de réflexion dans ma vie…
Juste pour rebondir sur le commentaire d’Econoclaste-Alexandre, disant que "il n’est pas sain que le développement des grandes agglomérations de province etc." Gaspillages ? Peut-être. Lesquels ? Je n’en ai pas la moindre idée. j’aimerais bien savoir, en revanche.
Mais, de ma petite fenêtre, moi je vois une raison pour laquelle la province s’est développée. Et que j’ai vécue : marre de Paris, du bruit, de la pollution, des gens désagréables, de l’infernale circulation, etc. Donc, parti en province, ayant un métier qui me permet de le faire (paramètre important, cela va de soi…). Près de Toulouse. Avec un coût de la vie d’environ 15 à 20 % inférieur pour une qualité de vie incomparablement supérieur. Je gagne un peu moins mais je m’en sors mieux financièrement. Je respire un air moins vicié. Les gens, et même les forces de l’ordre, si si, sont aimables, souriants et polis. La région est magnifique.
Il ne s’agit que d’un cas particulier, bien sûr, mais loin d’être unique, à ce que je vois autour de moi. Et nombreux sont ceux qui préfèrent venir en province créer leur "petit job" plutôt que de rester à s’emm… à Paris-banlieue. Peut-on leur en vouloir ?
Cela dit, selon le bon vieux principe des vases communiquants, l’arrivée massive de nouvelles populations sur Toulouse et sa région amène son cortège de désagréments, en premier lieu une circulation qui devient de plus en plus difficile à proximité immédiate de Toulouse et dans la ville elle-même. Et j’imagine qu’il en va de même dans toutes les villes de province se développant.
Bref (si l’on peut dire…), peut-être les français cherchent-ils à privilégier leur qualité de vie ("travailler mieux pour vivre mieux" ?) plutôt que de faire plaisir à monsieur LeBoucher…
Au dela du constat, je trouve que l’article ne donne pas beaucoup d’info. La politique des autres villes, presentees comme dynamiques, a-t-elle etait la meme ou disons comparable entre chacune d’elle ? La defense d’une ville "a taille humaine" (ce qu’il appelle ville musee), pourquoi serait-elle propre a Paris ? A priori, les arguments avances (ceux qui sont privilegies ne veulent rien changer) n’ont aucune raison de ne pas s’appliquer ailleurs, non ? La separation entre ville et agglomeration peut-elle vraiment tout expliquer ?
On peut imaginer par exemple que pour Londres ou plus evident encore Berlin, le facteur historique a eu une influence importante (il est plus facile de faire passer la destruction des quartiers entiers de la partie Est, etc…). Les articles sur le blog geographe du monde evoquent aussi l’echec de l’urbanisation de ce qui est devenu les banlieues, ainsi que l’echec des tours recentes (la tour montparnasse, etc…). Il y a aussi le mystere des zones a potentiel dont rien n’est fait: je ne pense pas que les habitants parisiens soient tres contents de ce que sont aujourd’hui les halles, ou la non exploitation de la zone autour des anciens frigidaires de la SNCF.
Je trouve etonnant d’ailleurs que Mr Le Boucher n’ait pas enonce ses habituelles "ya ka faut qu’on". Il serait plus interessant de voir comment ailleurs les problemes ont pu etre surmontes.
Je voudrais juste faire remarquer que, vu ses productions récentes, le départ de Manu Chao de Paris n’est certainement pas un mal.
Sinon, tout ça me donne envie d’écrire un petit truc sur la gentrification et les classes moyennes dans la ville un de ces quatre.
Dans une économie européenne cimentée par l’euro, l’éventuelle défaillance d’une capitale nationale a-t-elle quelque sens que ce soit ? Paris a-t-il, économiquement parlant s’entend, plus de raisons d’exister en tant que métropole au sein de la zone Euro que Bruxelles, Barcelone ou Francfort ?
Il me semble être d’usage en économie de se méfier des raisonnements centrés sur les nations et la comparaison des nations entre elles : en quoi ce débat particulier fait-il exception ?
Il me semble que le débat de cet article reste largement centré sur l’opposition paris-IDF / Province. Mais est ce que Paris ne patit pas de l’attractivite d’autres capitales europeennes ?
Ma petite expérience personnelle (je ne suis pas économiste mais simplement cadre avec une employabilite mondiale, et mes amis aussi) me montre que l’alternative a Paris pour les couples de 25-45 ans n’est pas la Province (pour cela il faudrait être profession libérale) mais l’étranger. Le nombre de jeunes et plus si jeunes diplômés qui travaillent a Londres fait recette, mais il y en a ailleurs aussi.
Ce n’est pas pour l’argent mais aussi pour la possibilité d’apprendre, pour le plaisir d’avoir des manageurs corrects et les perspectives d’avenir. Les boites françaises sur Paris sont trustes par des baby-boomers, de plus les nouvelles politiques RH font tourner leurs cadres (-50ans) en Province tous les 2 ans et demi (merci la vie de famille et le conjoint !)