Olivier Blanchard ne m’a pas convaincu

Apparemment, le coming-out du vote parmi les économistes français est à la mode; Après Piketty, et quelques autres s’étant déclarés pour Royal (sans compter Christian Saint-Etienne qui a contribué au programme de F. Bayrou) c’est aujourd’hui Olivier Blanchard qui déclare son intention de voter pour N. Sarkozy. Comme le rappelle Bernard Salanié, cela n’a rien d’anodin de voir l’un des économistes français les plus reconnus, et d’ordinaire plutôt proche du PS, annoncer ce choix. C’est une raison d’aller voir de près son argumentation.

Blanchard a le mérite de présenter les choses clairement : un diagnostic des priorités en France, et les raisons à partir de ce diagnostic qui le conduisent à choisir Sarkozy plutôt que Royal. Son diagnostic repose sur trois points principaux :

– Les relations sociales sont excécrables en France, et doivent être améliorées sous peine de ne jamais pouvoir obtenir de consensus sur des réformes utiles qui seront alors menées dans l’urgence;

– La protection de l’emploi ne fonctionne pas et il faut notamment modifier le système dual CDI-CDD;

– Le système universitaire ne fonctionne pas, manque de moyens, est séparé de la recherche; il doit être mieux doté, mais surtout réformé.,

Il explique qu’il y a consensus parmi les économistes sur ces trois problèmes; et que Sarkozy lui semble apporter les propositions plus à même de résoudre ces trois problèmes que S. Royal sur ces différents points, et en déduit son vote. Respectant le consensus, je suis assez d’accord sur le diagnostic qu’il fait sur l’économie française; le problème, c’est que je n’en tire pas la même conclusion. Pire même : en le lisant, je me dis que décidément, l’esprit du public choice a des progrès à faire dans une communauté des économistes qui restent bien souvent dans la perspective rassurante du leader bienveillant qui appliquera son programme à une populace plus ou moins subjuguée. Cette partie-là du keynésianisme n’était pas la meilleure. Rappelons avec Downs que les politiciens ne se font pas élire pour appliquer un programme; ils définissent un programme pour se faire élire. Que la politique appliquée, si elle n’est pas indépendante du programme prédéfini, dépend avant tout d’équilibre sociaux et d’institutions contre lesquels même un leader bien intentionné ne peut pas grand-chose. Cette prise en compte des institutions et des équilibres sociaux est ce qui manque cruellement à l’analyse de Blanchard.

Considérons la question des mauvaises relations sociales : quelle nouveauté… Comme le rappelle Barry Eichengreen dans the european economy since 1945 les mauvaises relations sociales, la faible représentativité des syndicats, le caractère conflictuel du règlements des questions sociales, était une réalité en France en 1945 et était valide bien avant; elles ne font que traduire la réalité d’une société française qui n’a jamais été celle de ces pays protestants dans lesquels marcher en dehors des clous est une atteinte à la morale publique. Philippe d’Iribarne, dans la logique de l’honneur (un livre qui devrait constituer une lecture obligatoire dans tous les cours d’économie) a montré amplement la spécificité des relations au travail en France, le rôle des activités honorables ou non, la volonté farouche de conserver son indépendance de la part des salariés, le mépris affiché vis à vis de ceux qui deviennent des valets des dirigeants; ce système social, qu’on l’aime ou non, en créant à l’intérieur des organisations les conditions de l’exercice d’une grande autonomie des salariés, est à la base des succès comme des problèmes de l’économie française depuis les débuts du capitalisme; il doit être pris comme base de raisonnement, pas comme un particularisme nuisible qu’il faut supprimer à toute force “pour faire passer les réformes nécessaires”.

On pourrait dire la même chose du jugement de Blanchard sur l’Université; tout d’abord il est inexact de la déclarer comme “malade”, parking offrant des formations médiocres” face à des grandes écoles qui “sélectionnent sur les mathématiques”. L’université française est un système dual, dans lequel dans la même ville on trouve des universités de haut niveau, avec des gens de talent, formant des étudiants qui réussissent, et d’autres qui ne fonctionnent pas. En somme le système universitaire fonctionne comme les grandes écoles (qui comprennent certes HEC mais aussi l’Ecole Supérieure de Commerce de trou-les-oies et son unique débouché comme chef de rayon dans l’intermarché du coin…) et comme le système secondaire : c’est une machine à sélectionner. Il se trouve que c’est ce que l’on attend d’un système éducatif, dans la pure logique du market signaling. Le système français est brutal et peu transparent, mais joue ce rôle. Quant à la médiocrité des universités, c’est une chanson qui date un peu. Après tout, François 1er a créé le Collège de France parce qu’il ne pouvait plus supporter les Sorbonnards; Napoléon a suivi la même logique avec la création des grandes écoles. Aujourd’hui, la création d’une structure comme PSE participe de cette logique : quand le système est paralysé, on contourne l’obstacle.

Quant à l’inefficacité de la protection de l’emploi, relevée par Blanchard et de nombreux économistes du travail, elle est certaine mais la relever consiste à nier la réalité des équilibres politiques français. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin dans le théorème de l’électeur médian pour savoir qu’un système protecteur qui bénéficie à 70% de la population et pénalise les 30% restant (tout particulièrement les femmes, les jeunes et les populations d’origine immigrée…) est solidement installé et là pour rester durablement. L’affaire du CPE aurait quand même dû servir d’avertissement : le fait est qu’aujourd’hui, il y a une forte majorité de gens qui soit bénéficient d’un CDI et d’un emploi protégé, soit savent qu’ils ont des chances raisonnables d’y accéder. Face à cette situation, tout abaissement du niveau de protection des postes protégés est voué à susciter une révolte sociale qui paralysera ensuite toute vélléité de réforme. Et pour quel intérêt? Le vrai problème posé par le droit du travail se trouve dans les tribunaux de prudhommes et dans l’idée des législateurs qu’il n’y a pas de problème qu’une législation contraignante ne puisse résoudre; pas dans une protection de l’emploi qui a des défauts importants, mais qui n’empêche pas le marché du travail de fonctionner de façon flexible (la combinaison CDI-CDD-interim fait que la France n’est pas mal classée dans les indicateurs de flexibilité du marché du travail de l’OCDE) ce qui veut dire que réformer ces rigidités n’aura pas des avantages économiques énormes.

Surtout, Blanchard traite de conséquences, pas de causes. Je suis frappé à le lire de ne le voir évoquer que des problèmes sociaux, plus que des questions économiques. Et sur ce sujet je maintiens mon point de vue énoncé dans un post précédent : le débat social est inutile. On peut continuer de déverser sur le sujet tous les litres d’encre que l’on voudra, il est impossible de faire quoi que ce soit en matière de réformes sociales sans une croissance plus forte. Les syndicats étaient politisés à outrance dans les années 50 et le pouvoir politique peu à même d’imposer grand-chose : mais quand la productivité augmente au rythme de 5% par an, il est beaucoup plus facile de trouver des compromis sociaux et économiques. Espérer atteindre aujourd’hui des croissances de cette magnitude est certainement exagérément optimiste; mais on n’arrivera à rien sans une croissance plus forte. Et le moteur de la croissance économique, c’est la hausse de la productivité.

Or si sur la productivité les économistes ont encore beaucoup à apprendre, les efforts d’évaluation, par exemple ceux que MacKinsey est en train de mener et dont quelques résultats ont donné lieu à ce livre mettent en évidence l’importance considérable de la concurrence, notamment sur le marché des biens, comme facteur d’innovation et de hausse de la productivité (cela correspond également aux analyses de Baumol). Or la concurrence sur le marché des biens et l’arrivée d’innovations dépend en France de la politique de concurrence interne et européenne, et de l’ouverture des échanges qui produit la concurrence étrangère.

En somme le préalable indispensable à chacune des évolutions que souhaite Blanchard est l’augmentation de la croissance, pour cela de la concurrence sur le marché des biens, générée par la levée des obstacles aux échanges; en commençant par l’Europe, à l’intérieur de laquelle les modèles gravitationnels montrent pour l’instant qu’elle a un impact négatif sur les échanges, du fait notamment des barrières dans les services; mais aussi en France, tout particulièrement dans le commerce de détail. La question à se poser vis à vis des différents candidats est donc très simple : lequel (ou laquelle) a le plus de chances de favoriser la croissance par la concurrence et l’ouverture aux échanges?

Et s’il y a bien une chose dont on peut être sûr, c’est que ce candidat n’est pas N. Sarkozy. On n’en parle peut-être pas beaucoup dans le Massachussets, mais tout, que ce soit son bilan de ministre ou son discours, va exactement dans le sens inverse. Son bilan en tant que ministre de l’économie se limite à des attaques envers la “politique de change” de la BCE (qui n’existe pas; il faut donc supposer qu’il parle de la politique monétaire), à une “grande conférence” avec les entreprises de la distribution pour faire baisser les prix, et la nationalisation de fait d’Alstom pour empêcher Siemens d’y investir. Son discours actuellement en matière économique se limite à la glorification de la politique industrielle à la française, à des discours protectionnistes sur la préférence communautaire, et à la dénonciation de “l’immoralité du capitalisme financier” et de l’économie de “spéculation et de rente”. A côté des conséquences de la mise en pratique d’un tel discours, les quelques bons aspects de son programme ne pèsent pas lourd.

On rétorquera à juste titre que la démagogie fait partie des campagnes électorales, et que Ségolène Royal n’a pas été de reste en dénonçant les profits “fainéants et rapaces”. C’est certain, mais si Sarkozy a des défauts, il a une qualité, qui est la capacité de faire preuve de franchise : ce qu’il dit, il le pense, et il a eu l’occasion de le mettre en oeuvre lorsqu’il était ministre de l’économie (par charité, on ne citera pas ses prouesses au ministère du budget sous Balladur en matière de dissimulation de la réalité des comptes publics).

Est-ce une raison suffisante pour soutenir S. Royal ou autres Bayrou? Sauf à être encarté, je n’en vois pas l’intérêt. Et je trouve que bien des économistes qui se mettent actuellement derrière Royal et le projet du PS tombent dans le piège du flou de ce programme, que l’on peut interpréter soit comme de la social-démocratie mâtinée de démagogie électorale pour draguer l’extrême-gauche, soit comme le grand retour de l’esprit de 1981. Ils pensent sans doute que leur influence orientera la politique menée dans une bonne direction : à mon humble avis, ils commettent exactement la même erreur que Blanchard et oublient la réalité des équilibres politiques et institutionnels français. La société et l’économie françaises évoluent malgré les dirigeants politiques et les intellectuels, et c’est probablement mieux ainsi. Quant à Bayrou, son programme absurdement centré sur la dette et une mesure inefficace contre le chômage ne sera de toute façon pas appliqué, même s’il est élu : ce sera la majorité parlementaire qui décidera, ce qui nous ramène à l’opposition UMP-PS pour les programmes.

Keynes pensait qu’il serait merveilleux que les économistes soient considérés comme des savants humbles et compétents, comme les dentistes; dans cet esprit, les économistes sont plus utiles lorsqu’ils cherchent à comprendre et à faire comprendre le fonctionnement de l’économie que lorsqu’ils montent en chaire pour prendre des positions partisanes. Cela contribue à l’idée hélas largement répandue que l’économie n’est que l’énonciation péremptoire sous un verbiage incompréhensible de ses préjugés politiques.

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Alexandre Delaigue

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18 Commentaires

  1. ouais, mais en fait ce qui vous tracasse, c’est que vous ne pouvez encadre Sarko.
    Il y a donc un biais dans ce commentaire, biais par ailleurs visible dans certains billets.

    Détrompez-vous. Je suis très admiratif vis à vis de la façon dont il est reparti de zéro en 1995 pour se retrouver incontournable en 2002. Il a fait preuve à cette époque d’un sacré courage et d’un talent remarquable. J’ai trouvé appréciable sa façon d’aller bousculer certaines idées reçues et tabous de la politique et de la société française, sa volonté de changer les choses à droite. Et je trouve singulièrement grotesques les procès en sorcellerie qu’il a pu subir à ce sujet. En somme je suis le candidat idéal pour tenir le même genre de raisonnement que Blanchard. Mais le problème de Sarkozy, ce sont des idées en matière économique tout simplement catastrophiques. Mitterrand et de Gaulle n’y connaissaient rien et s’en moquaient éperdument; Royal ou Bayrou sont dans la ligne de ce genre d’ignorance contente d’elle. Dans le cas de Sarkozy non seulement il a des idées lamentables sur le sujet, mais il y tient.Dans ces conditions, aller soutenir un candidat en tant qu’économiste (et cela vaut pour tous les candidats) n’est pas opportun.

  2. Un autre économiste (du moins ayant reçu une formation en économie de haute qualité), Michel Volle, a, lui, choisi François Bayrou. Il explique pourquoi dans un billet récent de son remarquable site (http://www.volle.com/opinion/bay... Son argument diffère de ceux d’Olivier Blanchard.

  3. "il est impossible de faire quoi que ce soit en matière de réformes sociales sans une croissance plus forte"
    Vous parlez du cas français ou en général ? Il me semble que le cas Thatcher est un contre-exemple.

    Du cas français actuel. Les circonstances britanniques étaient différentes avec un système qui avantageait une minorité au détriment de la majorité (ce qui créait un consensus autour des réformes). Le contexte inflationniste du début des années 80 était lui aussi particulier et rendait des changements indispensables (il est à noter qu’à l’époque, la France a mis en place des réformes très importantes entre 83 et 86).

  4. Analyse intéressante.

    Si je résume, c’est un peu un problème de poule et d’oeuf. Blanchard dit que les rigidités sont la cause des problèmes de la France et qu’il faut s’y attaquer en priorité. Vous dites que ces rigidités sont profondément ancrées en nous et qu’on ne pourra les assouplir qu’avec de la croissance. Vous proposez la concurrence comme moyen de susciter la croissance.

    Pas tout à fait. Je pense 1- que les aspects qu’il souligne ne sont pas si importants que cela et 2- que de toute façon, sans croissance, on ne fera rien en matière sociale. Mais en gros, oui, c’est l’idee.
    J’ai 2 objections à votre propos.

    La première, c’est que la réticence à la concurrence me paraît au moins aussi profondément ancrée que les rigidités dénoncées. Un peu comme l’exemple des 70/30 que vous mentionnez, la concurrence est d’abord perçue comme négative avant d’être positive. D’autre part, la concurrence n’est bénéfique que si l’économie dispose de la souplesse pour s’adapter à ses contraintes. Et on retrouve la poule et l’oeuf. Le CDD, c’est bien pour absorber les chocs sur un marché établi, mais on ne crée pas une nouvelle activité avec des CDD.

    Il y a une différence importante qui est la répartition du marché politique. Si vous faites un contrat unique CDI-CDD, vous avez plus de la moitié de la population contre vous. Donc votre réforme ne passera pas ou consommera tellement de ressources pour acheter les réticents qu’elle en deviendra sans effet. Que la concurrence ne plaise pas, c’est le cas, mais de façon assez vague. Il n’y avait pas de majorité mobilisée pour s’opposer à la directive Bolkestein, simplement une hostilité vague; une suppression de la loi Galland-Raffarin ne ferait pas de majorité active contre elle. Dans les deux cas, c’est un mélange d’idéologie des dirigeants du parti et de base électorale de l’UMP qui ont fait que ces mesures ont été bloquées.
    J’ajouterai que le marché du travail, de fait, est flexible en France dans la mesure ou les entreprises, avec les CDI et l’interim, peuvent ajuster leur activité à la demande. Ce qui n’est pas flexible, c’est le marché des biens, dans lequel on soutient artificiellement des formes inefficaces de production. Donc il y a beaucoup plus à gagner à une concurrence accrue pour les biens et services que dans des réformes sociales qui en plus sont impossibles à mettre en place.
    La deuxième est que je ne suis pas aussi sur que vous que la société soit incapable d’accepter des réformes majeures. Vous avez tout à fait raison de dire que notre système favorise les insiders aux dépends des outsiders (jeunes, immigrés…) et je pense que beaucoup de gens commencent à s’en rendre compte. De plus, la protection du CDI est relative. Airbus, Alcatel-Lucent etc… nous démontrent tous les jours que le CDI retarde l’inéluctable (au risque parfois de l’aggraver) mais ne l’annule pas. L’épisode du CPE peut être vu de façon plus positive. Voila une mesure qui était à la fois mal ficelée, ciblée sur la population la plus susceptible de se mobiliser (les jeunes) et remarquablement mal vendue par le gouvernement. Et il s’est trouvé malgré tout beaucoup de monde pour la défendre sur le thème "moi je ne veux pas de sécurité, je veux qu’on me donne ma chance"

    Bref, je pense qu’il y a un espace politique pour une grande réforme juste et équilibrée du code du travail et de la représentation salariale (l’article de Cahuc sur telos est édifiant à ce propos)

    Est ce que Sarkozy en sera capable? Je reconnais qu’on puisse en douter. Mais ni Royal ni Bayrou ne semblent vouloir essayer.

    Ce raisonnement pourrait être convaincant, mais vous oubliez un détail très important, qui est le protectionnisme et l’hostilité à la concurrence. Les conséquences en sont infiniment plus graves que tout ce qu’on peut gagner avec des réformes du marché du travail genre contrat de travail unique qui jouent surtout sur l’équité beaucoup plus que sur l’efficacité économique. Je suis quand même effaré que si peu de gens s’inquiètent de voir le principal candidat à l’élection présidentielle tenir en matière d’économie internationale un discours qui ne se distingue en rien de celui de l’extrême-gauche. S’il n’y avait pas ce discours protectionniste, votre raisonnement serait valide : mais dans ces circonstances, aller soutenir Sarkozy sous prétexte qu’il fera peut-être quelques réformes sociales mineures me semble totalement à côté de la plaque. Le seul candidat qui tienne un discours de droite “normal” (c’est à dire, dans les canons européens, genre PP espagnol, démocratie chrétienne allemande, tories britanniques) c’est Bayrou. Il ne faut pas oublier qu’en matière de protectionnisme, l’heure est grave, et qu’il est possible de voir le système qui a fondé la prosperité mondiale depuis 1945 souffrir terriblement bientôt. Les conséquences d’un protectionniste à l’Elysée sont infiniment plus inquiétantes que ce qu’on peut “gagner” avec trois bouts de réformes sociales.

  5. Peut-être gagne-t-on à rapprocher ces éléments de discussion d’un côté derrière les éléments relatifs à la théorie du Public Choice exposés sur ce site et de l’autre du récent et à mon avis instructif débat suite à la présentation ici même du récent Delpla/Wyploz

    econo.free.fr/scripts/not…

  6. En préambule de cette défense de Sarkosy, je tiens à préciser une chose : je suis libéral.

    Mais la défense du libéralisme n’est pas le fait des grands groupes capitalistiques. Ceux-ci ont au contraire tout intérêt à la multiplication des réglementations qui forment autant de barrière à l’entrée de nouveaux concurrents et qui protège leur « monopole » concurrentiel.

    Siemens ne voulait pas reprendre Alstom. Il en aurait d’ailleurs été empêché par la commission européenne pour des raisons de quasi monopole sur les trains et les turbines. Le plan de siemens était au contraire de faire traîner le plus longtemps possible l’agonie d’Alstom qui lui permettait de gagner facilement des parts de marché.

    L’action de Sarkosy a permis de préserver une entreprise de 100 000 personnes mis en danger lors de la scission Alcatel / Alstom. Le PDG d’Alcatel avait décidé de s’arroger une grande partie du cash flow du groupe. Cash flow indispensable à la survie d’une entreprise travaillant dans des cycles long (10 ans) comme Alstom et qu’il a très rapidement dilapidé, mais c’est une autre histoire.

    Cette action s’est inscrite dans le marché. Le sauvetage d’Alstom ne s’est pas fait par voie réglementaire (instauration d’un monopole, subvention ou autre) mais par une recapitalisation. Recapitalisation qui aurait pu être assuré par des acteurs privés dans un autre pays que la France. La « nationalisation » d’Alstom que vous décriez a été brève (moins de 3 ans) et s’est traduite par des recettes nettes pour l’état (et pour Bouygues, mais c’est aussi une autre histoire).

    Le discours économique de Sarkosy est libéral. Sauf erreur de ma part, les mesures qu’il présente vont vers un assouplissement des contraintes réglementaires et une intensification des règles de la concurrence : La grande réunion médiatique des distributeurs pour la lutte contre l’inflation a eu pour effet direct – mais différé – l’abolition dans les faits de la loi Galand.

    Mais Sarkosy pense – et je suis assez d’accord avec lui – qu’un monde libéral n’implique pas la suppression de l’état. Et que celui-ci peut avoir un rôle important en tant qu’acteur. Si ce rôle est fait en respectant les règles du marché, je pense qu’il peut être positif et pallier les faiblesses du capitalisme français.

  7. Surtout, le gros problème, c’est que Blanchard n’analyse pas les propositions de Ségolène Royal.

    Elle a toujours eu le même discours sur le syndicalisme : il faut le rendre plus représentatif, plus puissant, pour sortir de la logique de confrontation et bâtir un nouveau modèle social qui bénéficie aussi à la compétitivité.
    Idem sur les universités : elle veut promouvoir le rôle des régions, avec plus d’autonomie pour les universités, et plus de moyens. Elle a aussi évoqué que celles ci ne doivent pas avoir peur de renforcer des partenariats avec les entreprises. Cela ne sont pas que des phrases vides.

    Même sur la flexibilisation, elle parle de trouver une agilité possible (mot pol correct pour flexibilisation)en contrepartie d’un système de sécurité professionnelle.

    Faire sur tous ces sujets plus confiances à des réformes brutales et par là difficilement applicables de M. Sarkozy…

    La méthode Coué, il n’y a que ça de vrai…

  8. A vous lire je crois entendre la différence de point de vue entre Fillon et Chirac. Fillon a fait quelques réformes utiles, pas assez a son goût. Chirac l’a freiné estimant que la France était "trop fragile pour supporter les réformes". Vous semblez penser comme Chirac. Il faudrait donc attendre que la croissance vienne avant de réformer.

    Vous faites de plus à Sarko un procès d’intention. Vous semblez dire que Sarko prétend réformer, mais qu’il ne le fera pas. Pourquoi ?

    Le meilleur argument en faveur de Sarko, c’est Dupin qui le donne dans l’intro de son dernier bouquin "A droite toute"
    http://www.geocities.com/ericdup...
    Selon Dupin, Sarko n’est pas Chirac, il veut effectivement reformer et modifier les choses. Son discours démago n’est qu’un habillage pour faire passer ses réformes.

    Sur les 3 points cités par Blanchard –
    relations sociales, protection de l’emploi et système universitaire – je ne vois pas pourquoi Sarko ne ferait pas ce qu’il dit qu’il fera, car il n’a rien à gagner électoralement à mettre ces réformes en avant. Ces trois points sont d’ailleurs largement évoqués dans le bouquin de Fillon qui est le directeur de campagne de Sarko.

    C. Blanc ne s’est pas trompé.

    Comme je disais ci-dessus, la méthode Coué, il n’y a que cela de vrai. Je continue de trouver prodigieux qu’un candidat de droite puisse tenir un discours d’extrême-gauche en matière d’économie internationale dans l’indifférence générale. Je ne sais pas ce qui m’effraie le plus : ce discours, ou cette indifférence.

  9. Une analyse intéressante, mais à laquelle il est difficile de souscrire pleinement. Si je vous ai bien compris, le grief principal fait à Sarkozy en matière économique serait de ne pas avoir pris clairement position en faveur d’une libéralisation plus complète du marché des biens. Je pense effectivement que c’est le noeud du problème, et la condition d’une plus grande productivité à l’échelle globale. Les rapports récents (Cahuc-Kramarz en particulier) insistent d’ailleurs lourdement sur ce point.
    Pour le reste, je pense que les gesticulations autour du statut de la BCE ou l’interventionnisme industriel façon Alstom ressemblent surtout à des opérations de communication politique, et ne méritent pas de commentaire particulier.
    Mais à l’opposé, je vous trouve assez magnanime quant à la volonté et à la capacité de Royal de se saisir de ce problème de concurrence sur le marché des biens. Sauf omission de ma part, rien dans ses 100 propositions ne suggère qu’elle remettra par exemple en cause les barrières à l’entrée héritées des lois Royer (1973) ou Raffarin (1996) dans le secteur de la grande distribution. Pourtant les méfaits de ces dispositifs en termes de création d’emploi et de surcoût pour le consommateur sont désormais bien connus (voir entres autres le travail d’Askenazy et Weidenfeld: http://www.cepremap.ens.fr/depot...
    J’irai même plus loin, en l’absence de proposition claire de Royal sur ces questions de concurrence: de la "démocratie participative" et de sa proximité assumée avec les Français découleront probablement, le moment venu, des actions en faveur de la défense du petit commerce, auquel les gens sont symboliquement et matériellement attachés. Et ce au mépris de l’efficacité économique, l’enfer étant en la matière souvent pavé de bonnes intentions.
    En définitive, je trouve assez ambigüe la démarche consistant à affirmer le devoir d’indépendance et de pédagogie des économistes (à quoi je souscris pleinement, en tant que professionnel de la profession), tout en suggérant qu’il existe tout de même un candidat (Sarkozy) qui, décidemment, est économiquement pire que les autres. Ne faut-il pas choisir ? Après tout, il existe peut-être d’autres raisons de ne pas voter Sarkozy…
    Bref: une (amicale) critique sur ce blog de qualité, que j’ai beaucoup de plaisir à lire.

    Je n’ai aucune confiance envers Mme Royal dans quelque domaine que ce soit. Ses “exploits” dans les divers ministères qu’elle a occupés, tout particulièrement la très stalinienne “circulaire Royal” sur la pédophilie dans les écoles m’ont amplement convaincu de la nature de la personne et de ses capacités, limitées à faire de la publicité autour de son nombril. Je n’ai pas attendu cette campagne électorale pour avoir cet avis.
    Ce n’est pas pour autant qu’un discours “il faut voter Sarkozy” me convainc; surtout quand il est assis sur un raisonnement aussi peu satisfaisant que celui que tient Blanchard dans son article. Entre différents maux je revendique le droit de ne pas choisir.

  10. Il n’y a à mon avis rien d’étonnant à voir un candidat de droite dure tenir un discours collectiviste en politique internationale.

    Comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises le Brésil (à l’occasion des reproches qui lui étaient fait de détruire sa forêt amazonienne), les pays developpés ont la fâcheuse manie de définir comme des biens privés les ressources qu’ils contrôlent ou peuvent espérer contrôler (par exemple, le pétrole, les minerais, l’énergie électrique excédentaire produite) et des biens publics les ressources que les pays developpés contrôlent ou qu’ils ne peuvent réellement contrôler (par exemple, la forêt amazonienne, l’eau, la qualité de l’air dans la logique du réchauffement climatique ou des océans).

    Il est donc logique, en représentant, dans la tradition de la théorie du Public Choice, un état dans un cadre politique international comme un acteur économique en présence d’autres acteurs économiques, de voir chaque état se comporter comme un passager clandestion (un pro-collectivitse) vis à vis des ressources dont il ne peut contrôler la distribution, et donc, tirer profit de cette distribution.

    Ici aussi, "no bridge".

  11. A ce stade de la campagne, il est difficile de trouver des raisons positives de voter pour l’un ou l’autre des candidats, surtout si on a un esprit analytique et désenchanté.

    Je pense que Sarkozy est le seul avec l’intellect et les moyens politiques de "faire"; il est clairement le patron d’une équipe de gens outillée; mais je ne sais pas quoi?

    Pour moi Bayrou est une non entité; peut être un réflexe de Parisien qui a surtout vécu a l’international vis a vis d’un provincial qui met en avant des "racines" et dont le CV ne me parait pas mériter le premier prix.

    Royal me fout les jetons. Aussi simple que cela; elle m’est sympathique, agréable a regarder, son envie de secouer le cocotier est intéressante, mais j’ignore ce qu’elle va bien pouvoir faire et avec qui? Ses meilleurs amis du parti socialiste ? Sur quel base? Quel sera la connerie qui sera faittes en premeir et que l’on mettra 20 ans a regretter?
    Je n’ai tout simplement pas envie de revivre 1981.

    Conclusion: Gardez votre chasteté politique, tout ces débats génerent plus de chaleur que de lumière.

  12. analyse d’un épais bon sens (sans nuance méprisante) assortie de ce délicieux rappel du bon mot de Keynes exhortant les zécomisses à la modestie du chirurgien dentiste. Quant à la fameuse question sociale, ce boulevard à infra-platitudes, je suggère aux bavards lugubres de la chose de s’appuyer la lecture d’un ouvrage de Charles Melman (L’homme sans gravité, jouir à tout prix chez Denoël)… Et c’est ainsi que nous vérifions mes frères que Desproges ne fut pas la moitié d’un rigolo lorsqu’il demandait aux périgourdines : Où avez vous vu que l’homme était respectable ? Vous avez entendu chanter Francis lalanne ?
    Et c’est ainsi qu’Allah est grand et l’éléphant irréfutable
    Pouf Pouf

    Je n’ai pas tout compris. Mais un peu comme certaines formes d’art contemporain, ce propos me fascine.

  13. La tache d’un economiste n’est-elle pas…" ..d’etre mathematicien, historien, homme d’Etat, philosophe a un certain niveau. Il doit observer le particulier en termes generaux et toucher l’abstrait et le concret du meme elan de la pensee. Il doit etudier le present a la lumiere du passe et a l’usage de l’avenir…"

    …ou bien en d’autres termes…

    "…ni convictions a priori, ni savoir dogmatique (?), ni connaissance specialisee, mais une ouverture aussi large que possible sur toutes les formes de pensee, un gout immodere des allers-retours entre le concret et l’abstrait, une pratique permanente des pas de cote vers d’autres territoires intellecturels…."…?

    The study of economics does not seem to require any specialised gifts of an unusually high order. Is it not, intellectually regarded, a very easy subject compared with the higher branches of philosophy and pure science? Yet good, or even competent, economists are the rarest of birds. An easy subject at which very few excel! The paradox finds its explanation, perhaps, in that the master-economists must poses a rare combination of gifts. He must reach a high standard in several different directions and must combine talents not often found together. He must be a mathematician, historian, statesman, philosopher – in some degree. He must use symbols and speak in words. He must contemplate the particular in terms of the general, and touch abstract and concrete in the same flight of thought. He must study the present in the light of the past for the purposes of the future. No part of man’s nature or his institutions must lie outside his ken. He must be purposeful and disinterested in a simultaneous mood; as aloof and incorruptible as an artist, yet sometimes as near the earth as a politician. (Keynes, essais de biographie)

    Certes, mais, comme dirait Guy Lux, à quoi pensez-vous?

  14. Les économistes ont ceci en commun avec les dentistes qu’ils vous assènent leur opinions au moment où, la roulette dans la bouche, vous ne pouvez répondre. La différence, c’est que les dentistes ont appris à se soucier de la souffrance de leurs patients…

    Je suis, comme vous, fasciné par l’apparente inculture de certains économistes en matière de science des systèmes. Comme vous l’indiquez : "Que la politique appliquée, si elle n’est pas indépendante du programme prédéfini, dépend avant tout d’équilibre sociaux et d’institutions contre lesquels même un leader bien intentionné ne peut pas grand-chose." Je reformulerais: "sans tenir compte desquels même un leader bien intentionné ne peut pas grand chose".

    Penser qu’une mesure (ou un ensemble de mesures) est bonne en soi, sans refléchir à son interaction avec un ensemble de règles et de dispositifs existant est stupide (et trop fréquent). A titre d’exemple, promouvoir une plus grande flexibilité du contrat de travail n’a de sens que dans un contexte où, comme aux Etats-Unis, l’accès au crédit et au logement est beaucoup plus facile pour des personnes n’ayant pas un emploi à durée inderterminée. On pourrait faire la même critique pour les 35 heures.

    Il faudrait sans doute les obliger à lire Herbert Simon, entre autres.

  15. Les analyses d’O. Blanchard sont souvent pertinentes mais là, il fait vraiment du lèger. A. Delaigue, O. Blanchard est trop intelligent pour ignorer les points importants que vous avez soulevés. Je pense au fond qu’il veut juste pas voter pour S. Royal est qu’il se refugie dans vote Sarko avec une argumation obsolète. Dans tous les cas, j’aimerai bien savoir ce qu’en pense (les arguments de Blanchard) son ami et grand économiste de gauche D. Cohen.

  16. Vous dites-vous même :

    La société et l’économie françaises évoluent malgré les dirigeants politiques et les intellectuels, et c’est probablement mieux ainsi.

    et je suis plus d’accord avec cette phrase que je ne pourrais l’exprimer avec des mots.

    Mais alors, finalement, aucun candidat n’est plus dangeureux qu’un autre ! Nous devrions tous les aimer et les souhaiter tous présidents, à tour de rôle, si ça leur fait tellement plaisir… puisqu’ils ne changeront rien !

    Mais est-ce bien le cas ?

  17. Bonjour,

    "Sauf omission de ma part, rien dans ses 100 propositions ne suggère qu’elle – SR – remettra par exemple en cause les barrières à l’entrée héritées des lois Royer (1973) ou Raffarin (1996) dans le secteur de la grande distribution. Pourtant les méfaits de ces dispositifs en termes de création d’emploi et de surcoût pour le consommateur sont désormais bien connus (voir entres autres le travail d’Askenazy et Weidenfeld: http://www.cepremap.ens.fr/depot…"

    Malheureusement, ce lien n’est plus valide ! Serait-il possible de le réactiver ou d’en fournir un autre ? Je suis très intéressé par cette question…

    Sinon, concernant nos 3 candidats – j’en choisirai un parmi eux mais je n’ai toujours pas fait mon choix -, il est donc extrêmement difficile de choisir si leur politique économique est tout autant mauvaise… (ce sera mon 1er critère de choix du futur président)

    Vu le flou de certains programmes, les principaux lieutenants des candidats – et éventuels futurs 1er ministres – peuvent certainement avoir une influence non négligeable.

    Est-ce que certains des principaux lieutenants des 3 candidats ont été capable de faire un bon diagnostique de l’état de notre pays ?
    Ou sont-ils absolument tous aussi mauvais les uns que les autres en économie ?? (Si c’est le cas c’est vraiment à désespérer de cette élection…)

    Nouveau lien.

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