Norman Borlaug est mort

A 95 ans, ce qui fait une vie bien remplie. Celui qui a été surnommé (contre son gré) le “père de la révolution verte”, était avant tout un chercheur, qui a consacré sa vie à trouver des moyens de sortir l’humanité de l’un des pires fléaux – la faim. Inventeur de semences permettant d’accroître considérablement les rendements agricoles, il a travaillé à leur mise en place en Inde, au Mexique, transformant ces pays, autrefois chroniquement touchés par les pénuries alimentaires, en pays autosuffisants et exportateurs. S’il fallait désigner le prix Nobel de la Paix le plus mérité de l’histoire, Borlaug, qui a sauvé plus d’humains que n’importe qui d’autre, l’emporterait haut la main. Il a eu ses détracteurs, mais les faits parlent pour lui; ce soir, un humain sur deux est allé se coucher avec dans l’estomac, un repas comprenant des céréales inventées par Norman Borlaug.

Quelques liens recommandés :

Sa conférence Nobel en 1970

Une interview dans Reason

Une excellente nécrologie dans le New York Times

Article du Financial Times

Necrologie dans Libération, et dans le Monde. Surtout, abstenez-vous de lire les commentaires de ces derniers articles, pathétique spectacle de nombrilistes stupides. Il y a des jours où l’on souhaiterait croire à l’enfer pour que ces gens aillent y rôtir.

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Alexandre Delaigue

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8 Commentaires

  1. Merci pour le post et les liens, quelle vie et quelle oeuvre!! Je regrette d’avoir attendu sa mort et les nécrologies pour le découvrir, c’est un tel exemple!

  2. C’est pourtant bien intéressant ces commentaires.
    Tiens, par exemple : "Le principal péché de la "Révolution verte, c’est d’avoir fait croire au monde que l’on peut résoudre des problèmes qui sont en définitive politiques par des moyens scientifiques et techniques."
    Donc, améliorer le sort de ceux qui ont faim en utilisant la technique – pouah – c’est très mal ; la seule posture moralement valable étant d’attendre le grand planificateur qui distribuera nos vilaines richesses occidentales de par le vaste monde des nécessiteux.
    Je suis toujours étonnée par la robuste simplicité de ce genre de bêtises ; et qu’on puisse sérieusement soutenir de tels points de vue ne cessera de m’esbaudir.

  3. Alexandre, vous avez sans doute raison sur le fond, mais votre ton péremptoire est exactement ce qui peut susciter le doute chez les commentateurs idiots que vous dénoncez justement. A ce genre de personne, Borlaug tenait, si j’en crois le NYT, un discours plein de bon sens, qui mériterait lui aussi d’être rappelé : <i>The Green Revolution eventually came under attack from environmental and social critics who said it had created more difficulties than it had solved. Dr. Borlaug responded that the real problem was not his agricultural techniques, but the runaway population growth that had made them necessary.

    “If the world population continues to increase at the same rate, we will destroy the species,” he declared. </i>

  4. Une question latérale :

    De manière assez générale, les commentaires postés sur les sites des journaux sont … disons affligeants pour rester poli.

    D’où ma question : a-t-on une idée de ce qu’est le profil moyen du commentateur, relativement à la population générale ?

  5. Je ne me remet pas de la bétise crasse, de l’auto-centrage de petits gars de pays riches, de l’inculture abyssale de nombre des commentateurs de nos journaux bien à nous …

    Pas que je vive sur la planète Mars, non mon environnement social proche, quoique a priori loin d’être illettré, semble peiner à admettre que la tomate (et tout le reste ou presque…) ne soit pas originaire du bassin méditerranéen ("est-ce toujours locavore?"; "quid de la biodiveristé?") ou qu’on croise des espèces depuis des millénaires…

    Bref pour répondre à Badal le profil me semble hélas moyen…. du petit bourgeois-qui-se-préoccupe-de-s’informer-sur-la-marche-du-monde… bon qui enfile des préjugés en croyant s’informer;

    Difficile de prendre l’apéro chez gens de nos jours 🙂

  6. @ badal : simple hypothèse personnelle, mais probablement quelqu’un d’intellectuellement frustré qui trouve là un moyen d’exprimer et de promouvoir sa "grande pensée sur le monde" (avec en plus un total mépris de tout ce qui peut aller à l’encontre de leurs grands discours : "c’est des cons, ils ont rien compris, alors que moi si, regardez, écoutez-moi, je suis Dieu et la Vérité"). Je pense que les gens qui ne sont pas frustrés posent des questions, s’intéressent, mais ne tentent en aucune façon d’avoir raison à tout prix. Tentez d’ailleurs l’expérience suivante : démontrez à quelqu’un de frustré qu’il a tort, et comme il ne saura pas le reconnaître dites-lui qu’en conséquence de quoi vous n’êtes plus intéressé par une discussion avec lui (ou elle, la connerie n’a pas de sexe). Vous verrez que bien souvent ressort la réponse suivante : "non mais tu m’écoutes, écoute moi, on est en démocratie et tu dois écouter tous les avis, j’ai le droit de prendre la parole". Si vous êtes vicieux vous pourrez alors lui répondre, en substance : "le droit de prendre la parole, oui, celui d’être écouté, sûrement pas", mais heureusement tout le monde n’est pas aussi immonde que moi… Dans tous les cas, en analysant un peu plus la personne ressortant un tel argument, vous verrez que dans l’histoire de sa vie elle a, à un moment donné, été particulièrement frustrée (intellectuellement parlant).

    Bon, cette expérience et ma misanthropie quotidienne mises à part, je pense que la piste de la frustration pourrait être une piste intéressante à creuser, même si une fois encore il ne s’agit que d’une "simple" hypothèse personnelle…

    PS : votre captcha est vraiment trop dur à résoudre…

  7. Un peu de polémique: N. Borlaug aurait permis de sauver des vies ?
    Quote: "Dr. Borlaug responded that the real problem was not his agricultural techniques, but the runaway population growth that had made them necessary."

    Le niveau de la population étant intrinsèquement lié à la disponibilité de la nourriture (maximisation Malthusienne de la population-toujours vérifiée!-même si Malthus n’avait pas prévu la révolution verte), ce sont donc les techniques introduites par Borlaug qui ont permis l’explosion de la population dont il parle. Et à taux de mortalité constant, quand la population triple, le nombre de mort aussi(à efficacité du marché de la distribution égale).
    A moins que l’on montre que l’équilibre entre les différentes causes de mortalité (vieillesse, accident, guerre, maladie, faim) a beaucoup changé, il y a de quoi rester sceptique sur les effets positifs de la révolution verte.

    Au contraire, la prise en main de la production agricole par des multinationales avec pour objectif la maximisation des profits, a les conséquences négatives suivantes:
    – diminution catastrophique de la diversité des espèces de plantes et animaux domestiques(qui est un facteur de robustesse du système agricole, résistance aux maladies, parasites etc.)
    – centralisation de la production qui rend la disponibilité de la nourriture dépendante de moyens logistiques de grande envergure (attention aux pénuries de pétroles)
    – dépendance directe de la production aux engrais et pesticides à base d’hydrocarbures (c’est plutôt la révolution "noire" dont il faudrait parler!)
    – main mise des grands trusts "agro" sur la production agricole (des lois interdisent le semis à partir de la récolte, voir en particulier les agriculteurs qui sont passés aux OGM Monsanto..)

    Bref, le prix Nobel de la Paix, je crois que c’est un peu exagéré. N. Borlaug n’avaient sans doute que de bonnes intentions, mais les effets positifs me paraissent tout à fait contestables.

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