Alors comme ça, les filles, on s’effondre quand il y a de la compétition (nan, Emmeline, pas sur la tête, ça fait mal) ? C’est pas moi qui le dis, ce sont des chercheurs d’HEC, dont Eloïc Peyrache, que j’ai un peu connu, étant son aîné à Cachan (ouai, ok, j’étais l’aîné et maintenant c’est le boss chez les épiciers – m’étonne pas, un gars de qualité).
Rien de technique à rajouter à ce qu’on dit sur le sujet. Juste un détail : on n’est pas obligé de se sentir en concurrence pour réussir un concours. Il suffit simplement d’aimer ce que l’on fait et de vouloir être bon. “Bon”, ça ne veut pas dire “meilleur”. J’ai passé deux concours. Je les ai eu du premier coup, sans être un génie et sans vouloir tuer mon voisin. Simplement, à chaque fois que je passais une épreuve, je voulais essayer de faire quelque chose de bien. J’ai toujours pensé que cela suffirait pour réussir. Bien sûr, je n’ai jamais été major ou même dans les premières places. Mais toujours au dessus de la barre, voire confortablement au dessus (mais l’étude porte sur les admissions, pas sur les classements – agissons progressivement). Du coup, je n’ai pas le souvenir de souffrances mentales à l’approche des épreuves et je ne me souviens pas d’avoir perdu mes moyens une seule fois (bon, après, on a les moyens qu’on peut des fois…). Une excitation, un stress positif, que j’ai ressenti aussi lors des examens qui me tenaient à coeur.
Jeunes filles, la voie du succès, c’est d’abord la voie du plaisir. Joli slogan, non ?
- Sur le passeport vaccinal - 18 mai 2021
- Laissez le temps de travail en paix - 19 mai 2020
- Élinor Ostrom, le Covid-19 et le déconfinement - 16 mai 2020
- Ne tuons pas l’enseignement à distance. Optimisons-le - 15 mai 2020
- Quelques commentaires sur les évaluations à l’arrache des systèmes de santé en pleine épidémie - 9 mai 2020
- Du bon usage du supposé dilemme santé vs économie - 9 mai 2020
- Le problème avec la courbe. Édition Covid-19 - 4 mai 2020
- Reprise d’activité - 21 avril 2020
- Problème corrigé sur les notes de lecture - 6 février 2020
- éconoclaste a 20 ans. Épisode 2. Passeurs dans les années 2000 - 27 décembre 2019
Slogan parfait, devrais-je dire! 🙂
joli slogan mais qui pourrait être mal interprété!! 🙂
il s’agit d’admission, c’est à dire après l’oral où les examinateurs connaissent le sexe des candidats, ce qui peut produire un biais.
(cf les études suédoises où les instits même femme faisaient des distinctions quand bien même ils se voulaient pilote dans l’égalité de traitement des sexes).
Qu’en est-il de l’admissibilité, où les copies sont anonymes (même si on peut deviner aux écritures) ?
Quand on sait que les sociologues français Baudelot et Establet, et peut être avant eux, Bourdieu, avaient constaté ce phénomène, et proposé cette même explication, il y a déjà quelques années, on se peut se demander pourquoi les journalistes ne s’y intéressent que maintenant. D’autant plus qu’ils ne présentent rien de nouveau dans ce reportage.
Cependant on peut se douter que cet économiste, s’il s’intéresse en particulier aux inégalités scolaires, est au fait de ces travaux sociologiques et qu’en conséquence il a surement AUTRE CHOSE à dire que les 30 malheureuses secondes d’interview qui ont été retenues pour le JT de 20h.
Une nouvelle preuve de la médiocrité de l’offre d’information grand public ? Si l’on souhaite rendre compte de travaux de sciences sociales, autant aller jusqu’au bout des conclusions auxquelles ils aboutissent…
PAN ! Bon, ça c’est fait…
J’ai trois autres explications qui ne figurent pas dans l’étude, du moins telle qu’elle est présentée sur Le Monde (je n’ai pas réussi à la trouver in extenso). Vous pouvez couper le pavé si vous ne trouvez pas ça intéressant.
D’une part, le fait que les jeunes filles se concentrent plus autour de la moyenne m’inciterait à aller voir ce qui se passe en prépa (pré-concours, donc) : ça fait maintenant 6 ans que je baigne dans le monde des prépas HEC, et je partage avec tous ceux que j’y connais l’expérience que les filles qui galèrent pendant la prépa ont plus tendance à s’accrocher coûte que coûte, tandis que les messieurs vont plus fréquemment adopter la pose du manfoutoutefaçonlaprépacépapourmoichuizunartiste. D’où une possible présélection : parmi les garçons qui se présentent, le ménage a déjà été fait. [Mais comme on parle de toute façon des meilleurs préparationnaires et que vu le coût tout le monde ne se présente pas au concours d’HEC, je n’y crois guère].
D’autre part, et beaucoup plus convaincante à mon avis, une autre explication en lien avec le constat de Baudelot (dans un autre article du Monde) : les filles se sous-estiment plus que les garçons. Or HEC est, parmi les écoles de commerce, la seule (avec l’ESCP dans une bien moindre mesure) à avoir des épreuves orales vraiment académiques autre que linguistiques. Il est donc plausible que les filles, persuadées de ne pas être admissibles, s’y préparent moins. Ca vaut aussi pour les « cubes », qui sont bien plus souvent des garçons que des filles (au concours 2008, où la norme était d’être né en 88, 49 admis étaient de 87 ou 86 contre 25 admises).
Dernière explication : la proportion de filles en khâgne est élevée (je n’ai pas les chiffres de la proportion de filles parmi les candidats de la voie littéraire car le webmaster d’HEC a confondu les concours…) ; et, le jeu des coefficients et la barre d’admissibilité de plus en plus délirante étant ce qu’ils sont, les préparationnaires littéraires souffrent terriblement au concours (taux d’admission de 2,8 % contre 9,4 % pour l’ensemble des candidats) – ce qui nuit au pourcentage de réussite des filles.
Sinon, j’adhère évidemment entièrement à votre cri de ralliement … [small]et faites un bac ES ![small]. Il ne reste plus qu’à faire entrer dans les moeurs que réciproquement, pour les filles *aussi* la voie du succès peut être la voie du plaisir !
Réponse de Stéphane Ménia
Oui, tout ça tient la route pour moi [small]y compris ES[small].
J’ai moi aussi passé un certain nombre de concours – 9 en tout, de trois types différents… – et je suis passé par une prépa ECE (sans passer pour autant les concours des écoles de commerce à la fin, oui, je sais c’est bizarre). Du coup, je pense qu’il faut distinguer entre les concours : pour ce qui est des concours de l’enseignement, je suis d’accord qu’un esprit de compétition n’est pas très utile, parce que l’on ne rencontre que rarement ses vrais concurrents. Par contre, pour les écoles de commerce, 1/ il me semble difficile de simplement aimer ce que l’on fait en prépa : qui aimerait faire des heures et des heures de math tout en sachant qu’il y 70% de chances que cela ne lui serve jamais une fois le concours passé (ce que les profs eux-mêmes peuvent parfois dire…) ? Et l’ambiance de ma prépa n’encourageait pas vraiment à prendre du plaisir à ce que l’on faisait : l’expression boîte à concours a du vrai. Du coup, là, j’ai vu un vrai esprit de compétition, dans ce qu’il a de plus exacerbé, même si certains essayaient alors de le nier sur le mode du "gros tas de chouettes copains" – des copains qui ne s’entraident pas trop non plus, t’avais qu’à bosser, et puis ça sera toujours ça de moins au concours.
(Oui, je ne garde pas un très bon souvenir de cette époque, c’est si visible que ça ?)
Dernière chose : je pense qu’en parlant de confiance en soi plutôt que d’esprit de compétition, Baudelot et Establet sont plus précis : c’est le sentiment de légitimité qui expliquent les différences de réussite.
Réponse de Stéphane Ménia
Je pense que ton argument sur les différences entre concours est tout aussi recevable que discutable. Il y a une culture différente dans la préparation des différents concours. Néanmoins, pour commencer, en ce qui me concerne, j’ai passé le concours de Cachan, qui n’est pas un concours de l’enseignement dans son esprit. Ensuite, quand tu dis que bouffer des maths qui ne serviront pas ne peut pas amener du plaisir, j’émets des doutes, car avant d’aimer être directeur sud est de Danone, on est d’abord épicier et on aime donc résoudre des problèmes de maths d’épiciers. C’est dans ce sens qu’on peut dire “j’aime et j’essaie d’être bon”. Ensuite, je serais malhonnête si je disais que je n’ai jamais dit “Putain, je vais les niquer”. Mais c’était très très marginal et simplement destiné, à l’oral, à me donner une dose supplémentaire d’adrénaline quand je me sentais un peu fatigué. Et, il se trouve que je suis un homme, avec tous les travers que cela implique. Je pense donc que si les filles font tout ce qu’il faut pour puiser dans leurs qualités sans singer les gavés de testostérones, elles amélioreront leur réussite à ces concours, quels qu’ils soient. C’est un argument très pratique, qui n’élimine pas évidemment l’intérêt de réfléchir aux moyens de modifier structurellement la donne.
Il y a 30 ans (pfff… comme le temps passe), j’ai été admise en prépa HEC à LLG. J’ai tenu trois semaines. Mon seul titre de gloire : bizuth cigarettes. Après, j’ai raté ma vie. Dans la joie et le plaisir.
Réponse de Stéphane Ménia
Ouaip, quelle déchéance…
@m : la diminution de la représentation féminine est plus nette entre les candidats et les admissibles qu’entre les admissibles et les admis…
@UHDP : mon expérience de la prépa est plutôt celle de Stéphane (moi non plus ça ne me dérangeait pas de faire des heures et des heures de maths, encore que j’en aie finalement trouvé l’usage ex-post), et pourtant c’était une ECE !
Emmeline: J’ai du mal à croire que des éminents profs d’HEC sont infoutus de remarquer que si les jeunes filles réussissent moins les concours d’HEC, c’est juste un effet de choix de filières, et ce dans un document de travail du CEPR. Peut-être un biais d’optimisme
(mon précédent message n’est pas passé, je la retente)
Les résultats éclatés des garçons et concentrés des filles aux concours, ça me fait penser à ça : en.wikipedia.org/wiki/Sex…
On peut penser que ça n’a aucun rapport ou bien que les mêmes biais s’appliquent aux 2 situations.
Ou encore, version politiquement incorrecte, que l’une est la résultante de l’autre.
(Je ne suis toujours pas Mankiw déguisé, donc pas frapper !)
La pression sociale/l’éducation est clairement biaisée sur la base du genre: ayant assisté à une conférence sur les femmes dans la recherche (en physique) l’une des citations était la suivante: "Quand on demande à des parents ce qu’ils veulent pour leur enfant, la réponse est:
– (pour un garçon) doit réussir dans la vie,
– (pour une fille) être heureuse."
Dans tous les cas, on renvoi via la télévision et même à l’école une image tellement sexiste de la société, que ces inégalités ne peuvent pas ne pas perdurer.
Autre explication (trouvée uniquement dans de la littérature/presse anglo-saxonne) qui NE reflète PAS mon opinion personnelle:
L’écart-type sur la variable "intelligence" (par exemple une variable gaussienne) est plus grand chez les garçons que chez les filles. Cela explique tous les résultats, y compris sur les concours d’ingénieurs: baisse de la proportion de filles avec la hausse de la barre/du rang de l’école.
@Stephane: je pense qu’on peut très bien réussir les concours, sans pour autant avoir l’esprit de compétition, pas même une minute durant les oraux.
En fait, dans mon expérience de la prépa, j’ai surtout vu des gens qui auraient été prêt à apprendre l’araméen si on leur avait garantie qu’à la fin ils pourraient proter un costume Hugo Boss/tailleur Chanel en roulant en BMW décapotable – et je ne caricature même pas. Mais ma prépa provinciale n’est pas forcément représentative, et je veux bien croire que d’autres situations sont possibles : en fait, il nous faudrait une typologie. Plutôt que de culture de concours, je pense qu’il faudrait parler en terme de structure de prépa : composition sociale de la classe, liens qui s’y établissent…
Du coup, rien qu’en distinguant entre des prépas à forte compétitivité et à faible compétitivité, on pourrait se demander 1/ quelle est la configuration la plus efficace ; 2/ quelle est la configuration la plus égalitaire.
Plus qu’à recruter une équipe et lancer le programme de recherche.
Pierre : pour connaître (un peu) un des auteurs, je pense aussi que vous n’êtes pas optimiste. Le problème est que le Monde ne reprend que les chiffres bruts, et laisse donc croire que seule l’explication "les filles sont plus concentrées autour de la moyenne" est proposée dans l’étude…
J’ai fini par trouver l’article de vulgarisation de Palomino : professoral.edhec.com/jsp… et je le trouve personnellement très décevant (l’existence de filières différentes n’est d’ailleurs pas mentionnée ; d’ailleurs les 20 meilleures ECS sont implicitement supposées meilleures que la 1e prépa ECE, ce qui est non seulement énervant, mais encore parfaitement faux). Cela dit, c’est *vraiment* de la vulgarisation (avec explication de ce que veut dire "oui" dans la colonne "significativité"), je vais donc attendre de mettre la main sur l’étude elle-même.
L’approche compétitive (ie. non-coopérative) n’est pas efficace en prépa. Il y a des milliers de concurrents et seulement une quarantaine dont on est raisonnablement proche (les camarades de classe).
Choisir une stratégie non-coopérative avec ces 40 personnes-là est stupide. On affaiblit peut-être 1% des concurrents mais on s’aliène à coup sûr 100% des personnes qui peuvent nous aider.
Réponse de Stéphane Ménia
Exact. C’est un des trucs les plus étranges qu’on constate en prépa. Pour la petite histoire, on voit aussi des profs raisonner de la sorte quand un poste est mis au mouvement sur leur bahut (ils sont persuadés que celui qui peut l’avoir est le collègue juste à côté. Souvent, quelqu’un débarque d’ailleurs…). En matière de course de rats, la proximité est un truc qui fait perdre le sens du raisonnable.
@ Liberal : il n’y a pas que les prépa HEC et ingénieur, encore qu’elles soient majoritaires. Il existe des filières où il n’y a pas assez de places au concours pour tous les élèves d’une même prépa, et où tous les concurrents les plus sérieux sont d’ailleurs regroupés dans la même classe. Je pense notamment à l’Ecole des Chartes. Je vous assure que là, la stratégie non-coopérative est non seulement rationnelle, mais encore parfaitement mise en place (de façon assez glauque, amha, pour le coup Denis n’y aurait pas survécu une semaine)
Concernant l’Ecole des chartes, pour avoir une informatrice qui m’est très proche, le très haut niveau du concours implique quand même des stratégies d’entraide, en particulier des échanges de fiches ou de colles, étant donné qu’il semble très difficile de tout ingérer tout seul. Il y a bien des stratégies individuelles, mais elles ne sont pas les seules – dans le lycée de ma prépa, il y avait aussi une prépa chartes qui n’a jamais placé personne faute d’entraide entre les candidats. Allez hop, une enquête de plus à faire.
Une pitite page de pub, si vous me permettez :
http://www.mafeco.fr/?q=node/198
Une pitite page de pub, si vous me permettez :
http://www.mafeco.fr/?q=node/198
@ Une heure de peine (16) : étant passé par une prépa chartes, je peux confirmer qu’il y a du vrai dans votre première phrase. En revanche, la seconde est très contestable. Car dans la réussite des élèves de telle prépa par rapport à ceux de telle autre, rentrent aussi des facteurs probablement plus importants : connaissance des épreuves et des jurys par les profs, "climat" propice à la réussite dans le lycée (i.e. dans les lycées de province qui intègrent ordinairement peu), importance d’un concours par rapport aux autres et partant organisation des cours (l’entrée à l’Ecole des chartes, sans majuscules, se prépare dans plusieurs lycées, parmi lesquels je suppose celui dont vous parlez, en même temps qu’Ulm avec quelques aménagements d’horaires et des programmes supplémentaires à ingurgiter). L’entraide entre candidats n’est sûrement pas la cause principale de l’absence de résultat dans ces prépas.
@Emmeline (15) : je confirme.